☼ 6 - Les yeux du ciel
Le soleil se lève sur Bonaugure et sa lueur réveille Louka. Levé de bon pied, les mots de maman sonnent encore dans sa tête. Il sait qu’il a appris beaucoup de choses, mais demeure conscient qu’il ne sait pas tout. Il rejoint Ingrid pour le petit-déjeuner. Louka prévient qu’il reviendra pour le déjeuner. Sa maman lui fait part de sa fierté dans tout ce que le dresseur a fait pour l’instant et espère que le meilleur de son enquête reste à venir. Sur ces jolis mots, Louka prend les airs pour Joliberge, les émotions le galvanisent, la volonté en tête, le désir de savoir dans l’optique.
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La ville côtière s’est doté de sa plus belle parure. Le ciel est baigné d’un soleil rayonnant, aucun nuage blanc ne vient troubler l’astre solaire en cette magnifique journée d’Août.
Les fleurs sont enchantées et la danse des Goélise planants amuse les enfants.
Louka attend Cynthia sur un banc de la Bibliothèque orienté vers le port. Le temps de regarder comment vont son Givrali et son Laporeille sur l’application « Ma pension et moi » de sa Pokémontre que la Maître était arrivée et entreprend le dialogue :
- Salut Louka ! J’espère que tu t’es bien reposé !
- Salut Cynthia, oui et sache que j’ai aussi appris beaucoup de choses !
- Parfait ! s'enthousiasme la Maître de la Ligue. Qu’as-tu trouvé ?
- Pour commencer, j’ai trouvé une archive où tous les Pokémon ayant des liens avec le cosmos sont répertoriés. J’y ai trouvé des informations sur Solaroc, Séléroc, Mélofée, Stari, Deoxys et Jirachi. Non seulement, c’était une mine d’informations sur les recherches faites par la Société Galaxie, mais elles ont été réutilisées plus tard lorsque l’organisation est devenue le Team Galaxie. Surtout pour les Mélofée. Tu te souviens quand la Team Galaxie avait dérobé le Mélofée du propriétaire de la boutique de vélo à Vestigion ?
- Oui je me souviens très bien, tu n’étais que novice dans le dressage Pokémon lorsque ces péripéties ont eu lieu.
- Super, sache alors qu’il y avait bien un motif pour le vol de Mélofée.
- Ah bon ? Lequel ? Je pensais qu’il l’avait dérobé pour simplement soudoyer de l’argent au propriétaire de la boutique.
- L’optique était de récupérer un maximum de Mélofée pour mener des expériences. Les Mélofée sont des Pokémon qui dansent les soirs de pleine lune et créent une énergie qui leur permet de flotter. Les équipes de la Team Galaxie ont cherché à extraire cette énergie de ces Pokémon et à l’utiliser dans leur projet.
- Et comment cela s’est manifesté ?
- Ils ont utilisé cette énergie à deux reprises. La première, au Grand Marais de Verchamps, un sbire avait déposé une Bombe Galaxie et avait ravagé les lieux. La seconde a été plus puissante, puisqu'il s'agit d’une Bombe Galaxie. Celle-ci était beaucoup plus forte. J’étais avec le Professeur Sorbier, René et Aurore dans la bibliothèque derrière nous lorsque nous avons ressenti l’explosion. Les secousses étaient tellement fortes que nous avions l’impression d’être sur les lieux. L’onde de choc était tellement forte que les vitres gardent encore des fissures !
- Ils ont utilisé l’énergie des Mélofée pour créer leurs Bombes Galaxie ?!
- Oui c’est cela en bref.
- Je ne reviens pas, quelle cruauté ! s’exclame Cynthia.
Le dresseur continue de raconter ses trouvailles de la veille, et Cynthia vient ajouter :
- Sais-tu que les Pokémon Légendaires, Dialga et Palkia feraient partis d’un trio ?
- D’un trio ? Tu veux dire qu’il y aurait un troisième Pokémon ?
- Oui, tu as bien compris. Malheureusement, on ne connaît que très peu de choses de ce Pokémon. Je suis allé faire un tour, avant ta venue, dans la Bibliothèque. J’aime beaucoup passer mon temps ici. J’apprécie surtout lire des tonnes de bouquins sur la mythologie de Sinnoh. Et ce matin, je suis tombé sur un livre parlant de ce mystérieux troisième Pokémon légendaire.
- Mais … il n'y a qu'un seul livre qui parle de Pokémon ? J’imagine que s’il est du même niveau que ses deux compères, il devrait y avoir davantage d'ouvrages à son sujet.
- Malheureusement, très peu évoquent, ne ce serait-ce qu’un brin, l’existence du troisième Pokémon légendaire. Les seuls écrits que l’on a où il apparaît, sont soit des déclarations, rumeurs, des contes ou encore des recueils de théories.
- On suppose qu’il existe mais … on n’en a aucune preuve. Comment s’appelle ce Pokémon ?
- Personne ne sait comment il se nomme, excepté un ouvrage qui le qualifie de Pokémon Renégat. J’avais trouvé étonnant comme histoire, je me suis dit que ces informations t'aideront peut-être dans ton enquête.
- Merci, je prends note de tout ça.
En prenant son calepin, Louka sort également la lettre et la facture trouvées dans la salle des archives.
- Lors de mes recherches avant-hier, j’ai pu accéder à la salle des archives. Elle n’était pas très remplie, mais on a retrouvé cette lettre et cette facture. Les deux datent d’un an avant le passage de la Société Galaxie en Team Galaxie. Le “R” en rouge m’intrigue, j’en ai parlé à maman et à votre grand-mère, mais aucune des deux n’a pu me dire précisément à quoi cela correspondait.
- Fais moi voir …
Louka tend les documents à la Maître. Spontanément, son regard se pose et reconnaît le “R”.
- Mais … c’est le logo de la Team Rocket !
- La Team … Rocket ?
- Oui, la Team Rocket, il s’agit d’une organisation malveillante qui sévit à Kanto et à Johto, son but est de voler les meilleurs Pokémon de leur dresseur afin d’alimenter un marché noir de la revente de Pokémon. Et le Monsieur “G” ne doit être que Giovanni, leur leader.
- Ah ! Mais c’est abominable ! scandalise Louka
- Malheureusement, la lettre n’est qu’une lettre d’invitation pour que Hélio aille rencontrer Giovanni, mais cela témoigne au moins que la Team Rocket ait été intéressée par les activités de la Société Galaxie.
- Mais pourquoi faire ?
- Je n’en ai aucune idée, mais j’imagine que c’est pour créer des liens entre les deux organisations. Si tu me dis que ces deux documents ont été reçus un avant le changement, la Société Galaxie était en plein essor à ce moment là.
- Tu m’as dit que tu étais souvent invité par le Société Galaxie pour des réunions et des conventions ? Jamais tu n’as entendu parler des ces liens avec la Team Rocket ?
- Non, jamais. C’est la première fois que je vois tout ça. Ils ont tout manigancé pour que personne ne se doute de rien … tu as trouvé d’autres éléments ?
- Pas vraiment, je n’ai toujours pas trouvé l’ordinateur portable de Saturne non plus, et j’ai peur de ne jamais le trouver.
Cynthia se tourne vers Louka et lui jette un regard ferme.
- Louka, je pense que tu te diriges sur une piste sans réelles issues. Saturne est peut-être tête-en-l’air mais sait très bien ce qu’il fait. Pour avoir travaillé avec lui à l’époque de la Société Galaxie, il était très difficile de le déroger d’une activité à laquelle il se donnait. J’imagine qu’il doit garder précieusement.
- Mais sur quoi ou qui voulez-vous que je me concentre ?
- Je pense que tu devrais focaliser tes efforts sur celui qui est à l’origine de tout ça …
- Vous voulez dire … Hélio ?
- Oui, même si depuis les Colonnes Lances on ne sait pas ce qu’il est devenu, il est le créateur de tout cela.
- Que connaissez-vous de Hélio ?
- Hélio … je le connais depuis très longtemps, raconte Cynthia en levant son regard vers le ciel. Nous nous connaissons depuis tout petit.
- Vous vous connaissez depuis l’enfance ?
- Exactement. C’était il y a 25 ans. Lors d’une soirée mes parents et les siens ont été invités pour une soirée organisée en l’occasion du passage du professeur Chen dans la région. C’était à cette occasion que j’ai rencontré un garçon aux cheveux bleus-gris, c’était Hélio. Nous avions 3 ans, mais je m’en souviens encore comme si c’était hier. Un espace était réservé pour les enfants. Il était plutôt réservé et justement c’est ce qui m’a intrigué chez lui. Je suis allé le voir pour lui proposer de jouer avec moi et il a accepté, se rappelle Cynthia. Bon, je ne vais pas te mentir qu’au début ça n’a pas été facile, il ne s’exprimait que très peu. Je pense que je devais être l’une des seules personnes hormis sa famille à qui il parlait.
- Après cette soirée, vous avez eu l’occasion de vous revoir ?
- Oui ! Nos familles aussi se sont bien entendu et elles s’invitèrent l’une chez l’autre, donc nous nous sommes vus régulièrement.
- Et comment a évolué votre relation ? interroge Louka
- En bien j’ai envie de dire, plus nous nous voyons, plus il s’exprimait avec moi. Naturellement, nos parents nous ont placés dans la même école maternelle et primaire. Avec le temps, il se mettait à davantage sourire en ma compagnie, mais dès que j’étais plus à ses côtés, je retrouvais le Hélio froid que j’avais rencontré. Nous jouions beaucoup ensemble quand nous étions en maternelle. Après en primaire, nous avons été séparés, nous étions dans deux classes différentes mais dans la même école car nous étions trop d’élèves pour une classe. Donc, nous nous voyions seulement pendant les récréations. A partir de ce moment, je le trouvais moins souriant et me disait ne pas vraiment apprécier les élèves de sa classe. Je le voyais de plus en plus avec des machines qu’il avait bricolées.
- Il a toujours été le même finalement à ne pas aimer les autres.
- Là justement, j’aimerais nuancer le portrait qu’on lui peint. Quand je jouais, avec lui, finalement on s’amusait beaucoup ! Il souriait, et me disait qu’il passait un bon moment ! Ses yeux azur reflétaient les nuages mouvant du ciel. Il avait ce comportement uniquement avec moi à l’école, certes, mais il savait esquisser un sourire !
- Ah bon ! s’étonne Louka. Il a l’air tellement froid et dans ses pensées aujourd’hui, c’est étonnant d’entendre ça. Comment se passait les journées à l’école ? Était-il un bon élève ?
- Hélio était un très bon élève. Il surprenait avec sa grande curiosité sur les sujets scientifiques. J’imagine que son environnement familial a été le terreau de cette curiosité. Il était très apprécié par les professeurs, même s’il avait souvent la tête dans les nuages. Les professeurs avaient fini par lui donner un surnom, il l’appelait l’Etoile.
- Et avec les autres élèves ça se passait comment ?
- Plutôt moyen, personne ne l’aimait particulièrement, mais personne ne le détestait pour autant. Il était dans sa bulle, la tête dans les étoiles. Cela lui arrivait de recevoir des brimades de la part d’autres camarades car c’était un peu l’intello de la classe. Mais rien de bien méchant jusqu’à ce jour …
- Que s’est-il passé ?!
- C’était en début de cinquième année, on avait dix ans je crois, on avait pris l’habitude de se retrouver sous un arbre de la cour pendant les récréations. Cependant, ce 4 avril , je me suis retrouvée seule sous cet arbre pour la récréation du matin et de l’après-midi. Le lendemain, le directeur de l’école était passé dans notre classe pour nous dire qu’un élève avait persécuté un autre élève. Directement, j’ai pensé à Hélio. Lors de la récréation, je suis retourné à notre arbre par habitude et il n’est pas venu, ce jusqu’à la fin de la semaine. Je m’étais même mis à l’attendre à la fin des cours devant le portail de l’école, mais je ne l'avais jamais revu.
Le matin du lundi 11 avril, je suis allé mener mon enquête en demandant à quelques-uns de ses camarades de classe s’il avait des nouvelles d’Hélio. J’ai appris que mon ami avait été reçu un coup au visage par un camarade et que Hélio serait absent pour quelques jours.
Chaque matin était devenu une source d’impatience à l’idée de revoir Hélio. Le mardi arriva. Le mercredi s’en alla. Deux jours pendant lesquels je ne pensais qu’à lui.
Le jeudi 14 avril, à mon arrivée à l’école, je vis Hélio au milieu de la cour. D’un bond, je suis allé le voir en courant. Quand je suis arrivé à lui, il se retourna. Son visage était vide, inexpressif et encore tuméfié par la douleur. Je l’ai salué, il se retourna et alla dans sa salle de classe. Je me suis retrouvée seule, encore une fois au milieu de la cour. Les minutes devenaient des heures et le proche semblait inaccessible. Toute la matinée, je repensa à ses yeux au bleu glacial. Lors de la première récréation, je suis retournée bêtement à cet arbre. Il n’est pas venu, je suis allé voir un des élèves de sa classe pour lui demander où était Hélio et me répondit qu’il était resté dans la salle de classe. Empressée de le revoir, j’y suis allée. Une fois sur place, je le vis les bras croisés sur sa table, sa mâchoire cachée à l’intérieur et ses yeux orientés vers la fenêtre. Le silence régnait et l’océan froid de ses pupilles annihilées de toutes émotions me givrèrent sur place. Le reflet des nuages s’était estompé.
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Cynthia reprend son souffle et poursuit :
- Je le salua de nouveau. Le bruit de ma voix s’était perdu dans le néant sonore de la pièce. Je l’appelait, le demandait, le réclamait, criait. Rien ne fonctionnait, il restait figé. Je me suis approché de lui et je me suis installée en face de son pupitre. Il ne daignait pas m’adresser le moindre regard. J’ai fait des gestes de la main devant ses yeux … comme pour tenter de le réveiller. Il restait impassible … je ne comprenais pas ce qu’il se passait … je me suis mise à hurler d’incompréhension, à fulminer de colère, à prier de réponses, à murmurer de tristesse. J’étais désemparée. Ce sentiment de perdre quelqu’un, mais cette personne est encore vivante, devant mes yeux. J’ai pleuré, comprenant qu’il ne réagirait pas. J’ai vu une larme, ronde comme une perle et brillante comme un diamant, suivre la silhouette de sa pommette, puis de sa joue pour atteindre le bois de son pupitre. J’ai fuis, je n’arrivais pas à admettre ce qu’il venait de se passer.
- Hélio, moi qui le croyait impitoyable … je découvre un tout autre visage . Avez-vous fini par savoir ce qu’il s’était passé pour que tout se termine ainsi ?
- Non, je n’ai jamais su et avec le temps j’ai fini par accepté. Nous sommes restés deux ans dans la même école avant que nos parcours ne se séparent. Deux tours autour du Soleil à ne plus oser parler à Hélio. On avait perdu la flamme de l’Etoile.