Microcosme de Praxy

« Tu es sûre de vouloir venir ?
- Oui, je vais bien ! Regarde. »
J'ai fait quelques petits sauts, amortissant chacun avec succès.
« Ça fait une semaine, et l'infirmière dit que je peux reprendre le travail. Je ne vais pas vous laisser seuls tous les deux !
- M-merci Kyoko, c'est … c’est sympa de ta part…
- Puisque tu vas mieux, pourquoi on traîne ? »

J’ai hoché la tête et les ai suivis sur les abords de Smashings. Depuis une semaine, Cathy et moi avions appris comment les choses fonctionnaient ici. Shawn, en tant que Ranger en Chef mais aussi Top Ranger, était parfois appelé en renfort pour d'autres missions, et nous devions nous occuper de la base. Sinon, Cathy et Kyle faisaient des patrouilles autour de la ville pendant que Shawn prenait en charge les demandes des habitants. Je m’étais sentie inutile tout du long, alors sortir et aider mes camarades rangers était très stimulant.


Même si je savais qu'il ne fallait pas que je me pousse trop loin, ça faisait du bien de se remettre sur pied. Comme il n'y avait aucun problème en vue, nous avons utilisé notre temps libre pour nous entraîner. Cathy travaillait son lancer et sa visée, elle touchait quasiment à chaque fois. De son côté, Kyle avait un peu plus de mal avec la capture.
J’ai remarqué qu’il utilisait un Capstick modèle d’Almia, repris avec les couleurs de Macros Cosmos. Facile à prendre en main et avec le minimum de fonctionnalités, c’était un modèle très répandu et sa version bridée constituait le Capstick étudiant que j’avais utilisé quelques années plus tôt, quand je débutais moi-même.

Cependant, Kyle nous avait parlé avec tellement de passion de ses projets entourant ces appareils, je ne m’attendais pas à ce qu’il en possède un modèle par défaut. C’est en le regardant faire que j’ai compris qu’il n’avait pas encore pris l’habitude de la capture au Capstick. Je l’ai interrogé :
« Dis Kyle… Pourquoi tu as voulu devenir ranger ?
- Hein ? »
En se retournant de surprise, il a envoyé son disque de capture se coincer dans un arbre, laissant s’enfuir le petit Rongourmand qu’il avait pris pour cible.
« C’est raté… »
Il avait une mine déçue, alors je lui ai décroché mon plus grand sourire.
« Ça marchera mieux la prochaine fois ! »
Soudain, nous avons entendu un bruissement derrière nous. Un Rongrigou venait de tomber de tout son poids, délogé de son arbre à cause de la maladresse de Kyle. Il a fait un pas en arrière, agitant frénétiquement son bras pour essayer de déloger son disque, sans succès.
En un instant, j'ai dégainé le mien. Il s'est agité, reconnaissant l'objet qui l'avait dérangé. Il s'élança dessus, mais ce n'était pas une flèche. Il courrait maladroitement avec ses pattes trop petites et sa queue trop grosse. J'ai commencé à dessiner des cercles, et il a continué à courir après. Je n'avais plus qu'à faire des boucles de plus en plus grandes pour finir la capture sans problème. C'était comme voir un Morpeko sur une roue, tentant d'atteindre son but encore et encore avant de finalement céder.

Une fois le gros Pokémon calmé, je me suis approchée pour le caresser. Kyle était encore méfiant.
« Il risque pas de te manger, tu sais ? Je l’ai calmé…
- J-je sais mais…
- Faut pas avoir peur comme ça… »
Il a hoché la tête mais n’a pas bougé d’un poil. J’ai demandé au Rongrigou de nous rendre le disque de capture coincé dans l’arbre avant de le libérer.

Kyle avait les yeux baissés.
« Dé…Désolé, je suis pas très doué…
- C’est pur ça que t’utilise encore un Capstick d’entraînement ?
- Pardon ?
- Ton Capstick, c’est un Capstick étudiant ? Ou juste la version M.C du Capstick d’Almia ?
- Oh… Ou…oui, c’est un Capstick étudiant… Même si j’suis ranger officiellement, j’ai encore du mal… En plus je suis pas souvent sur le terrain.
- Y a pas de honte à avoir. »

Il ne m'a pas répondu. Au lieu de cela, il s'est assis sur un rocher, la tête basse.

« Tu penses que je ne devrais pas être un ranger ?
- Non, pas du tout !
- Alors pourquoi m'as-tu demandé pourquoi je voulais en être un ? »
Le bruit a attiré l'attention de Cathy qui nous a rejoints. Je lui ai répondu :
« J'étais juste curieuse. Ça se voit que tu aimes la technologie et que tu veux aider les gens, donc c’est logique que tu sois un technicien ou un mécanicien. Mais tu es aussi ici, sur le terrain, et tu ne sembles pas avoir autant confiance en toi dans ce domaine.
- J’veux pas t’démoraliser, mais Kyoko a raison. Tu t’es amélioré depuis qu’on s’est rencontré mais t’as toujours du mal.
- je sais, je sais, je sais ! »

Il a enfoui son visage dans ses mains, en sanglot. Je me suis assise à côté de lui. Cathy était muette, mal à l’aise après les mots durs qu’elle avait eu.
« Tu sais Kyle, tout le monde a sa pierre à apporter à l’édifice. Je ne dis pas que tu t’es trompé de voie, je pense même que c’est sans doute la bonne pour toi. J’aimerai juste savoir pourquoi… »
Il a essuyé ses larmes, encore tremblant, et a repris son souffle. Cela lui a pris quelques temps avant qu'il ne nous raconte enfin :
« Quand nous étions jeunes avec mon frère, c'était... Compliqué… La mère de Shawn avait des enfants d'une relation précédente, et … et notre père a divorcé pour une autre femme q-qui avait aussi des enfants... Et ils m'ont eu, ensemble...
Même si on est juste demi-frères… nous avons toujours été très proches. Mais on s’est retrouvés à être les… les enfants les moins appréciés de la famille. La mère de Shawn se battait avec s-son précédent mari en achetant l'amour de ses enfants. Mon père a pris exemple sur elle et … et il voulait que les enfants de ma mère l’apprécient aussi.
Mais Shawn était là pour moi alors que personne n'avait jamais été là pour lui. La goutte d'eau qui a fait déborder le vase, c'est lorsque deux de nos demi-frères et sœurs, à peu près du même âge que Shawn, ont été parrainés par notre père pour participer au Défi des Arènes.
Shawn, lui, n’a rien eu.
Il était furieux. Cela faisait des années qu'il rêvait de participer, mais il n'avait jamais pu. J'avais huit ans et il en avait quinze quand c'est arrivé.
Du jour au lendemain, il avait disparu… Il avait emporté le peu d’affaires personnelles qu’il avait et s’était enfui… Mon père et ma mère l’ont pris à la légère, en disant qu’il reviendrait avec un regard de Ponchiot battu lorsque son ventre crierait famine…
J’étais terrifié et je me sentais plus seul que jamais. Pendant des jours, j’ai espéré qu’il revienne. Je me suis rendu compte de tout ce qu’il avait dû endurer tout ce temps, et il me manquait terriblement…
Deux semaines plus tard, il était revenu. Mes parents ont gardé cet air arrogant, jusqu’à ce qu’ils réalisent que Shawn n’avait rien à faire d’eux. Il ne leur a pas dit un mot, ni à eux, ni à nos frères et sœurs. Il m’a pris à part dans ma chambre et il m’a demandé si je voulais venir avec lui. J’ai pas hésité une seconde.
On a emménagé dans un petit appartement miteux, mais on était tous les deux… Il avait trouvé un travail comme employé de la Ligue de Macro Cosmos. Il a pris une petite revanche sur nos demi-frères et sœurs… Quand ils avaient enfin réussi à atteindre le tournoi final, il les a fait s'affronter pour la premier tour, et a fait en sorte que le vainqueur doive affronter le favori du tournoi, Roy… Ils se sont fait humilier.
Shawn a travaillé très dur là-bas… Deux ans plus tard, quand j'ai eu l'âge de participer au Défi des Arènes, il m'a parrainé pour que je puisse participer. Je ne suis pas allé loin, mais j'étais vraiment heureux…
Ensuite, on lui a proposé de rejoindre une branche en préparation à M.C. … la branche Ranger. C'était encore officieux, mais il a accepté. Il m'en a parlé, alors j'ai fait quelques recherches... Et je m'y suis vraiment intéressé. J'ai toujours voulu être comme lui, et c'était ma chance... Alors il m'a fait rejoindre et voilà comment j’en suis arrivé là… »

Quand il a eu fini de raconter son histoire, il était au bord des larmes et tremblant. Je l’ai serré dans mes bras, lui provoquant un sursaut. Il m’a rendue mon étreinte.
« M…merci…
- C’est normal… On est partenaire, hein ? »
Il a acquiescé avec un petit sourire avant d’essuyer ses larmes.
« Tu n'es pas... en colère contre moi ? Que je n'aie pas une vraie motivation ou quoi…
- Pas du tout ! J'ai été comme ça pendant longtemps…
- Ah bon ? »
J’ai hoché la tête, mais j’ai baissé le regard. Cathy s’est assise de l’autre côté de Kyle, les yeux levés au ciel. Après un moment, elle a soupiré :
« Au fait Kyle…Je voulais m’excuser. »

Kyle et moi l’ont dévisagée. Elle s’est pris le visage dans les mains avant de s'expliquer :
« La famille Magus... Elle est connu pour être actionnaire dans plein de grosses entreprises de Galar et des régions environnantes. Et autant, ils sont relativement accepté ici, j’peux te dire que quand ils prennent des parts à Paldea ou à Kalos, ça fait jaser. Ils sont super-riches… J’croyais que vous n’étiez que des gamins gâtés qui avaient eu leur place avec l’argent à Papa.
- Cathy, tu ne devrais pas…
- T’en fais pas, Kyoko… Je n'aime pas vraiment mon père non plus… »
Il m'a regardé avec un air désolé mais plus confiant. Je me suis tue, ne sachant pas quoi lui répondre.

Un silence gênant a flotté, jusqu’à ce qu’il reprenne :
« Et toi Cathy, y a une raison particulière pour que tu sois devenue une dresseuse ranger ?
- Une raison particulière… On peut dire ça comme ça, j’imagine… »
Elle n’a pas poursuivi tout de suite, manipulant son lasso et ses Ball. Devant notre attente, elle a continué.

« Quand j’étais petiote, je vivais à Kalos, à Batisques plus précisément. Et pas dans les beaux quartiers des cartes postales, plutôt les quartiers modestes et abandonnés. Mon père est un dresseur ranger volontaire, autant dire que c’est pas le meilleur gagne-pain. C’est ma mère qui devait nous supporter avec son boulot comme femme de ménage à la Maison de Combat. Un boulot ingrat mais comme ça on arrivait à s’en sortir.
À Batisques, y a un parc naturel. J'y allais souvent. J’suis devenue plutôt forte pour attraper des Pokémon, mais je ne pouvais pas les garder, y fallait apporter ses propres Balls. J'ai commencé des recherches sur les concours de capture, les techniques et ce que je pouvais faire plus tard. J’ai découvert que certains font de la capture leur métier. Mais... Mais quand j'ai dit à mes parents c’que je voulais faire… Mon père n'était pas très chaud pour ça. Au début, je ne comprenais pas...
Je ... J'ai utilisé le peu d’argent de poche que j'avais pour acheter des Poké Balls et je suis allé au parc. J'ai attrapé Grix et Mimi, c'était des Psystigri à l'époque, et quelques autres. J'avais prévu de fuguer. Mon père m’a rattrapée tout d’suite. Il m’a dit que ce milieu, c’était plein de trafiquants et de marché noir, qu’il voulait pas me voir là-dedans.
Bien sûr, j’lui ai dit que je deviendrai pas comme ça, mais il s’inquiétait quand même. Il avait peur pour ma réputation, et la sienne aussi du coup. C’est comme ça que je me suis engagée avec la Fédération. J’suis devenue dresseuse ranger affiliée, j’ai été formée, j’ai appris tout ce que j’sais avec le matériel fourni. Et une fois que j’ai fini ma formation, je suis retournée sur le terrain, pour arrêter ces trafiquants. Mais j’me suis aussi rendue compte… J’me suis rendue compte que le problème, c’est le système. Si ces gens continuent de prospérer, c’est qu’il y a une demande et personne ne cherche à les empêcher… Surtout pas les grosses entreprises qui en profitent grassement. Ça me dégoûte et pourtant… pourtant je ne peux rien faire… J'aimerais pouvoir mais… »

Je me suis levée d’un coup et j'ai pris ses mains, la regardant droit dans ses yeux emplis de surprise.
« Tu le peux, et je dirai même plus, tu le fais déjà. On est des rangers, même si en tant qu'individu, on ne peut pas faire grand-chose, ensemble, nous pouvons changer le monde ! »
Elle a baissé les yeux et a ricané avant d’exploser de rire. J'ai reculé, déconcerté, pendant qu'elle se calmait. Des larmes coulaient sur ses joues.
« T’es sacrément optimiste, tu l’sais ça ?… Mais… Peut-être que t’as raison… »
Elle s’est perdue dans ses pensées pendant un moment. Je lui ai souri, à ce moment-là elle m'a attrapé et m'a fait asseoir.
« Tu nous as fait pleurer avec nos souvenirs douloureux, à ton tour maintenant ! »

Je me suis soudainement sentie beaucoup moins à l'aise mais j’ai pris une grande inspiration pour ne pas me laisser impressionner.
« Eh bien, je viens d'Almia... Vous voyez un peu où c'est ? »
Devant leur silence gêné, j’ai expliqué :
« C’est une petite région au sud de Sinnoh, c’est notamment là que se trouve le QG de la Fédération Ranger et l’École des Rangers. Comme il n’y a pas de ligue là-bas, les rangers ont beaucoup d’influence… Donc les enfants d’Almia rêvent de devenir ranger comme les enfants de Galar rêvent de participer au Défi des Arènes. Enfin, j’imagine. Donc je pourrais dire que j’ai toujours voulu être ranger, même si ça serait un peu mentir…
- Ah bon ?
- J’ai eu pas mal de chose à comprendre… J’ai grandi au Village Alorize, c’était un endroit isolé, coincé entre l’océan et le désert. Le chef de la base ranger locale s’appelait Gunter. Il était très respecté et je l’appréciais beaucoup aussi. Pour devenir ranger, j’avais pas un million de solution. Il fallait que je sois accepté à l’École des Rangers, ou alors que je sois recrutée par ma base locale. Chaque année, j’envoyais des lettres à l’école, la fédération et la base, dans l’espoir que ça marcherai. Je n’ai jamais reçu de réponse positive… jusqu’au jour où j’ai reçu une visite de Gunter. Il m’a dit qu’il ne pensait pas que j’avais ce qu’il fallait pour être ranger, mais qu’il était prêt à ma laisser une chance… Du coup, je suis devenue une sorte de … Stagiaire Ranger ? J’étais considérée comme une étudiante ranger, mais sous la responsabilité de mon chef…
- Et du coup, t’es juste devenue ranger comme ça ? Bah, ça va… »
J’ai secoué la tête et leur ai raconté mes mésaventures au campement Froidur, ma rencontre avec Goupix, mon énorme erreur de jugement, comment j’ai fini sous les eaux gelée du lac des Glaces.
Les deux étaient suspendus à mes lèvres mais je trouvais de plus en plus difficile de continuer. J’ai fermé les yeux alors que des souvenirs douloureux me remontaient. Je croyais pouvoir me détacher de mes émotions après tout ce temps, mais j’avais eu tort. Pour ne pas me laisser submerger, je ne me suis pas forcée à nager à contre-courant. Tout en me remémorant, j’ai résumé ce moment douloureux, comme je le pouvais.




« Elle reprend connaissance…
- Bien… »
Erwind et Gunter se tenaient debout à côté de moi. Le médecin s’est penché au-dessus de moi en passant sa main sur mon front.
« J’ai craint que nous allions te perdre. Tu étais dans un état d’hypothermie sévère.
- M... Merci de m'avoir sauvée… »

Gunter a tourné la tête, ne daignant pas me regarder.

« Dès qu'elle est capable de se tenir debout, on retourne au bercail.
- Ne sois pas si dur avec elle, après ce qu'elle a vécu…
- Elle est la seule responsable, elle ne peut s’en prendre qu’à elle-même. »

J’ai passé plusieurs jours à moitié dans les vapes, pour récupérer. Si les différents Pokémon se relayaient pour maintenir la chaleur, Goupix restait toujours à mes côtés. Au moment de repartir, elle s’accrochait à mes bottes. Je l’ai attrapée dans mes bras.

« Je peux la garder ?
- Non, d’ailleurs elle aurait déjà dû être relâchée.
- Erwind l’a relâchée, mais elle a continué de traîner autour du camp… »

Elle a agité sa patte qui était maintenant marquée d’une cicatrice. Gunter a marmonné quelque chose d’inaudible, mais il a fini par accepter, en arguant qu’étant donné son type il serait capable de s’adapter à un climat plus chaud.

Les jours suivants se sont écoulés comme dans un brouillard. De retour au village, j'ai commencé à entendre des rumeurs. Le chef avait les doigts de sa main gauche dans des pansements et le bruit courait que c'était ma faute. J'avais l'impression de n'avoir plus rien pour moi. Comme si le monde entier me disait de disparaître. Ce que j'avais fait était stupide, je le réalisais, mais j’avais tellement désiré prouver ma valeur. Cela n'avait plus grande importance, j'avais foutu mon avenir en l'air.

Mon seul compagnon était Goupix, mais elle ne pouvait pas faire grand-chose. Elle a pas arrêté de me mordiller pour me faire sortir de mon état de dépression. Mais la culpabilité m’enfermait à l’intérieur de moi-même. Sans trop savoir à quoi m'attendre, j’ai fini par me rendre à la Base Ranger. En rentrant, Gunter m’a toisée avec un regard noir. Je me suis confondue en excuses jusqu’à ce qu’il me fasse signe d’arrêter. Il a retiré ses bandages. Ses doigts étaient noircis et gonflés.

« Ceci. Ce sont des gelures, des brûlures par le froid. Je les ai eues en tenant la corne de Pingoléon pendant que je te secourais. Ça, c'est ta faute. »
Je me suis mordu les lèvres pour ne pas sangloter mais j'avais tout de même les larmes aux yeux. Je voulais détourner les yeux, ne pas voir les horribles blessures que je lui avais infligées contre ma volonté. Mais je n'en avais pas le droit. Je lui ai fait face, rassemblant tout mon courage pour lui exprimer, aussi clairement que me le permettait ma voix tremblante, ce que je ressentais.

« Oui, c’est de ma faute… J’ai insisté auprès de vous parce que je voulais devenir ranger. Mais je ne comprenais pas ce que ça impliquait. J’étais trop fière, et je voulais que vous soyez fier de moi… Mais tout ce que j’ai fait, c’est agir témérairement. Je sais que je ne pourrais pas réparer ce que j’ai fait. Je crois que je comprends mieux maintenant, ce que ça signifie d’être ranger… mais je sais aussi que je ne le mérite pas. Je tiens simplement à m’excuser et j’espère que vous pourrez un jour me le pardonner… »
Je m’attendais à toutes sortes de réponses, de la réprimande au traitement silencieux, mais pas a celle que j’ai finalement obtenue.
« Alors, qu’est-ce que tu comptes faire maintenant ?
- Je ne sais pas. Pour tout vous dire, j’ai perdu tous mes repères.
- Soit. Je suis agréablement surpris que tu sois venue et que tu aies eu le courage de confronter les conséquences de tes actes.
- Il fallait de je le fasse.
- … Je suis prêt à te donner une seconde chance, à une seule condition.
- Laquelle ?
- À partir de maintenant, tu écouteras chacun de mes ordre, sans jamais discuter. À la première effraction, aussi minime soit-elle, tu es dehors. Est-ce que je me suis bien fait comprendre ?
- Parfaitement. »

Malgré moi, j’esquissais un sourire, des larmes de joies aux yeux. Tout n'était pas perdu.



Quand j’ai achevé mon récit, je tremblais de tout mon corps. J’ai repris mon souffle, la gorge serrée. Cathy, les poings serrés, s’est exclamée :
« Et t’es devenue ranger après tout ça ?! »
Je ne pouvais pas soutenir son regard, mais je lui ai tout de même répondu :
« Je sais, c’est une sacré ironie, n’est-ce pas ? Ça aurait dû être la fin pour moi… Mais ça m'a fait réaliser… Non, ça m'a donné le besoin d'être ranger. »
Cathy s’est dressée, m’a attrapée par le col et soulevée.
« Non mais tu te rends compte de ce que tu déblatères là ?! Tu t’es mise en danger, t’as mis en danger d’autres gens et ils t’ont quand même prise ?! C’est quoi ce délire ! »
Sous le choc, je n’ai trouvé aucune réponse à donner. Kyle lui a attrapé le bras, tremblant comme une feuille.
« C…Cathy, l-laisse la…T-tu m’fais p-peur… »
Avec un grognement, elle m’a lâchée. Après m’être maladroitement réceptionnée, j’ai repris mon calme et j’ai affirmé, mon regard planté dans ses yeux.
« Si tu ne me fais plus confiance après ça… sache qu'être Ranger est ma raison d’être maintenant. Je ne crois pas au destin ou quoi, mais... je sais qui je suis, je sais que c’est ce que je dois être. Je sais que Gunter n'était pas du genre à laisser des erreurs sans conséquences. Je ne peux pas me souvenir du nombre de fois où j'ai été réprimandée pour avoir porté la mauvaise couleur de chaussettes... et pourtant il m'a acceptée après ça. »
Cathy s’est retournée, toujours frustrée. J’ai continué malgré tout.
« Tu sais, pendant longtemps, quand quelqu'un lui posait des questions sur les cicatrices sur sa main, il lui disait que c'était ma faute. Et qu'il gardait un œil sur moi pour cette raison. Mais quand le conseil mené par la présidente Marthe est venu vérifier la base avant que je vienne à Galar... Je m'attendais à ce qu'il refuse que je parte. Au lieu de ça, il leur a montré ses doigts et leur a dit… Il leur a dit : "Ça, c'est sa faute… Mais si je pouvais revenir en arrière, je le ferais à nouveau. Parce que vous avez devant vous l'une des meilleurs ranger que j'ai eu sur cette base". Je veux croire qu’on a pu passer outre ce mauvais départ… Et pourtant, je ne peux pas passer le sentiment de culpabilité et de responsabilité que je porte depuis ce jour-là… »

Cathy s'est raidie, les poings serrés. Kyle s’est approché d’elle avec un ton qui se voulait apaisant.
« S’il te plaît, Cathy… T-tu devrais t’excuser… Je sais que c’est énervant… mais t’avais pas à l’attraper comme ça…
- Soit. Je suis désolé Kyoko. »
Son ton était froid mais elle nous a jeté à tous les deux un regard affligé.
« Je retourne à la base. À plus tard… »


Je suis restée là, ne sachant plus quoi faire, jusqu'à ce que je sois distraite par Kyle qui triturait son Capstick et son disque de capture. Nous sommes rentrés à Smashings sans un mot. Nous avons trouvé le ranger formateur discutant avec Shawn. Elle est partie dès que nous sommes arrivés. Nous avons fait part de nos inquiétudes mais notre chef nous a assuré qu'ils avaient déjà parlé et que tout irait bien. J'espérais qu'il avait raison.