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Ardents Souvenirs de Zyeber



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» Auteur : Zyeber - Voir le profil
» Créé le 31/10/2021 à 20:57
» Dernière mise à jour le 31/10/2021 à 23:38

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Quand surgit la lumière
– On va vraiment entrer là-dedans, demanda Cornil sur un ton qui laissa peu de doute quant à sa motivation.

– Tu peux toujours rester ici si tu as trop la trouille, répondit Adrien.

Adrien, Tanguy et Cornil levaient la tête vers l’entrée d’une grotte. Elles les dominaient dédaigneusement de sa dizaine de mètre de haut. Ils avaient pénétré plus profondément dans le massif. Tanguy faisait confiance aux deux frères mais il ne pouvait s’empêcher d’être gagné par une légère inquiétude qu’il dissimulait tant bien que mal. Ils étaient à des lieux de toutes habitations, le moindre accident pourrait se révéler désastreux. La chance l’avait déjà tiré d’affaire face aux Rhinocornes, la bonne fortune ne viendra pas éternellement à son secours.

– Et t’es sûr que c’est le bon endroit, demanda encore Cornil. Parce que bon, c’est pas les grottes qui manquent ici.

– Affirmatif ! Tu vois tous ces nids là-haut ?

Il balaya de la main l’espace au dessus de leur tête, là où les nids en question étaient juchés sur les hauteurs de la falaise. Tanguy observait en silence. Ils étaient très nombreux et malgré leur angle de vue limité par leur position en contre-bas, il parvenait à discerner dans certains nids des œufs. Tous devaient en être remplis. Il s’étonna par ailleurs qu’aucun Pokémon ne les couve et plus encore qu’ils soient laissés à la merci de prédateurs.

– Ils sont fait de brindilles de pin, de feuilles mais surtout des poils que perdent les Caninos pendant leur mue. Si mon hypothèse est bonne, cette période correspond à la période de reproduction des Pokémons Vol des environs qui s’en serviraient pour chauffer leurs œufs à leur place, delà leur absence, expliqua Adrien qui avait deviné les pensées de son ami.

Le champion se sentit étrangement embarrassé d’être ainsi transparent mais aussi surpris d’entendre Adrien exposer son raisonnement dans la banalité la plus totale. Il venait de démasquer le probable lieu d’habitation d’une espèce qu’on croyait éteinte depuis des générations, une découverte scientifique majeure si ce n’est la plus importante de ces dernières années ; il s’apprêtait à réaliser un rêve de longue date mais gardait toujours la même attitude comme s’il en avait
toujours été ainsi. C’est vrai se dit finalement tanguy, il n’a jamais douté.

– Mais ça n’explique pas pourquoi ces œufs sont laissé sans protection, répliqua Tanguy.

– C’est vrai …

Adrien marqua une pause avant de reprendre.

– La hauteur de la falaise offre une protection naturelle mais ce n’est pas suffisant pour arrêter toute menace.

– Ca veut dire qu’il y autre chose qui repousse ou effraie les autres Pokémons, dit Cornil. Et la réponse se trouve à tous les coups à l’intérieur.

Un dernier regard jeté vers l’entrée qui parut soudainement bien menaçante et ils s’aventurèrent enfin à l’intérieur de la gueule de ce colosse de pierre. Malgré l’ouverture béante qui permettait au jour de nourrir la cavité de sa lumière chatoyante, l’aridité de la roche chassa la végétation et les lieux se firent rapidement engloutir par l’obscurité à tel point qu’ils furent dans l’obligation de d’utiliser la capacité Flash de Lixy pour se repérer. Lixy, qui ne savait pas trop ce qu’il faisait ici, s’accommodait plutôt bien de l’inconnu, tout heureux de voir ses compagnons dépendre de lui. Les trois dresseurs auraient préféré éviter de recourir à tant d’ostentation pour ne pas trop perturber l’écosystème de leur présence mais ils ne pouvaient pas prendre le risque de naviguer à l’aveugle et de se perdre : personne ne viendrait les aider dans ces terres dont le sol accueillait peut-être l’humanité pour la première fois.

Adrien griffonnait dans un carnet une carte de la grotte tandis que son frère déroulait une corde qui avait précautionneusement attachée à un arbre à l’extérieur de la grotte. Après une dizaine de minutes ou plus, la notion du temps s’évanouissait dans le silence noir qui devenait de plus en plus pesant, l’atmosphère devenait subrepticement étouffante, elle attaquait leurs nerfs. Le rythme de leur marche avait inconsciemment ralenti, Lixy qui ouvrait la marche se refugiait désormais dans les jambes de Tanguy.

Personne ne parlait ; il se savaient étrangers, que leur place n’était pas là. La montagne le leur faisait savoir en ne leur offrant que le son de leur propres pas en récompense de leur intrusion. Chaque pas résonnait dans leurs oreilles comme autant d’invitations à rebrousser chemin, le rappel incessant de leur progression profanatrice ; pourtant ils continuaient à avancer, ils ne pouvaient pas abandonner si près du but.

La terre se mit à trembler. Tout autour d’eux, le sol, les parois, le plafond, était mis en branle par la secousse. Des gravats dévalaient les murs, manquant de les assommer. Par réflexe, Lixy cessa d’illuminer la zone, les plonger dans les ténèbres. Le calme revint finalement, ce calme oppressant dont ils n’en pouvaient plus. Lixy se reprit relança instinctivement Flash, il ne voulait pas rester dans l’obscurité : être dans l’obscurité, c’est être seul. Personne n’était blessé

– Il faut s’en aller, s’écria Cornil qui fut le premier à rompre le silence ! La montagne nous envoie un avertissement ! C’est de la folie de continuer !

– Au contraire, on se rapproche, dit simplement Adrien.

Il regardait droit devant lui, l’étincelle de la détermination brillait de mille feux à l’intérieur de ses pupilles. Et il reprit sa marche sans laisser aux autres le temps de protester. Tanguy et Cornil se regardèrent.

– Je vais l’accompagner. N’hésite pas à rentrer si tu estimes que c’est préférable. Ne t’en fait pas pour nous, on s’en sortira.

Tanguy avait beau prononcer ces belles paroles, Cornil n’était pas dupe ; sa voix vacillait et manquait d’assurance. Il plaça sa main sur son épaule, le garçon la sentit trembler. Il continua :

– Ton frère est le meilleur dresseur que je connaisse, il ne lui arrivera rien.

Tanguy emboita le pas d’Adrien. Cornil le regardait amèrement s’éloigner. Leur silhouette s’effaçait progressivement, la lueur de Lixy était petit à petit mangée par un nuage de noirceur. Alors c’était ça être champion ? Braver l’inconnu malgré un danger tangible ? Soutenir un ami alors qu’on est rongé par la peur ? Cornil demeurait seul, perdu dans l’antre de ses pensées. La conversation qu’il avait tenue avec Tanguy à propos de la Tour de Combat lui revint en mémoire. Non, il ne voulait pas être de ces dresseurs pathétiques incapables de se surpasser pour la victoire et qui se contente de la défaite. Il avait l’étoffe des plus grands, à lui maintenant de se le prouver et au monde.

– Ahhhh, s’époumona-t-il en frottant frénétiquement ses cheveux. Vous avez gagné ! Attendez-moi !

Il accourut vers Adrien et Tanguy avec le grondement de la montagne.

L’air était en train de changer, il était désormais chargé d’humidité. Les secousses rythmaient encore leur parcours. Ils arriveraient à destination, destination dont ils ignoraient encore tout. Sur quoi allaient-ils tomber ? Les Caninos vivaient-ils dans cette grotte sombre et sèche ? Y avait-il seulement quelque espèce qui y vivaient – ils n’ont pas rencontré la moindre trace de vie depuis leur entrée ? Ou menait-elle vers l’extérieur ? De la lumière apparut au détour d’un virage, enfin leur calvaire prendrait fin ! Une agréable odeur de mouillé envahit doucement leurs narines. Le virage donnait sur l’extérieur.

Ils restèrent stupéfaits, ébahis devant ce spectacle. Qui aurait pu croire qu’un décor pareil se trouverait ici, au cœur des Monts Abrupts ! Une luxuriante forêt s’y était développée ! La flore n’avait rien à voir avec celle de l’extérieur, les pins si caractéristiques de ces montagnes avaient cédé leur place à une multitude d’arbre tropicaux qui s’élevaient sur des dizaines de mètres. Comme si toute la végétation s’était accumulée en cet endroit précis, arrachant à la caverne sa vitalité entière.

La grotte débouchait sur des rochers en élévation, descendre de là se révéla plus difficile qu’il ne le paraissait. Tanguy glissa sur la pierre lisse et déboula de quelques mètres. Heureusement, le chute était plus spectaculaire que brutale et le sol recouvert d’un épais tapis de mousse et de feuille amorti sa chute, il resta allongé, étendu sur le dos, à profiter de l’air pur, du sifflement des arbres, de l’écoulement d’une source d’eau qui échappait à son regard curieux. Il contempla le ciel teinté des oranges du crépuscule à travers le trou l’anneau lithique que formait les parois de la caverne. Il s’arrêta sur ce détail peinant à comprendre l’implication qui en découlait.

Lixy vint lui lécher le visage, Adrien et Cornil ne tardèrent pas à le rejoindre.

– Nous sommes toujours dans la grotte !

– Quoi ?! Qu’est-ce que tu racontes, s’étonna Cornil ? La chute t’a vraiment atteint.

– Non, il a raison, confirma Adrien le regard rivé en l’air. La forêt s’est développée à l’intérieur grâce à cette immense cavité au sommet. C’est fabuleux !

Verdures et arbres acrobates recouvraient les parois rocailleuses dans leur fuite céleste illusoire. La forêt était à la fois maître et prisonnière de la caverne. Un nuage brumeux s’était amoncelé au dessus de la cime des feuillus. Ce site brûlait de vie, ils le ressentaient tous mais celle-ci se terrait frileuse dans sa forteresse végétale à l’écart et à l’abri des étrangers sacrilèges, bien au fait de leur présence. L’émerveillement avait dans un premier temps encaissé la pression des mille yeux pointés sur eux, la dignité écrasante et majestueuse du lieu les accablait. Le grondement menaçant qu’il avait réussit à oublier n’avait pas cessé. Ils devaient encore faire preuve de prudence.

Lixy était lui tout à son aise dans cet environnement nouveau, il bondissait dans tous les sens attiré par les vestiges imperceptibles aux humains du passage des Pokémons. Le groupe avait pris la suite du petit Lixy qui n’avait pas conscience de s’être transformé en guide de fortune.

Un spectacle inattendu vint chasser leurs inquiétudes quand de petits orbes de lumières s’allumèrent les uns après les autres, valsant au gré d’un vent doux. Partout des Spododos s’étaient éveillés au soleil couchant, leur spores luminescents révélaient toute une faune qui s’animaient : des Cerfrousses, des Zéblitz et de Zébibrons, des Chinchidous, des Feuforêves et des Brocélômes tourbillonnaient dans d’incessants enlacements, des Noadkokos au cou élancé se balançaient parmi les arbres, des Flamoutans et des Ouistempo joueurs suspendus aux branches ; tout autour d’eux, la forêt se transformait en un théâtre onirique.

Pendant qu’ils étaient subjugué par la profusion des espèces rares, voire introuvables à Sinnoh, Lixy s’était éclipsé vers un nouveau compagnon de jeu. Stupeur et émotion. Ils n’en croyaient pas leurs yeux. Une boule de poil au pelage rouge rayé de bandes noires se roulait sur le sol ; son épaisse fourrure de cendre soulevait des gerbes de poussière. Un autre attaquait en mordillant Lixy et lui donnait d’infimes coups de corne. Leur silhouette était familière.

Là devant eux, deux Caninos jouaient avec Lixy dans une banale insouciance.

– Tu as réussi Adrien, s’enjoya Tanguy. Tu les as trouvés !

Adrien demeurait immobile en silence, il ne réalisait pas encore. Cornil enlaçait vigoureusement son frère. Depuis qu’il était petit, Adrien n’avait eu de cesse de lui rabâcher ses rêveries au point de le convaincre de la survivance des Caninos. Cornil avait souvent été embarqué dans ses explorations infantiles. Une intime complicité avait fleuri entre eux.

Même la terre nourricière avait succombé aux charmes mystiques des Caninos. Elle n’avait pas pu les abandonner. Ce paradis perdu, royaume sacré des Pokémons, avait été érigé pour eux, loin des funestes offices des hommes, pour les préserver d’une déplorable extinction. Un territoire dans lequel ils retrouvaient les sensations de tranquillité et d’impunité qu’ils éprouvaient en parcourant les vastes terres du temps révolu de l’ère Hisui s’affranchissait des lois de l’espace et du temps.

Que pouvait bien se passer dans la tête d’Adrien à ce moment précis ? Était-il heureux de voir son rêve matérialisé devant lui ? Nostalgique à ressasser les épreuves innombrables épreuves qui se sont dressées sur son chemin ? Triste que son périple touche à son terme ? Fier de n’avoir jamais abandonné ? Revanchard vis-à-vis des détracteurs qui jugeaient sa quête futile et ridicule et qu’il pouvait désormais faire taire ? Une myriade d’émotions se battaient sous sa chevelure plus éclatante que jamais.

Il se décida enfin à approcher les Caninos qui stoppèrent leur chamaillerie, tout intrigués par l’étrange créature qu’ils découvraient pour la première fois. En avançant, Adrien aperçut d’autres Caninos dissimulés dans les fourrés, plus prudents et probablement intimidés face aux nouveaux arrivants. Il s’arrêta à deux bons mètres de distance et s’accroupit ; il ne voulait pas les brusquer – pénétrer ce lieu magique avait déjà apporté son lot d’insécurité – c’est pourquoi il attendrait qu’ils viennent à lui. Il était l’intru, c’était donc à lui de se faire accepter.

Il ne fallut pas longtemps pour que l’un des Caninos, celui qui, le premier, avait répondu favorablement à l’invitation au jeu de Lixy, osa aller à la rencontre du membre du Conseil 4. Il était plus petit et plus frêle que ses congénères. « Était-il le plus jeune de la bande » s’interrogea Adrien. Il ne pouvait que remercier l’insouciance de sa jeunesse pour le pousser à s’approcher. Le temps semblait avoir cessé son cours ; son frère, son ami, les Pokémons retenaient leur souffle, l’univers entier avait concentré son attention sur cet instant. Caninos se tenait face à Adrien, sa langue ballante après l’effort dégoulinait de bave. Tanguy tendait sa main.

Malgré la solennité qu’exigeait la situation, Tanguy et Cornil ne purent s’empêcher de remarquer que les cheveux d’Adrien partageaient exactement la même couleur, ce rouge vif des coquelicots épanouis, que les poils de Caninos ; ils étaient destinés à se rencontrer.

Caninos reniflait timidement la main qu’on lui offrait. Que pouvait-il y sentir ? Adrien discernait par moment à travers sa fourrure grisâtre des yeux comme des billes d’un noir intense dans lesquels il essayait d’y déceler ses réactions. Alors qu’ils étaient tous plongés dans un océan de velours, la terre trembla, plus violemment que toutes les précédentes fois, les frappa brutalement, brisant le mirage fugace qui s’était installé.

Bruit assourdissant,
des braises nait la poussière,
désespoir profond.