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Pokémon : L'étoile d'Arkephyr de Arkephyr



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Informations

» Auteur : Arkephyr - Voir le profil
» Créé le 09/08/2022 à 10:32
» Dernière mise à jour le 23/07/2023 à 18:38

» Mots-clés :   Aventure   Drame   Région inventée   Romance

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[L] Faire la différence
– Je ne m'attendais pas à te revoir aussi vite.

Iona porte le même uniforme dénudé qu'elle avait lors de notre première rencontre. Je ne peux d'ailleurs pas m'empêcher de lancer un regard furtif dans les gradins pour m'assurer que Thomas n'est pas en train de la reluquer.

Ce n'est bien évidemment pas le cas. Je vais finir par penser que ce garçon est gay – ça expliquerait au moins pourquoi il n'attarde jamais son regard sur moi.

Nous ne nous sommes presque pas adressés la parole depuis ce matin. Mon ami a revêtu son sweat à capuche dès lors que nous avons franchi les portes de Sylveterre, et il a même refusé de m'accompagner au Centre Pokémon pour y soigner Dynavolt et Arcko.

Je finirai tôt ou tard par découvrir ce qu'il me cache.

– Disons que tu n'es pas aussi forte que tu te plais à le penser... je rétorque en adoptant le même ton prétentieux que la championne. Je n'allais quand même pas passer un mois entier à m'entraîner pour si peu.

Je n'aime pas provoquer les gens de la sorte. C'est à la fois puéril et contraire à toutes les valeurs qui m'ont été inculquées.

Mais la condescendance de cette garce m'insupporte. Je vais lui faire ravaler son air hautain, au nom de tous les dresseurs qui ont été éjectés de la compétition par sa faute.

– Je ne vais pas te faire perdre plus de temps, dans ce cas... lance-t-elle avec un sourire narquois en décrochant une Pokéball de sa ceinture. Permets-moi de te présenter Tropius !

Elle lance sa capsule dans les airs et libère un grand sauropode au corps brun recouvert de feuilles géantes. Je pointe aussitôt mon smartphone sur la créature pour enregistrer son profil.

"Tropius..." déclare le Pokédex. "À force de ne rien manger d'autre que son fruit préféré, celui-ci a fini par pousser autour de son cou."

Je plisse les yeux et distingue en effet une grappe de bananes bien jaunes sous la tête du mastodonte. Comme il doit être pratique de voyager avec ce Pokémon !

Enfin... ça dépend. Je suis sujette au vertige, et je ne raffole pas particulièrement des bananes.

– C'est un adversaire pour toi... je souffle en décrochant ma première Pokéball. Dynavolt, en avant !

Mon partenaire s'élance dans la zone de combat avec une détermination farouche. Il ne semble pas avoir digéré sa dernière défaite dans l'arène et compte aujourd'hui prendre sa revanche.

Tropius n'a qu'à bien se tenir.

– On commence avec une Cage-Éclair... j'ordonne calmement.

Dynavolt acquiesce d'un bref hochement de tête et expédie son orbe d'énergie sur le Pokémon de la championne.

– Propulse-toi dans les airs pour l'esquiver ! contre-t-elle aussitôt. Et enchaîne avec Tranch'Herbe !

Je m'efforce de conserver un visage impassible et me contente de sourire intérieurement. Tropius se trouve exactement là où nous voulons qu'il soit.

– Utilise ta Vive-Attaque pour rejoindre les hautes herbes ! je commande avec assurance.

Tropius secoue son long cou pour expédier sur mon Pokémon des feuilles affutées comme des lames de rasoir. L'excellente vitesse de Dynavolt lui permet d'éviter la plupart d'entre elles, mais les derniers projectiles finissent par le rattraper et lui entaillent sa peau en laissant derrière eux de petits sillons de sang.

Je crispe la mâchoire et tourne rapidement la tête vers les gradins en quête de soutien. Thomas s'obstine à éviter mon regard et garde ses yeux rivés sur le combat.

Je dois moi aussi rester concentrée coûte que coûte.

– Ton Pokémon ne restera pas caché bien longtemps... soupire Iona en levant la tête vers son partenaire. Déloge-le avec une autre attaque Tranch'Herbe.

La championne reporte alors son attention sur moi et plonge son regard dans le mien.

– Je le rappellerais dans sa Pokéball, si j'étais toi... lance-t-elle avec une moue faussement inquiète. Je m'en voudrais de le découper en rondelles.

Tropius déploie ses ailes pour se stabiliser dans les airs et fait s'abattre une pluie de feuilles dévastatrices dans une zone recouverte par la végétation au centre du terrain.

– C'est gentil de t'en soucier... je murmure d'une voix blanche. Étincelle.

De violents éclairs viennent s'abattre sur le Pokémon de la championne depuis les hautes herbes situées au fond de l'arène. Ce dernier ne le voit pas arriver et reçoit l'attaque de plein fouet avant de chuter lourdement sur le sol.

– C'est impossible... souffle Iona avec incrédulité. Ton partenaire ne peut pas avoir traversé l'arène en aussi peu de temps.

J'esquisse un sourire sans joie.

– C'est mal connaître le potentiel de sa Vive-Attaque... je rétorque sombrement. Étincelle à nouveau.

Tropius laisse échapper un hurlement de douleur tandis qu'il encaisse un nouveau choc électrique expédié à pleine puissance. Je serre les poings pour ne pas me laisser affecter par sa détresse, puis fixe résolument la championne avec un air de défi.

– Je le rappellerais dans ma Pokéball, si j'étais toi... j'ajoute en essayant de ne pas laisser transparaître le tressaillement de ma voix. Je m'en voudrais de le griller de l'intérieur.

Iona me dévisage avec scepticisme. Elle ne semble pas convaincue par mon bluff, et pourrait bien reprendre le contrôle du match si je ne m'affirme pas davantage.

– Comme tu voudras... je lâche en détournant les yeux. Étinc...

– Reviens, Tropius... soupire mon adversaire en rappelant son Pokémon. Nous règlerons ça plus tard.

La championne croise une nouvelle fois mon regard et ferme aussitôt son visage. Je comprends très vite qu'il n'y aura plus aucun faux-semblant à partir de maintenant.

– La première manche est pour toi... concède-t-elle avec un air mauvais. Mais tu ne pourras rien faire contre Macronium.

Elle décroche sa deuxième Pokéball et appelle son redoutable partenaire aux allures de dinosaure.

J'évalue d'un rapide coup d'œil l'état de mon Dynavolt. Ses blessures sont assez superficielles, mais il a dépensé beaucoup d'énergie pour clouer son précédent adversaire au tapis.

Je crains qu'il ne mette sa vie en danger en continuant le combat.

– Dyna... Dyna ! grogne-t-il en me voyant lever sa Pokéball.

Le message est très clair. Mon petit partenaire est bien décidé à poursuivre malgré sa fatigue.

Bien que je ne sois pas certaine de vouloir céder à ses caprices, je décide de lui faire confiance en me promettant de le rappeler au premier signe de danger.

Ce combat ne ressemble en rien à ceux que j'ai pu mener depuis mon départ de la maison. J'ai le sentiment que la vie de mes compagnons est en jeu – une sensation que je n'aurais jamais pensé avoir au cours d'un match officiel.

– Invoque le Zénith ! crie Iona. Nous allons en finir rapidement.

La championne n'est plus aussi calme que lors de notre premier match. En réussissant à vaincre son premier Pokémon tout en préservant le mien, je suis parvenue à la faire douter.

Et il semblerait que ça la terrifie.

– Cage-Éclair ! je lance avec énergie.

Une chaleur insoutenable s'installe dans l'arène, et je regrette presque de ne pas avoir capturé un Pokémon de type Feu pour tirer partie de ce Zénith. Le combat aurait été rapidement plié dans ces conditions.

Dynavolt profite de ce court répit pour expédier son orbe électrique sur son adversaire, qui se retrouve aussitôt paralysé.

– Macronium n'a pas besoin de pouvoir bouger pour se battre... crache Iona avec dédain. Lance-Soleil !

– Protège-toi derrière une racine ! j'ordonne en pinçant les lèvres.

Mon partenaire s'exécute sans perdre une seconde et s'aplatit au sol pour se protéger au mieux de l'attaque ennemie, mais cette dernière ravage tout sur son passage et souffle la racine comme s'il ne s'agissait que d'une vulgaire feuille de papier.

Dynavolt est violemment projeté en arrière. Heureusement, il ne heurte aucun rocher et évite ainsi d'aggraver ses blessures.

– Reviens... je murmure en le rappelant dans sa Pokéball. Tu as été parfait, mon grand.

Je n'en attendais pas plus de mon premier Pokémon. Malgré son état de fatigue, il est parvenu à paralyser Macronium avec sa Cage-Éclair et l'a même forcé à utiliser son Lance-Soleil.

Sa pugnacité pourrait bien suffire à faire la différence.

– Il est temps de mettre un terme à ce combat... souffle en décrochant ma deuxième Pokéball. Je compte sur toi, Arcko.

Mon petit reptile arrive sur le terrain dans le même esprit que son partenaire. Il accroche le regard de l'ennemi et se met aussitôt en position de combat.

C'est le moment d'en finir.

– Groz'Yeux ! je crie en serrant les poings. Baisse sa défense autant que possible !

La plupart des dresseurs s'accordent pour dire que cette capacité est l'une des plus inutiles qui soient – un point de vue que je partageais avant de rencontrer Thomas. Il existe d'autres moyens pour diminuer les attributs défensifs d'un adversaire, mais ceux-là sont difficilement accessibles à notre niveau.

Macronium pourrait très bien détourner le regard pour échapper à cette technique, mais il serait alors vulnérable à un assaut plus direct.

– Ton lézard peut bien le fixer pendant une journée avec son Groz'Yeux... raille Iona avec un rictus méprisant. Jamais il ne viendra à bout de sa défense. Pouvoir Antique !

Comme je le pensais, la championne décide de sacrifier la défense de son Pokémon pour redoubler d'agressivité.

D'immenses rochers surgissent du sol avant d'être violemment projetés sur Arcko. Ce dernier ne se laisse pas prendre au piège et utilise son incroyable agilité pour les esquiver les uns après les autres. Il trouve même l'audace de prendre appui sur le dernier pour s'autoriser une Vive-Attaque fulgurante sans même que je ne lui en donne l'ordre.

Nous avons répété cet enchaînement des dizaines de fois. Ces attaques informulées – c'est ainsi que Thomas les nomme – représentent un véritable supplice pour les dresseurs qui ont beaucoup de mal à les anticiper.

– C'en est assez ! hurle Iona d'une voix hystérique. Macronium, utilise ton Lance-Soleil à pleine puissance ! Fais-moi disparaître cet insecte !

Je m'apprête à donner de nouvelles directives à mon partenaire pour qu'il esquive le puissant rayon solaire, mais je perçois mon ami du coin de l'œil qui secoue doucement la tête pour me dissuader de le faire.

– Qu'est-ce que...

J'hésite une seconde de trop. Arcko encaisse l'attaque de plein fouet et se retrouve brusquement projeté contre un rocher. Il pousse un cri déchirant tandis que son corps se met à briller d'une vive lumière blanche, comme si l'attaque le brûlait de l'intérieur.

– ACHÈVE-LE ! beugle la championne. LANCE-SOLEIL À NOUVEAU !

J'attrape instinctivement ma Pokéball et m'apprête à rappeler mon Pokémon pour lui éviter une mort certaine.

– Pika ! Pi !

Mon attention est une nouvelle fois attirée par les gradins. Pikachu s'est joint à son dresseur pour me faire signe de ne pas intervenir. Ont-ils tous les deux perdu la raison ?

Mon nouveau manque de concentration risque de me coûter très cher. Arcko encaisse pour la seconde fois consécutive l'attaque Lance-Soleil renforcée par le Zénith.

Mais il ne bouge pas d'un pouce. La lumière blanche qui enveloppait mon Pokémon quelques secondes plus tôt est devenue si éclatante qu'elle nous oblige tous à détourner le regard.

C'est avec la gorge nouée que je finis par reporter mon attention sur le petit reptile.

Qui n'est plus si petit que ça.

– Non... souffle Iona. Pas maintenant.

Je sors mon smartphone d'un geste tremblant et je pointe vers la créature qui se tient devant moi.

"Massko. Forme évoluée d'Arcko. Ce Pokémon vit dans les jungles luxuriantes. Il s'approche de ses proies en sautant de branche en branche."

Je reste sans voix. C'est la première fois de ma vie que j'assiste à une évolution. Jamais je n'aurais cru que le phénomène puisse se déclencher comme ça, en plein milieu d'un combat d'arène.

Mais Thomas et Pikachu s'y attendaient. Peut-être même l'avaient-il anticipé depuis le début.

Mon Pokédex affiche alors une notification. Je presse machinalement l'icône en forme de cloche et découvre avec surprise que l'évolution d'Arcko s'accompagne d'une nouvelle capacité.

– Qu'est-ce que tu attends ? crie la championne à l'adresse de son Pokémon. Ne reste pas planté là ! Utilise Pouvoir Antique !

Macronium est épuisé. Il a dépensé beaucoup trop d'énergie depuis le début de notre combat.

– Esquive-les ! je contre avec une assurance renouvelée. Puis enchaîne avec Taillade !

De nouveaux rochers surgissent de terre pour frapper Massko. Mais ils sont moins nombreux. Plus lents, aussi.

Mon Pokémon les évite les uns après les autres avec une facilité déconcertante. Il s'élance alors à toute vitesse sur son adversaire, rétracte ses doigts griffus pour redresser les feuilles acérées qui dépassent de ses poignets, puis frappe avec une violence inouïe l'abdomen de Macronium.

Du sang jaillit aussitôt de la plaie béante du pauvre Pokémon. Massko se replace en position d'attaque comme si de rien n'était et se tient prêt à frapper derechef.

– Ça suffit ! j'ordonne à mon partenaire, le visage livide. Tu en as assez fait comme ça.

Iona semble pétrifiée. Son Pokémon recule de quelques pas en vacillant dangereusement, puis s'effondre lourdement à terre tandis que son sang continue de se déverser sur le sol.

– Rappelle-le ! je lance d'une voix forte. Il faut l'amener d'urgence au Centre Pokémon !

La championne a le regard désespérément vide – elle n'est plus que l'ombre d'elle-même.

– Non... souffle-t-elle d'une petite voix. Je n'ai pas le droit de perdre.

Ses yeux verts sont fixés sur la créature mourante, mais elle ne fait rien pour lui porter assistance.

Je décide alors de quitter ma zone règlementaire pour rejoindre le cœur de l'arène avant de jeter mon sac sur le sol.

– Tu... Tu n'as pas le droit d'entrer dans la zone de combat... me fait remarquer Iona d'une voix tremblante. Je vais devoir te disqualifier.

– AU DIABLE CE FOUTU BADGE ! je m'emporte avec colère. Ton Pokémon est en train de CREVER !

Je sors deux tee-shirt que j'attache ensemble pour faire un garrot autour de Macronium. Je ne sais pas si je serai capable de contenir l'hémorragie bien longtemps, mais c'est le mieux que je puisse faire pour gagner du temps.

Je sacrifie enfin mes dernières potions pour restaurer son énergie, puis me tourne vers Thomas avec mauvaise humeur.

– Tu comptes venir m'aider, ou...

Je m'interromps brusquement en constatant que mon ami n'est plus là. Il s'est lâchement éclipsé au moment le plus critique.

Comment un dresseur tel que lui peut-il abandonner un Pokémon aussi grièvement blessé ?

– Donne-moi ta Pokéball... je souffle à l'adresse de la championne. Je vais l'emmener au Centre.

Iona semble complètement ailleurs. Elle n'a pas l'air d'entendre ce que je lui dis et se contente de fixer l'arène sans bouger.

J'avance alors d'un pas vif dans sa direction et lui fous une claque monumentale pour la faire réagir.

– DONNE-MOI TA POKÉBALL !

Je commence à perdre le contrôle de mes nerfs. Un Pokémon est en train de mourir par ma faute, et je ne sais plus quoi faire pour sauver la situation – en admettant que ce soit encore possible.

Comment ai-je pu en arriver là ?

– S'il te plaît... j'implore en me retenant de fondre en larmes. Je veux juste...

Les portes de l'arène s'ouvrent à la volée dans un fracas assourdissant. Je me retourne brusquement et vois approcher deux brancardiers vêtus de l'uniforme rouge et blanc des Centres Pokémon.

– Où est la victime ? demande expressément le premier d'entre eux.

J'abandonne la championne et regagne au pas de course le centre de l'arène. Les infirmiers me rejoignent aussitôt et examinent rapidement l'état de Macronium.

– Que s'est-il passé ? questionne le deuxième en tournant la tête vers moi. Un combat qui a mal tourné ?

J'aimerais pouvoir lui expliquer ce qui s'est passé, mais les mots s'étouffent dans ma gorge sans que je ne parvienne à produire le moindre son. L'homme pose un instant ses yeux sur les feuilles sanguinolentes de Massko et comprend de lui-même la situation.

– Rappelez votre Pokémon, mademoiselle... souffle-t-il avec douceur. Vous êtes en état de choc.

J'obtempère immédiatement et fais revenir Massko dans sa Pokéball.

Les deux soigneurs déplacent Macronium avec mille précautions sur leur brancard, puis lui injecte à l'aide d'une imposante seringue un liquide orange que je ne saurais identifier.

– Vos premiers secours lui ont très probablement sauvé la vie... déclare l'autre homme avec un hochement de tête appréciateur. Il s'en sortira avec une belle cicatrice. Et si ça peut vous consoler, dites-vous que ce petit monstre a infligé des sévices parfois bien pires à ses adversaires, depuis qu'il combat ici.

L'infirmier lance un regard lourd de reproches à Iona, qui n'a pas bougé d'un pouce. J'éprouve malgré moi un sentiment de pitié à son égard.

– Vous pouvez quand même garder un œil sur elle ? je demande d'une petite voix. Je pense qu'elle ne va pas bien non plus.

Le brancardier laisse échapper un soupir qui en dit long sur son envie d'aider la championne.

– Je m'en occupe... déclare son acolyte avec un sourire rassurant. Allez-donc prendre un peu de repos, vous en avez bien besoin.

Les deux hommes lèvent le brancard d'un même mouvement et se dirigent vers la sortie de l'arène pour charger leur véhicule. Je lance un dernier regard à Iona avant de les suivre à l'extérieur, puis leur fausse compagnie pour rejoindre à pied le Centre Pokémon.

Thomas ne cherche pas à me rejoindre. Je me doute bien que c'est lui qui a alerté les secours, mais je ne peux m'empêcher de lui en vouloir de m'avoir laissée toute seule au moment où j'avais le plus besoin de lui.

Ce gars ne vit pas dans le même monde que moi. Je devrais l'oublier une bonne fois pour toutes et me concentrer pleinement sur mon aventure.

– Quelle aventure ? je lâche avec amertume. C'est terminé...

Iona m'a disqualifiée lorsque j'ai quitté ma zone règlementaire pour porter secours à son Pokémon. Il aurait fallu que je laisse Massko le saigner à blanc pour remporter ce foutu badge.

Massko... Je ne pourrai jamais oublier son expression meurtrière lorsqu'il s'est lancé sur Macronium pour exécuter son attaque Taillade. Ce bougre l'aurait sans doute tué sans sourciller si je ne lui avais pas ordonné de rester en retrait.

Puis-je vraiment garder un partenaire aussi instable dans mon équipe ? En ai-je seulement envie ? Je n'en suis pas certaine.

Je regagne le Centre Pokémon et confie ma ceinture à l'infirmière sans dire un mot. Elle a sûrement eu vent de ce qui s'est passé à l'arène, et je ne me sens pas de revivre cette expérience traumatisante.

Je me connecte rapidement à un ordinateur pour réserver une chambre pour la nuit. Je fais l'impasse sur le dîner et le petit-déjeuner – je n'aurai pas la force d'avaler quoi que ce soit – et récupère mes clés dans la foulée pour m'enfermer dans ma chambre.

Les larmes m'échappent sans que je ne puisse les retenir. Je jette mon sac à dos et mon smartphone sur le lit et me réfugie dans la salle de bain pour laisse éclater mes sanglots.

Le miroir me renvoie une image pitoyable. Mon mascara s'est mis à couler et me fait ressembler à un Pandarbare, et de grands cernes violacés soulignent mes yeux larmoyants. Ce n'est pas ainsi que j'imaginais mon voyage initiatique.

Je me déshabille et m'engouffre dans la cabine de douche pour activer le robinet. Je frissonne quelques instants au contact du froid, puis pousse un soupir de soulagement lorsque la température finit par augmenter.

Toutes mes préoccupations s'effacent au contact de l'eau chaude. Plus rien ne semble avoir d'importance en cet instant : ni Macronium, ni Massko, ni Iona...

Ni Thomas.

Thomas... Ce garçon ténébreux qui m'a suivi depuis mon départ de la maison. Qui m'a pris sous son aile pour que je puisse avoir une chance de battre Iona. Qui m'a abandonné lorsque mon Pokémon s'est transformé en machine à tuer.

Ma raison me hurle de garder mes distances avec lui. Mais plus je tente de m'en défaire, plus son visage s'impose dans mon esprit. Ses traits se dessinent comme s'il se tenait debout devant moi.

Ses cheveux bruns coiffés en bataille. Son regard pénétrant. Le timbre à la fois grave et rassurant de sa voix. La fine ride au coin de son sourire lorsqu'il me taquine.

Je saisis le pommeau de douche sans m'en rendre compte et laisse courir le jet d'eau sur mon corps en descendant progressivement.

Enivrée par cette chaleur et désireuse de relâcher la tension qui s'est accumulée en moi tout au long de la journée, je finis par m'abandonner à quelques minutes de plaisir coupable.