Gemmes de Milkey

Célestia, J-9
6 jours après la rencontre d’Armand et de Lucia


"Le   **t***y**e   **s  ***m*s et l’È*e Di***arue
.          .Cette histoire remonte à une époque très lointaine, alors que la province d’Hisui n'était qu'une vaste étendue sauvage. Les Bêtes, ordinaires comme Légendaires, sillonnaient les montagnes, les cieux, les forêts et les océans. Les humains craignaient les Bêtes et vivaient paisiblement à l’écart de ces créatures sauvages.
.          .Mais un jour, pour une raison qui demeure inconnue, trois Bêtes Légendaires d’Hisui commencèrent à se livrer une bataille sans merci. Incontrôlables, elles dévastèrent des jours durant la région d’Hisui : ces Bêtes firent s'écrouler les montagnes, assombrirent les cieux, brûlèrent les forêts et déchaînèrent les océans. Les plantations, les mines et les habitations des humains ne furent pas épargnées et ces derniers n'avaient aucun moyen de se défendre. Les habitants d'Hisui, incapables d'endiguer une telle puissance, étaient dos au mur.
.          .C'est lorsqu'ils étaient au paroxysme du désespoir que deux hommes arrivèrent d'une lointaine contrée : l'un était un ******* de l'****, accompagné ** *** fidèle *******, et l'autre un *** ***** en possession de multiples ****** de Pouvoir. Le pouvoir mystique du premier interagissait avec les ****** de Pouvoir du second d'une façon inédite, jamais vue auparavant dans la région: grâce à ces ******, les Bêtes qui s'étaient alliées aux Héros acquièrent une puissance suffisante pour tenir tête au trio légendaire qui ravageait Hisui.
.          .Les deux Héros et les Bêtes qui les accompagnaient se rendirent au sommet du Mont Couronné pour livrer bataille ; mais au moment où ils atteignirent les Colonnes Lances et débutèrent le combat, le pire incident qui eut jamais lieu à Hisui se produisit [...]."

.          .Cynthia relut pour la énième le fragment de manuscrit qu’elle était parvenue à déchiffrer. Il était ce qu’elle avait trouvé de plus concret concernant le mythe de l’Ère Disparue, après des années de recherche. Assise sur un banc, dans le jardin de sa résidence familiale à Célestia, Cynthia contempla brièvement son village natal, bercé par les premiers rayons de l’aurore : il était formé de charmantes maisonnées dispersées sur une vaste prairie où perlait la rosée du matin. Au centre se dressaient les fameux vestiges de Célestia, précieux héritage des générations passées.
.          .Pourtant, ce paysage familier ne parvint pas à l’apaiser. Depuis qu’elle avait mis la main sur ce récit, il y a deux jours de cela à Kalos, elle avait du mal à contenir son excitation. Elle but une gorgée de café noir et lut l’extrait une fois supplémentaire.

.          .“Hisui” était l’ancien nom de la région de Sinnoh, utilisé il y a plusieurs centaines d’années. Ceux qu’on connaissait désormais sous le nom de "Pokémon" étaient alors appelés les “Bêtes” : à cette époque, on était très loin de se douter que ces créatures indomptables seraient un jour nommées par la contraction de “monstres de poche”.
.          .Ensuite, il était plus que probable que le “trio de Bêtes Légendaires” fasse référence à Dialga, Palkia et Giratin. Il semblait moins cohérent qu’il s’agisse de Créhelf, Créfollet et Créfadet, dont la puissance destructrice était bien moindre - mais c’était une possibilité que Cynthia n’écartait pas totalement. Ils pouvaient aussi s’agir d’un trio de Pokémon Légendaires originaires d’une autre région.  En ce qui concernaient l’identité des deux Héros et la nature de l’incident qui s’était produit, le parchemin était malheureusement trop illisible pour qu’on en déduise davantage. Tout ce dont Cynthia était sûre, c'est qu’elle détenait enfin une piste sérieuse concernant l'”Ère Disparue”.

.          .C’était il y a sept ans que Cynthia lut ce terme pour la première fois . Alors qu'elle comptait dans sa propre famille et son entourage les plus grands mythologues du pays, aucun d'eux n'en avait jamais entendu parler. Des années durant, Cynthia s'était elle-même intéressée à de nombreuses légendes, avait exploré des ruines, déchiffré des runes en langues anciennes et, seule ou accompagnée, avait élucidé bien des mystères. Après toutes ces expériences, seul un mystère lui avait résisté, et c'était celui de l'Ère Disparue. Elle avait croisé l'expression suffisamment de fois pour être sûre que le terme n'était pas employé par hasard et désignait un événement précis, mais le contexte ne permettait jamais de savoir de quoi il relevait. Cynthia avait donc fini par abandonner ses investigations, à regret. Le temps avant passé, elle était devenue Maître, et cette énigme s’était faite oublier.

.          .Ce mystère réapparut soudainement dans sa vie, après des années et au moment où elle s'y attendait le moins : Cynthia s'était récemment rendue compte que les références à l'Ère Disparue étaient bien plus fréquentes en dehors de la région de Sinnoh.
.          .Sa fonction de Maître l'obligeait à voyager régulièrement et pendant ses rares jours de congés à l'étranger elle avait trouvé plus d'informations concernant l'Ère Disparue qu'en sept années à Sinnoh. Pourtant, tout portait à croire que ce mystère était liée à un incident qui se serait produit à Hisui il y a plusieurs centaines d'années. Alors pourquoi, paradoxalement,  Sinnoh était l'une des rares régions à disposer d’aussi peu d'informations à son sujet ?

.          .Cynthia en était venue à la conclusion suivante : le secret de l’Ère Disparue a été volontairement effacé de toute la documentation historique et mythologique de Sinnoh, mais des traces de ce mythe subsistaint dans des régions suffisamment éloignées pour lui éviter cette censure. Existait-il des personnes encore aux faits de cette légende, capables de la restituer ? Cela semblait peu probable, au vu du peu de traces écrites qui y faisaient référence. Pourtant, Cynthia était persuadée qu’au moins une personne à Sinnoh en savait plus qu'elle ne le prétendait au sujet de l’Ère Disparue. Et c’était justement ce qu’il l’amenait chez elle, à Célestia, en ce jour de repos.

.          .Un bruit de vaisselle à l'intérieur de la maison sortit Cynthia de ses pensées. Sa grand-mère semblait s'être réveillée et n'avait pas dû remarquer la présence de sa petite fille dans le jardin.
.          .C'était justement à sa grand-mère que Cynthia était venue expressément rendre visite, ou plus exactement au Professeur Carolina, la personne qui lui avait insufflé le goût des contes du passé et de l'archéologie. Et pourtant, c'était cette même personne que Cynthia soupçonnait de lui cacher la vérité.

.          .Sa grand-mère avait toujours soutenu et accompagné Cynthia dans ses recherches : c'était elle qui réfutait ses déductions ou la confortait dans ses hypothèses. Elle avait toujours su la mener sur la bonne piste et la féliciter avec effusion à chacune de ses réussites. Pourtant, les quelques fois où l'Ère Disparue fut évoquée, Cynthia avait entendu sa mentor bagayer des réponses évasives et dissuasives. A posteriori, Cynthia se rendit compte que ces propos avaient fortement contribué à l’abandonner de ses recherches concerne l’Ère Disparue. Elle refusait de l'admettre, et pourtant l'angoisse qu'elle éprouvait à l'idée d'aborder de nouveau le sujet la trahissait : elle était convaincue que quelque chose n'allait pas. Mais désormais, elle avait entre les mains - littéralement - une preuve tangible que l’Ère Disparue existait belle et bien, et elle comptait bien confronter sa grand-mère à cette preuve.

.          .Cynthia finit son café d’une traite, prit son courage à deux et se dirigea vers la porte d’entrée. Elle prit une grande inspiration et l’ouvrit.
.          .Le Pr Carolina, une femme petite et plenie d’énergie, s’activait dans la cuisine ouverte de leur grand salon. Elle se tourna vers sa petite fille, étonnée, puis lui sourit. Elle se tourna de nouveau et reprit la préparation du petit déjeuner :
- Ma petite chérie, bon retour à la maison. Ton séjour à Kalos s’est bien passé ?
- Bonjour Grand-mère… répondit Cynthia, distraite. Oui, ça va.
- Tu as encore reçu une montagne de courrier, toujours de la même jeune fille… ah et ma Pokémontre est cassée, ça m'embête, tu voudras bien t'en occuper ? Oh et comment se passe les préparatifs du Championnat annuel ? La date approche à grands pas...
.          .Cynthia sentait que si elle ne se lançait pas tout de suite, elle perdrait bientôt tout son courage. Aussi, elle apporta sansp un mot le précieux parchemin à sa grand-mère. Pr. Carolina se tourna de nouveau, regarda sa petite fille puis le papier. Elle s’essuya les mains avec un torchon, le saisit et le parcourut. Cynthia, nerveuse, ne put s’empêcher de commenter :
- Ça parle l’Ère Disparue, on en avait parlé ensemble quelquefois, tu te souviens ? Tu m’avais soutenu que ce n’était rien de concret et que c’était probablement une fausse piste mais comme tu le vois c’est…
- Où as-tu trouvé ça ?
.          .Cynthia sursauta : sa grand mère lui avait répondu d’un ton sec qu’elle ne lui connaissait pas.
- Je… À Kalos.
.          .Elle se sentait mal. Comme une gamine qu’on aurait coincée la main dans le sac après une bêtise. Pourtant, elle n’avait rien fait de répréhensible.
- Mamie, de quoi s’agit-il ?
.          .Pas de réponse.
- Mamie ?
- Rien qui ne te concerne, ma chérie.
.          .Elle retourna à son plan de travail et astiqua des tasses déjà parfaitement propres.
- Cette histoire est donc bien vraie… murmura Cynthia. Et tu as essayé de me persuader du contraire.
.          .Le Professeure s’arrêta. Après un instant d’hésitation, elle fit finalement face à la jeune fille, émue. Elle ouvrit la bouche pour répondre quelque chose quand la Pokémontre de Cynthia sonna. Elle décida de l’ignorer.
- Tu devrais répondre, ma chérie, répondit la Doyenne, se replongeant finalement dans son ménage.
- Pas la peine, je…
- J’insiste, la coupa-t-elle.
.          . Cynthia murmura un juron et sortit de nouveau de la maison. Elle fut d’autant plus contrariée de voir qui était à l’origine de l’appel.

- Bonjour Cynthia. Toujours pas d’incident à rapporter ?
.          .La voix de Pierre Rochard résonna à travers le haut-parleur de la Pokémontre, moins enjouée que d'ordinaire voire emprunte d'une pointe de nervosité.
- Non, aucun vol, répondit Cynthia. À part ton frère, personne n'a été déclaré en possession de ce type de pierres dans la région depuis des années.
.          .Après une brève réflexion, elle n'avait en fait jamais eu connaissance d'autres dresseurs en ayant possédées à Sinnoh.
- Et tu as trouvé le temps de le contacter pour t'assurer qu'il avait toutes les siennes en sa possession ? insista Pierre.
.          .Cynthia se figea.
- Eh bien... Pas vraiment, j'étais occupée et… D'ailleurs tu peux t'en charger, non ? C'est ton frère après tout, tu n'as pas besoin de passer par le Maître en titre pour lui poser la question.
.          .Pierre retrouva brièvement son espièglerie habituelle :
- C'est moi ou tu continues à l'éviter après tout ce temps ?
- Si tu n'as rien d'autre à me demander, je te laisse, répondit Cynthia, agacée. J'aimerais bien profiter de mon jour de congé.
.          .Pierre reprit immédiatement son sérieux.
- En fait, c'est précisément parce que tu es en congé que je te contacte.
.          .Il marqua une pause.
- Pourrais-tu me passer le Professeur Carolina ?
- Tu veux parler à ma grand-mère ??
- Oui, elle est injoignable depuis plusieurs jours.
.          .Ah oui, la Pokémontre cassée. Mais comment se faisait-il que sa grand-mère et lui entretiennent des échanges suffisamment réguliers pour qu’il soit au courant ?
- Je me doute que tout cela t'étonne, devina Pierre. Des choses relativement graves sont en train de se passer et elle est directement concernée.
.          .Cynthia était de plus en plus décontenancée.
- Et je peux savoir de quel engagement il s'agit ?
- Eh bien… non.
.          .La dresseuse sentit son indignation montée en flèche.
- Donc le Maître d'Hoenn et ma grand-mère ont des échanges secrets dont le Maître de Sinnoh ne peut être informé ?
.          .Pierre garda le silence quelques secondes.
- En l'occurrence, je ne pense pas que ce soit le Maître qui se sente lésé mais plutôt la petite-fille qui est vexée. Je me permets donc une remarque : en tant que Maître, tu connais bien l’importance de la discrétion. Carolina n’est pas que ta grand-mère, elle est aussi Professeur et Doyenne de la ville de Célestia, avec des responsabilités qui visiblement te dépassent totalement. Il s’agirait pourtant d’en prendre conscience et de les respecter, si tu veux qu’à son tour elle te témoigne sa confiance.
.          .Cynthia garda le silence, honteuse.
- Si tu ne souhaites pas me passer le Professeur, dis-le moi tout de suite que je trouve une autre manière de la contacter.

.          .Pierre était le maître dont Cynthia était, par défaut, la plus proche : à peine plus âgé qu’elle et en poste depuis plusieurs années lorsqu’elle avait été elle-même nommée, il était devenu tout naturellement son mentor, voire en quelque sorte son ami - ou plus exactement une personne qu’elle avait souvent du mal à supporter mais avec qui elle partageait une passion commune. Malgré leur proximité fluctuante, une chose ne changeait pas : lorsqu'elle s'éloignait de ses obligations, Pierre savait toujours la remettre à sa place.
.          .Elle reprit son sang-froid, retira sa Pokémontre et retourna dans la cuisine pour la remettre à sa grand-mère.
- Tiens, Pierre Rochard souhaite te parler.
.          .Elle saisit l’appareil, fébrile.
- Mon petit Pierre, comment vas-tu ? La situation s’est-elle améliorée ?
.          .Il était très perturbant pour Cynthia d’entendre sa grand-mère tutoyer son collègue, si bien qu’elle décida de quitter la pièce. Soudain, sa grand-mère s’écria.
- Une quinzaine ont déjà été volées ??
.          .Cynthia se tourna vers elle et la détresse sur le visage de son aïeul lui retourna l’estomac. La Doyenne avait volontairement baissé le volume du haut-parleur et l’avait plaqué contre son oreille, si bien que Cynthia n’entendait que la moitié de la conversation.
- M-Mais en si peu de temps, c’est impossible…
.          .Nouveau silence dans la pièce. Cynthia distinguait à peine les grésillements transmettant la voix de Pierre. Au bout d’un long moment, Carolina hocha la tête :
- Très bien, à demain alors.
.          .Elle coupa la communication et remit sa montre à sa petite fille. Un silence pesant s’installa dans la pièce. Voilà un secret supplémentaire que sa grand-mère lui dissimulait. Combien d’autres y en avait-il ? Étaient-ils liés ? Pourquoi donc pouvait-elle en parler à Pierre Rochard et pas à elle, sa propre petite fille et Maître en exercice ? Ne lui faisait-elle donc pas confiance ?
.          .Alors qu’elle s’apprêtait à laisser déferler son indignation, Cynthia se rappela de la remarque sévère mais justifiée que Pierre lui avait adressée. Il avait raison : si elle voulait que sa grand-mère la respecte, elle devait accepter les raisons de son silence, même sans les connaître. Alors elle proposa, sur le ton de la réconciliation :
- Est-ce qu’il y a quelque chose que je peux faire pour t'aider, Grand-mère ?
.          .Comprenant que son héritière lui proposait son aide sans chercher à en savoir davantage, Carolina leva un regard plein de gratitude vers elle.
- Merci, ma petite chérie.
.          . Elle réfléchit un bref instant.
- Eh bien… Si possible, j’aimerais que tu retrouve le jeune frère de Pierre. Il a quelque chose d’extrêmement convoité en sa possession et j'aimerais que tu le protèges.
.          .Cynthia ne put s'empêcher de rire, avec un pincement au coeur.
- Mamie, si il y a une personne à Sinnoh qui peut se passer de la protection de qui que ce soit, c’est bien lui.



Île de Fer, J-15
6 jours avant que Cynthia ne se rende à Célestia

- Encore un peu Lucario. Plus à gauche… C’est bon, tu peux la lâcher.

.          .Lucario arrêta son attaque Psycho. L’énorme dalle de pierre qu’il maintenait en lévitation vint se poser au sommet d’un abri fait de rochers, donc elle constituait désormais le toit.

.          .Les glissements de terrain étant particulièrement nombreux depuis quelques semaines, Armand et Lucario passaient la totalité de leur temps libre à en limiter les dégâts. Ce jour-là, c’était toute une tribu de Galegon et Galekid qui s’étaient retrouvée sans foyer suite à un éboulement. Armand se pencha pour rentrer dans le nouvel abri qu’il avait construit avec son Lucario : il en fit le tour et observa attentivement chaque fondation. À l’intérieur, dans un coin, trônait un petit oeuf qu’Armand avait déposé plus tôt ; il le caressa une dernière fois avant de sortir. Armand était satisfait de son inspection : en plus de résister à de potentiels futurs éboulements, cette habitation tiendrait plusieurs dizaines d’années, à n’en pas douter.

- C’est terminé, annonça-t-il aux deux douzaines de Pokémon qui attendaient depuis plusieurs heures derrière lui.
.          .Les Galegon et Galekid se ruèrent avec enthousiasme vers leur nouveau foyer, certains s’arrêtant pour se frotter contre la jambe d’Armand en témoignage de leur reconnaissance ou pour gratifier Lucario de petits cris de remerciement. Un des Galegon alla se lover autour de l’oeuf pour lui partager sa chaleur, ce qui rassura Armand.
- Bravo Lucario, c’est de l’excellent travail, ajouta Armand en posant sa main sur l’épaule de son Pokémon.

.          .Soudain, un cri strident retentit au loin : Lucario et son dresseur levèrent la tête d’un même mouvement. Une centaine de mètres plus loin, un Airmure volait dans leur direction. Lorsque Airmure compris qu’ils l’avait repéré, il fit demi-tour dans la direction opposée. Lucario et Armand le suivirent au pas de course. Ils longeaient une falaise escarpée depuis quelques minutes lorsque Armand aperçut ce pourquoi Airmure les avait alertés.

.          .Deux silhouettes escaladaient une falaise. Plus exactement, l’une d’elles étaient déjà arrivée au sommet et regardait la seconde achever son ascension. S’agissait-il de Pokémon ? Au fur et à mesure que Armand s’approchait, la scène se clarifiait : la silhouette sur la falaise était effectivement celle d’un Pokémon, un Lockpin ; la seconde était celle d’une jeune fille. Bien que son geste soit complètement inconscient, elle avait déjà escaladé cinq mètres de hauteur sur sept. Mais en entendant Airmure se rapprocher à toute vitesse, elle sembla paniquer, si bien que son pied dérapa violemment et qu’elle tomba dans le vide. Sans que son dresseur n’ait à le lui demander, Lucario accéléra et en quelques bonds, il se retrouva au niveau de la jeune fille, qu’il saisit et déposa au pied de la falaise.

.          .Armand finit par les rejoindre :
- Rien de cassé ?
- Non, je me débrouillais très bien seule, répondit froidement mais poliment l’adolescente. Je n’aurais pas eu de mal à finir de monter si je n’avais pas été effrayée.
- Peut-être mais ce n’était pas prudent. Si vous voulez, mon Lucario n’aura aucun mal à vous faire mont…
- C’est gentil de votre part mais ça va aller, le coupa-t-elle.
.          .Armand ne se le fit pas dire deux fois et s’apprêtait à partir lorsqu’il remarqua que la jeune fille avait du mal à tenir debout.
- Vous ne vous seriez pas fait une entorse en glissant, par hasard ? demanda-t-il, en connaissant parfaitement la réponse.
- Absolument pas, mentit son interlocutrice.
.          .Il n'insista pas et la salua poliment avant de faire demi-tour. Il lança toute de même un regard par dessus son épaule… et vit la jeune fille recommencer à monter comme si de rien n’était. Armand se précipita pour l'en empêcher avant qu’elle ne tombe de nouveau en arrière. Elle le regarda, contrariée. Le jeune homme resta impassible.
- J’imagine que vous ne me laisserez pas réessayer ?
Il fit non de la tête. Elle soupira.

* * *

NB : Lucia est le nom allemand donné au personnage de Aurore, l'héroïne incarnée dans Pokémon Diamant, Perle et Platine.

- Voilà, c’est terminé. D’ici deux ou trois jours, vous pourrez marcher de nouveau normalement.
.          .Armand rangea sa trousse de secours et se mit à la recherche de béquilles dans une armoire, tandis que la jeune fille enfilait ses bottes. Ils avaient parcouru quelques kilomètres pour rentrer chez lui, Armand à pied et la jeune fille à dos de Lucario. Ils en avaient profité pour repasser devant l’abri qu’ils avaient construit. Les Pokémon semblaient s’y plaire, si bien qu’ils ne s’y attardèrent pas et reprirent leur chemin.
.          .Une fois arrivés, toujours sans échanger un mot, la fille s’était assise alors que Armand l'examinait et réalisait soigneusement son bandage.
- Merci beaucoup pour vos soins, dit-elle en se relevant.  
.          .Armand se tourna vers elle. C’était la première fois qu’elle lui adressait la parole depuis qu’il l’avait amenée (quasiment de force) pour soigner sa cheville. À peine les béquilles en main, elle se dirigea vers la porte sans une seconde d’hésitation.
- Où allez-vous ?
.          .La jeune fille se tourna vers lui et lui répondit comme c’était évident :
- Je retourne où vous m’avez récupérée.
- À pied ?
- Bien sûr, comment voulez-vous que je m’y rende ?
.          .À la regarder plus attentivement, Armand remarqua que la peau de ses jambes qui n’était pas cachées par sa jupe et ses bottes roses étaient parsemées d'égratignures et que ces joues étaient autant creusées que ses cernes. Il ne savait pas ce qu’elle cherchait exactement mais ce qui était sûr, c’était qu’elle se démenait physiquement depuis un bon moment. Alors qu’elle trottait en direction de la porte, Armand la retint délicatement par le poignet.
- Vous êtes sûre que je ne peux pas vous aider ?
.          .Elle le regarda comme si l’idée était totalement saugrenue. Elle sembla réfléchir à la proposition, regarda sa cheville foulée, puis de nouveau Armand.  
- Si vous voulez… En fait, je cherche Charles, le Champion d’Arène.
.          .Armand fut surpris.
- Dans ce cas, je vais vous faire gagner du temps : il est déjà reparti pour Joliberges.
.          .Le visage de son interlocutrice se décomposa.
- C’est impossible… J’ai quitté Joliberges ce matin parce qu’on m’a dit qu’il serait ici.
- Il est effectivement venu me rendre visite. Vous tombez mal parce que c’est assez rare qu’il quitte son arène.
.          .Elle ne l’écoutait déjà plus et semblait réfléchir à toute allure. Visiblement exténuée physiquement et psychologiquement, elle se laissa tomber sur la chaise qu’elle venait de quitter, la tête dans les mains. .          .Armand tenta de lui remonter le moral comme il pouvait :
- Le prochain ferry pour Joliberges part demain matin, vous pouvez dormir chez moi si vous n’avez nulle part où…
- Non, non… répondit-elle en regardant dans le vide. Je ne peux pas perdre une journée ici.
.          .Armand eut un déclic.
- Vous êtes pressée parce qu’il vous manque des badges et que le Championnat de la Ligue se rapproche c’est ça ?
- Non, répéta la dresseuse, de plus en plus agacée.
.          .Elle hésita puis soupira et, toujours sans le regarder, avoua enfin :
- Je dois réunir tous les badges au plus vite pour pouvoir parler à quelqu’un.
.          .Armand trouvait cette excuse tellement incongrue qu’il ne sût même pas quoi répondre.
- Vous me trouvez sûrement ridicule mais c’est le seul moyen que j’ai trouvé pour qu’elle m’accorde de l’attention. C'est de la plus haute importance, je dois absolument lui parler au plus vite mais c’est quasi-impossible de joindre un Maître, à quelques semaines du prochain Championnat. J’ai beau lui envoyer des courriers, passer des appels, elle...
- Attendez, c’est Cynthia que vous cherchez désespérer à contacter ?
.          .La jeune fille se tourna brusquement vers lui, les yeux écarquillés.
- Vous la connaissez ? Je veux dire, bien sûr que vous la connaissez, mais... vous faites partie de ses proches ?
.          .Bonne question. Armand n’était pas sûr de la réponse à donner. Heureusement pour lui, ils furent interrompus par Airmure, qui hurlait une nouvelle fois au-dessus de la maison.
- Encore ce stupide oiseau, fit la jeune fille, traumatisée par sa chute et soudain mal à laise.
- Il n’est pas méchant. Airmure m’avertit dès qu’il a connaissance d’un incident sur l’île. D’autres Pokémon ont adopté ce comportement mais Airmure est de loin le plus assidu d’entre eux. Ce cri est notre signal.
.          .Armand fit signe à Lucario. Celui-ci aboya et Airmure se tut. Tandis que Armand se préparait à partir, la jeune fille, qui lui témoignait soudain un intérêt marqué, l’interpella.
- Vous ne m’avez pas répondu, vous connaissez personnellement Cynthia ?
- J’ai visiblement une affaire à régler, je vous promets de répondre à toutes vos questions après.
.          .La main sur la poignée de la porte, il se tourna vers elle et plongea ses yeux bleus dans les siens.
- Au fait, moi c’est Armand.
- Enchantée. Je m’appelle Lucia. Lucia Berlitz.

* * *
- Tout va bien ?
.          .Armand sentit la jeune fille hocher la tête dans son dos. Voler sur l’Airmure qui avait causé son accident ne semblait pas la ravir mais, avec sa cheville foulée, ils ne disposaient pas d’autre moyen de locomotion suffisamment rapide. Pour tenter d’oublier les dizaines de mètres qui la séparaient du sol, elle demanda :
- Vous habitez ici depuis longtemps ?
- Depuis deux ans, répondit Armand.
- Pourquoi avez-vous décidé d’emménager sur l’Île de Fer ?
.          .Encore une question à laquelle Armand n’osait pas répondre.
- Je m’y sens bien.
.          .Silence.
- Pourquoi le Champion Charles vous a-t-il rendu visite ce matin ?
- Vous êtes bien curieuse.
- Oui.
.          .Il rit devant tant d’honnêteté.
- Il est venu me proposer de reprendre l’arène de Charbourg.
- Et vous avez accepté ?
- Non, son fils Pierrick est tout aussi qualifié. Il a encore beaucoup à apprendre et cette expérience lui sera très bénéfique.
- C’est surprenant. La plupart des Dresseurs n’auraient pas refusé un tel honneur.  
.          .Armand ne répondit pas. Si elle était surprise par ça, comment réagirait-elle si elle apprenait qu’il avait refusé le titre de Maître deux ans plus tôt ?
- Vous cherchez à fuir quelque chose, non ?
- Je vous demande pardon ? demanda Armand, qui avait très bien entendu.
- Si vous êtes un Dresseur assez fort et réputé pour être proposé comme Champion d’Arène, c’est étrange que vous soyez sur cette île, sans conviction, à vous répandre en bonnes actions.
.          .Armand sourit silencieusement, sans répondre.

.          .Après quelques minutes de vol, ils finirent pas atterrir. Lucario, qui était tout aussi rapide sur terre qu’Airmure l’était dans les airs, était déjà sur les lieux, au bord d’une vaste crevasse. Dans un coin de celle-ci se dressait un impressionnant monticule de rochers et, près de lui, un Rhinastoc hurlait de rage. Lorsqu’il remarqua la présence des deux Dresseurs et de leurs Pokémon, Rhinastoc lâcha immédiatement une puissante attaque Ultralaser dans leur direction. Avant que Lucia n’ait eu le temps de réaliser ce qui se passait, elle était déjà une dizaine de mètres plus loin, dans les bras de Lucario, alors qu’Armand était de nouveau dans les airs sur Airmure.
- Je crois avoir compris ce qui se passe Lucario, mais nous n’arriverons pas à faire grand chose tant que Rhinastoc ne se sera pas calmé… Je crains qu’il ne faille employer la force cette fois-ci.
.          .Lucia remarqua que bien que sa tournure de phrase suggérait qu’il lui déplaisait de devoir se battre, le ton de sa voix traduisait une nette satisfaction. Lucario lâcha délicatement la jeune blessée et attendit qu’elle trouve son équilibre pour s’en éloigner. Il s’approcha de Rhinastoc et laissa sans effort une simple attaque Dracochoc.

.          .Il n’en fallut pas plus pour que son adversaire soit K.O.

.          .Pendant ce temps, Armand était descendu dans la crevasse et s’était rendu au monticule qu’il commençait à déblayer. Lucario le rejoignit pour l’aider. Lucia, qui était restée en hauteur et avait donc un champ de vision plus large, vit arriver le danger avant eux. Armand se rendit compte après elle qu’un Rhinoféroce se rapprochait d’eux à toute vitesse. Lucario s’apprêta à riposter mais il fut devancé par le Pokémon de Lucia.
- Lockpin, Balayage !
.          .Lockpin exécuta un terrible tacle mit Rhinoféroce hors d’état de nuire. Armand tilta : la Vitesse et l’Attaque dont Lockpin avaient fait preuve pour réaliser cette attaque Balayage étaient bien trop élevés pour un Pokémon de son niveau.
.          .Il leva la tête vers Lucia, toujours en hauteur, et lui cria :
- Ce Pokémon… Tu l’as obtenu lors d’un échange ou tu l’as élevée toi-même…?
.          .Lucia sourit, visiblement très fière.
- J’ai passé deux mois entiers à chercher le spécimen le plus prometteur de la Forêt de Vestigion. Et il n’y a que moi qui l’ai élevé depuis.
.          .Armand la regarda, puis se tourna de nouveau vers son Pokémon : était-ce un simple hasard ? Ils existaient de nombreuses théories sur des méthodes d’élevage visant à optimiser telle ou telle statistique dont la véracité avait été prouvée. La plupart étant trop complexes à mettre en place voire irréalisables, elles restaient peu répandues. Qu’une fille de son âge les maîtrise et ait en plus été capable de les mettre en application était totalement improbable. Et pourtant…
.          .Lucario aboya en direction de son Dresseur,  celui-ci retrouva ses esprits et reprit la tâche en cours. Après quelques minutes de déblayage, ils réussirent enfin à extirper de l’amas de rocher… un bébé Rhinocorne à l’origine de toute cette agitation. Il avait dû se retrouver coincé suite à un autre glissement de terrain. Armand l’examina brièvement, le rassura et le rendit à ses parents lorsqu’ils eurent repris leurs esprits.

* * *

.          .Le soleil se couchait lorsque Armand et Lucia rentrèrent, toujours à dos d’Airmure.
- Alors comme ça, vous tenez absolument à rencontrer Cynthia ?
- Oui. Je ne peux pas vous en dire davantage mais l'enjeu est majeur. Et très urgent.
- Très bien. Je vais tout faire pour que vous vous rencontriez dès que possible.
.          .Lucia crut mourir de reconnaissance.
- La connaissant, ce sera impossible de la joindre via son secrétariat et sa Pokémontre filtre les appels des contacts non enregistrés.
.          .“ Ça explique beaucoup de choses”, pensa Lucia. Elle ajouta à haute voix, étonnée :
- Vous n’êtes pas parmi ses contacts ?
- Pas vraiment… En fait, c'est elle qui a ma Pokémon.
.          .Lucia n’eut pas le temps de demander pourquoi car Airmure atterrit. La maisonnette d’Armand, une charmante cabane en bois, était construite au bord d’une falaise au Nord-Ouest de l’Île de Fer. On entendait le bruit des vagues venues s’écraser contre les rochers en contrebas, et les bourrasques marines ébouriffant leurs cheveux bruns. Lucia n’y avait pas prêté attention pendant le trajet mais un coucher de soleil rougeoyant disparaîssait doucement à l’horizon. L’Île de Fer, si hostile de jour, semblait presque chaleureuse en ce début de soirée. Armand imita Lucia et apprécia la vue avec tendresse.
- C’est une île pleine de chaleur quand on apprend à la connaître. Vous pouvez y rester le temps que je mette la main sur Cynthia. Ce ne sera pas long, je vous rassure précisa-t-il tout de suite. J’ai deux jokers dans ma manche si nécessaire.
.          .Lucia étudia Armand du regard quelques instants. Elle aurait probablement refusé cette proposition venant de n’importe qui d’autre mais le peu de temps qu’ils avaient passé ensemble avait suffit à la convaincre qu'il était digne de confiance. Elle était intimement persuadé qu’il ferait tout son possible pour l’aider et elle savait que continuer à courir après les badges d’arène ne la mènerait nulle part. Elle lui sourit donc, timidement :
- J’accepte avec plaisir.
.          .Une idée lui vient et elle ajouta :
- Vous pourriez en profiter pour m’entraîner.
- En voilà une manière de demander un service, répliqua Armand, taquin. Ceci dit… Je suis très intéressé par vos connaissances en termes d’élevage Pokémon. J’ai cru comprendre que vous aviez quelques notions.
.          .Lucia était impressionnée qu’il l'eût remarquée. Elle prit un air faussement cérémonieux et lui tendit la main :
- Très bien, soyez le vienvenue à ce stage intensif en élevage Pokémon.
.          .Armand rit et lui serra la main.



Planque de la Team Néo, Hoenn, J-13
2 jours après la rencontre d'Armand et Lucie et la veille du retour de Cynthia à Célestia


.          .Sarah avait grandi au contact des Pokémon marins. C'est sa profonde affection pour ces derniers qui l’avait poussée à rejoindre la Team Aqua : voir le territoire des humains s’étendre au détriment de celui des Pokémon démunis l’avait toujours révolté. Elle avait donc décidé de les défendre coûte que coûte, même si elle devait être considérée comme une criminelle pour cela.
.          .Son esprit vif et son agilité avait fait d’elle le bras droit d’Arthur, le leader de l’organisation. Mais lors d’une de ses missions à la station Météo, elle s’était rendue compte que les plans de ce dernier était bien plus destructeurs que tout ce que l’on pouvait imaginer : ils ne les mèneraient pas vers le monde idéal dont elle rêvait mais risquaient d'annihiler toute forme de vie sur la planète. Elle ne parvint pas à le raisonner et Hoenn connut une de ses heures les plus sombres.
.          .Après cet incident, la Team Aqua se dissolut naturellement. Sarah eut du mal à digérer son implication dans un tel désastre et rumina cet épisode avec amertume : comment faire entendre le désespoir des Pokémons dans un monde où leur sort était menacé dans la plus profonde indifférence ? Après son départ de la Team Aqua, Sarah avait tenté de trouver une réponse à cette question en cherchant sa place dans la société, en vain. Depuis, elle vaquait de petits boulots en petits boulots.

.          .La réinsertion des anciens membres d'organisations criminelles déchues était un sujet tabou et aucune institution n’avait cherché à y apporter une solution. Sarah avait entendu parlé d’une certaine Team Galaxie, dont une partie des agents s’était reconvertie dans la recherche d’une énergie nouvelle, sous les ordres d’un des anciens commandants. En dehors de cette exception, Sarah n’avait eut écho d’aucun autre débouché favorable : les sbires de la Team Rocket ruminant la trahison de leur ancien boss dans l’incompréhension ou espéraient encore son retour ; les membres des Team Aqua et Magma se sentaient coupables du cataclysme que leur bonne intention avait entrainée et se livraient pour la plupart à une douloureuse et longue remise en question ; d’autres, toutes Team confondaient, étaient animés par un profond désir de vengeance.

.          .Quelqu’un semblait l’avoir compris et cherchait à tirer partie de ce désespoir collectif. Depuis plusieurs mois, une personne inconnue cherchait à réunir les anciens sbires derrière un objectif commun : celui de venger les Team évincées. L’argument avait fait mouche et des centaines d’anciens agents s’étaient regroupés en quelques semaines à peine. Cette coalition n’avait pas de nom, si bien que chacun affirmait que cette nouvelle organisation découlait de la team à laquelle il ou elle appartenait dans le passé. Elle était tantôt baptisée la Team Néo-Galaxie par les anciens de la team Galaxie, tantôt appelée Néo-Magma ou Néo-Aqua et ainsi de suite, si bien qu’elle finit naturellement pas être nommée la Team Néo.
.          .Pour savoir ce que cachait cette mystérieuse organisation plutôt que par envie de reprendre une activité terroriste, Sarah avait fini par rejoindre la team Néo. Au bout d’une vingtaine de jours, elle avait réuni les informations suivantes.

.          .Le recrutement était assuré par les nouvelles recrues elles-mêmes : afin de finaliser son admission dans la Team néo, chaque membre recruté doit lui-même contacter et convaincre un autre ancien sbire de rallier la cause. Ainsi, un recrutement massif et efficace s'effectuait de façon autonome, sans intervention nécessaire des hautes sphères de l'organisation. La seule information donnée aux nouveaux membres est qu'une opération unique qui allait bouleverser l'équilibre du monde était en préparation et que les anciens rebelles, toutes régions confondues, se réunissaient afin de la mener à bien. À partir de cet unique renseignement, les sbires décidaient ou non de rejoindre la team Néo, pour une durée de trois mois ou moins en fonction de leur date de recrutement. Les membres enrôlés étaient ensuite réunis dans nouvelle planque, un paquebot subtilisé dissimulé dans une crique, sur une île perdue au milieu d’un chenal d’Hoenn.  

.          .Une fois à bord du navire, tout départ de l'île était totalement prohibé, pour éviter que les informations concernant l'opération ne s'ébruitent. Pourtant, aucune recrue lambda n'était au courant des détails de la mission en question, seule la date était connue de tous. À quoi étaient donc occupés tous ses membres, qui n’avaient aucune idée de la mission qui les attendait ? Eh bien tous cherchaient désespérément à gravir les échelons.
.          .Alors que les détails concernant l’opération à venir étaient plus que flous, la hiérarchie au sein de la Team Néo était quant-à-elle limpide : tous et toutes étaient des cadets à l’arrivée, et pouvaient se hisser au rang de lieutenant puis de capitaine, et enfin de Général. Les cadets devaient faire leur preuve lors d’épreuve de force, encadrés par les lieutenants ; les lieutenants quant à eux encadraient les cadets et s’affrontaient régulièrement afin de se hisser au rang de capitaines ; les capitaines étaient les seuls à être envoyés en mission en dehors de l’île ; Les Généraux, au nombre de trois, étaient les porte-paroles sous les ordres direct du chef de l’organisation. Tous convoitaient le poste de Général : l’esprit de compétition exacerbée et l’émulation créée autour de l’ascension hiérarchique éloignait les sbires de la Team Néo de leur motif de recrutement initial, si bien que cadets, lieutenants et capitaines n’étaient plus obnubilés que par le fait d'atteindre le sommet de la pyramide..          .

.          .En bref, quelqu’un avait brillamment compris comment manipulés ces anciens agents  pour mener à bien une unique opération à l’objectif inconnu. Voilà pourquoi depuis des mois, des recrues conditionnées s’entraînaient avec assiduité dans un but qu’elles ne cherchaient même plus à connaître, uniquement motivées par le besoin de faire leur preuve.

.          .Dans sa collecte d’informations, Sarah avait malgré elle réussi à se hisser au rang de capitaine, et était de loin la plus efficace de sa catégorie. Elle était revenue de mission le matin même, suite à quoi elle avait été convoquée par les trois Généraux en personne. Après s’être changée, Sarah sortit de la cabine qu’elle partageait avec une capitaine originaire de la Team Galaxie.

.          .Elle emprunta une des longues allées du paquebot, tapissé d’une moquette rouge tachée. La mer, paisible, scintillait à travers les fenêtres qui donnaient sur l’extérieur. Plusieurs cadets et lieutenants, revenaient de leur sessions d’entraînement matinal et se rendaient vers le self. Sarah avançait la tête haute et à vive allure en ignorant les regards insistants qu’elle attirait : son ascension fulgurante avait fait du bruit, et la rumeur comme quoi elle serait probablement la quatrième Générale de l’organisation se répandant à tout allure. Une remarque sexiste fut murmurée dans son dos, succédée d’un rire. Sarah l’ignora et atteignit finalement le couloir, plus calme, qui permettait d’accéder à la salle de commande où lui avait donné rendez-vous les Généraux.

.          .Devant, elle fût surprise de trouver Kelvin, son homologue de la Team Magma. À l’époque, ils avaient souvent eu affaire l’un à l’autre. Un jour, il lui a proposé un rencard (ce n’était ni le premier et encore le dernier à s’y être risqué), qu’elle avait décliné ; depuis, elle n’avait pas entendu parlé de lui.
- Oooh, voici notre nouvelle Générale, lâcha Kelvin en souriant. Félicitations.
- Je ne suis pas Générale, du moins pas à ce que je sache. Tout va bien ?
.          .Kelvin remarque qu’elle regardait son oeil au beurre noir et la cicatrice au coin de sa lèvre avec insistance.
- Oh ça, c'est rien du tout. Les lieutenants partagent des chambres de quatre et j’ai eu la malchance de tomber avec trois anciens de la Team Rocket qui cherchent à… m’impressionner.
.          .La Team Néo n’avait pas  de tenue attitrée, si bien que chacun arborait son ancien uniforme : les solidarités et les inimitiés se faisaient en fonction des précédentes team d’affiliation, facilement reconnaissable à vue. Les tentatives d’intimidation n’était pas isolées mais Kelvin était particulièrement amoché. Le sang de Sarah ne fit qu’un tour :  
- De quelle cabine s’agit-il ? Je vais le faire remonter immédiatement, j’ai autorité sur les lieutenants et je compte bien…
.          .Kelvin fit non de la tête, amusé.
- De quoi je vais avoir l’air, moi, à être défendue par une fille de la Team Aqua ? File plutôt à l’intérieur au lieu de t’occuper de moi, les Généraux t’attendent.
.          .Sarah jeta un dernier coup d'œil à ses blessures, révoltée devant tant d’injustice, et rentra dans la salle de commande.


.          .Celle-ci était faiblement éclairée, mais Sarah discernait clairement les trois personnes assises derrière une table en face d’elle : Mars, Lance et Courtney, anciens haut-placés de leurs organisations respectives et actuellement les trois Généraux au service du leader de la Team Néo. Sarah les salua et s’assit en face d’eux.
.          .Mars alla droit au but.
- Tu as fait tes preuves depuis ton arrivée au sein de l’organisation, et ta tentative de vol chez Devon SARL a été un succès. Tu vas donc être promue au rang de Général.
.          .Sarah n’était pas particulièrement enthousiasmée par cette nouvelle, mais c’était l’occasion parfaite pour obtenir des réponses : que préparait exactement la Team Néo ? Dans quel intérêt un tel climat d'hostilité entre les sbires était-il perpétué ? À quoi servaient tous ces vols orchestrés par les capitaines ? Qui était à la tête de l’organisation ? Sarah s'apprêtait à poser une des ces questions mais Mars enchaîna, avec un sourire narquois.
- Une première mission test va t’être confiée. Si tu échoues, tu seras rétrogradée au poste de capitaine.
.          .Courtney gloussa en regardant Lance, qui ricana. Il n’en fallut pas plus à Sarah pour comprendre qu’ils l’envoyaient au casse-pipe : les Généraux la soupçonnaient probablement d’être plus une infiltrée qu’une fidèle subordonnée et cherchait à la faire couler.
- Quelle est ma mission ?
- J’imagine que tu n’as jamais entendu parlé du Cataclysme des Gemmes, supposa Lance.
.          .Sarah sentit son pouls s’accélérer : enfin, la discussion devenait intéressante. Elle fit non de la tête et Lance poursuivit.
- L’opération que prépare la Team Néo a pour but de répéter une vieille tragédie qui a eu lieu à Sinnoh, il y a des centaines d’années, alors que la région s'appelait encore Hisui. Ou plus exactement… qui n’a jamais eu lieu. Cet évènement était lié à l’introduction sur le territoire de Sinnoh d’un certain type de pierres. Les "gemmes" en question sont aujourd’hui formellement interdites dans la région. Notre but est d’en réunir un maximum et pour reproduire le cataclysme qui s'était produit.
.          .Lance s’arrêta, ravi d'avoir attisé la curiosité de son interlocutrice.
- Grâce au matériel volé, nous devrions pouvoir mener notre projet à bien d'ici dix jours. Pour cela, nous avons besoin d’obtenir quelques gemmes supplémentaires et de kidnapper une certaine personne.  
.          .Pour l’instant la mission n’avait rien d’infaisable, en fonction de la personne à capturer.
- Comment dois-je obtenir ces fameuses pierres ?
.          .Malgré l’obscurité, Sarah n’eut aucun mal à distinguer le sourire carnassier de Courtney lorsqu’elle répondit :
- Il faut les voler à Armand Rochard.
.          .“Armand Rochard ? Le frère du maître de la Ligue d’Hoenn ?” Sarah cacha au mieux sa panique : elle n’avait aucune chance face à lui. Cette mission venait de devenir irréalisable et les Généraux le savaient parfaitement. Elle répondit le plus calmement possible.
-  C'est compris. .
.          .Sarah compris qu’elle n’aurait pas l’identité de la personne à l’origine de l’organisation avant de revenir de cette ultime mission mais elle avait une dernière question.
- Ces pierres que je dois obtenir, que Armand possèdent et qui sont interdites à Sinnoh… Quelles sont-elles ?
.          .Lance sourit.
- As-tu déjà entendu parlé de la Méga-Évolution ?



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Ce premier chapitre est plus long que les suivants, qui seront plus digestes !
Cette fiction se base le plus possible sur les canons Pokémon, en particulier du jeu vidéo. Après chaque chapitre, certaines références qui ont permis de rester fidèle à l'univers de la licence seront recensées sous forme de notes (sources : Poképédia).

- “Si la grand-mère de Cynthia reste anonyme dans les jeux, on lui découvre un visage et un rôle dans la série. Elle est le Professeur Carolina et elle apparaît dans le DP096.”

- Lucia est le nom allemand donné au personnage de Aurore, l'héroïne incarnée par le joueur ou la pseudo-rivale dans Pokémon Diamant, Perle et Platine. Ce prénom a été choisi pour désigner ici l’héroïne de cette fiction parce que le prénom “Aurore” est déjà fortement assimilé tantôt au personnage du jeu vidéo tantôt à l’héroïne de la série animée. Pour que les lecteurs et lectrices puissent s’affranchir de la personnalité de ce personnage déjà prédéfinie par la licence, j’ai préféré lui attribuer un autre nom.
Le nom de famille de l’héroïne est celui de Platina Berlitz, l’alter ego d’Aurore dans le manga Pokémon La Grande Aventure.
Le faciès de Lucia Berlitz tel que je l’ai imaginée se rapproche d’ailleurs plus de celui de Platina que de celui d’Aurore (surtout en ce qui concerne ses yeux). EDIT : pendant l'écriture de cette fiction, j'ai appris que Lucia serait aussi le nom de l'héroïne de Pokémon Légende Arceus... Une coïncidence totale !

- “Tu as déjà rencontré Charles? Le Champion de l'Arène de Joliberges? Il m'a demandé de devenir Champion d'Arène, mais son fils Pierrick est aussi bien placé pour le poste."” Un des dialogues de Armand, dans Pokémon Diamant et Perle.
- Saturnes QG Galaxie de Voilaroc (après les événements aux Colonnes Lances) “Et maintenant… ? Que faire avec la Team Galaxie ? J’ai réalisé que l’extrémisme n’était jamais une solution… Et si nous nous lancions vraiment dans la recherche d’une énergie nouvelle ? Plutôt que de nous contenter de le prétendre dans les publicités…"

- “... ... ... Ouah! Je me sens un peu mieux... Merci! Pour te remercier, laisse-moi te révéler quelque chose. Lorsque les plans de la Team Aqua, ou devrais-je dire d'Arthur, seront mis à exécution, la planète entière retournera dans son état d'origine, avant même l'apparition de la vie... Mais toi, que comptes-tu faire pour mettre un terme à cette tragédie? Je n'ai personnellement pas encore pris ma décision. Sur ce, à bientôt, mon chou! Je pense que nos chemins seront amenés à se croiser de nouveau... Je pense qu'Arthur est en route vers le Mont Mémoria. Dans ce cas, je vais m'y rendre également…” Sarah, Centre Météo, ROSA

- Les designs de Sarah et Kelvin dans cette fiction sont ceux de RSE et non pas ceux de ROSA. À l’inverse, le design de Courtney tel qu’il a été imaginé dans la fiction est celui de ROSA.