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Derkomai's Mask de weivern



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» Auteur : weivern - Voir le profil
» Créé le 24/10/2021 à 21:58
» Dernière mise à jour le 16/04/2022 à 15:56

» Mots-clés :   Présence de personnages de l'animé   Présence de shippings   Présence de transformations ou de change   Romance

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Les anthémis nous envahissent
Elle me souriait. Les crocs du monstre piégés dans son épaule, ses mains fermement agrippées au corps de Sharpedo pour l’empêcher de bouger, pour me permettre d’attaquer, pour me permettre de gagner… Arrête de sourire.

- Vous pensez que ça va nous arrêter ? dit Arthur.

Sharpedo réaffirma sa prise faisant crier Serena avant de la lancer dans les airs. Je devais la rattraper ! Plus vite ! Beaucoup plus vite et…

Un violent choc au niveau de mes côtes me renvoya dans le décor. Serena ? Où était Serena !? Tout était flou autour de moi. La fumée me piquait les yeux et les larmes ne voulaient pas s’arrêter de couler. Mais je pouvais la voir et je savais qu’elle ne tomberait pas sur la plateforme mais bien…

" Serena ! "

J’avais la gorge sèche, je ne pouvais pas bouger. Mes jambes, mes bras, ils refusaient d’obéir. Le volcan… elle allait tomber dans la gueule du volcan. Si ça continuait, si je ne faisais rien… Serena… je croyais qu’elle voulait rester avec moi, qu’elle ne voulait pas m’abandonner alors pourquoi…

" Je ne partirai pas sans toi ! " hurlai-je.

Mon visage me brûlait, mais je pouvais à nouveau bouger. Serena ! Je devais retrouver Serena ! Je sautai, l’ombre de ma dresseuse était toute proche du magma. Elle était loin, beaucoup trop loin. Mais si je tendais mon bras, peut-être que je l’atteindrais, peut-être que…

" Reviens ! "

Ma chute s’accéléra soudain. J’agrippai ma dresseuse, la serrant de toutes mes forces contre moi. C’était chaud, le corps de Serena était chaud. L’air brulait autour, quelques flammes s’élevaient en même temps que j’entendais un gargouillement. Le magma était là, à quelques millimètres de mes pieds, pouvant presque les lécher. Je frissonnais, me demandant pourquoi je n’avais pas encore fondu dans la masse brulante. Je resserrai un peu plus mes bras autour de Serena et tournai la tête. De part et d’autre de mon corps, deux ailes battaient l’air brulant. Des ailes… Mes ailes ?

Leur mouvement régulier se fit soudain erratique. J'allais de droite à gauche, remontais parfois, descendais souvent, obligé de suivre leurs caprices. Je n'étais qu'un pantin, une poupée qui gardait l'espoir de reprendre un jour le contrôle. Et elles continuaient de me ballotter, s'aidant de l'air chaud pour se maintenir hors du magma. Mais je les entendais, mes muscles qui se contractaient frénétiquement pour actionner les fines membranes, mes muscles douloureux qui m'avouaient qu'ils ne pourraient pas me remonter à moins que... à moins que...

Une brusque chute, le magma si près qu'il mordit une de mes griffes, elle siffla, comme implorant qu'on mette fin à son calvaire. Mais il y avait maintenant autre chose, une clameur qui s'élevait du fin fond de mes entrailles, un ordre qui contaminait l'ensemble de mon corps, une prière qui bourdonnait à mes oreilles. Et c'était si simple d'y accéder. Si simple… peut-être ma dernière chance, mon dernier espoir de pouvoir un jour repartir sur les routes en tant que dresseur, repartir de mon côté, sans elle. Mes viscères en feu, mes bras tremblants, ils étaient prêts à s'écarter, à lâcher ce poids qui respirait péniblement contre ma poitrine, et ainsi ils pourraient embrasser la liberté que j'aimais, la liberté que mon père avait préféré à moi...

Un spasme dans mon dos, si violent qu'il m'arracha un cri de douleur. Pas le temps de respirer, la vision de la paroi noire qui se rapprochait à toute vitesse, puis mon corps qui se fracassa contre la roche. Je ne bougeais plus, collé contre le flanc du volcan, en équilibre sur les quelques aspérités de ce mur poreux. Mon souffle se coupa alors que je remarquais mon bras qui tenait la pierre, s'il était là alors... alors... Tétanisé, je n'osais pas bouger d'un millimètre. Je ne voulais pas baisser la tête parce que... J'avais peur de tomber. Oui, c'était ça, je ne voulais juste pas voir le magma sous moi, il n'y avait rien d'autre, absolument rien d'autre.

Un grondement, la roche qui s'effritait au milieu d'un torrent d'eau descendu du ciel. C’était proche, vraiment proche, très proche…

Il y avait une fête foraine qui passait de temps en temps près de chez moi. J'adorais y aller avec la grande roue qui brillait au milieu de la nuit, si grande que rien que la regarder me donnait le tournis. La musique pendant que je faisais des tours de manège, le choc des auto tamponneuses qui faisaient battre mon cœur à toute vitesse. Et puis il y avait tous ces stands, ces endroits merveilleux où l'on gagnait des cadeaux en jouant. Je me souvenais, il y avait aussi ce jeu, celui avec les pistolets à eau et où pour gagner il fallait...

Un nouveau puissant jet d'eau, plus proche que le précédent, écorcha la paroi. Il éclaboussa mes écailles, projetant sur moi quelques cailloux au passage.

Le forain me regardait avec un grand sourire sans pour autant se lever de sa chaise, il avait une tache de ketchup sur son vieux pull-over vert. Maman riait à côté de moi alors que je me saisissais du pistolet en plastique transparent, je tirais, l'eau ruisselait sur le bout de mes doigts. Ce n'était pas si simple, et le forain qui me prévenait qu'il ne me restait plus beaucoup de chances si je voulais remporter le gros lot. Combien au juste ? Combien accordait-il de tires ? Les jets d'eau laminaient les roches noires sans jamais atteindre la cible. C'était injuste, j'étais déconcentré par ces grondements répétitifs, mes mains étaient humides et mon corps tremblait de froids. « Presque ! Presque ! » jubilait le forain et mes mains glissaient sur la détente. J'allais bientôt la lâcher, abandonner ce jeu qui m'énervait. Oh oui, je ferais mieux de m'en aller, rejoindre ces belles lumières juste en-dessous de moi, sans doute un manège. Est-ce que j'aurais le droit d'y monter ?

" Dis maman est-ce que... "
- Re... Reptincel...

Ce n'était qu’un gémissement contre moi, un gargouillement qui me faisait douter qu'il s'agisse d'une voix humaine. Je fermais les yeux, ma tête me faisait mal. Mais... j'avais envie de savoir d'où cela venait. D'abord une sensation diffuse, puis cela se précisa, jusqu'à ce que je perçoive une chaleur près de mon ventre. Qu'est-ce que c'était ? Je baissais la tête. Le volcan, la lave, ce bras... ce bras qui tremblait, ce bras qui m'appartenait... ce bras qui ne s'était pas écarté, refusant de l'abandonner.

" S-Serena ? " murmurai-je abasourdi.

Recroquevillée contre moi, elle me paraissait si petite, si frêle et pourtant sa présence pesait si lourd contre mon cœur. J'étais vraiment sur le point de... La colère. Ma colère. Elle fondait sous la pression de mes entrailles et maintenant elle cherchait à s'échapper afin de tout détruire. Je la sentais remonter, pousser sur ma conscience qui voulait la retenir. Plus fort, toujours plus fort, c'était de sa faute, sa faute si je me retrouvais ici. Cette souffrance insupportable, cette douleur que j'avais réussi à oublier grâce aux pokémons, tout cela... c'était de sa faute.

Elle explosa, la barrière fut réduite en miette, la colère s'éleva, puissante, inarrêtable, dégoulinant dans mes ailes pendant que ses fumées ardentes calcinaient mes pensées. Je ne te pardonnerais pas, pas cette fois, pas après tout ça. Mes ailes battaient l'air, aidant mes bras et mes jambes à escalader la falaise. Les Hydrocanon continuaient de pleuvoir, cherchant à me ramener vers les tréfonds du volcan. Mais Arthur était mauvais à ce jeu, vraiment très mauvais. Les derniers mètres, mon pied qui écrasa la surface poreuse, ma main qui saisit le rebord et ma colère contre toi, peut-être même de la haine, qui m’entraina hors de ce trou.

Je t'en voulais, je t'en voulais tellement et pourtant, lorsque je posais mes yeux sur toi, cette vague de haine toujours bien présente refusait de couler, refusait de te blesser, ne supporterait pas que tu sois à nouveau blessée. Ta peau pâle, tes lèvres bleuies, ta respiration saccadée, tes yeux qui s'ouvraient sans me voir avant que tu ne replonges dans l'inconscience. Et le ruban, le ruban que je t'avais offert, il était tout sale maintenant. Tout ça... je te détestais, haïssais, mais... te voir souffrir me faisait tellement mal.

- Je m’demande si c’était vraiment utile que tu la remontes, se moqua Arthur dans mon dos.
" Tais-toi, " murmurai-je faiblement.

Je me fichais de lui, je voulais juste que Serena arrête de faire semblant de dormir. Elle savait que je lui en voulais, alors elle essayait de fuir, mais je ne la laisserais pas s’en tirer si facilement !

- Je pense pas que t’aies pigé…

Je tournai la tête et un glapissement de terreur vibra au fond de ma gorge en voyant l’intérieur de la gueule de Méga-Sharpedo qui brillait d’un éclat bleuté. J’avais compris ! Je ne le gênerais plus ! Qu’il s’arrête !

- Achève…

Serena gémissait contre moi, mes écailles se plaquaient contre ma peau. Incapable de me défendre, je baissai la tête, me cachai derrière mes ailes. J’attendais l’eau qui devrait bientôt me mordre, le choc qui fracturerait mon crâne, le corps de Serena qui s’échapperait de mes bras… Mais ça n’arrivait pas. Une dernière grande inspiration, faire bouger ce cou enraidit par des écailles immobiles, trembler, vouloir abandonner, puis finalement regarder. Arthur avait placé son bras devant la gueule de son pokémon, l’empêchant d’attaquer. Sa main tremblait, ses lèvres figées pendant que ses prunelles zieutaient discrètement derrière lui.

Que faisait-il ? Je sentis soudain un liquide chaud couler sur mon bras. Je baissai la tête et étouffai un cri. Rouge, tout ce rouge qui s’échappait de l’épaule de Serena. J’appuyai ma main dessus, c’était chaud, horriblement chaud et visqueux. Je devais arrêter ça !

- Tsss ! entendis-je pester Arthur avant qu’il ne rappelle son pokémon.

Je le regardai sans comprendre ce qu’il faisait. Il retira le bandeau qui couvrait son front et ramena ses cheveux vers l’arrière. Il s’approcha de moi. J’essayai de reculer mais mes jambes étaient tétanisées. L’homme se baissa à mon niveau, me laissant voir ses yeux emplis de colère. Je baissai la tête, n’arrivant pas à soutenir son regard. Est-ce qu’il me terrifiait comme ça lorsque j’étais humain ?

- Est-ce que je dois vraiment les épargner ? Attendre ? Vous voulez vraiment attendre ? Oui… peut-être… mais il faudra bien qu’on prenne une décision, dit-il de sa voix grave.

Son visage était si proche du mien et pourtant sa voix me paraissait éloignée. Il ferma les yeux avant de se relever. Je ne le lâchai pas du regard, m’attendant à ce qu’il finisse le travail. Mais il n’en fit rien, se détournant de moi pour repartir vers la plateforme qui surplombait le volcan.

Il était parti ? Vraiment parti ? Je secouai la tête, je n’avais pas de quoi me réjouir ! La plaie sur l’épaule de Serena continuait de vomir du sang et ça ne voulait pas s’arrêter. Adriane ! Si je retrouvais Adriane alors… Je poussais sur mes jambes, avançais de quelques pas en humant l’air à la recherche de la championne. Mais quelque chose attira mon regard. Je ne l'avais pas vu jusque-là. Au milieu des scories, à l'endroit où je me tenais avant que tu me demandes de te faire confiance... Ton sac rose, à quel moment l’avais-tu posé ? Pourquoi l'avais-tu laissé ? Mais elle restait muette, refusant de me répondre. Très bien, tu n'avais pas besoin de dire quoi que ce soit. Je savais... tu y avais mis tes pokéballs, tes précieux amis parce que...

" Tu savais que tu serais blessée, " marmonnai-je.

Je me saisissais du sac, crispant mes griffes sur les lanières roses. Je n'arrivais pas à marcher droit, ma tête se dandinait sur mon cou trop long. Tu gardais l'espoir qu'une fois Sharpedo vaincu, je pourrais les emmener au centre, mais pour cela...

" Tu t'es dit qu'il n'y avait qu'une seule façon de gagner. "

Je ne pus m'empêcher de sourire, me moquer de moi-même pour ne pas avoir compris plus tôt. Alors c'était comme ça que tu me voyais. Un pokémon qui ne pensait qu'à la victoire, qui s'attendait à ce que sa dresseuse mette tout en œuvre pour atteindre cet objectif. Un nouveau gémissement contre moi, sa bouche qui s'ouvrait pour essayer d'absorber un peu d'air avant de brutalement se refermer.

" Tu croyais que je serais déçu si tu ne te sacrifiais pas... " soufflai-je.

Je tombai à genou. Je n'en pouvais plus, mon corps était lourd. Je pouvais bien fermer les yeux quelques secondes, juste le temps de reprendre mon souffle. Le matelas de roches poreuses me semblait bien agréable tout d’un coup, et puis il y avait l’odeur de Serena contre moi et tant qu’elle était là…

J’avais mal à la tête, je ne voulais pas ouvrir les yeux. Mais j’entendais des craquements réguliers. Des bruits de pas. Quelqu’un marchait sur les roches volcaniques et ça s’approchait. Arthur ? Est-ce qu’il revenait ? J’ouvrai péniblement un œil, une ombre difforme se dirigeait vers moi. Je me relevais, mes yeux piquaient, mais j’avais juste un pas à faire en avant et… Je m’écroulai lamentablement sur le sol visqueux. Hein ? C’était quoi ça ? Les pierres avaient une drôle de couleur… Du sang ? Le sang de Serena !? Comment… comment il pouvait y en avoir autant… je n’avais fermé les yeux que quelques secondes, juste quelques secondes.

" Dis-moi, dis-moi que ce n’était que quelques secondes, " murmurai-je.

Elle ne pouvait pas me répondre. Sa bouche entrouverte, sa poitrine se soulevant à toute vitesse alors que son ventre ne semblait plus savoir quand il devait se contracter ou se relâcher. Mes écailles frémir. L’ombre m’avait rejoint, l’ombre était juste derrière moi. Je devais défendre Serena !

- Calme-toi ! entendis-je crier.

Je continuais de grogner, ma vision brouillée à cause des larmes.

" Ne t’approche pas ! "
- Je t’ai dit de te calmer ! vociféra l’ombre.

Elle combla la distance qui nous séparait me laissant voir son visage. Adriane ? C’était vraiment elle ? Elle n’arrêtait pas de regarder derrière elle, son visage crispé, ses vêtements humides tout comme ses cheveux désormais détachés. Elle passa sa main sur son visage, essuyant la coupure qui fendait son arcade.

- Comme va Serena ? me demanda-t-elle.

Je m’écartai légèrement, permettant à la championne de la voir. Maintenant qu’elle était là, tout allait s’arranger, et Serena n’allait plus… Les yeux d’Adriane s’étaient révulsés, sa bouche distordue dans une grimace horrifiée.

- Dracaufeu… je ne crois pas… balbutia-t-elle.

Dracaufeu ? Oui, maintenant c’était Dracaufeu. Mais pourquoi restait-elle sans bouger ?

- Dracau, cau ? l’appelai-je.

Elle chercha à éviter mon regard, mais je continuais de l’appeler, refusant de m’arrêter avant qu’elle ne se soit occupée de ma dresseuse. Elle mordit sa lèvre, crispa son poing, regarda encore une fois en arrière avant de me demander :

- Tu ne partiras pas sans elle ?

Et pourquoi je ferais ça ? Il suffisait qu’elle mette un pansement sur cette plaie, peut-être une crème spéciale aussi et puis Serena se réveillerait. Serena irait mieux et ainsi je pourrais enfin m’énerver contre elle.

- C’est tout ou rien, murmura Adriane.

Elle ferma les yeux avant d’appeler Volcaropod. Il ne restait de la carapace du pokémon que quelques morceaux épars, le faisant presque ressembler à un limagma. Il semblait épuisé et je ne comprenais pas ce qu’elle voulait faire.

- Tu as encore assez d’énergie ? demanda-t-elle à son ami.

Quelques gouttes de magma dégoulinèrent du visage du pokémon en même temps qu’il acquiesçait.

- Dracaufeu, pose-la, me dit-elle avec un léger sourire.

Je frissonnai, hésitant à me séparer de Serena. Le remarquant, la championne posa une main réconfortante dans mon dos et murmura :

- On doit se dépêcher.

J’acquiesçai et confiai ma dresseuse aux soins d’Adriane. L’escargot de magma s’approcha, je sentis mon cœur s’accélérer et mes pensées à nouveau divaguer, croyant voir dans ce pokémon le volcan qui avait voulu me prendre ma dresseuse. Volcaropod jeta un dernier coup d’œil à la championne, comme s’il voulait s’assurer de l’ordre silencieux qu’elle lui avait donné. Pourquoi hésitait-il ? Qu’est-ce qu’il voulait…

Il ouvrit sa bouche baveuse et fit dégouliner ses flammes sur l’épaule de Serena. Elle hurla, son corps et son visage se tordirent, elle haletait, des larmes de douleur perlaient au coin de ses yeux. Trop faible pour se défendre, pas assez inconsciente pour ne pas ressentir ce feu qui la dévorait.

" Adriane ? Qu’est-ce que tu fais ? " articulai-je.
- C’est peut-être sa seule chance… Alors je t’en prie, n’attaque pas.

Je remarquai les éclairs qui parcouraient mon poing, mes muscles qui s’étaient tendus, prêts à arrêter l’horrible monstre. Et en même temps je ne pouvais pas bouger, je ne pouvais pas avancer, je ne pouvais pas empêcher Serena de souffrir.

- Tu ne devrais pas pleurer, ta dresseuse ne le supporterait pas.

Adriane avait murmuré cela au milieu des hurlements de Serena. Mon poing était retombé, les battements de mon cœur avaient ralenti alors que ma vision se réduisait à un étroit tunnel.

" Tu sais… Serena se fiche bien de ce que je peux ressentir. "

***

Le pokémon s’était arrêté. Serena était encore parcourue de quelques tremblements. Adriane se dépêcha d’entourer l’épaule avec un tissu, masquant la marque sombre qui s’était formée.

- Maintenant il faut qu’on se dépêche de quitter le volcan avant que…

Les yeux d’Adriane s’écarquillèrent, puis elle tourna sur elle-même, son visage palissant au fur et à mesure qu’elle inspectait les alentours. Moi aussi je les voyais, les sbires qui nous encerclaient avec leurs pokémons et qui souriaient, ravis de pouvoir faire payer à la championne la défaite de leurs comparses.

- On fait moins la maligne maintenant, railla un homme en jonglant avec une pokéball.

Volcaropod fixait de ses grands yeux jaunes les membres de la Team Aqua, faisant de son mieux pour les intimider en faisant siffler le magma qui le composait. Mais il se ratatina sur lui-même au moment où un géant s’avança vers nous accompagné d’un sharpedo. Un sharpedo avec des yeux rouges, une énorme mâchoire, des dents crénelées… Je baissais les yeux tout en poussant un gémissement craintif, incapable de contrôler mes tremblements.

- Jamais vu un dracaufeu aussi pitoyable ! entendis-je un des sbires.

Je sentais le regard d’Adriane sur moi, le désespoir qu’elle ressentait en sachant qu’elle ne pourrait pas compter sur mon aide.

- C’est Arthur qui a fait ça ? demanda soudain l’homme.

Je relevai la tête, ne voyant que le symbole de la Team Aqua peint en blanc sur la peau nue.

- Matthieu, qu’est-ce que tu fais ? l’interpella un sbire.

Le dénommé Matthieu fronçait les sourcils en observant ma dresseuse, il avança sa main vers elle, mais je me reculais pour l’empêcher de la toucher. Il grimaça avant d’allumer son Vokit tout en se détournant de moi pour que je ne puisse pas tout entendre de la conversation.

- Oui tu l’as bien amochée et j’ai peur qu’elle… Oui. Oui je sais qu’on ne peut pas les laisser partir comme ça mais on n’aura pas de quoi la soigner ici et… Arthur ! Je t’assure que c’est sérieux ! Je ne te ferais pas perdre ton temps sinon ! Oui… Oui, ça peut être une solution, mais… Quoi ? Tu préférerais pas envoyer un sbire ? Ok, ok, je m’en charge.

Hypnotisé, je ne lâchai pas du regard les mains géantes de l’homme qui pouvaient écraser ma tête en une fraction de seconde pendant qu’il raccrochait.

- Toi la championne, occupe-toi de soigner les blessures de ce pokémon qu’il puisse marcher jusqu’à Vermilava.
- Quoi !? s’étrangla Adriane.
- Je sais que y a pas d’hôpital dans cette ville, donc j’espère que le toubib du coin n’est pas trop mauvais. Ou à défaut, qu’il ait d’assez bons arguments pour convaincre Arthur de la laisser quitter la zone.
- Et tu crois que ses habitants vont te laisser entrer sans réagir ? siffla-t-elle.
- Te fais pas trop de soucis là-dessus, répondit Matthieu.

Adriane avait fait un pas en arrière, ses yeux grands ouverts marqués par la surprise.

- Arrête de faire cette tête et dépêche-toi…
- Dra, le coupai-je.

Il n’y avait pas besoin d’attendre, je me passerais de soin. Adriane sembla soudain reprendre ses esprits et me cria dessus :

- Tu ne vois pas tes plaies ? Tu n’es pas en état pour marcher aussi…

Mais j’avais déjà mis ma dresseuse sur mon dos, leur montrant que j’étais prêt à partir. Matthieu eut un sourire avant de me dire :

- Si tu t’écroules, n’espère pas que je te prendrai en pitié et te porterai sur mon dos.

Ça m’allait très bien. Même si mes écailles tombaient à chaque pas que je faisais, même si ma queue trainait sur le sol et que ma bouche avait un goût de poudre de charbon. Tant que je l'entendais respirer contre moi, ça m'allait.

***

Mes jambes tremblaient, mes ailes se cognaient contre les branches des arbres morts qui croisaient notre route et Serena… Je sentais son ventre cogner régulièrement contre mon dos. Lentement, la pression disparaissait et mon cœur se serrait, craignant que l’expiration que je sentais alors contre mes écailles soit la dernière. Mais la pression revenait toujours, quoique chaque fois me paraissant un peu plus faible que la précédente.

Adriane marchait devant moi, frustrée de ne pas avancer plus rapidement. En ce moment, elle devait se retenir de ne pas nous abandonner pour rejoindre sa ville le plus vite possible. Et Serena respirait contre moi.

L’Admin avait un pas plus lent, observant d’une mine ennuyée le paysage monotone. Il n’avait rien dit depuis notre départ du volcan, se contentant de soupirer de temps à autre. Et Serena respirait contre moi.

- On y est ! s’écria Adriane sans dissimuler son soulagement.

Effectivement, les toits en ardoise brillaient sous le soleil, protégeant les maisons aux airs rustiques. A certains endroits, on pouvait voir s’élever des volutes de fumée signant la présence des sources chaudes. Je me souvenais qu’elles avaient la propriété de soigner les blessures, peut-être que si Serena y allait… Le bruit d’une mâchoire, le bruit d’une mâchoire qui claquait. Je me figeai, n’osant plus faire un seul pas alors que deux personnes aux uniformes rayés se rapprochaient de nous. Je reculai en voyant le carvanah qui les accompagnait, incapable de supporter ces yeux rouges qui me fixaient. Je me concentrai sur la respiration de Serena, sa peau tiède que mes écailles essayaient péniblement de réchauffer.

- C’est bon les gars, je m’en occupe, entendis-je Matthieu.

Adriane gronda quand l’Admin nous demanda de le suivre. Si jamais elle explosait, si elle décidait soudain de se battre contre les envahisseurs en dépit de toute chance de l’emporter, qu’est-ce que je ferais ? Est-ce que… Est-ce que Matthieu accepterait d’épargner Serena si je ne me battais pas, si je me comportais en pokémon docile ? Je sentis soudain le regard de l’homme sur moi. Il voulait mettre à nu mes horribles idées, exhumer ma décision d’abandonner la championne, la personne dont j’avais un jour prétendu être l’ami. Je me sentais balloté, l’impression de me noyer, de disparaître. Tout ça, tout ce que je ressentais et qui n’était pas moi… C’était de ta faute. Serena continuait de respirer.

Sous le soleil de fin de soirée, protégés des régurgitations du volcan par un vent favorable, les hommes et les femmes de la Team Aqua se promenaient dans les rues désertes. Leurs sourires, leurs rires, le calme dont ils faisaient preuve dans cette ville qui n’était pas la leur… Mais pourquoi s’inquiéteraient-ils quand tous les volets étaient fermés et les portes verrouillées à double tour. Personne ne viendrait les ennuyer, personne ne viendrait remettre en cause leur suprématie, les habitants d’ici étaient trop lâches pour ça, ils étaient trop lâches pour aider Serena et… Moi… moi je n’étais pas mieux. Je baissais la tête, gémissais s’ils s’approchaient trop près. Et je voyais leur mine dégoûtée à chaque fois qu’ils posaient un œil sur ma dresseuse. Ma dresseuse qui respirait.

Le centre pokémon. Un endroit où je m’arrêtais à chacune de mes escales, la promesse d’un repas chaud, d’un matelas moelleux et des bons soins de l’infirmière pour mes pokémons. Un endroit où l’on reprenait des forces après un voyage trop long. Mais pas cette fois. Les vitres brisées, la devanture en partie effondrée qui laissait voir l’intérieur saccagé. Joëlle avait abandonné son bastion, se réfugiant dans le jardin pour apporter les soins rudimentaires à quelques pokémons blessés. Elle nous lança un regard empli d’espoir avant que son visage ne se ferme en remarquant le géant qui marchait derrière nous. La femme baissa la tête, retournant aider son leveinard qui l’appelait. Je n’avais pas besoin de demander à l’Admin pourquoi ils avaient fait ça. C’était évident et le poids dans mon dos, ce poids qui avait besoin de soins, me le rappelait sans cesse.

Un gémissement, elle gémissait. Mes muscles se tendirent. C’était faible, beaucoup trop faible.

" Je sais qu’il n’y a pas d’hôpital ici, mais on va trouver une solution, " assurai-je.

Mais son corps s’alourdit soudain, sa respiration se muant en saccades anarchiques. Elle gémissait, ses doigts moites se crispant contre mes écailles.

" Serena ? Serena tu dois tenir ! Le médecin ? Adriane ! Où est le médecin !? "

La championne repoussa ma main qui écrasait son épaule. Elle grimaçait en regardant Serena, exactement la même expression que ces sbires.

- Reste calme.

Comment pouvait-elle dire ça !? Serena elle… elle… mes écailles vibrèrent, ma flamme crépita, mes ailes se gonflèrent de sang. Elle ne me demandait pas de rester calme parce que tout allait s’arranger pour Serena, elle me disait cela pour que… si jamais… Est-ce que… Est-ce qu’elle me disait cela avec la pensée que Serena allait…

- Reste calme, répéta Matthieu.

Je marchai sans vraiment savoir où je posais mes pieds. Serena respirait. Je crois qu’elle respirait. A moins que ce soit juste le vent dans mon dos qui me jouait un mauvais tour. Peut-être qu’il se moquait de moi depuis que j’avais quitté le volcan. Je verrais bien, quand nous serions arrivés, quand je devrais tourner la tête, je verrais bien. Adriane s’arrêta devant une petite maison aux briques rouges. Elle appuya sur la sonnette une fois, deux fois et puis je perdais le compte. C’était très bien, j’avais besoin d’encore un peu de temps, juste quelques secondes de répits avant d’être obligé de tourner la tête.

- Quoi encore !? cria un homme en ouvrant la porte.

Je me tournai un peu pour lui permettre de voir Serena sans pour autant quitter des yeux les rectangles rouge entrecoupés par le ciment sale.

- Norma, mon tensiomètre s’il te plait, appela-t-il.

Il nous fit signe d’entrer. Je ne m’attendais pas à ce que la salle d’attente soit bondée, qui plus est par des patients d’environ mon âge, couverts de plaies et gémissant de douleurs. Sans doute ceux qui avaient eu la bonne idée de s'opposer à la Team Aqua...

- Tu peux la poser, m’ordonna le médecin.

Je crispai ma mâchoire avant de m’exécuter. Serena respirait devant moi. Chacun des muscles de son cou se contractait, se déprimait pour amener un peu d’air. Elle transpirait, semblant souffrir à chaque mouvement que sa poitrine faisait. Les gens autour de nous regardaient cette bête curieuse, comme fascinés par les étranges mouvements de ce corps.

" Arrêtez. "

Mes ailes se levèrent, la masquant, la protégeant de tous ces yeux qui attendaient la fin du spectacle. Le médecin avait passé le brassard bleu autour du bras de Serena. Il ne parlait pas, semblant écouter avec attention des choses qui m’étaient inaudibles en même temps que sifflait l’air qui s’échappait de sa prison. Il releva la tête vers moi, semblant soudain connaître une vérité qui m’échappait. Il sortit alors de sa poche un petit appareil qu’il plaça au bout du doigt de ma dresseuse avant de gronder à l’attention de l’Admin :

- Vous êtes fier de vous ?
- Faites votre boulot Mr. Le toubib, répondit Matthieu en croisant les bras.

Le médecin se crispa, mais ne rétorqua pas. Ses sourcils se froncèrent en observant les chiffres que lui indiquaient son gadget. Il se releva, la main dans la poche de son pantalon avant de soupirer :

- Norma, si je ne me trompe pas il doit nous rester une bouteille d'oxygène dans le débarras. Et toi le dracaufeu, tu ferais mieux de t’écarter d’elle.
- Dra !
- L’O2 et un lance-flamme ambulant, non merci.

Je grimaçai, acceptant à contre cœur de m’écarter pendant que l’infirmière amenait la lourde bouteille et emprisonnait le visage de ma dresseuse dans un masque trop serré.

- Adriane, est-ce que tu peux l’accueillir chez toi ? Ici je n’aurai pas la place de m’occuper convenablement d’elle.

La championne accepta alors que le médecin confiait des clefs à l’infirmière, lui demandant d’emmener Serena et d’installer tout le matériel nécessaire avant qu’il n’arrive. Il s’occuperait de Serena… mais seulement après avoir vérifié l’état des autres patients. Et ça, ça c’était quelque chose pour lequel j’aurais pu le brûler vif si Adriane ne m’avait pas arrêtée.

L’infirmière était partie la première avec Serena au volant de la camionnette, nous laissant derrière. Ne plus sentir son poids dans mon dos, ne plus sentir son souffle contre moi, je ne pensais pas que ça me terrifierait autant. Je raclais des pieds, ralentissant étrangement alors qu’Adriane nous amenait chez elle.

Les escaliers à l’entrée, trois marches, et pourtant si dures à monter. La porte du salon, si légère et pourtant si dure à pousser. Ce fut Adriane, ce fut elle qui tourna la poignée et poussa la porte.

C’était dur. Cette table rigide où on avait posé Serena. La potence à côté d’elle et le long fil transparent auquel on avait branché son bras. Son souffle préservé par la bombonne en métal blanc. Et maintenant il fallait attendre, que le médecin finisse de voir les autres blessés, qu’il se décide à venir pour quelqu’un… quelqu’un pour lequel faire des efforts ne serait peut-être pas récompensé.

La petite infirmière aux cheveux courts avait fini tous ses préparatifs. Elle regardait sa montre, semblant s’agacer du temps qu’elle passait ici sans rien faire. Puis le médecin arriva. Il avait toujours ses habits de civil, ne se pressant pas pour entrer dans la chambre alors que la femme s’était déjà enfermée dans une pièce à côté pour changer sa tenue. L’homme posa sa mallette et enfila une paire de gant, toujours tranquille, horriblement tranquille. Il appuya sur l’épaule blessée et le visage de Serena se crispa sur le champ.

- Calme-toi, m’intima Adriane.

Je ravalai mes flammes, au sens propre. L’homme sortit son stéthoscope sans se presser, comme si la jeune fille qui respirait difficilement près de lui n’était pas si importante que ça.

- Le remplissage n’a pas trop mal fonctionné, dit-il tout bas.

Remplissage ? J’avais l’impression que cet homme ne voyait en Serena qu’un objet, quelque chose qu’il fallait réparer mais… s’il venait à être définitivement cassé, alors il ne s’en ferait pas plus que ça. L’homme se mit soudain à la déshabiller, sans se préoccuper du fait que j’étais toujours dans la pièce.

- Ça ne va pas Dracaufeu ? s’inquiéta Adriane.

Mais je sentais que mes écailles faisaient encore des siennes. Ce n’était pas le moment ! Pas quand Serena…

- S’il est sur le point de s’évanouir, je préfère qu’il sorte tout de suite, prévint le vieil homme.

Non ! Je voulais savoir… Il avait enlevé la robe de Serena, la laissant en sous-vêtement. Roses avec un peu de dentelle sur les bords et… Je quittai à toute vitesse la chambre. J’avais l’impression que mon cœur gonflait et écrasait mes poumons alors qu’un peu de vapeur d’eau sortait de ma gueule. Je voulais retourner dans la chambre, mais j’avais peur de ne pas mieux réagir. Et quelque part, ne plus voir Serena… ça faisait du bien. Alors j’attendais devant la porte fermée, jusqu’à ce qu’Adriane sorte à son tour. Je la regardais longuement, me demandant combien de temps elle comptait rester ainsi sans rien dire. Elle jeta un dernier coup d’œil derrière elle avant de décréter d’une voix forte et assurée :

- Serena n’ira pas à l’hôpital.

Alors ce n’était pas si grave ? Pourtant je croyais… et elle avait l’air si…

- Il va s’occuper de faire les soins ici-même.

Ce n’était pas ça que je voulais entendre. Maintenant Adriane, tu pouvais le dire :

" Dis-moi que ce n’est pas grave ! "

Adriane baissa la tête, elle hésita et je sentis les flammes qui pulsaient dans mon corps s’éteindre alors qu’elle disait :

- Le doc a vraiment tout essayé, mais le chef de la Team Aqua ne veut rien entendre et Matthieu… il n’est pas du genre à le trahir. Donc elle va rester ici. Il va la soigner ici.

Depuis quand mes jambes étaient aussi molles ? Je me reculai jusqu’à ce que mon dos rencontre le mur derrière moi et que je m’écroule.

- Dracaufeu…

Les larmes n’arrêtaient plus de couler et je n’avais pas la force de les essuyer. J’avais horriblement froid, au point de claquer des dents. Je fixai mes mains griffues et orange.

" Est-ce qu’elle préfère continuer son voyage sans moi ? "

Adriane ne pouvait pas comprendre ma question, personne ne le pouvait. Je fus soudain pris d’un fou rire irrépressible. J’étais resté trop longtemps avec Serena alors que je savais très bien que ça finirait par la faire souffrir, par me faire souffrir.

Et si je retournais tout de suite voir Pikachu ? Retrouver mon apparence humaine, vite retourner en voyage pour devenir maître pokémon. C’était beaucoup plus simple.

J’observai le plafond, les spirales tournaient dans les lattes en bois. Une, deux, trois, elles m’hypnotisaient, me réconfortaient. Encore une, et une autre, plein de jolies spirales et…

La porte était ouverte. Matthieu était sorti et avait oublié de la fermer. Le médecin portait une étrange tenue bleue qui recouvrait tout son corps, ses mains croisées au niveau de son torse, un masque violet coincé sous ses petites lunettes. Il attrapait les étranges draps en papier que lui tendaient l’infirmière et dont certains couvraient déjà le corps de Serena. Il n’avait pas encore couvert son visage et quelque chose me disait qu’il ne tarderait pas à le faire. Je n’arrivais pas à détourner les yeux, ayant du mal à croire que ces lèvres fines m’avaient un jour souri. Peinant à imaginer que cet être qui ne bougeait pas avait pu m’encourager, s’énerver, rire, me protéger…

Le dernier drap bleu recouvrit son visage, faisant disparaitre Serena, la réduisant à une simple épaule blessée, un simple carré de chair brulée. La porte se ferma soudain, la main d’Adriane crispée sur la poignée.

- Dracaufeu, il faut aussi désinfecter tes plaies.

Désinfecter… oui, peut-être que ça serait bien. Et les spirales du plafond, ces éternelles spirales… j’aurais juré qu’elles se moquaient de moi.