Pikachu
Pokébip Pokédex Espace Membre
Inscription

Ardents Souvenirs de Zyeber



Retour à la liste des chapitres

Informations

» Auteur : Zyeber - Voir le profil
» Créé le 31/10/2021 à 20:30
» Dernière mise à jour le 31/10/2021 à 23:35

Si vous trouvez un contenu choquant cliquez ici :


Largeur      
les germes d'une destinée
Aussi profondément que sa mémoire sondait les méandres de ses souvenirs, Adrien avait toujours rêvé de capturer un Caninos, mais pas n’importe quel Caninos, il voulait l’espèce dite d’Hisui ainsi dénommée car, pour des raisons qui n’ont jamais pu être établies, elle était endémique à la région de Sinnoh. C’était le premier objectif qu’il s’était fixé alors qu’il n’était pas plus haut que trois pommes. Aujourd’hui, Adrien avait gagné le rang de membre du Conseil 4, a accompli le rêve de millier d’enfants, il faisait partie des dresseurs les plus puissants du monde, pourtant ce n’était pour lui qu’une étape dans sa quête.

Devant l’enthousiasme exalté de leur enfant, ses parents n’avaient pas eu le courage de lui révéler la triste vérité, que cette espèce de Caninos avait disparu de la surface de la terre, qu’elle était éteinte depuis au moins deux siècles. Le sourire radieux, les yeux étincelants mais pleins d’une détermination qui témoignait d’une maturité avancée malgré son jeune âge, sublimaient son doux visage à chaque qu’il en parlait les en avait empêché ; ils ne pouvaient pas briser le rêve dont il venait tout juste de s’emparer. Il avait le droit d’espérer, au moins pour un temps, même si cela signifiait rallonger la chute de la désillusion.

Ce n’est qu’une poignée d’années plus tard qu’ils lui révélèrent l’inavouable. A leur plus grande surprise, leur fils ne fut pas pris par le désarroi pas plus qu’envahit par la colère et la tristesse comme ils s’y attendaient, au contraire il reçut la nouvelle avec un calme froid. « Ils existent » s’était-il contenté de leur répondre ; certains y verraient une forme de déni, l’enfant incapable d’accepter la réalité cruelle lorsqu’elle attaque son paisible univers. Il savait au plus profond de lui que les Caninos ne pouvaient pas ne plus exister, qu’ils s’étaient simplement perdus dans d’obscure contrées abandonnées par les hommes et qu’ils attendaient que quelqu’un les ramène vers les sentiers baignés de lumière du monde connu. Apprendre leur disparition n’avait que renforcé sa motivation à les retrouver – ou les sauver selon le récit qu’il s’était fabriqué.

Son premier contact avec les Caninos d’Hisui, Adrien le devait à son grand-père qui lui avait envoyé un jour qu’il était loin de la maison familiale une carte postale portant une représentation des Caninos d’Hisui. Il s’agissait de la reproduction d’une vieille gravure, représentant un groupe de Caninos qui dormait les uns contres les autres. Il avait été charmé par le Pokémon dès le premier coup d’œil mais c’est à la mort de son grand‑père quelques semaines plus tard qu’il lui fit la promesse d’en capturer un. Depuis, il gardait précieusement la carte postale sur lui. Elle était un rappel constant au contrat – pourtant à sens unique – qu’il avait conclu. Sans doute aurait-il déjà renoncé s’il n’avait pas adressé sa promesse à son défunt grand‑père, le poids de la déception est vite oublié quand elle ne concerne que soi, quand la honte de l’échec ne nous est pas jetée à la figure à la simple pensée de la personne trahie. Il se devait de voir un Caninos non pas pour lui, mais pour son grand-père comme son dernier hommage, un ultime merci à celui qui avait donné un sens à sa vie.

Les premières investigations qu’ils avaient menées – si on peut appeler ainsi ses tribulations sylvestres – l’avaient conduit dans la forêt qui bordait son village natal. Le petit Adrien partait dans ces bois bien décidé à découvrir ces créatures disparues. Il inspectait les empreintes laissées dans le sol boueux par une bête fuyant la pluie puis il détournait rapidement son attention, happé par le bruissement suspect d’un buisson, par le ballet des Charmillons ou par le passage fugace d’une ombre au détour d’un chemin. Sa détermination s’étiolait à mesure que sa curiosité grandissait ; il vagabondait ainsi sous la canopée sans plus se soucier de la mission initiale qui l’y avait conduit.

C’est d’ailleurs dans ces lieux qu’il avait fait la rencontre d’un Magby, devenu son plus fidèle compagnon. Alors qu’Adrien suivait une piste formée par des feuilles calcinées, il tomba sur le petit Pokémon, assoupi contre le tronc d’un imposant camphrier. L’arbre dominait majestueusement lieux, trônant au centre d’une assemblée forestière, ses branches étendues horizontalement forçait les arbres alentours à se maintenir respectueusement à distance. Un tas de baies se dressait à côté de Magby, certaines présentaient de légères traces de brûlures. Il avait amassé un petit festin mais à peine avait-il eu le temps de l’entamer qu’il s’était endormi repu. Adrien observait d’abord le Pokémon à bonne distance, ses parents lui avaient toujours gardé de s’approcher de trop près des Pokémon qu’il ne connaissait pas. Mais voyant qu’il ne représentait aucune menace, il s’avança et se planta devant lui.

Il le regardait de plus près, ce petit être tout rouge semblait si fragile dans son sommeil, si vulnérable. Il sentit subitement une vague chaleur se répandre dans son corps, une chaleur douce, réconfortante comme celle que transmet une mère en serrant dans ses bras son enfant apeuré. Tout ébahi par ce soudain excès de tendresse, il tendit une main vers Magby. La chaleur s’intensifia, elle émanait directement de son corps et suivait les variations de son flux sanguin comme les flots marins qui frappent à répétition le sable mouillé. Il voulait plonger tout entier dans cette sensation si familière, l’étreindre, simplement le toucher mais n’osa pas de peur d’interrompre ce moment volatil en le réveillant. Il se contenta de dessiner le contour de sa silhouette avec des caresses fantôme. Est-ce qu’il les ressentait à travers le voile opaque du sommeil ? Lui ressentait en tout cas la vie sous le passage délicat de sa main, bercé dans un cocon tissé avec les fils d’une nostalgie lointaine. Ce fut son premier contact avec le mystère enchanteur des Pokémon, les premières fibres s’entremêlent pour former le lien indéfectible qui les unit.

Adrien se mit alors en tête de rester à ses côtés pour protéger son butin d’éventuels pillards – il voyait déjà des Cornèbres campés dans le feuillu branchage au dessus de sa tête – en attendant son retour du royaume des rêves. Un simple prétexte pour prolonger cet instant magique. Il s’installa contre le tronc de l’arbre, de l’autre côté du tas de baies. L’écorce rugueuse transpirait la chaleur, son regard somnolait, suivait le balancement des feuilles à travers les ombres mouvantes sur le sol, le chaud vivifiant rappelait à son corps des sensations perdues ; il retombait dans le ventre de sa mère.

Suave somnolence,
sur sa joue pure innocence,
l’ombre du soleil.

Magby et Adrien restèrent là, endormi pour l’un, entre deux mondes pour l’autre, toute notion du temps s’était évanouie sous le camphrier. Un grondement vint rompre la quiétude environnante et la berceuse maternelle du feuillage. Les Cornèbres s’envolèrent dans une cacophonie, laissant derrière eux une pluie de plumes. Adrien, encore dans le flou, crut voir le plafond noir de la nuit s’abattre sur lui. Le grondement retentit à nouveau. Le jeune bambin avait faim. Il se tourna instinctivement vers le tas de baie mais eu la surprise de voir que Magby s’était réveillé ; il s’était interposé entre Adrien et les baies. Une expression mêlant méfiance et agressivité se lisait sur son visage, il n’avait assurément pas l’intention de partager. Tout à coup, les battements de son cœur accélérèrent. Alors qu’il demeurait dans un état de béatitude il y a quelques secondes à peine, il se retrouvait désormais dans une situation de danger. Il notait cependant que les yeux de Magby en dépit de ses efforts pour adopter une attitude de domination trahissait de la peur.

Immobilisés par la crainte de l’autre, refusant de casser cet équilibre. Si aucun n’agit, rien ne se passera. Ils se scrutèrent sans bouger, plongés dans l’immensité infinie du regard qui les oppose et qui leur renvoie leur propre image, craintive et chétive, comme le plus vrai des miroirs. L’espace d’un instant, subtil flottement de l’esprit, l’un était l’autre, l’autre était l’un.

Son ventre gargouilla encore une fois, il désespérait ne de pas pouvoir se contrôler. Magby se resserra contre ses baies en réaction. Ce bref mouvement de recul, Adrien en profita pour faire doucement un pas en arrière, lentement un deuxième, puis un autre. Nouveau gargouillis. De la fumée puis un jet de flammes sortit du museau de Magby, il crut d’abord à une technique d’intimidation, qui eut son petit effet, mais l’attaque ne fut pas dirigée vers lui ce qui le laissa perplexe. Un léger « pouf » retentit, un son étouffé par l’humus de fin d’été. Une baie était tombée de l’un des arbres voisins à une poignée de mètre d’eux. Magby fit un signe de la tête dans sa direction comme pour l’inviter à la prendre. Adrien se dirigea vers le fruit sans le quitter des yeux.

C’était une baie Grena. Il la prit et ressentit tout de suite la douce chaleur qui l’avait envahi au pied du camphrier. La faim le poussa à croquer la baie à pleine dent. Dès la première bouchée, le sucré si caractéristique du fruit, le jus chauffé par le feu et pourtant étonnamment rafraîchissant s’écoulait dans sa gorge. Ce mélange de saveur nouveau ravit ses papilles.

– Merci, cria le jeune garçon un large sourire sur ses lèvres dégoulinantes en agitant le bras avant de s’engouffrer dans la masse ténébreuse de la forêt.

Et depuis ce jour, à chacune de ses sorties, il espérait en secret retomber sur Magby et il devait en aller de même pour le Pokémon Feu car il finissait toujours par se montrer. Toujours de loin les premières fois, mais la distance se réduisait au fil des rencontres si bien que c’est lui qui finit par l’attendre, toujours au même endroit, sous le camphrier aux Cornèbres, il sautait de joie dès qu’il le voyait arriver, triste les jours où il ne venait pas. Et tout deux, ils partaient à la recherche des Caninos.