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Ame d'Argent de Van Lambda



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Informations

» Auteur : Van Lambda - Voir le profil
» Créé le 10/08/2022 à 23:55
» Dernière mise à jour le 14/09/2022 à 22:57

» Mots-clés :   Kanto   Science fiction

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Chapitre 1 : Mimique
« Alors... 1er Novembre, rapport n°493 sur le projet SylphIA...
L'intelligence artificielle a été transférée dans le réceptacle sans encombre. L'objectif des tests d'aujourd'hui sera de vérifier la coordination de l'IA et du réceptacle en condition de combat. D'un instant à l'autre, le modèle– ah, il ouvre les yeux ! Parfait, parfait. Bonjour, modèle 96 ! »

La voix semble appartenir à un vieil homme en blouse de laboratoire, coiffé d'un chapeau rouge fort inapproprié, probablement par déni de son alopécie. Couplé à sa moustache broussailleuse, son visage m'évoque le nom de Tarinorme.

« Où suis-je ?
- Oh, excellente question, excellente oui. »

Le vieillard relève ses lunettes alors qu'il s'éclaircit la gorge.
J'ai des doutes sur la nécessité de cet accessoire, les verres semblant n'avoir aucune correction.

« Tu es chez toi, modèle 96 !
Quant à moi, je suis le professeur Vitis, mais tu peux m'appeler... "papa" !
- Bien, Professeur. »

Le scientifique reste muet un instant, puis s'éclaircit la gorge de nouveau.
Ou peut-être tousse-t-il ?

« Rejoins-moi, 96 », dit-il en s'approchant d'une porte au fond de la pièce.

Je traverse la salle lentement, observant les alentours.
Ce bureau est dans un désordre effroyable.
De nombreux plans jonchent les tables, et des corps mécaniques à vague forme humaine les surplombent sur les murs, accompagnés de photos de personnes familières.

« Curieux, je vois ? Bien, bien, cela est rassurant ! »

Il a l'air enthousiaste. Tremblant, même.

« Parfait, tes fonctions motrices semblent opérationnelles, modèle 96. Hmm... »

Il se gratte le menton, perplexe.

« Peut-être serait-il judicieux de te trouver un vrai nom. Pourquoi pas... Ah je sais ! Puisque de ton modèle nous avons remplacé le rouge par du cuivre, je te nommerai Copper ! C'est court, c'est marquant, ça rentrera bien dans les esprits.
- ...Copper ?
- Oui, c'est ça ! Tu apprends vite, l'inverse m'aurait étonné. »

...Mon modèle ?
Mon regard se tourne vers un miroir à proximité.

Le reflet porte une casquette cuivrée littéralement vissée sur son crâne, accordée à sa veste et estampillée du même S que la blouse du professeur. Et sous cette veste, un t-shirt noir arborant un logo inutilement complexe, accompagné d'un pantalon teint du même gris que sa peau.

Cette silhouette me rappelle quelqu'un, mais c'est la mienne, semble-t-il.
Elle suit mes mouvements, en tout cas.

Le vieil homme me regarde avec fascination.

« Un problème, Professeur ?
- N-non non, pas d'inquiétude. Tout cela est au contraire très encourageant.
Suis-moi, Copper, il est temps de passer à l'action. »

Nous déambulons dans les couloirs pour ce qui semble une éternité.
Le professeur sort de sa poche un appareil blasonné du mystérieux S lui-aussi.
Un mystère rapidement levé lorsque j'aperçois le même symbole sur les murs d'un corridor, accompagné de l'inscription « Sylphe SARL ». Il le porte à l'oreille et entame la discussion, occasionnellement se tournant vers moi pour m'adresser un sourire.

Son premier interlocuteur semblait être un subordonné, tandis qu'il parlait au second avec une politesse presque maladive. Quelque chose me dit que nous ne serons plus seuls très longtemps.

Enfin, nous arrivons dans une grande salle jonchée de pierres et de végétation, marquée au sol d'un plan de stade – sans doute un terrain d'entraînement. Un individu en combinaison orange et noire signée Sylphe pénètre l'arène par la porte opposée, avec à sa ceinture une unique sphère rouge et blanche qui ne m'est pas inconnue. Le professeur me tend une balle du même acabit, puis me dit d'un ton déterminé :

« Prends cette Poké Ball et montre-nous ce que tu as dans le ventre, Copper ! »

Derrière lui se dresse un vieil homme en costume noir, à la pilosité faciale nuageuse et la coupe de cheveux discutable mais semble-t-elle assumée, le gentleman étant dénué de couvre-chef. Son air sérieux, contrastant avec son visage de Doudouvet, et le S doré sur sa cravate m'indiquent qu'il s'agit sûrement du maître des lieux.

Les interactions chaleureuses du professeur laissent place à une lourde ambiance solennelle. Je ne suis conscient que depuis peu, mais j'ai pourtant déjà l'impression que le monde entier repose sur mes épaules.

Les regards tournés vers moi, je lance la Poké Ball, comme si je l'avais déjà fait un millier de fois.

Un bipède brunâtre aux lames aiguisées s'échappe de la capsule et se met en position de combat – un Minotaupe. Mon adversaire lui oppose un effroyable ansériforme que je reconnais comme un Magmar, portant au cou une singulière pierre violette. Les deux belligérants éveillent en moi myriades de souvenirs jamais vécus me dévoilant des informations à leur sujet : mon allié est un être de Sol et d'Acier, lui donnant un avantage offensif et une faiblesse défensive face à notre rival de Feu. Le premier à agir prendra alors l'avantage, et malheureusement les statistiques ne semblent pas jouer en notre faveur.

Le vieux Vitis entame un décompte alors que lui et ses compères de la Sylphe s'équipent de lunettes de sécurités rouges et vertes :

« En garde ! Trois, deux, un... C'est parti ! »

Il appuie sur une télécommande dans un élan dramatique, et un déluge de sable s'abat alors sur l'arène, libéré par des valves en périphérie de la salle. Le professeur semble vouloir en mettre plein la vue à son supérieur. À l'arrière de la capsule dont a émergé mon champion est lâchement attaché un morceau de papier, sur lequel est écrit de manière presque illisible « Trépignement, Tunnelier, Piège de Roc, Tour Rapide ».

Un intriguant panel de capacités s'offre à nous :

Un Piège de Roc me serait d'une grande utilité, mais mon adversaire ne porte qu'une seule Poké Ball à sa ceinture, et par conséquent pénaliser ses changements de Pokémon me paraît bien futile. Tunnelier pourrait l'abattre d'un coup, mais les chances sont assez maigres si la pierre à son cou est un Évoluroc, artéfact mystérieux prodiguant aux créatures n'ayant pas atteint leur plein potentiel une défense accrue. Un Tour Rapide ne fera que peu de dégâts, mais l'augmentation de vitesse qu'il procurera nous permettra d'asséner un second coup avant que l'ennemi n'ait le temps de riposter, et nous assurera une victoire prompte. Mon Minotaupe devrait supporter le choc d'une attaque sans choir, sauf si l'employé de la Sylphe est assez brave pour risquer l'échec d'une Déflagration. Ma stratégie semble toute tracée, mais j'ai l'impression qu'une donnée m'échappe...

Le fouisseur tourne sa tête vers moi, attendant mes directions. Il paraît incapable de tenir en place, comme prêt à bondir à toute vitesse. Je réalise enfin ce qui m'échappe : le Professeur ne m'a fourni aucune information sur le talent inné de ce Minotaupe, mais il semble être de ceux qui filent comme la foudre quand ils baignent dans le sable. Dans ce cas, le choix ne fait aucun doute :

« Tunnelier ! », j'hurle à mon partenaire.

La taupe se rue sans crainte vers le canard pyrogène, pattes droit devant de manière à former avec sa protubérance crânienne une vrille semblable à celle qui forent sur les chantiers. À l’instant de l'impact, les combattants sont plongés dans un nuage de poussière alors que mon créateur laisse échapper un « Waouh ! » enthousiaste. Grave erreur, considérant que la prochaine minute sera parasitée par ses vaines tentatives de recracher le sable s'étant logé dans sa trachée.

Soudain, l'écran de fumée s'évanouit dans une gerbe de flammes, révélant mon Minotaupe au bord du malaise et le Magmar épargné de toute égratignure : mon Pokémon a manqué sa cible, j'ai été trop téméraire. Je sens le regard du Président s’alourdir dans mon dos, faiblement accompagné du vrombissement des dents du Professeur derrière le voile de sable.

Je ne dois pas me laisser distraire et agir avec logique, tout n'est peut-être pas perdu. Tenter un second Tunnelier serait déraisonné, mais sans doute notre seule chance – mon allié est dans son état bien incapable de tenir un futur Lance-Flammes. Malgré l'épuisement, le Minotaupe semble bouillir de rage, se servant de sa colère comme béquilles contre l'évanouissement. Peut-être la solution est juste devant mes yeux : laisser éclater cette énergie dans un puissant tremblement de terre face auquel le sourire narquois du Magmar ne saura se dérober.

Je tends mon bras, et à peine ai-je entamé la première syllabe de « Trépignement » que mon acolyte s'élance dans un furieux bond au-dessus de l'arène, avant de retomber dans une pirouette littéralement fracassante aux pieds du Pokémon crache-feu. L'onde de choc disperse le typhon de gravillons, assistée par les valves de l'arène engloutissant les résidus de sable volant alors que Vitis siffle l'arrêt du combat.

« Bravo, bravo », applaudit le Président alors que le Magmar évanoui est renvoyé dans sa Poké Ball. Je rappelle mon vaillant partenaire moi aussi, puis tend sa capsule non sans une certaine fierté vers mon créateur, alors que lui et son supérieur s'approchent de moi.

« Bon travail, Vitis, les progrès sont évident. »

Le Professeur resserre sa cravate, torse bombé tandis qu'il retire ses lunettes de sécurité. Le Président fait demi-tour, se dirigeant d'un pas assuré vers la porte d'entrée.

« Discutons de cela dans votre bureau, Vitis. Les particules de sable m'irritent la gorge.
- Bien sûr, Monsieur le Président. »

Le gentleman grisonnant traverse les couloirs jusqu'au laboratoire à vive allure, suivi péniblement par le pauvre scientifique exténué. Pour un homme si pressé, je le trouve bien inefficace à ne pas entamer la discussion en marche pour économiser du temps.

En entrant dans la pièce désordonnée, le savant retire sa veste blanche et la perche sur son porte-manteau, puis en se voyant dans le miroir, hésite à retirer son couvre-chef pour en secouer le sable avant de se raviser. Me tenant droit au pas de la porte entrouverte, j'écoute avec attention ce que le vieux puissant a à dire à mon sujet :

« Le transfert semble avoir été un succès, Vitis. L'androïde à l'air apte à considérer de nombreux facteurs lors de combats.
- Oui, le test s'est déroulé comme je l'espérais, mon bon Président.
- Néanmoins, il est bien plus lent que les simulateurs à prendre des décisions. Bien trop lent.
- C'est vrai qu'il lui faut un moment pour réfléchir à toutes les éventualités...
- Ce n'était qu'une épreuve basique en un-contre-un, je n'ose imaginer le temps perdu en situation réelle. Les combats professionnels sont chronométrés, Vitis.
- Je le sais bien, Monsieur le Président...
- Je n'en doutais pas. J'espère pouvoir compter sur votre ingéniosité pour corriger ce défaut pour le modèle 97.
- Bien sûr, bien sûr, vous pouvez compter sur moi. »

Le modèle... 97 ?

Soudain, les carcasses métalliques qui jonchent les murs du capharnaüm m'évoquent un sentiment nouveau : cette maternité est doublée d'un cimetière. Si je ne fuis pas rapidement, je risque de ne plus jamais en avoir l'occasion. Il me faut réfléchir à un stratagème en vitesse : je n'ai ni connaissance du plan du bâtiment ni même de l'étage auquel je me trouve, et certaines portes sont probablement verrouillées en l'absence de badges détenus par le personnel. Mon regard scrute frénétiquement chaque recoins du sombre laboratoire jusqu'à ce qu'il se porte sur le manteau d'ivoire de mon géniteur. Tout dedans potentiellement s'y trouve : la balle de Minotaupe, les clés de l'immeuble, et sûrement un porte-monnaie dont le contenu me serait d'une grande utilité une fois sur les routes. Je saisis discrètement la blouse alors que les deux humains sont profondément perdus dans leur conversation, et espère ne pas faire de même dans les corridors alors que j'évacue sans bruit la salle.

Le couloir menant à la zone d'entraînement n'est probablement pas un chemin viable, alors j'opte pour la direction opposée en priant trouver un plan d'évacuation sur le chemin. Chaque allée se ressemble dans ce dédale azur, mais fort heureusement je me retrouve prestement face à un ascenseur, accompagné de la carte recherchée : je suis au 7ème étage, et une sortie de secours m'attend au bout de la galerie à ma gauche. Après un bref coup d'œil derrière-moi, j'emprunte la porte et débute la longue descente d'un escalier en spirale d'acier. Alors que je presse le pas, je m'étourdis presque de l'oscillation maladive de mon regard entre mes pieds et l'ouverture dont je me suis échappé. Enfin arrivé, je glisse sous les fenêtres latérales du building, l'oreille tendue – mais rien : pas un affolement, pas une alarme.

Me suis-je évadé sans même que mon absence soit détectée ?