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Jusqu'à ce que les vagues cessent de nous bercer de Ramius



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» Auteur : Ramius - Voir le profil
» Créé le 16/08/2022 à 13:09
» Dernière mise à jour le 16/08/2022 à 13:25

» Mots-clés :   Absence de poké balls   Aventure   Conte

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Chapitre 3 : Marcheurs
La carchacrok furetait le nez dans le sable, cherchant un terrier de sapereau ou de rapion pour lui servir d’amuse-gueule en attendant le retour de son maître. Margar n’avait pas besoin de noter la régularité de son aileron pour savoir que c’était une femelle : l’impudence avec laquelle elle ignorait le mâle qui lui faisait des avances et le village qui les fixait du regard était plutôt caractéristique.

La scientiste était assise par terre, mettant au point le détail de son plan pour s’enfuir. Une poignée de villageois préparaient le corps d’Eldan pour les rites funéraires, les enfants étaient partis depuis longtemps, et au centre du village, l’Alchimiste faisait de son mieux pour rassurer les maracachis et les dissuader de partir. Mais ils partiraient, Margar en était certaine. Cela valait mieux pour tout le monde — et cela lui donnait un choix à faire.

Les deux Guerriers jaillirent des ombres à quelques secondes d’intervalles, se poignardant du regard. Mais les forces n’étaient pas équilibrées. La carchacrok femelle se rangea immédiatement du côté d’Onis, sans un seul instant d’hésitation, alors que le mâle dévisagea sa maîtresse pendant quelques clignements de paupières. Et lorsqu’il finit par incliner la tête au niveau de sa main, présentant son profil au Guerrier et à la dragonne dominante, il était évident que lui rechignerait à se battre.

Aixed n’avait aucun choix. Elle eut un reniflement de dédain à l’intention d’Onis, puis replaça son épée dans son dos et tendit la main vers l’encolure de son carchacrok.

Le Guerrier ne fit rien pour l’en empêcher. Elle partit, sans un mot, suivie des yeux par l’homme habillé de beige, sans jeter un regard en arrière.

Elle reviendrait. Elle rejoindrait au pas de course le nouveau bastion de l’Ordre (Yspèri ; Margar sentait encore l’indignation qui l’avait saisie quand elle avait appris quel endroit ils avaient choisi après la destruction de la Forteresse), elle prendrait le commandement d’une flèche qui s’était très certainement rassemblée là en attendant qu’elle revienne avec sa monture, et puis elle les traquerait et accomplirait la promesse qu’elle avait faite. Elle massacrerait les adultes et enverrait tous les enfants apprendre de force les voies de l’Ordre — et ceux qui n’en seraient pas capables n’auraient qu’à mourir en essayant. L’Ordre n’aurait aucune pitié.

Margar n’avait jamais vu que deux Guerriers en montrer. Et en sachant que le second serait traqué lui aussi, elle devait choisir de l’épargner en même temps que le village ou bien de l’abandonner à son sort.

La scientiste baissa discrètement la tête, profitant du regard d’Onis resté fixé sur l’horizon en tirant les mêmes conclusions. Comme si elle avait le choix. C’était la volonté qui lui manquait, la force de se relever et de commencer un combat dont elle ne voyait pas la fin.

L’épée, l’ancienne épée de Gorbak qui était restée immobile dans son coin depuis qu’elle avait libéré les poignets de Margar, bougea d’elle-même, et vint se ranger aux côtés de la scientiste. Le Spectre communiquait, encore, et Margar comprenait très bien. Elle avait su dès le départ qu’elle ne pourrait pas tourner le dos à cet homme dont elle avait appris le nom moins d’une heure plus tôt, et l’épée lui faisait savoir qu’elle appréciait ce choix. Cet engagement.

Margar secoua la tête. La tâche était plus immense qu’elle ne pouvait le formuler sur le moment. Elle pouvait seulement sentir qu’Aixed ne lui laisserait jamais la paix, pas avant qu’elle n’ait rétorqué par quelque chose de drastique. C’était un peu la même sensation que dix ans plus tôt, quand elle avait entendu une meute de démolosses saccager Yspèri et qu’elle avait su qu’elle ne retrouverait pas de nouveau foyer avant longtemps. Et de temps en temps elle sentait encore la tourmenter quelques-unes des questions sournoises datant de cette époque. Cette école était-elle assez ? N’était-elle pas retombée dans ses vieilles routines mortifères, refaisant chaque jour les mêmes rituels et refusant de se l’admettre ?

Dix ans et elle n’avait pas encore terminé d’arpenter ce chemin. Alors se voir jetée sur un autre, une fois de plus…

Un des panaches noirs servants de bras à l’épée se posa doucement sur la main de la scientiste, à la fois d’un froid surnaturel et imbibé d’une chaleur réconfortante. Margar avait au moins fini par comprendre comment elle fonctionnait à force d’enseigner (et cette épée semblait aussi le savoir un peu trop bien). Il faudrait prendre le temps de réfléchir plus tard ; maintenant était le moment d’agir. Le plan était prêt, il fallait le mettre en mouvement.

La scientiste se leva péniblement, sans arriver à éloigner l’impression que l’épée la tirait par le bras. D’une façon ou d’une autre, Onis détecta le mouvement et se retourna vers elle. L’expression vide et calme — terrifiante — sur son visage devint rapidement gênée. Et un souvenir se rappela à Margar, la dispute catastrophique qu’elle avait eue avec Gorbak le premier jour. Si elle ne franchissait pas tout de suite le gouffre entre eux, Onis resterait perpétuellement gêné.

« Allez, gamin, au boulot. »

Elle se détourna. Elle s’était parlée à elle-même, en quelque sorte, mais Onis pouvait la suivre s’il le voulait.

***
Le Guerrier prit son foutu temps, au moins aux yeux de Margar. Peut-être ne lui fallut-il qu’une nute ou deux pour bouger et abandonner les manières de statues que lui et ses frères et sœurs affectaient, mais cela parut une éternité à la scientiste : lorsqu’il arriva finalement à la tente de Galfar, l’Alchimiste se laissait déjà entraîner dans une expérience de chimie.

« C’est ma faute, grommela Margar. J’aurais dû profiter des dix dernières années pour te demander de réfléchir à des somnifères.

— Eh bien… Attends, vérifie dans mes affaires. J’ai peut-être séché quelques pousses de la dernière saison des Fleurs de Sommeils. Sinon il faut que je convainque les Marcheurs d’en faire pousser, mais ils ont déjà été bien assez dérangés aujourd’hui. Je devrais arriver à les titiller, si Eldan accepte que le village se remette en mar… oh, dieux.

— Tu l’as dit. »

Un villageois normal aurait profité du silence gêné de l’Alchimiste et des ronchonnements de Margar qui fouillait dans les sacs de toile contenant ses diverses préparations pour faire remarquer sa présence. Onis préféra sauter sur l’occasion de respecter la mémoire du mort (qu’il avait après tout plus ou moins contribué à tuer) pour se taire et rester immobile à l’entrée. La scientiste ne l’entendait pas de cette oreille.

« Inal-Gorbak, grogna-t-elle après avoir laissé passer quelques gondes de détente. Ça me plaît très peu de l’admettre, mais tu réfléchis plus vite que moi, alors je veux entendre ton avis détaillé sur l’avenir de ce village et le tien, et éventuellement ce que tu comptes y faire.

— Je ne mérite plus ce nom », fut tout ce qu’Onis trouva à dire.

Margar sortit le bras d’un sac de sachets contenant des échantillons floraux (non étiquetés, pourquoi diable Galfar se serait-il encombré avec ça) pour dévisager le Guerrier en plissant légèrement les sourcils.

« Je m’en contre-fous, cingla-t-elle.

— Ah. Euh, je…

— Tu auras tout le temps que tu voudras pour toi plus tard. Pour l’instant ton Ordre va attaquer mon village, et un peu d’aide serait la bienvenue. »

L’idée semblait totalement étrangère au Guerrier. Margar souhaita fervemment trouver, quelque part dans les sacs de l’Alchimiste, assez de patience pour éviter d’envoyer son poing dans ce grand nigaud.

Au moins jusqu’à entendre son histoire. Il serait injuste de le condamner avant de le connaître.

« Ce serait… le plus juste, déclara Onis sans sembler particulièrement concerné. Je suppose. Ce serait la chose à faire. »

La scientiste se mordit discrètement la joue droite et referma un sac contenant une Fleur des Nœuds pour le jeter par-dessus son épaule.

« Oui, mon garçon, répondit Galfar. Et quant à moi, je ferais mieux d’aller voir ces Marcheurs avant que ton Démon ne les pousse à déplanter leurs pieds. Il y a un village à mettre en route. »

Margar trouvait qu’il aurait été plus logique qu’il reste dans la tente et cherche ces satanées fleurs séchées pendant qu’elle allait parler aux villageois et éventuellement les rassurer avec un embryon de plan, mais l’Alchimiste s’éclipsait déjà. C’était bien sa veine. Elle était entourée de deux lâches (dont elle faisait peut-être partie ; autre question qu’elle se posait encore) et n’était pas assez vive pour les pousser à penser de façon logique.

Tant pis. Onis se décida enfin à parler.

« Cara va rassembler une flèche pour Aixed. Les meilleurs Guerriers sur lesquels elle pourra mettre la main ; il n’y aura pas de combat possible. Ni de fuite, si Aixed parvient à poser une marque sur les Cactus-Rythme, mais je devrais arriver à l’en empêcher. Nous aurions alors besoin d’une douzaine de jours pour que la trace du village s’estompe et qu’ils la perdent, et ce serait gagné. Mais Yspèri n’est qu’à quatre ou cinq jours de course ; en fait, pas plus de quatre pour une flèche. Je ne peux pas les retenir pendant quatre jours. »

C’était plus qu’il n’en fallait à Margar. Mais elle préférait des détails tactiques en trop grand nombre donnés par un spécialiste à des estimations approximatives faites par elle-même.

« Est-ce que la trace de ton dragon peut masquer celle du village ? Si tu nous tournes autour, ou si tu zigzague le long de la piste…

— Ça ne suffira pas. Le seul moyen de faire ça est de tourner autour violemment autour de sa flèche pendant qu’elle est immobilisée ou qu’elle dort : là, je peux effacer toutes les traces visibles. Mais Aixed ne se fera pas avoir. Il lui reste les étoiles pour s’orienter. Il faudra incurver le chemin pris par le village à partir de l’endroit où cesse la trace, et rapidement. Mais ça laisse les Démons et les… les épées, je peux m’en charger, ils ne verront que la mienne. Et les Démons… Il faudrait attendre qu’ils soient vraiment somnolents, peut-être épuisés, et fausser leur sens de la foudre.

— Mettons que tu fasses Aixed tourner en rond toute la nuit pendant qu’elle essaie de nous marquer, répondit Margar. Quand elle en a marre, elle part chercher sa flèche, et le village change de direction. Nous deux restons à proximité, dissimulés. Elle revient avec ses Guerriers, et je répands dans le sable de quoi les endormir et te permettre de dissimuler toutes les traces. Est-ce que le village sera assez loin ? »

Le Guerrier la regarda d’un air pensif, étonné. Soudain elle n’était plus une drôle de femme cynique parlant à des enfants toute la journée ; elle était un danger très net et très pressant pour lui, et elle le voyait. Il savait qu’ils étaient alliés de circonstance. Mais voir ce que permettait la science qu’il avait combattu toute sa vie durant pouvait vraisemblablement le faire douter un peu.

« Je pense, finit-il par articuler lentement. Mais nous deviendrons la cible. À deux, et poursuivis par une flèche. Ils nous rattraperont quand ils le voudront. »

Margar hocha sombrement la tête. Évidemment. Évidemment, mais elle n’avait pas vu venir ce coup-là. Elle allait devoir suivre Onis, sur le dos de sa carchacrok, en espérant ne pas le gêner en combattant son ancienne famille. Mais bien sûr, ne pas le gêner alors qu’elle se devinait incapable de se battre, qu’elle savait qu’elle le ralentirait, et qu’elle avait abandonné au bout d’une poignée de jours la dernière fois qu’un Guerrier lui avait proposé de passer ses journées sur le dos d’un satané carchacrok.

« Et puis merde, répondit-elle. J’ai survécu à plus improbable.

— M’en parles pas, » s’amusa Onis.

Le Guerrier ne regardait pas exactement Margar ; ses yeux étaient fixés dans le vague, et son visage avait prix un air nostalgique. Il ne s’était même pas rendu compte qu’il avait tutoyé la scientiste. Cette dernière décida de le voir comme un signe positif.

Et puis la forme dentelée de la fleur qu’elle sortit d’un sachet de tissu accrocha son regard.

« Enfin, grommela-t-elle. Onis, il me faudrait cinq fleurs comme celle-ci et Galfar a la sale habitude de les ranger une par une sans noter ce qu’il y a dans ses sacs. Tu pourrais me filer un coup de main ?

— Bien sûr. »

Au moins, il sembla soulagé d’avoir quelque chose à faire.

***
Les maracachis levèrent le camp au zénith. Les villageois soupirèrent, puis mirent leurs turbans, chargèrent leurs excavarennes de bât et le couple de donphans, et replièrent leurs tentes. Du moins, le peu qui n’avait pas encore été fait, en prévision. Le bosquet ne se souciait aucunement des humains avec lesquels il vivait en symbiose ; lui préférait marcher pendant que les heures chaudes lui donnaient plus d’énergie, et les nomades suivraient. Margar avait bien tenté d’attirer un cacturne dans le bosquet, qui aurait été plus attentif à son environnement et aurait pu pousser les maracachis à ralentir, mais les donphans avaient fait échouer deux tentatives et elle n’avait pas eu le cœur de tenter une troisième.

Marcher en pleine journée demandait de l’entraînement. Il fallait supporter la chaleur ; les habits des nomades étaient conçus précisément pour laisser passer le vent et bloquer la morsure du soleil, mais ce n’était qu’une partie du problème. L’air était chaud, les dunes brillaient, et l’effort même modéré de la marche ne tardait pas à faire perler la sueur au front de tout le monde. Il fallait aussi être capable de tenir la durée, les heures de marche. Et puis il fallait supporter la monotonie.

Margar surveillait Onis du coin de l’œil. Elle faisait confiance au Guerrier pour être capable de marcher toute la journée sans se plaindre, mais elle avait déjà couru sur un carchacrok, aussi, et elle n’avait pas tenu ; elle était encore bien consciente que ce n’était pas la même forme de monotonie. Et peut-être Onis y serait-il plus vulnérable qu’il ne le pensait.

Ce que la scientiste n’avait pas pris en compte, c’était l’épée. Le Spectre avait entouré ses bras autour de son torse après une centaine de mètres à peine, apparemment fatigué de flotter derrière elle. À l’étonnement de Margar, l’épée ne pesait presque rien, et apportait avec elle une sensation de froid qui compensait à peu près le fait qu’elle resserre son vêtement.

Elle entendit à peine Onis quand celui-ci se porta à sa hauteur. En fin de cortège.

« Margar. Ça va ?

— Je… »

Confusément, elle sentait qu’elle n’avait pas de réponse à apporter. Ce qui n’était pas nécessairement inquiétant. Il n’y avait simplement rien à en dire.

« Descends, ordonna Onis d’un ton assuré qui tranchait radicalement avec tout ce que Margar l’avait entendu dire. Vous pourrez faire connaissance quand elle t’aura acceptée. »

La scientiste lui retourna un regard interloqué. Puis les panaches de l’épée la quittèrent à contrecœur, et le froid surnaturel s’affaiblit un peu, écarté par la présence écrasante du soleil. Le Guerrier dévisageait l’épée d’un air sévère, les panaches de la sienne à moitié décrochés et prêts à frapper à tout moment.

« Oh, pluie, jura Margar. Et ça va continuer comme ça ?

— Je t’apprendrais, assura Onis. Ou je lui apprendrais. Avec une épée âgée, c’est plus difficile de faire la distinction. »

Il reçut un grognement dépité pour toute réponse. Margar releva la tête et se coula de nouveau dans le rythme de la marche. Le Guerrier avait intérêt à s’en sortir seul, parce qu’elle n’avait aucune envie de l’aider.

***
Les villageois laissèrent Margar dormir le lendemain matin, et ne la réveillèrent que lorsque les maracachis commencèrent à frémir et à se tendre vers le soleil, prêts à partir. La scientiste apprécia le geste ; Onis avait insisté pour prendre le premier tout de garde, le plus susceptible de voir Aixed attaquer, et Margar détestait se réveiller au milieu de la nuit.

Geste appréciable, et en même temps désagréable. Onis insista pour discuter avec elle avant de partir, et elle n’était vraiment pas assez réveillée pour ça.

« Aixed est revenue, entama-t-il.

— Comment ça ? Pourquoi était-elle partie, déjà ?

— Margar, je te l’ai expliqué hier soir.

— Avant de me réveiller pour un tour de garde et de foutre ma nuit en l’air. Réexplique.

— Bon… Elle ne peut pas laisser son Démon courir trop longtemps de nuit parce qu’il prendrait froid, ni s’établir trop proche de nous, parce que je sentirais sa présence assez précisément pour aller l’attaquer par Hantise. Elle s’est donc éloignée, et elle était censée retourner chercher sa flèche pour avoir une chance. Mais maintenant, elle est revenue en distance de poursuite. Je la sens à une bonne douzaine de kètres d’ici.

— D’accord, la scientiste affirma-t-elle en s’efforçant de ne rien oublier. Donc qu’est-ce qu’on fait ?

— C’est la question. On peut difficilement l’attaquer — sans vouloir t’offenser, tu ne serais d’aucune aide…

— Aucune offense. Il y a même des gens qui en seraient fiers.

— … et je ne peux pas emmener mon Démon avec moi, donc elle aurait un avantage net. Aucun de nous ne peut bouger sans que l’autre ne le sache et ne se prépare. Et c’est pour ça qu’elle a besoin de renforts.

— Hmm, grommela Margar. Merci. Je suppose.

— Est-ce que ces somnifères peuvent fonctionner sur elle ?

— Mais quel est l’intérêt pour elle ? De rester, je veux dire. Si elle ne peut rien faire non plus.

— Elle peut attendre que nous fassions une erreur. Et je te garantis qu’elle-même n’en fera pas.

— Eh bien, commença Margar avant de fermer les yeux avec une légère nausée. Euh. Il faut… Il faut qu’elle soit dans notre piste pour que ça marche. Exactement dans notre piste. Est-ce qu’elle va passer ici ?

— J’espère. Si nous avions mis en place des fortifications, nous ne pourrions pas en cacher les marques, et sinon, elle pourrait préparer une attaque de nuit.

— Tu espères ? Tu ne penses pas ?

— Margar, elle est revenue alors que j’étais persuadé qu’elle allait prendre la tangente, et ça fait plus de dix ans que j’entends littéralement chaque mot qu’elle prononce. Ce que je pense n’est pas fiable. »

Le Guerrier avait l’air peiné en disant ces mots. Ce n’était peut-être pas illogique. Margar se sentait trop fatiguée pour relever.

« Très bien, alors, répondit-elle. Je vais préparer une double dose pour son carchacrok et elle. Et je la laisserai derrière nous en partant. »

Onis hocha la tête, sombrement. Le plan ne lui plaisait pas, pour des raisons que Margar pouvait au moins deviner. Elle n’en dit rien. Elle voulait juste en avoir fini avec les deux ou trois premières heures, et avoir la tête claire. Se plonger dans la simplicité pure de la marche et non dans l’abrutissement fatigué qu’elle trainait de cette nuit en deux moitiés.

Au milieu du campement, les maracachis déplantèrent leurs racines et commencèrent à avancer, de leur démarche hésitante de culbutos, faisant parfois un tour complet sur eux-mêmes, et laissant un sillage serpentin dans le sable.