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Distort City de Feather17



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Informations

» Auteur : Feather17 - Voir le profil
» Créé le 05/12/2021 à 14:26
» Dernière mise à jour le 05/12/2021 à 14:26

» Mots-clés :   Action   Drame   Fantastique   Kanto   Présence de personnages du jeu vidéo

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008. I - 8 : Stuart, ce Pikachu
Il avançait d’un pas déterminé sur les feuilles mortes qui jonchaient le sol froid et craquant de la forêt. Telle une ombre se faufilant entre les très hauts sapins, il se déplaçait avec la discrétion d’une proie se sachant traquée. Il lui était interdit de se faire surprendre en cet endroit si reculé. Il en valait de sa survie. Car s’il avait visé juste, il ne tarderait pas à croiser le chemin de l’homme le plus dangereux de l’île.

« Clic ! »

« Je suis peut-être petit mais faut pas me sous-estimer. » Le petit scout fit quelques pas en avant et engagea le combat.

Il ne fallait pas perdre de temps. Chaque seconde de perdue était une seconde de plus qui permettrait à l’ennemi de s’enfuir.

« Clic ! »

« Hop ! Hop ! Minute ! On est pas pressés ! » Encore un autre scout qui cherchait la bagarre. Décidément, cette forêt était peuplée de personnages inutiles qui ne faisaient que ralentir son avancée.

Adam interrompit sa course un instant. Près d’un bosquet de fleurs de jade, il s’autorisa quelques minutes de pause afin de reprendre sa respiration. Tout était calme dans cette forêt épaisse qui délimitait la frontière nord de Distort City. Il était si loin de la civilisation qu’il n’entendait déjà plus, au loin, les sirènes des véhicules de la police ébranlée par la fuite d’un des criminels de la cité.

Le petit garçon observa les alentours en laissant retomber son bras le long de son corps, abandonnant sa console de jeu du regard. Elle ne lui servait plus à rien. Il avait fait le tour du donjon dans lequel il avait pénétré virtuellement, une forêt quasi similaire à celle qui l’entourait, et il n’avait pas trouvé ce qu’il recherchait. Ce qui commençait à l’inquiéter outre mesure.

C’était la première fois que le jeu vidéo, qui incarnait la réalité dont on les avait arrachés, le trahissait. Depuis qu’il avait réveillé Redwan, tous les évènements du jeu vidéo s’étaient produits dans la réalité de Distort City : la rencontre avec Stuart, l’étrange souris jaune de Redwan, le conflit entre ce-dernier et son rival Cyano dans le laboratoire du Prof Maboul,… Tout avait sa représentation numérique au sein de la cartouche rouge insérée dans sa console de jeu. Tout, sauf la présence de ce mystérieux Tom Tereack.

Adam avait parcouru chaque pixel de la forêt fictive dans son jeu vidéo, avait analysé chaque élément graphique, chaque personnage non-jouable. Rien ne laissait percevoir un seul indice de qui avait été cet étrange Tom Tereack avant que la malédiction les enferme à Distort City. Tom Tereack était inexistant dans le jeu vidéo, tout comme lui. Pouvait-il être un « bug », comme les humains disaient dans ce monde ? Ou bien son existence était aussi complexe que la sienne ?

Ainsi, Adam ne pouvait arriver qu’à une seule conclusion : s’il était une faille dans la malédiction, Tom Tereack devait en être lui aussi le produit. Et s’il n’appartenait pas à la réalité de Kanto, alors Tom Tereack n’appartenait pas à la réalité de Distort City, et il essayerait de la quitter.

Fort de sa conviction, Adam remit de l’ordre dans ses idées. Si Tom Tereack tentait de quitter la ville, il ne pouvait passer que par un seul endroit qui n’était pas activement surveillé par toutes les forces de la police de Distort City : la forêt au nord de l’île, celle dans laquelle il venait de pénétrer. Trouver la porte de sortie de Distort City signifiait remettre la main sur Tom Tereack.

« Bzzzz ! »

Adam sursauta. Une nuée d’abeilles venait de filer devant ses yeux et l’avait extirpé de ses rêveries. Le bourdonnement des insectes se dissipa vers le nord, en direction du seul sentier praticable dans la pente abrupte de la forêt. Adam jeta un coup d’œil à sa console de jeu :

« Dans cette vaste forêt, dense et sombre, les Pokémon Insecte vivent en grand nombre. »

Il fallait qu’il se remette en route. Adam se remit en mouvement : il écrasa par inadvertance quelques fleurs de jade au sol et reprit le chemin tracé dans la terre sèche, qui descendait vers les profondeurs de la forêt.

Après quelques minutes de marche rapide, il lui sembla avoir entendu un craquement à quelques mètres sur sa droite. Quelque chose — ou quelqu’un ? — avait marché sur des branches mortes. Ce ne devait être qu’un animal sauvage, une biche ou un daim. Ou peut-être était-ce Tom Tereack ?

Adam ralentit son pas et scruta les alentours parsemés de sapins épais et touffus. Les très hautes branches touffues des sapins filtraient la lumière si bien qu’il aurait pu être tard dans la journée qu’Adam n’aurait pu en constater la différence. Il ne fallait pas qu’il soit repéré. C’était lui qui traquait sa proie, pas l’inverse.

Soudain, son pied glissa sur une pierre plate et humide et il tomba à la renverse sur le sentier en pente. Il se sentit rouler de longues secondes, incapable de reprendre le contrôle de son corps face à la gravité qui l’attirait toujours plus vers le bas. Enfin, la pente s’adoucit et il termina sa course dans un buisson presque desséché par le froid.

Adam grommela en se frottant le crâne. Il retira une touffe de feuilles mortes de sa chevelure blonde en pagaille, et soupira à la vue de ses vêtements ruinés par la boue. Puis, il étouffa un cri de surprise. Il était arrivé au bout du chemin de promenade et ce qui s’offrait à lui le laissa bouche bée.

— Intéressant !

*
Comme tous les samedis après-midi, Redwan se laissa tomber sur le canapé du salon et attrapa la télécommande de la télévision. Il allait débuter son rituel de farniente, tradition obligatoire qui avait monopolisé tous ses week-ends depuis la nuit des temps. Afin de palier l’absence de sa mère, toujours occupée par son travail, il avait appris à se lier d’amitié avec le poste de télévision qui retransmettait en boucle des émissions toutes les plus inintéressantes les unes que les autres : entre les fictions basées sur des adolescents aventureux, les documentaires sur des animaux sauvages dont l’occupation principale était celle de dormir dans des paysages exotiques, et des reportages barbants sur la vie économique de Distort City, rien n’éveillait jamais l’intérêt de l’adolescent. C’était comme si tous les directeurs de chaînes s’étaient réunis un jour pour organiser leurs grilles de programmes en fonction des sujets que Redwan aimait le moins : la nature, les animaux et l’aventure.

Ainsi, Redwan finit comme toujours par s’éclipser dans sa chambre, planter ses écouteurs dans les oreilles, et s’abandonner dans la musique rock des générations précédentes. Couché sur son lit, les yeux rivés sur son plafond blanc, rien ne lui était plus agréable que de se laisser absorber par la musique et faire disparaître le monde insipide autour de lui.

Comme à son habitude, il laissa ses pensées voyager dans son esprit. D’abord, ce fut le petit garçon aux cheveux dorés qui occupa son attention. Adam lui racontait son histoire farfelue de Pokémon, de jeux vidéo réels, de malédiction et d’autres sornettes dans le genre. Comme s’il pouvait imaginer un seul instant que quiconque croirait en ses rêveries !

Un solo de basse transforma ses pensées. Il était à présent assis dans le laboratoire sombre du Prof Maboul, un casque étrange sur la tête, et il se disputait avec Cyano.

La mélodie d’un clavier vint perturber cette image. Il était à présent trempé jusqu’aux os, dans le jardin de son voisin, sous un orage violent. Un éclair transperça le ciel.

Redwan sursauta. Il aurait juré que l’éclair avait été réel. Il ôta ses écouteurs avec précipitation et jeta un coup d’œil par la fenêtre. La chaumière de son vieux voisin lui apparut sous un soleil automnal radieux. Pas d’orage à l’horizon. Pourtant, il était certain d’avoir vu une décharge électrique… Ou avait-il trop sombré dans un état de méditation.

Un petit cliquetis rouillé attira son attention. Dans la cage à côté de son bureau, Stuart, sa souris, était occupé à courir librement dans sa roue. Quelque chose semblait étrange dans son comportement.

Redwan avança d’un pas prudent. Curieux, il s’accroupit au niveau de la cage et observa longuement son animal de compagnie. Les poils jaunes de Stuart étaient hérissés sur son dos, comme s’il avait la chair de poule. Phénomène plus étrange, Stuart tournait tellement vite qu’il était persuadé de voir de manière régulière quelques petites étincelles s’échapper de la roue.

— Qu’est-ce que… ?

Jamais Stuart n’avait eu un tel comportement. Le choc qu’ils avaient vécu dans le laboratoire du Prof Maboul l’avait-il traumatisé ? Redwan ouvrit la cage et approcha sa main de sa souris.

C’est alors qu’au contact avec Stuart, il ressentit une douleur cuisante lui électriser les doigts et il fut projeté en arrière.

***
JOUEUR : RED
BADGES : 0
POKÉDEX : 8
TEMPS : 1:52

Il recula de quelques pas en titubant et se rattrapa à un tronc d’arbre derrière lui. Le jeune dresseur mit un moment à reprendre ses esprits.

As-tu déjà fait une expérience de sortie de corps ? Je ne sais pas comment cela fonctionne chez vous, les Pokémon, mais nous, les humains, nous avons parfois cette étrange sensation de ne pas être nous-même et de nous voir en dehors de notre propre corps. Comme si nous pouvions être quelqu’un d’autre et nous observer de loin.

Ce jour-là, plongé au plus profond de la Forêt de Jade, c’est la sensation que j’ai vécue. Je sais que cela est anecdotique, mais ce sentiment d’être quelqu’un d’autre n’a jamais été aussi fort de toute ma vie.

Lorsque la Pokéball s’est renfermée sur le Coconfort que je venais de capturer, le flash qu’a émis la sphère m’a ébloui si fort que j’en ai vacillé sur place. Puis, je me suis vu de l’autre côté de moi-même, reprenant mes esprits. Ça n’a duré que quelques secondes, mais c’était comme si je n’avais plus été Red, un dresseur Pokémon à la conquête de la renommée, mais une autre version de Red, dématérialisé, différent, loin des enjeux de Kanto. J’ai secoué ma tête et vite chassé ce désagréable sentiment.

Si je me souviens si bien de ce passage dans la Forêt de Jade, c’est pour deux raisons. La principale est que ce fut la véritable première épreuve que j’ai vécue en tant que dresseur. Il s’agissait de franchir une forêt si épaisse qu’il semblait impossible un jour d’en arriver au bout. Je lai traversée de long en large et en travers, incapable d’en trouver la sortie, pendant une durée qui m’a semblée des semaines. En réalité, je me suis rendu compte plus tard que je n’y étais resté que quelques jours, juste assez de temps pour m’y perdre et pour compléter mon Pokédex en chassant les Pokémon insectes qui s’y trouvaient.

La seconde raison pour laquelle ce souvenir est brûlant dans ma mémoire, c’est parce qu’il s’agit de la deuxième fois où nos chemins se sont croisés, toi et moi. Tu t’en souviens, Pikachu ?

Je venais de capturer le sixième et dernier Pokémon de mon équipe, un Coconfort qui m’a donné du fil à retordre, et je soignai avec patience mon Piafabec empoisonné par un dard venin lancé durant le combat.

Ainsi, j’étais prêt à quitter cette forêt en ayant compléter toute ma liste de Pokémon à rencontrer en cet endroit, et je me suis perdu dans une des parties les plus épaisses et les moins lumineuses de la forêt. C’est à cet endroit précis que tu es apparu.

Te croiser sur ma route m’a fait un choc. Parce que je t’avais reconnu au premier regard. Comment oublier le Pokémon qui m’avait traumatisé le premier jour de mon voyage ? Tu te souviens de quelle a été ma réaction à ce moment-là ?

J’ai voulu prendre mes jambes à mon cou ! Évidemment, toi, tu t’es fendu d’un ricanement malicieux, et cela m’a fait prendre conscience du ridicule de la situation. Moi, Red, le dresseur qui se voulait le plus grand de sa génération, terrifié à l’idée d’affronter un petit Pokémon électrique. C’est toi qui m’as fait changer de posture, d’ailleurs. Oui, en te moquant ouvertement de moi, tu m’as redonné du courage. J’étais déterminé à te prouver que j’étais capable de te battre. Mieux, je voulais te posséder. Simplement pour le plaisir de te rappeler chaque jour de ton existence que je t’avais dominé.

Un aveu de faiblesse, maintenant que j’y pense.

Toute mon équipe y est passée dans ce combat ! Piafabec, que je venais de soigner, s’est effondrée en une seule attaque « éclair » de ta part. Ne parlons même pas de mon Rocool qui, déjà à l’époque, était le plus faible de mes Pokémon. Rattata et Chrysacier n’ont pas fait plus long feu. Même mon puissant Salamèche n’a pas pu résister à tes éclairs foudroyants.

Lorsque j’ai fait appel à mon dernier recours, mon tout nouveau Coconfort, je savais que je jouais le match de ma vie. En tout cas, à ce moment de ma vie. Le match le plus important. Je devais te mater. Je devais t’apprivoiser. Tu étais capable à toi tout seul de venir à bout de cinq de mes Pokémon. Il fallait que je te possède !

C’est alors que tu as subi la première résistance à tes éclairs. L’armure de mon Coconfort était trop bien affutée pour toi. Quelques répétitions de cette stratégie de défense, et tu étais à présent incapable de mettre à terre ton adversaire. Je t’avais à ma merci. Il fallait que je réduise tes forces avant de t’enfermer dans une de mes Pokéballs.

C’est là qu’elle a débarqué.

— Qu’est-ce que tu fiches ?

Je me suis pétrifié sur place, le bras tendu au-dessus de ma tête, ma Pokéball en suspens. Green est apparue entre les sapins épais, haletante, comme au bout d’une très longue course.

— On ne t’a jamais appris qu’il était interdit de capturer les Pokémon qui appartiennent déjà à un dresseur ?

Elle t’a pris dans ses bras et m’a jeté un regard froid. C’est à cet instant qu’elle m’a reconnu.

— Red !

Sans crier gare, elle m’a plaqué contre elle, soulagée de m’avoir retrouvé. Toi, tu étais écrasé entre sa poitrine et la mienne. À tout instant, je te connaissais si bien, tu étais capable de nous envoyer tes éclairs pour récupérer ta liberté. J’ai prié très fort pour que notre combat t’ait assez épuisé pour que tu ne passes pas à l’action.

Quand elle nous a libérés de son étreinte, j’ai observé que Green était plutôt préoccupée.

— Tout va bien ? je me suis inquiété.

Elle a alors jeté des coups d’œil derrière elle, comme persuadée qu’un monstre allait surgir pour nous attaquer.

— Red, il faut absolument que nous quittions cette forêt ! m’a-t-elle pressée en me tirant par la main.
— Attends, deux secondes ! Que se passe-t-il ?
— Quelque chose me dit que nous ne sommes pas en sécurité.

Avec le recul, je sais à présent qu’elle mentionnait sa rencontre avec Tomaso Tereack qu’elle venait de croiser un peu plus tôt. Mais le dresseur naïf que j’étais à l’époque ne détenait pas cette donnée, et il comptait bien s’émanciper de tout ordre extérieur à sa propre volonté.

Je me suis dégagé de son emprise d’un coup trop sec et ma main est entrée en contact avec ton visage. Erreur fatale. Tu gardais encore quelques ressources offensives.

Tu m’as envoyé tes éclairs et j’ai été soulevé par la décharge électrique.

***
Je tombai à la renverse et mis un certain temps à me remettre du choc. Pris d’une douleur vive qui me transperçait le crâne, j’ai secoué mon visage et lancé un regard paniqué à la cage qui contenait Stuart. J’ai alors croisé, dans le miroir du fond, le regard d’un adolescent rachitique recroquevillé au pied de son lit.

Redwan s’observa dans la glace un long moment. C’était comme s’il n’arrivait pas à se reconnaitre. Le choc électrique qu’il venait de subir, aussi étonnant qu’il fût, lui avait confondu l’esprit. Une chose était certaine : ce qui s’était passé dans le laboratoire du Prof Maboul, avec le casque qu’Adam lui avait posé sur la tête, lui avait grillé le cerveau. Car il n’arrivait pas expliquer comment il était possible qu’une souris domestique l’électrise, et avec autant de violence !

Tout à coup, Stuart grimpa le grillage de sa cage et bondit en-dehors avant de courir sur la moquette de la chambre et de s’enfuir par la fenêtre entrouverte, projetant sur son passage de petites étincelles.

— Stuart !

Redwan se leva d’un bond, vacilla un instant, toujours fébrile, et plaqua ses mains contre la fenêtre. La souris jaune disparaissait dans le bois avoisinant la chaumière du Prof Maboul, en direction du nord de Distort City.

Il devait remettre la main dessus !