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Sous la poussière de Ashenere



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Informations

» Auteur : Ashenere - Voir le profil
» Créé le 31/10/2021 à 16:45
» Dernière mise à jour le 15/12/2021 à 11:22

» Mots-clés :   Mythologie   Sinnoh

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Chapitre 6
Saurons-nous en faire autant ?

Les derniers mots de l'agent résonnent longtemps dans l'obscurité de la grotte. Le massacre est la réponse. Je fixe Li, incapable de m'imaginer mettant fin à ses jours. Mon cœur semble peser une tonne tandis que la peur se reflète dans ses yeux.
— Il est grand temps que nous fassions une petite pause. Vous prendrez bien un peu de thé, agent Daï ?
Je respire. Je réalise que je retenais mon souffle. Toute cette pression semble avoir éclaté en morceaux, comme si la voix de la Professeure avait suffi à tout balayer.
L'agent Daï, surpris par ce soudain changement de sujet, bredouille un "oui bien sûr" timide. La Professeure n'a pas attendu sa réponse pour sortir le thermos de son sac. Elle nous sert un thé bien plus fort que les autres jours. Son parfum fleuri m'apaise tout en évoquant en moi des souvenirs et des sentiments anciens.
— Celui-ci provient d'arbres à baies Sédra, explique la Professeure. Dans les légendes, il arrive souvent que le héros reçoive une pâtisserie à base de ces baies. Elles sont censées porter bonheur.
"Nous en avons bien besoin". Cette réponse traverse probablement les esprits de tous. Mais personne ne parle et le silence n'est troublé que par le clapotement du thé dans les tasses. J'essaie de ne pas penser à ce qui nous arrive, pour ne pas retomber dans l'état d'abattement où j'étais il y a peu. Je me concentre sur la saveur et la chaleur du breuvage, sur le calme qu'il a réussi à instaurer parmi nous.

Mais cette quiétude est de faible durée, détruite lorsque retentit avec violence la sonnerie d'un téléphone portable. Daï se lève brusquement, manquant de renverser sa tasse, avant de s'éloigner de nous pour répondre. Je l'observe de loin, et je vois son visage grave se durcir pendant qu'il écoute. Puis, je le vois tourner son regard vers nous et hésiter. Mais il commence à parler. Après quelques minutes, il raccroche et se dirige vers nous.
— J'ai reçu un appel d'urgence. Un premier cas de folie a été recensé à Charbourg. Ce qui signifie... Que c'est le premier cas à l'ouest du Mont Couronné.
Il hésite un instant avant de continuer.
— J'ai communiqué ce que nous avons découvert ici à mes supérieurs. Ils vont réfléchir à un plan d'action.
— Il est trop tôt, réplique sèchement la Professeure, nous devons finir de nettoyer le dernier morceau de la fresque.
— Qu'espérez-vous trouver ? Nous avons une solution. Terrible et sanglante, mais c'est celle qui a fait ses preuves. Celle qui a sauvé Hisui.
— Il reste un espoir, il nous faut l'étudier !
— Professeure, savez-vous combien d'habitants compte Charbourg ? Savez-vous combien de Pokémon travaillent dans ses mines ? Savez-vous combien de morts ferait un Onyx enragé qui détruirait une galerie ? Plus vite, nous arrêtons la propagation de l'épidémie, moins nombreuses seront les victimes !

J'en ai assez. Je ne veux plus entendre ça. C'était ma découverte, ma première grande exploration ! Pourquoi faut-il que ça devienne la source d'une tragédie ? Je refuse de l'accepter, je refuse d'accepter cette horreur. J'arrête d'écouter la discussion et je me dirige vers le mur de droite, vers le morceau caché. Je saisis mes instruments et je reprends les gestes que j'ai tant répétés ces derniers jours. Je commence par le bas cette fois-ci. Je me sens trop faible pour m'attaquer au sommet.
— Archie ? Archie ?
J'entends au loin la Professeure m'appeler. Je ne réponds pas. Je reste concentré sur la brosse dans mes doigts. Je sens Li se frotter contre ma jambe, m'infusant de son énergie et de sa détermination. Il ne veut pas de cette solution lui non plus.
Une ombre se dresse au-dessus de moi, et j'entends un nouveau frottement. La Professeure a commencé à nettoyer le haut de la fresque. J'ignore ce que fait Daï, il se trouve peut-être juste derrière moi, mais je n'y prête aucune attention. Je dois avancer, c'est tout ce qui importe.
Coup après coup, frottement après frottement, la poussière s'écarte. Sous les poils blancs de l'outil, apparaissent bientôt les brins d'herbe de la plaine. Le vert semble plus vif, les buissons plus touffus, les fleurs, roses et bleues mélangées, plus éclatantes. La vie semble avoir repris le dessus.
La seule trace de la tragédie, c'est l'épée brisée au centre de la fresque. Je m'interromps lorsque je la vois, et je la désigne du doigt à la Professeure.
— C'est étrange, remarque-t-elle, l'épée est toujours là, mais le jeune homme a disparu. Enfin, nous y verrons plus clair lorsque nous aurons terminé. Nous y sommes presque.
Elle a raison. Nos efforts s'intensifient, aiguillonnés par la ligne d'arrivée que nous apercevons au loin. Le ballet des brosses s'emballe, les poils tourbillonnent, sans que nos mains endolories s'octroient le moindre repos.

Enfin sous toute cette poussière, le dernier morceau de fresque de la grotte oubliée se révèle à nous. Le ciel azur évoque la paix, la nature verdoyante et les ombres de Pokémon sauvage, la vie, l'épée brisée, le souvenir. Mais aucune réponse. Je lève les yeux vers la Professeure et vers l'agent, quelques pas plus loin. Ils regardent le mur et la déception commence à se peindre sur leurs visages. Même Daï, qui n'y croyait pourtant pas, semble dévasté. Je laisse mon regard vaguer autour de la salle, sur les autres fragments de la fresque, cherchant un sens à tout cela. Ce ne sont pas les murs qui me répondent. C'est l'autel au centre de la grotte.
— Rappelez-vous les Zarbis.
Je reconnais à peine ma voix, rendue rauque par les émotions.
— Ce temple est là pour "éviter la tragédie". Jusqu'à présent, je croyais que c'était une référence à l'épidémie. Mais maintenant, j'en suis sûr, c'est le massacre des Pokémon qu'ils voulaient que nous évitions.
— Cela expliquerait que ces illustrations soient si terribles et le jeune homme si dévasté, remarque la Professeure, pensive.
— Si ce temple est là pour nous empêcher de répéter les erreurs du passé, intervient Daï, alors il doit y avoir un indice clair de ce qu'il faut faire pour arrêter l'épidémie.
— Un indice clair...
Je cherche dans les souvenirs de mes recherches avant de répondre.
— Malheureusement, puisque nous parlons d'Hisui, ça ne va pas être aussi simple que ça. Les fresques de cette époque, n'étaient pas que de l'art ou qu'un moyen de montrer un lieu ou un événement. La fresque murale d'Hisui est un art mystique, empreint de sacré. Comme nous l'avons suggéré en examinant le début de la fresque, ses habitants considéraient l'épidémie comme un acte divin.
— Oh je crois que je vois où vous voulez en venir Archie. Puisque c'est un problème découlant d'une action divine, il faut que la solution ne soit visible que pour des personnes "éclairées".
— C'est tout à fait ça, Professeure. Des croyants, éduqués, capables de reconnaître les signes.
— Votre théorie me semble tout à fait plausible Archie. Et si elle est vraie, alors c'est dans le dernier morceau que se trouve notre réponse.
Nos regards se focalisent sur ce morceau de mur, éclatant de vie et de couleurs. Là, au milieu de ces pigments centenaires se trouve une réponse. Quelque chose qui nous sauvera.

Nous émettons des hypothèses au fur et à mesure. Les débris d'épée, éclatés au centre de la peinture, représentent-ils quelque chose, à part l'échec et le désespoir de leur propriétaire ? Le nombre de fleurs ? Leur forme, leur répartition dans les buissons ?
— Les fleurs roses sont surtout au centre et les bleues sur les côtés, remarque Daï.
— Cela pourrait simplement indiquer que c'est la zone à l'est du Mont qui a été le plus touchée, propose la Professeure.
Ces formes que l'on aperçoit par endroit, appartiennent-ils à un Pokémon en particulier ? Les nuages, les arbres, les brins d'herbes, cachent-ils quelque chose ?
Un rugissement de triomphe se fait entendre lorsque Li saute brusquement sur mes genoux. Il sautille de joie et m'indique la fresque, et plus précisément les éclats de l'épée.
— Li, tu as trouvé quelque chose ? m'exclamé-je.
Il hoche la tête avec vigueur, et me désigne à nouveau l'épée brisée. Nous essayons tous de comprendre ce qu'il a vu. Je rapproche mon tabouret de la fresque et Li, en équilibre sur ses pattes arrière pour atteindre l'épée, commence à bouger sa patte avant en l'air. Il semble dessiner une forme, comme des liens entre les morceaux de l'arme.
J'entends le crayon de Daï courir sur son calepin. Lorsque Li s'arrête, l'agent nous tend le carnet pour nous montrer le résultat.
— Une fleur, c'est juste une fleur, commente-t-il, déçu.
Je me retourne brusquement vers la fresque et j'examine en détail une nouvelle fois le centre. Je n'arrive pas à y croire. Mon cœur s'emballe, je me lève d'un bond, et je serre Li dans mes bras fort, si fort.
— Tu as trouvé Li, comme toujours. Quand j'ai l'impression d'être perdu dans les ténèbres, tu es toujours là pour éclairer le chemin vers la sortie !
— Archie, que dites-vous, qu'avez-vous compris ? me demande la Professeure, troublée.
J'essaie de me reprendre et j'explique :
— La fleur, ce n'est pas juste une fleur. Ces six pétales en pointe, ces deux feuilles et même la couleur rose prédominante des fleurs autour. Tout cela indique une seule fleur. C'est une Gracidée !
Daï et la Professeure me regardent, les yeux arrondis par la surprise. L'agent se reprend le premier et me demande :
— Une Gracidée ? Cette fleur, que par tradition, on offre pour exprimer sa gratitude ? Voulez-vous dire que cette fleur pourrait être un remède à l'épidémie ?
— Oui. J'en suis convaincu. Cette tradition est ancienne et il est possible qu'elle remonte à l'époque d'Hisui et de la première épidémie. Peut-être même qu'offrir des Gracidées était une façon de rendre hommage aux victimes et de commémorer leur souvenir.
— Et de nos jours, remarque la Professeure en souriant, seul le souvenir de l'offrande et de la gratitude nous est resté.
Daï nous regarde tour à tour puis saisit son téléphone, confiant.



Bip, bip, bip, bip...

Le soleil s'infiltre à travers mes rideaux tandis que je me lève. Li est roulé en boule au pied du lit. Je le réveille et nous nous préparons. Je sors du studio, Li sur mes talons. Au lieu de nous lancer dans les ruelles, nous prenons place dans un taxi. Notre destination est différente aujourd'hui. Ce n'est pas au Centre d'Archéologie que nous allons, mais dans les bureaux de Féli-Télé.
Presque un mois s'est écoulé depuis le début de ma première grande exploration. Tandis que le paysage défile devant mes yeux, les souvenirs se bousculent dans mon esprit. Les fresques et l'horreur, leur lien avec l'épidémie de folie, la Professeure et l'agent Daï. Et la Gracidée.

L'agent Daï avait contacté ses supérieurs. Malgré leur perplexité initiale, il n'avait pas fallu grand-chose pour les convaincre qu'une solution alternative existait. Des expériences furent ensuite menées sur les malades qu'on avait réussi à capturer. Les résultats dépassèrent toutes nos espérances. Les Pokémon contaminés reprenaient conscience presque aussitôt et la lueur rouge s'effaçait de leurs regards. On les avait gardés en observation pour vérifier l'absence d'effet secondaire, et de cas de rechutes. Jusqu'à présent, il n'y en avait pas eu. Les chercheurs avaient fini par identifier le virus causant cette folie et travaillaient à présent sur un vaccin qui permettrait d'éradiquer cette maladie. En attendant, tous les Centres Pokémon avaient reçu des stocks de remèdes à base de Gracidée. Tout comme les personnes qui possédaient des Pokémon appartenant à la fameuse liste des "Pokémon dangereux". Malgré tout cela, l'origine du virus restait inconnue et la cause de sa réapparition soudaine, un mystère.

Le klaxon du taxi me sort de mes pensées.
— Il y a toujours un bazar monstre à la sortie vers Féli-Cité ! râle le chauffeur. Allez, bougez-vous bande de Ramoloss !
Je réalise que nous sommes à Charbourg et j'aperçois au loin le Musée Minier. Je pense à la Professeure et Karl, à leur rencontre dans un laboratoire et à leur amitié qui dure depuis si longtemps. Je promène ma main dans la fourrure de Li, qui se met à ronronner doucement.
Des journalistes finirent par découvrir d'où venait l'idée du remède miracle et la Professeure et moi avions été assaillis de questions. Les premiers jours, lorsqu'on ignorait encore si le remède allait vraiment fonctionner, le gouvernement nous avait demandé de ne pas communiquer.
Les rumeurs avaient couru et quelques voix s'étaient même élevées, nous accusant d'être les responsables de la réapparition d'un virus disparu depuis plus d'un siècle. Ces voix-là avaient rapidement été écrasées par la vague de gratitude lorsque le remède s'était montré efficace. Et aussi, accessoirement, après avoir expliqué que la grotte oubliée avait été découverte plusieurs semaines après l'apparition du premier cas à Rivamar.

À présent que la situation s'est améliorée, j'ai accepté un entretien pour l'émission "Tendances Sinnoh" diffusée par Féli-Télé. J'ai proposé à la Professeure de venir, mais elle a secoué la tête.
— La télévision ? Très peu pour moi Archie. De plus, c'est ta grotte et ta découverte. C'est ton obstination et ton Lixy qui nous ont permis de trouver la solution à ce cauchemar.
— Vous savez très bien que je n'aurais rien pu faire si vous n'aviez pas été là pour me soutenir. Et c'est votre thé qui nous a porté bonheur, j'ai ajouté en riant.
Elle a rougi légèrement, murmuré un "Balivernes !", avant de me servir une tasse d'un nouveau breuvage. Il était aux feuilles de baie Parma, doux et acidulé, et m'a rempli d'énergie pour la journée.

J'entends la mélodie des Crikziks fourmillant dans la forêt et je réalise que nous sommes aux portes de Féli-Cité. Quelques minutes plus tard, le chauffeur me dépose devant le grand bâtiment cubique, blanc et noir, siège de la principale chaîne de télévision de Sinnoh. Je suis étrangement calme, comme si tout cela n'était pas si impressionnant.
— Rien ne peut vraiment égaler le sentiment d'entrer dans une grotte oubliée, perdue sous terre. Pas vrai Li ?
Il me sourit et acquiesce vivement, sa fourrure crépitant.
— Allez, on se dépêche d'en finir avec ça, et on retourne explorer les Souterrains !