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Sous la poussière de Ashenere



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Informations

» Auteur : Ashenere - Voir le profil
» Créé le 31/10/2021 à 16:36
» Dernière mise à jour le 31/10/2021 à 16:36

» Mots-clés :   Mythologie   Sinnoh

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Chapitre 3
Cela fait plusieurs dizaines de minutes maintenant que nous travaillons en silence, la Professeure Sogwa sur la gauche de la fresque, moi sur la droite. Nous avons posé une lampe plus puissante sur le sol derrière nous. Ce modèle a été conçu pour ne pas endommager les artefacts qu'il éclaire, ce qui nous permet de l'utiliser sans craindre d'abîmer la fresque. En se basant sur le centre, représentant le Mont Couronné, nous avons estimé que la fresque mesurait environ un mètre de haut. J'ai décidé de commencer par la partie supérieure, ce qui me permettra de continuer à travailler assis, quand la fatigue se fera sentir. Pour l'instant, seul le bleu du ciel apparaît de mon côté.

La tâche va être longue et le silence commence à se faire lourd. D'ordinaire je discute avec Li lors de mes fouilles, mais aujourd'hui nous ne sommes pas seuls. J'essaie de trouver un sujet de discussion lorsque mon regard se pose par hasard sur le Kranidos. Je le vois tendre une brosse à la Professeure, qui le remercie d'un signe de la tête.
— Les Kranidos sont assez rares. Est-ce que c'est Karl qui vous a fait vous intéresser aux fossiles ?
Je la sens hésiter un instant, comme si elle décidait s'il était bien convenable de bavarder de la sorte alors que nous participions à une découverte unique. Elle regarde Karl, un sourire se dessine sur son visage et elle commence alors à répondre.
— Pas vraiment. J'ai toujours été attirée par les mystères qui se cachaient sous nos pieds. Voyez-vous, mon père est anthropologue et nous allions régulièrement nous balader dans les Souterrains, nos Explorakits sur le dos, prêts pour une journée d'aventure. Nous avons découvert quelques fossiles, mais trop abîmés pour qu'on puisse les ramener à la vie.
Son regard se perd un moment tandis qu'elle revit ces souvenirs heureux.
— Non, j'ai rencontré Karl bien plus tard, reprend-elle après un instant. Lors de ma première exploration en solo pour tout dire. Ce jour-là j'étais accompagnée, comme vous. Mais contrairement à vous, nous n'avons pas trouvé grand-chose. Juste un fossile de Kranidos. Mon tuteur en avait vu des dizaines dans sa carrière, il ne comprenait pas ce qui le rendait si spécial à mes yeux.
— Qu'est-ce qui le rendait si spécial ?
Elle tourne la tête, regarde Karl à nouveau et sourit.
— Il était suffisamment bien conservé pour qu'on puisse le ramener. À peine remontée à la surface, j'ai couru prendre le bus jusqu'à Charbourg, et je me suis précipitée au Musée Minier. C'est là que travaillait un ami de mon père, spécialiste de la ranimation de Pokémon fossiles. J'ai demandé à le voir en urgence et je lui ai remis le Fossile Crâne comme si c'était mon trésor le plus précieux.
Elle laisse échapper un petit rire et je l'imagine plus jeune, couverte de poussière, courant comme une folle dans les rues brutes de Charbourg, serrant son fossile comme s'il allait disparaître.
— Je n'ai même pas eu à m'expliquer, il a compris. Il l'a pris délicatement dans ses mains, puis il s'est enfermé dans son laboratoire. J'ai attendu plusieurs heures, et alors que le musée était fermé depuis longtemps, j'ai entendu un cri. C'était lui. Il était là, enfin, après toutes ces années à attendre et à chercher, mon premier Pokémon fossile. Mon Karl.
Le Kranidos s'était rapproché d'elle et la tendresse débordait de ce corps qui semblait pourtant inaccessible à la douceur.

— Et vous Monsieur Almadi, quelle est l'histoire derrière cette petite boule de poils qui semblait aussi impatiente que vous de découvrir cette grotte ?
Li se redresse, intrigué par cette attention soudaine.
— Oh et bien disons que nous partageons un intérêt commun pour les grottes. Et qu'il m'a sauvé la vie.
— Vraiment ? Il faut que vous me racontiez ça dans les moindres détails ! s'exclame-t-elle.
— Je ne sais pas si je pourrais vous donner tous les détails. Toute cette histoire est arrivée quand j'avais 5 ans. Mes parents m'avaient emmené camper dans la Forêt Vestigion. Je ne me souviens plus comment, mais à un moment j'ai été distrait. Je suivais peut-être un Papilord ou un Apitrini du regard, ou simplement mon imagination et ma curiosité d'enfant me poussaient à partir découvrir ce nouveau monde. Toujours est-il que je me suis perdu. Et puisque j'avais le nez en l'air, j'ai fini par tomber dans un trou.
— Par Arceus, avez-vous été blessé ?
Sa voix exprime une réelle inquiétude et cela me touche plus que je ne l'aurais cru.
— Non ne vous inquiétez pas, je n'ai rien eu ! Un tas de feuilles mortes a adouci ma chute. Mais j'étais seul, dans une grotte sombre et humide. La lumière rentrait faiblement par le trou d'où je venais, mais le jour touchait à sa fin et il allait faire nuit. J'étais terrifié et incapable de bouger. Je me suis mis à pleurer toutes les larmes de mon corps puis j'ai crié, mais personne n'a répondu. Et c'est là que j'ai entendu un bruit. J'ai relevé les yeux, tremblant de peur et je l'ai vu.
Je sens Li ronronner : il se souvient lui aussi. Je continue mon récit.
— Ses grands yeux jaunes brillaient dans le noir, tandis que son étoile flottait dans l'air comme par magie. Ce petit Lixy a alors décidé de faire crépiter sa fourrure et l'énergie qu'il a générée a illuminé la grotte. J'étais émerveillé. Par lui d'abord, son regard plein de curiosité et de confiance. Par la grotte ensuite, car ses murs étaient tapissés de peintures magnifiques. Je vous laisse deviner ce qu'elles représentaient.
— À tout hasard, quelque chose en rapport avec Hisui ? propose-t-elle en plaisantant.
— Exactement ! C'était Rusti-Cité, l'ancêtre de notre Féli-Cité. Il y avait tant de détails et de vie dans ces peintures. J'ai passé un long moment à les examiner, à parcourir des yeux les rues de cette ville qui me semblait familière et qui pourtant m'était inconnue. Après être resté un moment, j'ai suivi Li dans de longs tunnels avant de ressortir à l'air libre. Attirés par mes cris et sa lumière, un officier nous a retrouvé. Mes parents, morts d'inquiétude avaient fini par appeler les secours pour me retrouver. Et puisque ce Lixy m'avait sauvé et qu'il ne semblait pas vouloir me lâcher, il est devenu mon compagnon. Quant à son nom, c'est la faute à l'imagination débordante dont j'ai fait preuve à l’époque !
Je conclus en riant tandis que Li pose une patte sur son visage, embarrassé.
— Quelle histoire incroyable Monsieur Almadi. Vous avez eu de la chance de rencontrer un Lixy aussi courageux.
Je le vois gonfler le torse, tout heureux de recevoir des compliments, puis je me tourne vers la Professeure.
— À présent que nous nous connaissons un peu mieux, vous pourriez peut-être m'appeler Archie ? J'ai l'impression de revivre ma défense de thèse avec tous ces examinateurs si formels !
— Oh et bien pourquoi pas. D'habitude je ne parle pas autant avec mes collègues de travail. Mais vous êtes si... naturel. Et...

Un grognement l'interrompt. Nous baissons tous les deux les yeux vers Karl. Ce dernier, penaud, se tient maladroitement le ventre, comme s'il pouvait ainsi le faire taire. Après un flottement, nous nous laissons aller à un rire franc, qui résonne sur les parois de cette grotte ancienne. La Professeure se penche vers lui et pose sa main sur son crâne.
— Je crois que tu as raison Karl, il est temps de faire une pause et de manger un morceau.
Nous posons nos outils et sortons nos provisions de nos sacs. Nous mangeons un moment en silence, puis la Professeure sort un petit thermos, deux tasses et me propose un peu de thé. J'accepte avec plaisir, surpris une nouvelle fois par sa gentillesse et je porte la tasse à mes lèvres. Le breuvage répand sa chaleur dans tout mon corps et je réalise que j'avais froid. Je continue à boire tout en admirant la grotte, quand mon regard se pose sur l'autel que j'avais examiné en entrant.
— Au fait Professeure, reconnaissez-vous ce matériau ?
Elle se lève, pose son thé sur son tabouret puis s'approche et l'examine un moment. Je vois la surprise se peindre sur son visage.
— Incroyable. Cet autel semble construit à partir de roches de météorite.
Je n'en crois pas mes oreilles. Je me lève à mon tour, m'approche, et après l'avoir examiné à nouveau, j'en conclus qu'elle a raison.
— Des météorites... Les seuls récits de chutes de météorites et de son utilisation nous viennent de Voilaroc. Ce qui signifie...
— Soit certaines sont tombées près de Vestigion... Soit on a fait venir ces pierres de Voilaroc, de l'autre côté du Mont Couronné, juste pour cet autel. Dans tous les cas, l'utilisation d'une telle pierre dénote l'importance de cette pièce.
Je saisis mon appareil photo et commence à photographier l'autel et l'inscription. La Professeure confirme ma première lecture et nous nous interrogeons sur la signification de cette phrase étrange. Même si elle est incomplète, le sens en semble assez clair, la construction de cette salle est liée à une "tragédie". Mais quel événement a pu demander tant de moyens ? Entre le bois Micle, les pigments éclatants et la roche de météorite, il devait s'agir d'un événement d'importance capitale.

Avant de se remettre au travail, nous décidons d'examiner un peu plus les autres murs de la salle. À notre grande surprise, nous remarquons qu'ils semblent aussi recouverts d'une fresque, peut-être même le début ou la suite de celle centrale.
— Il faudra nous occuper de ces autres fresques aussi Archie. Nous allons encore passer quelques jours ensemble, jeune homme.
— Et ce sera avec plaisir Professeure, cette journée n'arrête décidément pas de s'améliorer !
Après nous être dégourdis un peu les jambes, nous nous remettons au travail. La fresque de la Professeure commence à montrer un personnage humain, mais seule sa tête est visible pour le moment. De mon côté, le ciel bleu que je voyais au début s'assombrit à mesure qu'il s'approche de la base du mur. Une forme commence à apparaître, mais il est trop tôt pour distinguer de quoi il s'agit.
Nous continuons notre travail, bavardant de tout et de rien, de nos études ou de ce que nous préférons dans ce métier. J'apprends que le silence des Souterrains la rassure, je lui raconte toutes les fois où je me suis faufilé dans la grotte où j'avais rencontré Li pour admirer les peintures.
Elle s'interrompt soudain et je tourne la tête pour voir ses yeux s'agrandir de surprise. Absorbés par notre discussion, nous avons presque oublié la fresque. La partie de la Professeure est maintenant bien visible. Elle représente un jeune homme blond, le visage effacé, parcourant une plaine. Et dans sa main, brillant d'un éclat argenté, une épée. La voix de la Professeure me tire de mes pensées.
— Croyez-vous que ce soit une référence au Mythe de Voilaroc ?
— Vous faites référence au mythe qui parle d'un homme armé d'une épée, qui, après avoir tué de nombreux Pokémon, revient à la raison et brise son épée ? Je m'en souviens vaguement.
— Oui, c’est bien ça. Il n'y a pas beaucoup d’histoires avec des armes dans la mythologie de Sinnoh et celle-ci m'a toujours mise mal à l'aise. De plus, aucun Pokémon n'est visible dans le décor, contrairement à la partie centrale où on peut en voir plusieurs. Enfin, il nous faut continuer. Où en êtes-vous Archie ?

Je me retourne vers ma partie et je distingue le même jeune homme. Son épée est baissée à présent et le ciel sombre semble l'écraser. Le sol à ses pieds est encore couvert de poussière et je me remets au travail avec angoisse. La Professeure s'est levée et je l'entends prendre des photos et des notes concernant son morceau. Je reste concentré, malgré la couleur que je vois apparaître peu à peu. Cette couleur, je la vois s'étendre et s'infiltrer, entourant une forme sombre, serpentant entre les pieds du jeune homme, brillant à la pointe de son épée.

Rouge. Rouge sang.