Chapitre 429 : Le Dernier Jour
Julian, reclus dans les quartiers qu'on lui avait donné sur Atlantis, avait l'impression de vivre un cauchemar. En fait, toute sa courte vie avait été un cauchemar. À part peut-être les premières années de sa vie où il vivait en paix et choyé, au palais de son père Octave. Il n'en gardait guère de souvenir. Mais dès le jour où Venamia l'avait pris avec elle en menaçant son père, ça n'avait plus été qu'une suite continuelle de trahisons et de malheurs.
Il avait vu peu à peu sa mère sombrer dans l'extrémisme et la folie. Malgré tout, il avait tout fait pour rechercher son approbation, jusqu'à qu'il ne puisse plus. Jusqu'à que même un jeune enfant de quatre ans soit conscient que ce que faisait sa mère était mal. Il avait échappé de peu à la mort, sauvé par le sacrifice de Vilius, puis secouru par Erend. Il avait de très bons souvenirs de son année passée avec le jeune dirigeant, quand le reste de sa famille, à savoir son grand-père, son oncle et sa tante, se battait à ses côtés. Et quand la reine Eryl et Impératus étaient pour lui des alliées irremplaçables.
Tout cela venait de voler en éclat. Erend avait tué Eryl, et venait de froidement exécuté Imperatus qui avait seulement tenté de le raisonner. Julian se doutait déjà de quelque chose quand il avait vu l’œil rouge d'Erend et sa soudaine et inexplicable dureté avec ses anciens amis. Désormais, il n'y avait plus de doute possible. Tout comme Venamia avant lui, Erend était devenu mauvais, fou, irrationnel. Il comptait se servir d'Atlantis pour soumettre toute la planète en la menaçant de son destruction avec son canon ultime.
Sauf que contrairement à l'époque où il était l'otage de Venamia, Julian n'était plus impuissant désormais. Il n'était plus un petit garçon effrayé qui ne comptait pour rien si ce n'était un symbole. Il avait le corps d'un adolescent, presque d'un adulte, et Erend avait fait de lui l'Empereur de Johkan. Il pouvait agir. Il devait agir !
Mais il ne pourrait pas le faire ici, sur Atlantis. Il n'avait aucun pouvoir ici. Nuelfa soutenait Erend, et pouvait donc déployer sur son ordre la toute puissance d'Atlantis et ses nombreuses défenses intérieures. Imperatus, la seule alliée qu'il aurait pu avoir, n'était plus. Julian ignorait même ce qu'Erend avait fait de son corps. Peut-être comptait-il le disséquer pour s'approprier le Solerios des Plantes qu'elle avait en elle ? À ce stade, Erend était capable de tout, même des pires horreurs.
Il y avait également Esliard et une petite garnison d'hommes du Grand Empire à bord. Pour le premier, ce n'était même pas la peine d'y penser. L'ancien journaliste et cerveau de la propagande de Venamia avait tôt fait de retourner sa veste pour devenir le larbin dévoué d'Erend. Quant aux hommes présents, Julian ne voulait pas forcer leur loyauté. Il avait bien parmi eux quelques membres de sa garde royale, mais il ne pouvait pas être sûr qu'ils se rangeraient derrière lui en cas de conflit avec Erend.
Les autres soldats, commandés par le colonel Pierce, étaient ceux qu'Erend avait choisi pour aider aux réparations d'Atlantis ; pour la plupart d'anciens Rockets et partisans de Venamia. Patrick Pierce semblait être un homme bien, qui répugnerait sans doute à se servir de la cité comme Erend l'avait prévu. Mais il n'allait certainement pas se lancer dans une mutinerie avec pour seul allié un adolescent qui avait encore plus ou moins l'esprit d'un garçonnet.
Et de toute façon, même si toutes les personnes présentes sur Atlantis se retourneraient contre Erend, ce dernier aurait quand même le dessus, grâce à sa terrifiante Dark Armor. Julian avait certes deux Dieux Guerriers avec lui, mais qu'est-ce qui lui disait que Triseïdon accepterai de combattre son dresseur véritable ? Erend n'avait fait que le lui prêter, pour forger l'image d'un jeune empereur tout puissant qui soumettait des Pokemon Légendaires...
Non, il ne pouvait pas se battre contre Erend ici. Il ne le voulait pas, de toute façon. Ce qu'il voulait, c'était partir d'ici, et rejoindre les seules personnes désormais avec qui il voulait être. Sa famille. Son grand-père Hegan. Son oncle Mercutio. Sa tante Galatea. Sa grande-tante Solaris, et tous les autres membres de la X-Squad, qu'il avait appris à connaître et à apprécier l'année de la formation de la Confédération Libre, quand Julian était sous leur garde et celle d'Erend, d'abord à Bakan, puis à Algatia dans la région Hoenn.
Oncle Mercutio lui avait bien dit qu'Erend était devenu le mal, et qu'il ne devait pas rester avec lui. Et ce avant même qu'Erend n'annonce son projet dément de contrôler le monde par la peur du canon Lunaturion, et qu'il n'élimine froidement son amie de toujours, Imperatus. Mercutio ne s'était visiblement pas trompé, et Julian regrettait de ne pas l'avoir écouté alors.
Oui, il allait retourner à la surface, et demander asile à la FAL. Il mettrait même le Grand Empire de Johkan à son service. Il se fichait du pouvoir, après tout, et ne se sentait absolument pas compétant pour diriger un pays. Tout ce qu'il voulait, c'est enfin être avec des personnes qui n'allaient pas avoir les yeux qui vont devenir rouge d'un jour à l'autre et avec ça des idées de domination mondiale.
Il voulait juste avoir une vie normale. Il avait déjà perdu dix ans de sa vie à cause des retombées de la bombe Arctime. Il avait été malmené par les ambitions de ses proches et les conflits mondiaux, et ça lui avait volé son enfance et l'innocence qui devait aller avec. Il rêvait devenir une sorte d'aventurier se servant des Pokemon et se battant pour le bien. Ecleus dans une main, Triseïdon dans l'autre, il combattrait pour la paix et la justice aux côtés de camarades de confiance, comme son oncle et sa tante. Sans politique, sans corruption, sans pays à diriger et surtout sans mégalomanes égocentriques qui se serviraient de lui.
Mais comment retourner sur Terre ? Même si Julian arrivait à s'emparer d'une des deux navettes d'Erend, il était bien incapable de la piloter. Et même s'il y arrivait ou qu'il retournait un des hommes d'Erend pour l'y aider, Atlantis pourrait la faire exploser à tout moment avec son système de défense. Est-ce que Nuelfa obéirait à Erend si ce dernier lui demandait froidement de faire feu sur Julian ? Allez savoir... Nuelfa n'était même pas humaine. Arceus seul savait ce que pensait cette petite extraterrestre dans son bio-squelette.
Julian ne voyait pas d'autres moyens de rentrer sur Terre que de s'en tenir au plan d'Erend en faisait mine d'y adhérer. Il a bien dit qu'il renverrait Julian gouverner la planète en son nom, tandis que lui resterai ici indéfiniment afin de veiller au respect de sa paix éternelle, et d'user du Lunaturion si quelqu'un en bas y contrevenait.
Indéfiniment... Ce mot résonna dans l'esprit du garçon. Erend a dit qu'il allait s'emparer d'un truc nommé la Source de l'Infini pour devenir immortel, et Imperatus en avait été choquée. Existait-il vraiment un moyen de devenir immortel ? Se trouvait-il ici, sur Atlantis ? Si Julian s'en emparait avant Erend, alors il ne pourrait pas être tué ? Il pourrait carrément sauter de la cité spatiale pour retomber sur Terre avec un corps intact ?
- Oublie ça, gamin... La Source de l'Infini scelle ton âme dans ton corps et accélère sa régénération naturelle, mais elle ne pourra pas faire grand-chose si tu te dissous totalement dans l'atmosphère.
Julian sursauta, se redressant sur sa couchette, cherchant autour de lui l'origine de cette voix métallique et profonde, avant de se rendre compte qu'elle venait de sa tête.
- Qui... qui êtes-vous ? balbutia-t-il.
- Ah, typique des humains ! Ils nous balaient comme un chef d'orchestre en se donnant de grands airs, et dès qu'on tente de communiquer avec eux, ils regardent dans tous les sens en manquant de se faire dessus !
Le regard de Julian se posa presque machinalement sur les deux armes brillantes et élégantes adossées contre le mur de sa chambre. Sans savoir comment, et malgré le fait qu'il c'était la première fois qu'il entendait sa voix, il sut qu'elle venait du trident bleu.
- Tri-Triseïdon ?
- Lui-même.
- Comment tu savais que je réfléchissais à voler la Source de l'Infini ? Tu peux lire dans mes pensées ?!
- C'est ainsi que fonctionne le Vifacier. Quand un humain nous touche et qu'on accepte son contact, un lien se forge automatiquement entre lui et nous. Erend Igeus était mon maître. Mais il m'a remis à toi, en m'ordonnant de te protéger. Tu es donc mon nouveau maître jusqu'à qu'il décide de me reprendre, jeune humain. Nous ne sommes pas encore assez proches pour que tu puisses débloquer mes deux autres formes, mais je peux t'éviter de bouillir dans la stratosphère.
Julian s'approcha presque craintivement du trident. Jusqu'à présent, il avait fait l'erreur de considérer Triseïdon et Ecleus comme des armes sans conscience, pensant que jamais ils ne s’éveilleraient pour lui, qui en avait pris possession par la force des choses, sans les mériter.
- Tu as dû lire en moi que j'ai prévu de trahir Erend, fit-il. Pourquoi vouloir m'aider ?
- Tes sentiments à l'encontre d'Erend ne regardent que toi. Je m'en contrefiche. J'accomplis juste ma mission.
Une autre voix vint s'ajouter à celle de Triseïdon, plus sèche et cynique.
- Comme toujours, si noble avec un si grand sens du devoir... Tu ne m'avais pas manqué malgré tous ces millénaires !
Julian regarda cette fois l'éclair à double tranchant.
- Ecleus ?
- Non, je suis le fichu Père de Toute Chose Arceus qui s'adresse à toi par pensée. Bien sûr que c'est moi, moustique ! Quelle pitié d'avoir à servir un bébé projeté dans un corps trop grand pour lui... Surtout qu'il n'a rien de ce qui faisait le charme de sa mère !
- Pourquoi avoir obéi à mes pensées d'attaque lors de la bataille contre les zombies à la surface alors ? voulut savoir Julian.
- Parce que j'y suis obligé, pauvre ignare. C'est le droit du sang. Nous sommes tenus à être fidèles aux descendants de notre dernier maître, si nous ne nous en trouvons pas un autre qui nous correspond entre temps. Le Grand Forgeron nous a conçu ainsi. C'est pour cela que notre frère Hafodes s'est coltiné pendant des siècles les descendants de son maître Castel Haldar, et qu'il continue encore aujourd'hui, le pauvre... Mais bon, contrairement à l'autre idiot de Triseïdon, je n’obéis à un quelconque ordre de mon précédent maître, seulement à ma nature profonde. Si Venamia m'avait demandé d’obéir gentiment à son rejeton, je l'aurai tout simplement envoyé balader !
Julian se rebiffa, piqué au vif par les deux Dieux Guerriers.
- Eh bien, désolé de ne pas être ma mère ou Erend ! Je n'ai pas vraiment demandé à vous avoir non plus hein ? C'est Erend qui vous a mis dans mes mains.
- Tu n'as pas à t'excuser d'être toi, le réconforta Triseïdon. Et en bien ou en mal, nous resterons ensemble un petit moment. Autant essayer de s'entendre.
- Si je ne suis pas digne de vous, je ne vais pas vous garder contre votre volonté.
- Il peut se passer plusieurs siècles avant qu'un humain qui nous corresponde nous trouve, renchérit Ecleus. Et de toute façon, on peut nous conquérir par la force. C'est ce que ta mère a fait pour moi. Même si je l'avoue, j'appréciais son pragmatisme et sa froide intelligence.
- Quant à moi, je recherche quelqu'un avec une grandeur d'âme et le sens du devoir, ajouta Triseïdon. À l'origine, j'avais jeté mon dévolu sur le demi-frère d'Erend, Zayne. Mais il est mort, et Erend m'a possédé ensuite par défaut. Je l'ai accepté, même s'il ne correspondait pas tout à fait à mes standards. J'ai appris à voir la véritable force de son âme. Peut-être vais-je faire de même avec toi, Julian oc Lunaris.
- Le canasson dit vrai. Si on exigeait comme maîtres que des humains avec une résonance à 100%, on resterait longtemps endormi. Je préfère me coltiner un morveux naïf et me battre de temps en temps qu'attendre plusieurs siècles dans un temple vide...
- Vous êtes trop aimables, ironisa Julian. Mais en l'état, je ne suis qu'un pion pour Erend. De plus, il compte retirer toute volonté des habitants de toute la planète en leur mettant éternellement un canon sur la tempe. Je suis censé gouverner sur un monde uni, en paix... mais privé de toute liberté et d'esprit critique. Dans cette vision là, ça m'étonnerai que vous vous défouliez beaucoup avec moi comme maître...
- Mais t'es contre ça non ? demanda Ecleus. Tu voulais retourner à la surface il y a un instant.
- On peut t'y aider, assura Triseïdon. Nous pouvons te fournir une protection au vide spatial et à la chaleur d'une descente dans l'atmosphère bien plus utile que la Source de l'Infini.
Les deux Dieux Guerriers sous forme Arme se mirent à léviter autour du garçon, et avec de nombreux clics et déclics, ils se désassemblèrent en plusieurs parties qui allèrent recouvrir le corps de Julian. Craintif mais curieux, il les laissa faire sans bouger. Triseïdon et Ecleus recouvrirent son corps, ne laissant aucun endroit de sa peau à l'air libre. Il avait désormais un casque intégral à l'image de la tête de Triseïdon, les ailes d'Ecleus dans le dos, et diverses plaques d'armures des deux Pokemon partout sur le corps.
- Ce n'est pas une vrai forme Revêtarme, prévint Triseïdon. Tu ne peux la contrôler et utiliser nos pouvoirs avec. C'est juste une protection temporaire pour t'assurer un atterrissage sans risque sur Terre. Notre Vifacier te gardera du froid de l'espace et de la chaleur de l'atmosphère. Nous pouvons te fournir un oxygène limitée, mais ça suffira si tu ne tardes pas trop.
- T'as compris, morpion ? ajouta Ecleus. Trouve-toi un pont à l'air libre, et saute. On te dirigera, on te fera passer le bouclier de la cité. Et dépêche. Je n'aime pas trop me retrouver ici. Je n'ai pas vraiment d'amour filial pour mes créateurs...
Julian sourit sous son masque. Il allait pouvoir agir par lui-même. Il allait montrer à Erend qu'il n'était pas son pantin, qu'il avait une volonté à lui, et qu'il n'était pas d'accord avec ce qu'il comptait faire. Il l'avait déjà fait avec Venamia, après tout. Il pouvait recommencer.
***
Pendant toutes ces années où elle vivait dans le passé, Lyre avait hautement expérimenté son nouveau pouvoir consistant à aspirer en elle le corps et les âmes des êtres vivants. Elle en avait conclut qu'à chaque fois qu'elle le faisait, elle même se changeait un peu, de façon irrémédiable. En plus des possibles pouvoirs et des souvenirs, elle s'appropriait également un peu de la personnalité de sa victime, comme une emprunte laissée sur son âme.
C'est pour cela que, malgré la tentation et ce sentiment grisant à chaque fois qu'elle aspirait quelqu'un en elle, elle s'était retenue de le faire souvent. Elle avait même chercher à contrôler et à faire taire les esprits désincarnés de ses victimes qui hurlaient en elle. Certains érudits du passé, notamment les alchimistes de Tarma Igho, l'ont aidé à comprendre cette mutation de son pouvoir, et à lui faire une liste des pouvoirs, actifs comme passifs, qu'elle devrait aspirer pour équilibrer le tout.
Et bien sûr, quand ils avaient entendu parler du Pokemon Horrorscor, qui était la cause de son ADN mutant, ils l'avaient tous placé en haut de la liste. Lyre avait compris que pour mener à bien son plan d'éradication de la vie, il lui faudrait prendre celle d'Horrorscor, et s'approprier son corps et ses pouvoirs. Il était un peu la pièce centrale du puzzle de l'équilibre de son corps.
Maintenant que c'était fait, maintenant que la Pierre d'Obscurité siégeait au centre de sa poitrine et que son corps suintait de Corruption, elle comprit. Elle comprit ce qu'étaient en réalité les Enfants de la Corruption, ainsi que le phénomène qui leur donnait naissance. Elle comprit comment leurs pouvoirs apparaissaient, en prenant une caractéristique d'Horrorscor et en la faisant muter. Toute les questions d'âmes, de pouvoirs et de génétiques, elle savait désormais y répondre. Elle comprenait tout son être, son fonctionnement et ses besoins.
Mais le contrecoup d'avoir assimilé Horrorscor était ce soudain afflux de sentiments négatifs en tout genre. Le Pokemon était véritable condensé d’amertume, de haine et de jalousie. Son désir illimité de tout corrompre s'insinua partout en elle. Sa voix résonna en elle bien plus forte que toutes les autres. Mais elle la fit taire. Elle avait depuis longtemps appris à cloisonner sa volonté de celles de toutes les victimes qu'elle avait aspirées.
L'armée de la FAL la regarda avec une horreur non dissimulée tandis qu'elle leur souriait avec délice. Pourquoi avaient-ils peur ? Elle allait les sauver, tous autant qu'ils sont. Elle allait les amener dans ce néant accueillant qui n'attendait qu'eux, en laissant derrière eux le fardeau de ces vies absurdes et pleines de souffrance. Le visage dual de Dan-Vaslot était celui qui paraissait le plus accablé.
- Lyre... qu'as-tu fait ? murmura Dan.
- J'ai fait justice, père, répondit-elle. Ce Pokemon a passé sa vie à se servir du corps des autres pour ses propres intérêts. Je lui rend la pareille, tout simplement. Ne me dites pas que vous avez pitié d'Horrorscor ?
- Non, pas de lui. C'est de toi dont j'ai pitié, ma fille. Es-tu consciente de ce que tu es devenue ?
- Je suis l'apogée de ce que vous et ma mère avaient fait de moi. L'Enfant de la Corruption ultime, à un stade parfait, stable. Et qui va une fois pour toute mettre un terme à cette guerre absurde entre Corruption et Innocence. Il n'y aura plus de conflit quand nous serons tous dans les plaines infinis du Monde des Esprits.
- C'en est assez de votre rhétorique tordue, intervint Peter Lance en pointant sa Lamétrice sur elle. Lyre Sybel, au nom de l'Ordre G-Man et de l'humanité, vous êtes en état d'arrestation.
Il n'en fallu pas plus pour que la quasi-totalité des G-Man présents, dont Lance lui-même et Marion, se jettent sur Lyre avec un étalage de leurs différents pouvoirs. Lyre les accueillit avec un aimable sourire sur son visage distordue, avant de lever sa main gauche. C'était de la droite avec laquelle, tout à l'heure, elle avait lancé un déluges d'attaques variées. Du coup, Mercutio eut un mauvais pressentiment, connaissant le pouvoir originel de sa main gauche.
Toutes les attaques à distance la visant disparurent en une impression de typhon, rapetissant en tourbillonnant jusqu'à toucher sa main et tout simplement cesser d'être. Puis ce fut au tour des G-Man. Elle n'eut même pas besoin de les toucher. Par groupes ou uns par uns, ils furent attirés par sa main à moitié humaine moitié spectrale. Plus ils s'approchèrent du corps de Lyre, plus ils se mirent à crier de douleur, jusqu'à perdre substance et disparaître.
Tout le monde eut la vision d'horreur du légendaire Grand Maître Peter Lance, impuissant tandis qu'il était réduit à néant, tout son être se vaporisant à l'intérieur de la créature qu'était devenue Lyre. Sa terrible besogne fait, une fois tous les G-Man qui l'avaient attaqué disparus, Lyre inspira un grand coup, les yeux dans le vague, comme si elle appréciait une sensation encore inconnue.
- Ah oui... Les Aura Gardiens, quelles visions éclairées ils ont ! Et tant de souvenirs et d'expériences, du fait de leur longue existence... Et... Oh, quelle puissance draconique incroyable, Maître Peter... Je vous en remercie. Je n'ai guère dévoré jusque là des utilisateurs du pouvoir dragon. Voyons voir...
Elle agita son autre main, la droite, et une vague d'énergie draconique en sortit, faisant tomber tous ceux qui étaient un peu trop proche, tandis que de mini-ouragans tournoyaient autour de Lyre.
- C'est merveilleux ! s'extasia Lyre. Maintenant que j'ai Horrorscor pour stabiliser mes pouvoirs, je ne sens quasiment aucun changement dans mon corps après avoir assimilé près d'une vingtaine de G-Man !
Puis elle ouvrit grand les bras vers le groupe de combattants restant, qui se relevaient avec crainte et hésitation.
- Venez, les appela-t-elle comme une mère aimante. Venez tous en moi. Vous connaîtrez la véritable harmonie, la véritable paix !
La force d'attraction vers Lyre reprit, cette fois bien plus forte, tandis que des attaques en tout genre sortaient de sa main droite pour les occuper et les affaiblir. Elle n'avait plus ensuite qu'à les cueillir comme des proies impuissantes. En premier bien sûr, ce furent les simples soldats, qui n'avaient aucun pouvoir pour les défendre. Les Pokemon, eux, tentèrent de sauver leurs dresseurs, qui à leur tour voulurent rappeler leurs Pokemon dans leurs Pokeball pour leur éviter d'être aspirés.
C'était le chaos pour l'armée de la FAL, l'impuissance généralisée. Mercutio résista comme il put grâce au Flux avant de se mettre à l'abri derrière l'immense Titank de Djosan, qui faisait écran et affaiblissait la puissance de l'aspiration de Lyre. Bertsbrand, grâce à la force de propulsion plasmique du Revêtarme d'Excalord, pouvait continuer à voler autour de la zone et à rattraper, quand il pouvait, des hommes sur le points d'être aspirés. Remarquant Dan-Vaslot qui se tenait non loin de lui, lui aussi à l'abri derrière l'une des pattes de Titank, Mercutio se jeta sur lui et le secoua par le col, comme s'il avait trouvé un responsable.
- Qu'est-ce que c'est que ce merdier ?! Comment on l'arrête ?
Dan – ou bien était-ce Vaslot ? - secoua la tête avec impuissance.
- Je n'en sais rien. J'ignore ce qu'elle est devenue, fit la voix de Dan.
- Allez lui parler ! Dites-lui d'arrêter !
- Parce que tu crois qu'elle va gentiment nous écouter ? répliqua cette fois la voix cynique de Vaslot. Elle n'a plus rien d'humain, que ce soit de corps ou d'esprit.
En effet, Lyre semblait avoir perdu tout sens commun. Avec un air d'extase sur son visage cauchemardesque et mutant, elle riait aux éclats en continuant de dissoudre en elle ses victimes. Et Mercutio était épuisé. Après avoir affronté Horrorscor en utilisant tout son Flux, il était incapable de lancer la moindre attaque de Troisième Niveau.
Les Pokemon Légendaires présents avaient pris leur envol et bombardaient Lyre d'attaques à une distance de sécurité. Si Méga-Rayquaza et Lugia s'étaient plus ou moins retenus tout à l'heure contre Horrorscor de crainte de toucher leurs alliés humains, ils ne prirent pas autant de gants cette fois. Ce furent en effet des déluges de lasers meurtriers qui s'abattirent sur Lyre depuis les airs, et inévitablement, il y eut des dommages collatéraux. Mais ils furent limités par Mewtwo, qui en tant que Pokemon Psy, eut la sagesse de ne pas aller se frotter à une Lyre qui avait aspiré un Pokemon Légendaire Spectre et Ténèbres, et usa plutôt de ses pouvoirs pour lever des Bouclier et des Protection, et pour rattraper par télékinésie ceux qui menaçaient d'être aspirés.
Lyre n'avait pas l'air de se soucier des attaques pourtant surpuissantes qui lui tombaient dessus. Elle avait invoqué de sa main droite, au dessus d'elle, une espèce de trou noir qui attirait à lui toutes les attaques des Légendaires et qui les engloutissait sans dommage appairant. Et quand il n'y eut plus personne pour elle à aspirer, que les survivants c'étaient tous réfugiés derrière Titank, Lyre cessa son attraction générale pour se diriger calmement vers l'immense Pokemon Acier.
Mercutio et les autres crurent leur fin arrivée, quand un déluge de lumière dorée se dressa entre Lyre et eux. L'Enfant de la Corruption s'arrêta, un froncement de sourcils venant perturber son expression d'euphorie. Mercutio leva les yeux, cherchant leur mystérieux sauveur. Et il dut se les frotter pour vérifier qu'il ne rêvait pas.
- C'en est assez ! tonna le Pokemon nouvellement arrivé.
Du ciel descendit un imposant Pokemon au pelage blanc, avec quatre longues pattes se terminant par des sabots dorés et pointus. Il avait une espèce de roue en or au milieu du corps, une longue crête voletant derrière sa tête, et des pupilles rouges entourées de vert qui luisaient fortement.
C'était le Pokemon Légendaire le plus célèbre au monde, dont tout le monde connaissait l'apparence sans même l'avoir vu. C'était celui dont on priait le nom plusieurs fois par jour, qu'on remerciait quand tout allait bien et qu'on maudissait quand ça allait mal. En le voyant, plusieurs des combattants firent un rapide signe de prière avec leurs doigts. Ithil, toujours très religieux, tomba carrément à genoux et posa la tête au sol.
Mercutio, dans un état second, ne put que se demander s'il pouvait pointer son Pokédex sur ce Pokemon pour l'y enregistrer sans que ce ne se soit considéré comme un blasphème. Car celui qui venait d'arriver et qui les avait momentanément sauvé de Lyre n'était nul autre que le Dieu des Pokemon, et accessoirement de tous les êtres vivants de l'univers. Arceus, le Pokemon Alpha.
- Je me doutais bien que tu ne manquerais pas de te montrer, lui dit Lyre d'un air moqueur. J'ai vu dans les souvenirs de cette Eonie. Tu te contrefiches des humains, des Pokemon et même de cette planète, tant que rien en son sein ne menace ta belle création.
Arceus ne répondit pas, se contenta de la jauger du regard. Avec encore plus de surprise qu'il n'en avait eu en voyant Dieu arriver, Mercutio remarqua quelqu'un d'autre qui planait dans les airs derrière le Pokemon. Et il reconnut immédiatement l'armure sinistre à cape et le masque en forme de tête de mort à corne. Judicar, l'ancien Agent 001 de la Team Rocket. Mélénis soupçonné à la puissance incommensurable... et aux buts nimbés de mystères. La Team Rocket n'avait plus entendu parler de lui depuis le début de l'ascension de Venamia.
- Tu penses agir pour le plus grand bien en mettant fin à la vie ? demanda l'homme masqué. Tu n'es en réalité qu'un pion dans le jeu d'un sinistre individu, qui s'amuse en ce moment de tes actes.
- Tu penses que je l'ignore ? demanda Lyre. Je te rappelle que j'ai aspiré ta chère sœur Eonie, et que j'ai toutes ses connaissances et ses souvenirs. Je sais tout de toi, tout des Cavaliers de l'Apocalypse, et tout de celui que vous combattez. Et je m'en moque. Lui non plus ne pourra pas échapper au néant total et éternel. Et vous, qui modelez passé, présent et futur pour le compte de votre soi-disant dieu, vous cesserez enfin de jouer avec les vies des humains et des Pokemon.
Lyre déchaîna tous les pouvoirs qui se trouvaient en elle, forçant son corps à demi-matériel à s'étirer et à prendre une apparence encore plus inhumaine. C'était une vague destructrice de pure énergie combinée qu'elle avait invoqué pour envoyer sur Arceus et Judicar. Elle savait que pour venir à bout de ses deux-là, elle devrait mettre le paquet. Mais elle savait aussi qu'elle était capable de les battre, à présent.
Ce qu'elle ignorait, c'était qu'Arceus et Judicar ne comptaient pas l'affronter pour le moment. Ils étaient venus sauver le reste des combattants de la FAL. Judicar se servit de ses pouvoirs pour stopper momentanément la vague de Lyre, tandis qu'Arceus ouvrit un portail vers sa propre dimension divine, et y envoya tout le monde. Les deux superpuissances explosèrent, laissant Lyre seule sur ce terrain brisé.
Elle y resta un moment sans bouger, furieuse d'avoir perdu ses proies. Même elle ne pouvait pas les suivre dans la dimension d'Arceus. Mais ça ne faisait rien. Ce n'était qu'un sursis. Arceus n'allait pas rester sagement là-bas en lui laissant annihiler sa précieuse planète originelle. Elle s'occuperait de lui, et de tous les autres, quand ils referont surface. En attendant, elle avait du travail. Elle sourit amicalement en se tournant vers les deux Pokemon qui venaient d'arriver, et qu'elle avait senti approcher depuis un petit moment.
- Contente de vous revoir, mes chers amis. Fantastux. Wrathan.
En effet, le spectre au costume blanc, dernier des Agents de la Corruption, flottait au dessus du sol en compagnie d'un petit garçon habillé en rouge et ayant sur son visage une constante expression furieuse. Sauf que cette fois, Wrathan était plus perplexe qu'en colère.
- C'est toi, Lyre Sybel ? demanda-t-il.
- Ai-je changé à ce point ?
Wrathan ne releva pas l'évidence. Mais oui, elle avait changé. Il ne pouvait même plus dire si elle était encore humaine, si elle était devenue Pokemon, ou autre chose...
- Par le cosmos, que s'est-il passé ici ?! s'écria Fantastux. Nous avons senti le Seigneur Horrorscor revenir de loin, mais le temps que nous arrivions... C'était toi, cette soudaine pression folle venue de nulle part ? Et pourquoi tu as la Pierre d'Obscurité en toi ? Et ce n'était pas Arceus qui est descendu des cieux ?!
Lyre leva la main pour mettre un terme à ses questions, et Fantastux se tut immédiatement, comme s'il avait senti une autorité supérieure à la sienne rien que par ce geste.
- Horrorscor n'existe plus, déclara-t-elle. Il n'est plus qu'une ombre gémissante dans mon corps, me fortifiant de ses pouvoirs. Il était faible, et son projet égoïste de corruption était absurde. Ce n'est pas la corruption qui sauvera ce monde et ses habitants. Seul le repos éternel le fera.
Fantastux dévisagea Lyre avec incompréhension et une bonne dose de crainte, tandis que Wrathan était visiblement curieux.
- Quel sont tes projets ? demanda-t-il.
- Transformer ce monde en champs stérile de mort. Transformer tous les êtres vivants en âmes libérés de leurs corps pour trouver la paix infinie. En bref, défaire tout ce qu'Arceus a fait. C'était effectivement lui tout à l'heure, qui a sauvé nos ennemis.
Elle leur laissa digérer cela un moment, puis abaissa momentanément les barrière de son corps pour laisser transparaître une partie de son aura ténébreuse de vide infini. Fantastux se ratatina sur lui-même, et même Wrathan recula d'un pas malgré lui.
- J'ai désormais plus de pouvoirs que quiconque en ce monde, et plus je tuerai, plus j'en aurai. Suivez-moi. Fantastux, toi, tu as la chance d'être déjà un spectre. Moins il y aura de vivants et plus il y aura d'âme, plus tu seras content non ? Et toi, Wrathan... Tu vas pouvoir enfin libérer toute la rage de ta colère et détruire autant que tu le souhaites. Je ne suis pas Horrorscor. Je me fiche de corrompre les autres. Je veux juste les sauver... en les tuant tous.
Le visage du petit garçon s'étira en un large sourire.
- Ton plan me plaît, Lyre. Surtout si j'ai l'occasion de me frotter à ce pleutre d'Arceus qui a toujours dédaigné de me faire face !
- O-oui, je suppose que c'est pour le mieux, ajouta Fantastux.
Ni Lyre ni son plan ne lui disaient grand-chose, mais Fantastux avait toujours survécu en se ralliant à plus puissant que lui, et il n'allait pas changer maintenant.
- Parfait alors, conclut Lyre. Vous serez mes camarades de la fin du monde !
Elle ne leur dit pas, bien sûr, qu'elle comptait eux aussi les dévorer à la toute fin. Il n'y aurait aucune exception à l'annihilation salvatrice universelle !
- Je peux donc prendre ma vraie forme, là, maintenant, et détruire tout Johkan ? demanda Wrathan avec impatience.
- Pas encore. Je te demande juste un peu plus de patience. Nous devons d'abord nous rendre à Sinnoh.
- Pourquoi à Sinnoh ?
- Car c'est le seul accès du monde réel pour y rencontrer un Pokemon en particulier. Lui aussi a plusieurs raisons de haïr Arceus, et de désirer un monde privé de vie. Il attend son heure depuis des millénaires, accumulant les âmes dans son royaume pour un jour défier le Créateur. Je vais lui en donner l'occasion...