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La Paix Véritable de Aurazen



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Informations

» Auteur : Aurazen - Voir le profil
» Créé le 04/10/2021 à 19:04
» Dernière mise à jour le 04/10/2021 à 19:04

» Mots-clés :   Absence d'humains   Action   Aventure   Drame   Unys

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Chapitre 4 : Promesses
- "Eh, gamin ?"

La grosse voix du vieil alcoolique vint perturber le sommeil du jeune Lucian ; trois jours s'étaient écoulés depuis l'assaut de nuit, et aucun nouvel incident ne s'était produit depuis. Ainsi, il ne restait plus qu'à attendre des nouvelles de l'extérieur. L'armée ennemie occupait toujours le territoire Sud, mais aucune information sur leurs déplacements ou leurs intentions... Entre les traumatismes, les bouteilles d'alcool et les heures de sommeil, les Pokémon sur place ne comptaient plus les flous dans leur vie chamboulée.

Au Refuge, la sieste était le meilleur moyen de passer le temps, si l'on excepte les jeux de cartes qui étaient réservés aux adultes. Le jeune Riolu, encore somnolent, leva doucement la tête vers son interlocuteur : une longue moustache de lait venait s'accoupler à son petit bouc grisonnant. Le doyen faisait tourner un verre vide du bout des doigts, attendant une nouvelle tournée de lait d'Écrémeuh. Voyant qu'il avait réussi à tirer l'enfant de son sommeil, il l'interpella à nouveau :

"Dis, petiot. T'es réveillé ?"

Lucian frotta ses yeux à moitié ouverts et étira ses petites pattes sur la table. Tandis qu'il regagnait peu à peu conscience, le vieillard entama son sujet :

"Dis-moi... j't'ai déjà parlé des lois d'Irène, nan ?"

Les lois d'Irène ? Le petit Riolu avait déjà entendu ces mots quelque part, mais il ne lui restait que des bribes de souvenirs voilés par la brume du temps. Il ne répondit pas, haussant simplement les épaules d'un air confus. Le vieil homme soupira.

"Mouais... t'étais encore un môme, tu t'en souviens sans doute pas. J'vais te raviver la caboche, alors."

Kurt écarta son verre vide, se racla la gorge, posa ses mains de géant sur la table et débuta son explication.

"Les lois d'Irène, c'est ce qui permet à not' Royaume de tenir debout chaque jour. C'est des règles que tous les Irinois doivent respecter, et elles sont super importantes. Tu m'suis, gamin ?"

Lucian hocha la tête, attentif à son récit.

"Ces lois, elles tournent autour de trois pactes sacrés. Trois pactes qu'ont été faits avec les royaumes voisins y'a très longtemps, histoire d'éviter les emmerdes."

L'infirmière, qui essuyait quelques verres au comptoir, s'indigna alors aussitôt :

- "Surveille ton langage, Kurt !! Ne va pas influencer le petit avec tes mauvaises manières !"

- "Rohhh, ça vaaa..." ronchonna le vieux bougre. Il reprit :

"Le premier, c'est le Pacte Pacifiste. Quand les premiers Rois ont mis les pattes sur ces terres, y se sont partagés les territoires équitablement. Y z'ont décidé qu'y se feraient jamais la guerre pour que le bon p'tit peuple vive peinard. La paix, c'était un truc vachement important pour l'premier Roi."

Intrigué par ces révélations, Lucian interrogea son mentor :

- "Mais... si on a pas le droit de faire la guerre, pourquoi ils nous ont attaqués...?"

Le vieil homme sourit à cette remarque.

- "Tu commences à piger le problème, hein ? J'y viens, t'inquiète.

Le deuxième, c'est le Pacte Fraternel. Tous les Royaumes du continent doivent se porter assistance et coopérer en cas d'pépin ; au cas-où tu l'saurais pas, y'a un Royaume à chaque coin d'la boussole. Tous les cinq, on doit se serrer les biscotos pour assurer que personne se r'trouve dans la mouise."

Lucian écoutait attentivement les paroles du doyen, tandis que Liliana grinçait des dents quelques mètres plus loin. Les manies grossières de Kurt et son absence complète de tact semblaient l'irriter au plus haut point.

"Et pis le troisième, le Pacte Divin. Bon, c'ui-là il est juste basé sur une vieille légende, mais j'vais quand même te l'expliquer..."

- "Oh non, pitié, pas encore cette histoire de Dieu !" s'exclama soudain Lily, attisant au passage la curiosité de quelques regards dans la bâtisse. Ignorant ses remarques, Kurt reprit :

- "À ce qu'y paraît, on pourrait ramener Arceus dans c'monde avec un vieux rituel poussiéreux. On raconte que le boug en avait tellement marre de voir des cons partout sur Terre qu'y s'est exilé quelque part dans l'univers, et qu'on l'a jamais revu depuis. Ce pacte, il interdit à quiconque d'essayer d'le faire revenir. Mais t'façon, personne sait comment y faire."

En voyant des éclairs jaillir du regard de l'infirmière, le vieil homme ravala sa salive.

"M'enfin... c'est qu'une légende populaire. Tellement populaire que l'Roi a dû inventer une loi exprès pour rassurer le p'tit peuple. Tu trouves pas ça louche, gamin ?"

Ils restèrent un moment silencieux. Tandis que les théories loufoques du vieil homme faisaient bâiller et soupirer la jeune infirmière, le petit Lucian avait des étoiles dans les yeux. Il semblait profondément happé par le récit de son mentor. De manière générale, les mythes et légendes locales semblaient tenir une place particulière dans le coeur des enfants. Mais tout comme le Père Cadoizo ou les Sapereaux de Pâques, la magie de ces contes de fées finirait par s'estomper un jour ou l'autre. Et Kurt ne le savait que trop bien. En revanche, l'esprit cartésien de Liliana semblait insensible à ce genre de fantaisies. Peut-être parce qu'elle n'avait pas encore d'enfant ?

Tapant son verre d'un coup sec sur la table, le doyen brisa le silence à sa façon.

" 'Fin bref, la politique ça me gave. Tu veux pas boire un coup, gamin ?"

En entendant ces paroles, Lily bondit par-dessus le comptoir et sauta sur Kurt, l'agrippant aux épaules et le secouant d'avant en arrière :

- "Mais enfin Kurt, c'est encore un enfant !!" s'écria Lily.

- "Y'a pas d'âge pour commencer à boire, ma p'tite."


*****

Un sac de glaçons en main, Kurt faisait son possible pour atténuer la douleur de la nouvelle bosse sur son crâne. L'infirmière avait revu son plan d'attaque, et était parvenue à la conclusion qu'un extincteur faisait sans doute plus mal qu'un oreiller en plumes. Le vieux bougon se pencha vers Lucian et lui chuchota :

- "Bon... la prochaine fois, rappelle-moi que j'dois réfléchir avant de parler."

Le petit bonhomme acquiesça, s'interrogeant au passage sur l'utilité de cette grosse capsule rouge. C'est moche, ça prend de la place, et si l'on en croit les inscriptions présentes dessus, on ne peut l'utiliser qu'en cas de danger. Alors à quoi ça sert ? Visiblement, le petit Lucian en savait encore bien peu sur le monde extérieur... mais la statuette de Nénupiot sur le capuchon de la capsule semblait lui remonter le moral. Peut-être que cet étrange objet était inspiré de ce Pokémon ?

De longues heures passèrent, et le soir-même, Kurt s'enfilait une nouvelle bouteille d'alcool. Non pas dans un verre, en petites doses, comme le feraient des gens ordinaires... mais bien dans la bouteille. Au goulot, comme un malpropre. Alors que son taux d'alcoolémie et l'impatience de Lilana montaient, cette dernière finit par céder et alla lui arracher la bouteille des lèvres.

- Ça suffit, Kurt ! Tu te rends compte de ce que tu t'infliges !? Ressaisis-toi, bon sang ! Ta femme aurait honte de te voir dans cet état...

À cette évocation, le doyen jeta un regard noir à son amie. Fronçant les sourcils, le poing serré sur la table... Lucian ne l'avait jamais vu comme ça. Le vieillard ouvrit la bouche et se mit à parler très lentement, articulant soigneusement chacune de ses syllabes :

- Je t'interdis... de parler de Diane. Compris...?

Le jeune Riolu resta tétanisé sur son siège en bois. Il n'osait pas bouger d'un poil. Kurt, qui d'ordinaire était si gentil, si altruiste, si burlesque... les éclairs dans ses yeux dessinaient une rage telle que la foudre elle-même se serait inclinée. Ce vieil homme était terrifiant.

Malgré tout, Lily resta insensible à son intimidation. Elle alla alors ranger la bouteille derrière le comptoir, là où Kurt ne pourrait pas l'attraper sans casser quelque chose. Mettre les boissons hors de portée des grands gaillards, cela faisait partie du travail d'infirmière.

Constatant qu'il venait probablement de terroriser le jeune garçon, le doyen tenta de se calmer. Il baissa la tête et resta silencieux pendant un long moment, jusqu'à ce qu'il décide de briser l'ennui. Pour se réconcilier avec le petit Lucian, il saisit un jeu de cartes sur la table puis tendit la moitié du paquet au Riolu.

- Une p'tite partie d'Affinity, gamin ?

Après une vingtaine de minutes et des dizaines d'échanges endiablés, un vainqueur finit par se dessiner : Lucian ! Avant même qu'il ne s'en rende compte, le doyen avait épuisé toutes les cartes de sa pile et avait été battu à plate couture par le jeune prodige.

"Hein...? Quoi ? Keskekiquequoi ? Mais... c'est qu'il est salement doué, ce gosse ! Lily, viens voir un peu ça ! Le p'tit m'a laminé aux cartes !

L'infirmière arriva à leur table quelques secondes plus tard, les bras posés sur les hanches.

- Non, t'as perdu parce que t'étais bourré, nuance. Laisse-moi faire, plutôt !

Liliana alla chercher une chaise et s'assit à l'extrémité de la table, entre Kurt et Lucian. Elle mélangea habilement les cartes et entama alors une deuxième partie.

"Tu n'as aucune notion de stratégie, Kurt. Tout ce que tu fais, c'est foncer bêtement dans le tas en priant pour que ça passe... mais je vais te montrer ce qu'est une vraie joueuse de cartes ! En garde !"

Elle fut battue en cinq minutes.

Kurt hurlait de rire sur la table en voyant son amie si confiante se prendre une telle déroutée. Le regard vide, la désillusion de Lily n'avait d'égale que sa déception : IMMENSE. Sans prononcer un mot de plus, elle retourna s'occuper de patients pendant que le vieil homme riait aux éclats.


*****

Après cette soirée euphorique, tout le monde alla se coucher... mais les jours suivants parurent étonnamment longs : une semaine après l'incident, toujours aucune nouvelle des envahisseurs. Aucun signal de la Capitale non plus, et les vivres n'allaient pas tarder à manquer. Les réfugiés solitaires serraient contre eux des souvenirs de leurs proches, et se mettaient parfois à pleurer en pleine journée. Certains faisaient des crises d'angoisse, d'autres passaient leur journée à hurler dans le dortoir... Dans tous les cas, cette situation n'allait plus pouvoir durer longtemps.

Mais ce soir-là, il régnait une ambiance étrange sur le Refuge. Le camp était anormalement calme, et les nuages noirs dans le ciel amenaient la première pluie de la saison. Assis à sa table habituelle, Kurt regardait l'horizon par les carreaux de la fenêtre d'un air rêveur.

- "Y'a queq'chose de pas normal... Ça fait une semaine qu'on a envoyé c'messager, pourquoi elle est toujours pas là ? J'espère qu'y lui est rien arrivé, pardi..." pensa-t-il tout haut.

Alors qu'il prononçait ces mots, un puissant éclair s'abattit sur le camp et la porte de la bâtisse s'ouvrit dans un immense fracas. Une silhouette apparut alors sur le pas de la porte, immobile sous la pluie battante. Plusieurs secondes s'écoulèrent, et l'individu pénétra lentement les lieux. Cette sinistre figure devait faire un mètre cinquante, et était recouverte d'un large manteau noir à capuche. Après avoir jeté quelques regards à travers l'auberge, le mystérieux Pokémon s'avança à la table de Lucian et Kurt... Tandis que le premier se cachait les yeux pour éviter tout contact visuel, le deuxième semblait on-ne-peut-plus serein à l'idée qu'une telle silhouette se tienne si proche de lui. Les deux individus s'échangèrent un regard, et une douce voix émana du manteau :

- "Tu as encore pris du nez, toi... Il serait temps que tu reprennes ta vie en main, tu ne crois pas ?"

La silhouette finit par ôter sa capuche, révélant ainsi le fin museau et les nobles moustaches d'une Shaofouine dans la force de l'âge. Elle arborait de minces rides sur son front, mais aussi un doux sourire qui rassura aussitôt le petit Lucian. Ce dernier, retrouvant dans sa voix la sagesse et la tendresse d'une mère, cessa de se cacher les yeux et contempla cette gigantesque créature qui se tenait à côté de lui. Kurt, quant à lui, laissa échapper un rictus.

- "Bah alors, Anya ? Tu te présentes pas ?" répliqua le doyen, un petit sourire en coin.

À cette intervention, la Shaofouine recula d'un pas. Venant saisir les bords de son manteau, elle inclina la tête et termina son mouvement par une légère révérence.

- "Pardonnez-moi pour cette introduction tardive. Je suis Anya, une Shaofouine. Je suis venue en urgence suite à la requête de mon vieil ami Kurt."

Alors qu'elle nettoyait des tables à l'autre bout de l'auberge, Lily reconnut la silhouette en un instant et se précipita à leur table. Elle salua la Shaofouine avant d'aller d'assoir à côté de Kurt.

- "Bonjour Anya, ravie de vous revoir !"

- "Cela faisait longtemps, Liliana." répondit-elle d'une voix calme et posée.

Elle se tourna alors vers le petit Riolu, qui semblait rester en retrait malgré la cordialité dont elle faisait preuve jusque-là. Elle lui adressa un sourire avant que son visage ne prenne une expression plus neutre.

"Tu es Lucian, n'est-ce pas ? Je te présente toutes mes condoléances... ce qui est arrivé à toi et tes proches est tragique."

Elle marqua une courte pause tandis que le petit Riolu se remémorait des souvenirs douloureux. Mais le silence fut vite brisé lorsqu'Anya alla s'assoir à côté de Lucian. Elle reprit la parole :

"Il me semble que tu n'es pas au courant de tout... je te laisse lui expliquer la situation, Kurt."

Ce dernier acquiesça, puis se racla la gorge pour s’échauffer la voix.

- "Hum hum. Donc... mon p'tit Lucian. À partir d’aujourd’hui, c’est Anya qui va t'prendre en charge. Elle va s’occuper d'ton éducation et te former au combat. C'est une amie de longue date, donc tu peux entièrement lui faire confiance."

L'enfant mit un certain temps avant de bien saisir son message... Lorsqu'il percuta enfin qu'il allait devoir partir vivre ailleurs, des larmes lui montèrent aux yeux et sa voix devint toute tremblante :

- "Mais... mais non ! Je veux rester avec vous et Madame Lily ! Je veux pas partir... Je veux pas..."

Kurt reprit son explication sur un ton plus sévère.

- "Écoute, gamin... T'as nulle part où aller, et tu peux pas rester ici indéfiniment ! Anya a accepté de t’héberger gratuitement et d'te soumettre à des entraînements pour que tu saches te défendre. C'est une chance, tu devrais t'estimer heureux !"

- "Exact." ajouta la Shaofouine. "On n’est jamais trop prudents, surtout après les malheureux incidents qui se sont déroulés dans tout le Royaume."

Les trois autres Pokémon se regardèrent un moment, déconcertés. Lily s'exclama :

- "Attendez... vous voulez dire qu’il y a eu d'autres attaques similaires dans Irène ?!"

- "Pour être plus précise, une au Nord, une à l’Ouest et une à l’Est. Aux dernières nouvelles, la première attaque serait survenue du Nord... et les soldats d’Acryon, l’Empire Nordique, auraient eu la mainmise sur la majorité de nos montagnes. Un bien triste bilan."

Ils restèrent silencieux quelques instants, prenant peu à peu conscience de la réalité qui les entourait. Ils n’étaient plus en sécurité nulle part, désormais. Pour tenter de le rassurer, Kurt tapota l'épaule de Lucian en s'efforçant de garder le sourire.

- "T'inquiète pas, gamin. Tant que tu restes avec Anya, tu risques rien ! Elle est la mieux placée pour s'occuper de toi ! Après tout, c’est la Commandante des armées de l’Est !"

À cette révélation, Lucian afficha alors un visage de stupeur. Pourquoi une personne aussi haut placée avait-elle accepté de le recueillir ? Et puis même, il devait y avoir des tas d'autres enfants orphelins à loger ! Pourquoi lui avait été choisi, et pas un autre ? Cette sensation d'être privilégié le mettait particulièrement mal à l'aise.

"La Commandante… de l’Est…?" songea-t-il.

- "Rectification, Ex-Commandante." ajouta Anya sur un ton plus pessimiste. "J'ai présenté hier ma démission à Sa Majesté."

Kurt et Lily écarquillèrent les yeux, prêts à sortir de leurs gonds en apprenant la nouvelle.

- "Quoi !?" s'écria Lily, furieuse. "Mais pourquoi ? Que s'est-il passé ?"

- "La défense ne s'est pas déroulée comme prévu... ce fut un véritable fiasco. Nous avons perdu nombre de soldats, et des centaines de civils y sont restés..."

La doyenne soupira et baissa la tête, complètement dévastée.

"Non seulement j'avais honte de notre échec, mais surtout, je pensais à tous ces gens qui ont perdu de la famille, des amis, et bien plus encore... Il n'y a rien de plus douloureux que la perte d'un être cher. Et certains seraient prêts à tout pour venger la mort de leur enfant..."

Elle marqua une courte pause dans sa narration, comme pour témoigner son respect à la mémoire de ces âmes perdues. À Irène, la mort était l'un des sujets les plus tabous qui existe : l'idée d'une société utopique était si ancrée dans les mentalités que le moindre événement négatif devenait aussitôt source de superstitions... et si un Pokémon venait à passer l'arme à gauche prématurément, son entourage deviendrait sujet à de mauvais augures.

- "Mais... je ne comprends pas... pourquoi te cibler toi, en particulier ?" demanda Lily, brisant au passage le long silence qui régnait à table. Anya répondit tout naturellement :

- "Ils avaient besoin d'un responsable, et j'étais la plus haut gradée dans les Terres de l'Est. La question était donc vite réglée. Et même si je n'avais pas quitté mon poste, le peuple nous aurait repoussés dans nos derniers retranchements... ils auraient réclamé justice, et c'en était fini de moi. Des autres Commandants aussi, d'ailleurs... nous sommes tous fautifs dans cette histoire."

Alors que la douloureuse discussion semblait être arrivée à son terme, un Démolosse enfonça la porte d'entrée d'un coup sec et déboula sans prévenir dans la bâtisse. Il se releva aussitôt et hurla :

- "LES GARS !! Les lignes de défense ont été percées, on a vingt minutes pour ficher le camp ! Ils seront bientôt là, remballez tout !!"

Sur ces mots, il sortit du bâtiment au triple galop et répandit l'urgence à travers tout le camp. Une vague de panique s'empara des quatre Pokémon, tandis que les autres réfugiés se mirent à courir dans tous les sens. La plupart se précipitèrent vers les dortoirs pour récupérer leurs affaires, les autres se tassaient au niveau de l'entrée afin de sortir le plus vite possible. Des cris fusaient de partout, le chaos s'était répandu dehors en un instant.

Kurt, Lily et Anya se relevèrent tous les trois brusquement. Ils n'avaient pas une minute à perdre s'ils voulaient regagner la Capitale. Anya s'adressa alors au petit garçon :

- "J'ai conscience que c’est soudain, mais... nous devons partir tout de suite, Lucian. Le temps est compté. Si nous partons maintenant, nous pourrons arriver à l’aube."

- "Partir ? Mais... où ça ?" demanda Lucian, confus.

- "À ma demeure, voyons ! C'est une maison déserte au fin fond des Terres de l'Est, personne ne viendra nous y chercher. Les seuls à connaître son emplacement sont les autres Commandants, mon ami Kurt et moi-même. C’est l’endroit idéal pour toi où grandir, dans les circonstances actuelles."

Lucian prit un temps pour digérer toutes ces informations. Après réflexion, il n’avait plus grand-chose à perdre, donc autant saisir cette occasion. C'était sans doute sa dernière chance de retourner à une vie plus ou moins normale... Il se leva de son tabouret, alla auprès d’Anya et lui répondit, en la regardant dans les yeux :

- "D-D’accord… je viens avec vous, Madame."

La Shaofouine sourit. Elle se mit à genoux et lui tendit une patte :

- "Marché conclu, dans ce cas ?"

Le petit Riolu fit de même, et finit par mettre sa petite patte dans la sienne.

- "Oui..."

Anya, en entendant la réponse de son nouveau disciple, poussa un soupir de soulagement.

- "Tu as fait le bon choix, Lucian. Je promets de veiller sur toi tant que je serai en vie. Ce ne sera sans doute pas facile pour toi dans les jours, les semaines, voire les mois qui vont suivre, mais je t’assure que c’est la meilleure solution. Une nouvelle vie s’offre à toi, désormais."

La grande femme remit sa capuche et se releva, signe qu’il était temps pour eux de quitter les lieux. Kurt et Lily se précipitèrent vers Lucian et le prirent dans leurs bras en guise d’adieu. L'infirmière ne put s’empêcher de laisser couler une larme... il faut dire qu’elle s’était beaucoup attachée au petit bonhomme, ces derniers jours. Lucian s'interrogea alors :

- "Monsieur Kurt... vous viendrez me voir de temps en temps ?"

- "Tu sais gamin, j'me fais vieux... et j'ai pu la force de faire des trottes aussi loin..." répondit-il, contrarié de ne pas pouvoir répondre à sa demande.

- "Et... vous, Madame Lily ?" demanda t-il à la jeune fille qui séchait encore ses larmes.

- "Je suis navrée, Lucian, je n’aurai sûrement pas le temps... je dois encore m’occuper de nombreux blessés, et j’ai mon autre travail à la Capitale... mais si je trouve une occasion de venir, je viendrai vous voir, c’est promis !"

Lucian leur sourit. Anya prit alors sa patte et ils sortirent ensemble du bâtiment, sans regarder derrière eux. Il faisait nuit noire, mais des chemins étaient éclairés par les torches du camp. Tandis que tous les réfugiés fuyaient en direction de la Capitale, la Maître et son nouvel élève se mirent alors en route vers les Terres de l'Est. Ainsi, ils laissèrent derrière eux leur sombre passé, et aspirèrent désormais à un avenir radieux.