8: Jugée sur la Place du Marché
Adorón pousse violemment les fugitifs dans le champ de coton. Surpris par la force qui émane d’un corps aussi émacié et usé par le travail, Aron et Medhi tombent à la renverse sans opposer de résistance. Qispi est jetée à leurs pieds à son tour, et le téra qui accompagne les esclaves flotte à toute vitesse vers le corps inerte du prisonnier étendu au sol. Le téra fait gonfler les trois boules de coton qu’il possède et cache de cette manière le jeune homme évanoui qui n’a rien à faire dans ce champ de travail.
— Metávosvos a vosoneio lavor, pongos!
Le garde est arrivé à la hauteur du groupe d’esclaves et menace de son gourdin la femme édentée qui se présente en premier à lui. Tous s’exécutent et se précipitent vers les plants de coton afin de reprendre leurs activités, sauf Adorón qui jette un coup d’œil à l’endroit où sont planqués les fugitifs.
Très vite, un téra pas plus grand que Medhi fait son apparition en renfort du garde : sa peau est bleue et lisse, ses yeux rouges reflètent son plaisir pour la baston et trois arrêtes sur son crâne dissuadent quiconque de tâter de ses coups de boule. Rien qu’à la vue des petits muscles menaçants du téra, Adorón se met en mouvement et rejoint ses camarades de travail sans opposer de résistance.
— E tu, Buldecotón?
Le garde a repéré la boule de coton qui s’est posée au sol à son arrivée. Nul doute que si le téra ne retourne pas au travail, il fera connaissance avec le gourdin du garde. Ou avec les muscles de son acolyte. Mais le téra reste immobile, tétanisé par la peur. Aron le sait : s’il bouge, le corps du prisonnier qu’il a aidé à libérer sera révélé et ils risquent tous le même sort réservé à Nora !
Aron amorce un mouvement pour venir en aide au téra empêtré dans son dilemme mortel, mais Qispi le retient par la main. Elle lui fait signe de ne pas bouger, mais le téra du garde est bien décidé à user de la force pour mettre tous les esclaves en mouvement. Qispi se risque à chuchoter, d’une voix si faible que l’ouïe fine d’Aron lui permet à peine de percevoir :
— Tu ne peux rien contre lui !
— Si on ne fait rien, ils risquent tous d’être brûlés vifs, s’indigne Aron dans un murmure. Ou pire, d’être emprisonnés !
— Nous aussi on risque la peine de mort, rappelle Qispi. Et ce téra est beaucoup trop fort pour toi, ou pour ce Cotovol. On l’appelle Machoc, ça veut dire « Casseur de jambes » en Langue de Sunn. Et il y en a tout un tas qui gardent les champs autour de nous.
Qispi lui montre d’un geste de la tête les pieds de plants de coton alentours et Aron croit distinguer entre les feuilles et les tiges des petites pattes bleues similaires au téra qui menace le Cotovol.
Ce-dernier est tétanisé par la peur tandis que le Machoc s’approche toujours plus dangereusement de lui. Il joue des ses biceps afin d’encourager le Cotoval à bouger, mais celui-ci ne cède pas. Il n’en faut pas plus au Machoc pour agir. D’un coup de poing fracassant, il projette à une dizaine de mètres le vaillant téra dans le champ de coton. Medhi veut lui porter secours mais c’est Aron qui l’en empêche cette fois-ci. L’enfant sauvage a bien compris les enjeux.
Le Cotovol n’a pas dit son dernier mot et se relève péniblement, mais le Machoc n’est pas un adversaire à sa taille : il le roue de coups jusqu’à ce que ses trois boules de coton finissent par reprendre une taille normale. Le Cotovol roule sur le côté et frémit de douleur, incapable de se relever. Aron a de plus en plus de mal à garder Medhi à ses côtés : son fidèle ami ne peut supporter une scène d’une telle barbarie. Lui non plus, d’ailleurs. Il sert les poings et se jure de venger le pauvre téra le moment venu.
C’est alors que le garde et son violent téra découvrent le corps inerte du prisonnier. Qispi se pétrifie à côté de lui. Les esclaves jettent un coup d’œil inquiet sans cesser de travailler. Le silence pesant écrase le champ de coton au moment où le garde inspecte le corps. S’il le reconnait, il saura que des prisonniers se sont enfouis des cachots du Seigneur Bartolomé.
Le garde pousse un cri dans sa langue natale et la plus vieille des esclaves lui répond avec assurance. Ils s’échangent quelques paroles, l’une cachant sa peur, l’autre n’hésitant pas à menacer de son gourdin. Aron lance un regard d’incompréhension à Qispi qui lui fait signe de ne pas bouger. Enfin, le garde fait un signe impérial à Adorón et l’esclave soulève difficilement le corps du prisonnier qu’il pose sur son dos courbé. Le garde lui fait signe de le suivre et ils disparaissent de leur champ de vision.
— Il pense que c’est un esclave d’ici qui s’est évanoui sous la charge du travail, chuchote Qispi à l’oreille d’Aron.
— Où est-ce qu’ils l’emmènent ?
— Sur la Place du Marché.
— Ils vont le pendre lui aussi ?!
— Il ne sert plus à rien…
Aron sert la mâchoire. Il veut aider ce pauvre prisonnier qui n’a rien demandé à personne. De plus, il est transporté sur la Place du Marché où va être jugée Nora. C’est sa seule chance de faire d’une pierre, deux coups. Il doit la saisir.
— Qu’est-ce que tu fais ? s’inquiète Qispi en voyant Aron bouger dans leur cachette.
— Il est temps de passer à l’action.
— Et Machoc ? Tu l’as oublié ?
— Je vais te montrer de quoi Medhi et moi sommes capables.
Aron et Medhi échangent un regard déterminé. Ils se connaissent depuis assez longtemps pour pouvoir se passer du langage. Medhi sait ce qu’il a à faire.
Sans crier gare, il bondit à toute vitesse hors du plant de coton qui le cachait à la vue de son adversaire et, dans un flash de lumière, traverse la distance qui les sépare. Le Machoc se retourne avec vivacité et pare le coup. Qispi pousse un cri d’horreur incontrôlé face au choc que produisent leurs corps qui s’affrontent.
Machoc et Medhi sont à présent debout face à face, les poings du premier calés dans les mains du second. Aucun des deux n’est prêt à laisser l’autre prendre le dessus et la terre sèche sous leurs pieds commence à trembler.
Les esclaves ont cessé de travailler et ont reculé d’effroi loin de l’affrontement des deux téras. Qispi pousse un nouveau cri de panique : entre les plants de coton, l’on peut distinguer les pattes d’autres Machoc se diriger à leur encontre. Quelques secondes plus tard, Medhi est entouré de trois autres « casseurs de jambes ».
— On est foutus ! s’horrifie Qispi.
— Medhi n’a pas dit son dernier mot, assure Aron qui ne bouge pas de sa cachette.
Si seulement il y avait une source d’eau quelque part près de lui, il pourrait venir en aide à son ami et se débarrasser plus vite de ces téras malfaisants à l’aide des pouvoirs de son grand-père caché dans son Talisman. Malheureusement, Medhi est seul dans cet affrontement.
Alors que le premier Machoc maintient immobile Medhi en l’agrippant par les poings, les autres Machoc se mettent à le rouer de coups. Chaque partie de son corps est assiégé par les poings violents des « casseurs de jambes ». Le dos, le crâne, les jambes : aucune des parties du corps de Medhi n’est épargnée.
— Il va se faire massacrer, et nous serons les suivants ! se morfond Qispi.
— Encore un peu de patience… marmonne Aron qui n’est plus sûr de lui.
Il a déjà vu Medhi se tirer de situations beaucoup plus critiques, lorsqu’ils chassaient dans la forêt de son Île de Nede. Il connait son fidèle ami : son potentiel se décuple en général lorsqu’il encoure les risques les plus dangereux pour sa vie. Il faut juste être patient… et espérer qu’il ne craque pas avant.
Medhi commence à faiblir sous les coups des Machoc. Un esclave veut lui venir en aide mais la plus vieille du groupe l’empêche de s’en mêler. Aron la comprend : s’ils participent au combat, ils seront jugés pour cela. Et vu la manière tyrannique avec laquelle ils sont traités, il ne doute pas que le jugement sera en leur défaveur.
Après plusieurs minutes de coups ininterrompus, Medhi ouvre grand ses yeux crispés. Ça y est ! Il est là, son regard froid et sanglant qui annonce l’arrivée de son attaque ravageuse. Medhi est prêt à renvoyer la sauce.
D’un geste souple, il évite un coup de poing qui lui était destiné sur le crâne. Il prend appui sur les poings serrés du Machoc qui l’immobilise toujours et frappe d’un coup de pied le visage du téra juste derrière lui. De son second pied, il cogne le torse d’un deuxième adversaire, puis il fait retomber ses deux pieds de part et d’autre de la tête d’un troisième « casseur de jambes ». Il pivote sur lui-même et le corps du Machoc s’envole dans les airs. Enfin, il se libère avec force de l’emprise de son premier adversaire et lui assène un coup de poing dans la mâchoire. Les quatre téras s’effondrent au même instant à ses pieds.
— Super !!! hurle Aron.
L’enfant sort de sa cachette et se jette dans les bras de Medhi qui bombe le torse par fierté. Les deux amis se trémoussent dans une danse de la joie qui les fait hurler de rire. Cependant, ils sont les seuls à être aussi enthousiastes. De leur côté, les esclaves sont effrayés par la démonstration de puissance de Medhi, et surtout par le tas de téras évanouis, empilés au milieu de leur champ de travail.
— Quoi ? Vous n’êtes pas contents qu’on se soit débarrassé d’eux ? s’étonne Aron.
Terrifiés, les esclaves prennent alors leurs jambes à leurs cous et s’enfuient de la scène du crime.
— Eh ! Attendez !
— Aron, c’est de la folie ! s’exclame Qispi qui le rejoint en tremblant.
— Il fallait bien qu’on les affronte !
— Mais maintenant, le Seigneur Bartolomé va vouloir punir ses esclaves !
— Oh ! Le Seigneur Bartolomé par-ci, le Seigneur Bartolomé par-là. Nous, quand on a un ennemi face à nous, on lui fait sa fête et puis c’est tout ! D’ailleurs, on ne doit pas traîner car Nora et le prisonnier sont en danger. Par où se trouve la Place du Marché.
Qispi leur montre un chemin hors du champ de coton qui se dirige vers le bas de la colline, en direction du village.
— Tu ne viens pas avec nous ?
— Je… je ne crois pas que ce soit une bonne idée. Je vais m’occuper de ce pauvre Cotovol et vite retourner au cachot où je suis censée travailler. Je n’ai pas envie de finir sur le bûcher.
— Comme tu voudras !
— Faites attention à vous !
Aron lui fait un clin d’œil, déterminé. Les deux amis quittent le champ de travail et laissent derrière eux la petite esclave et la boule de coton évanouie.
*
« DONG ! »
Un gong puissant résonne dans tout le village pour signifier aux habitants que les deux aiguilles de l’horloge se sont alignées sur le nombre douze. Aron et Medhi ont fait profil bas en pénétrant dans le village. Ils ont profité du passage d’une charrue d’un commerçant pour s’y faufiler et atteindre la Place du Marché sans encombres. Cachés dans le tas de paille, ils observent les alentours avec de grands yeux.
Aron n’a jamais vu autant d’être humains et de téras réunis au même endroit. Alors comme ça, les humains pouvaient être aussi nombreux ! Il y en a de partout, de toutes les tailles, de tous les genres : des gros, des petits, des rachitiques, des vieux, des jeunes, et même des enfants comme lui. La plupart d’entre eux portent des vêtements en tissu assez léger pour faire respirer leurs corps sous la chaleur infernale qui règne sur cette île. Ci-et-là se baladent des gardes, affublés des mêmes uniformes que celui qui les a menacés dans le champ de coton. Avec leurs gourdins et leurs lances, ils scrutent les villageois qui troquent leurs possessions en échange de biens comestibles dans les étalages des commerçants.
Il règne une odeur pestilentielle, la faute aux bovins qui tirent les charrues ou qui attendent d’être vendus contre des téras de toutes sortes. Aron en reconnait qui font partie des milices qui organisent la sécurité : ils ressemblent en tous points aux Machocs qu’ils ont terrassés. Il y en a même un qui fait deux fois leur taille, et dont les muscles robustes menacent à eux seuls quiconque pose le regard sur lui. Il reste debout, droit comme une statue, au milieu de la Place du Marché, à côté d’une estrade en bois qui a été montée devant un puits.
« DONG ! »
Le douzième et dernier coup a retentit et les villageois se sont agglutinés autour de l’estrade. Une carriole tirée par un taureau fait son entrée sur la Place du Marché. Le taureau tire une cage en fer forgée, fixée sur quatre grandes roues. En son sein, plusieurs personnes regardent avec effroi les villageois et l’estrade vers laquelle ils sont emmenés. Il y en a même une qui pleure.
Enfin, un autre taureau fait son entrée avec sur son dos un homme reconnaissable d’entre tous : sa peau mate et son torse musclé cachés sous un long drap blanc noué dans une armure font frémir les villageois. Ses yeux bleu vif toisent la foule, balaye le tas de paille sous lequel Aron et Medhi sont cachés, et se braquent sur la cage remplie de prisonniers. Lorsque son taureau s’arrête devant l’estrade, les villageois l’acclament et il lève une main pour imposer le silence.
Le Seigneur Bartolomé prend alors la parole, face à ses serfs.
— Nous sommes à nouveau réunis aujourd’hui pour appliquer la peine capitale aux criminels qui ont enfreint la loi de votre Seigneur ! lance-t-il à la foule. Je vous laisse juges de leur sort ! Que l’on amène le premier prisonnier !
Un garde ouvre la cage, saisit un prisonnier sans vie et un Machoc empêche les autres criminels de s’enfuir. Le garde monte sur l’estrade et, avec l’aide du téra redoutable qui se met enfin en mouvement, accroche une corde autour du cou du prisonnier inerte. Le téra le maintient debout sur un petit socle en bois. Aron le reconnait : il s’agit du prisonnier qu’ils ont aidé à s’enfuir des cachots. Il repère d’ailleurs l’esclave Adorón mêlé à la foule.
Le Seigneur Bartolomé fait signe à un vieil homme habillé d’un tissu doré de parler, et le notable se met à lire un parchemin qu’il déploie sous ses yeux.
— Cet esclave a été retrouvé couché au sol dans les champs de coton. Son corps est fatigué par la tâche, il est donc devenu inutile à la grandeur de l’Île Bartolomé.
La foule se met à huer l’esclave et le Seigneur Bartolomé lève la main droite. Tous les regards se tournent vers sa main. Il baisse son pouce et les villageois l’applaudissent. Le téra redoutable pousse alors le prisonnier qui tombe de son socle et se brise le cou sous l’effet de la corde qui le retient dans les airs.
Aron se crispe sous la paille. Medhi lui tient le bras. Tous deux sont horrifiés. Le prisonnier qu’ils ont aidé à s’enfuir pendouille dans les airs. Le téra qui s’occupe des exécutions publiques dénoue la corde et jette son corps au pied de l’estrade.
Le garde fait monter sur celle-ci une prisonnière émaciée qui n’a pour seul vêtement qu’un bout de tissu lacéré qui lui cache l’entrejambe. Ses seins sont plats et flasques et son corps est aussi ridé que le visage du vieux notable. Le téra lui passe la corde au cou et la fait monter sur le socle en bois. La pauvre prisonnière est prise d’un sanglot qu’elle essaie de dissimuler.
— Cette esclave a été surprise en train de voler deux baies Tomato et une bouteille de lait sur la Place du Marché il y a sept lunes, lit le notable. Elle n’a pas voulu les rendre contre sa liberté. Elle est donc une voleuse du peuple de l’Île Bartolomé.
Cette fois-ci, les villageois sont un peu plus réticents à l’idée de la condamner. Aron peut voir sur le visage de certains d’entre eux un signe d’empathie, comme s’ils comprenaient les motivations de cette femme à avoir voler de la nourriture.
Le Seigneur Bartolomé se tourne vers son peuple et a l’air embarrassé par son silence.
— Cette voleuse s’est vu offrir la possibilité de regagner sa liberté en échange de la nourriture qu’elle a volé, répète-t-il. Elle a choisi le crime !
Sous la pression du regard autoritaire de leur Seigneur, les villageois finissent par huer la prisonnière qui fond en larmes. Rassuré, le Seigneur Bartolomé lève la main droite et prononce la peine de mort d’un signe de son pouce vers le bas. Le grand téra bleu pousse la prisonnière qui tombe de son socle et la corde autour de son cou lui brise la nuque.
Aron se crispe davantage dans sa cachette tandis qu’il regarde, impuissant, le corps de la prisonnière être jetée sur celui du condamné précédent. Aron n’est pas sûr d’avoir compris ce qu’était un jugement, étonnant donné que quoi que les villageois pensent, ils finissent par pousser leur seigneur à condamner les prisonniers de la peine de mort. Mais il est certain d’avoir compris une chose : son grand-père avait eu raison de l’avertir sur la nature démoniaque des autres êtres humains. Son message de méfiance prend enfin tout son sens en découvrant les horreurs dont est capable le Seigneur Bartolomé.
Aron n’a qu’une seule idée en tête : quitter cette île au plus vite et ne plus jamais avoir à faire à cet horrible personnage. Mais il lui faut d’abord sauver Nora.
Comme si le destin lisait dans ses pensées, la prisonnière suivante à monter sur l’estrade est la jeune fille qui l’a embrigadé dans toute cette histoire ! Le téra noue la corde autour du cou de Nora qui défie le Seigneur Bartolomé du regard. On la pousse à monter sur le socle en bois tandis qu’elle affiche une moue désinvolte, comme si tout ce qui se passe autour d’elle n’a aucune importance. On dirait… qu’elle s’ennuie !
En voyant qui est attelé à l’échafaud, le Seigneur Bartolomé se crispe d’excitation. Il a une dent contre elle, et il va s’en donner à cœur joie.
— Cette femme qui répond au nom de Nora a perpétré les actes les plus répréhensibles, annonce le notable en lisant son parchemin. Membre de l’armée du Seigneur Bartolomé, elle a mené un acte de rébellion en contrecarrant les ordres qui lui ont été donnés, un acte de sabordage en détruisant des navires de guerre, et un acte de désertion. Elle a été retrouvée arpentant les rues du village en compagnie d’un esclave du Seigneur Bartolomé, perpétrant ainsi le crime de vol. Pour tous ces forfaits, elle a été jugée traître à sa patrie et reçoit aujourd’hui la peine capitale.
Le Seigneur Bartolomé lève sa main droite alors que les villageois la huent avec enthousiasme. Aron sait que s’il doit agir, c’est tout de suite. Mais comment ? Il est si loin de l’échafaud et sans aucune autre arme que la force de Medhi.
— Et quelle preuve avez-vous contre moi ?
C’est Nora qui a parlé. Elle est si calme face à la mort qui l’attend qu’Aron ne peut s’empêcher de croire qu’elle a conçu un plan pour s’en sortir.
Le Seigneur Bartolomé s’est figé. C’est probablement la première fois qu’on lui tient tête. Le téra à côté d’elle joue de ses muscles pour la faire taire et elle lui jette un regard méprisant. Le vieux notable s’empourpre de rage et fouille dans une poche de sa toison. Il en ressort une petite bourse en toile.
— Vous avez, bête que vous êtes, laissé vos affaires personnelles à la caserne avant de prendre la fuite ! s’emporte-t-il. Nous avons retrouvé, entre autres, ces bijoux typiques des artisans d’Enn !
Le notable brandit devant lui une boucle d’oreille et une flûte de pan.
— Vous avez intégré l’armée du Seigneur Bartolomé, grand Seigneur de Sunn, alors que vous provenez de la région d’Enn ! reprend-il en s’étouffant de rage. Tout en vous pue la traitrise !
— Seigneur Bartolomé, demandez à votre notable de se calmer, ses cris me donnent mal à la tête, répond Nora avec insolence.
— SILENCE, TRAITRE ! ordonne le Seigneur Bartolomé. Tu penses être plus maline que nous ? Je sais qui tu es ! Je sais que c’est ce vieux Seidon qui t’a fait entrer dans mon armée pour m’espionner ! Je sais qu’il cherchait une bonne raison de me faire la guerre et que ta mission était de la lui fournir !
— Vous fabulez, rétorque Nora. Vous devriez faire attention aux coups de soleil, ils vont vous rendre sénile plus tôt que pr…
— PENDEZ-LA !! hurle le Seigneur Bartolomé.
Le téra la pousse en avant et Nora glisse hors du socle de bois.
— NOOOOON ! hurle Aron.