Chapitre 1 : Mon pays, tes galères
Qui suis-je ?
Huguette Tubman se pose cette question depuis sa plus tendre enfance. S’il est un mystère qu’elle désire percer plus que tout, c’est celui de ses origines. Pour cela, elle est prête à traverser monts et forêts, à parcourir villes et campagnes. Elle irait jusqu’à la pointe la plus au nord du continent, défiant les climats les plus arides, pourvu qu’elle trouve des réponses à ses questions les plus profondes. Qui est-elle ?
C’est cette interrogation sur les racines de son existence qui a dicté chaque décision qu’elle a prise dans sa vie. De ses choix cruciaux, comme celui de poursuivre des études de journalisme, à ceux qui paraissent aux yeux des simples gens d’une banalité insignifiante : la tenue qu’elle porterait aujourd’hui, l’heure à laquelle elle monterait sur le petit bateau de pêche de son père, l’endroit où tous deux jetteraient l’ancre. Décisions anodines, mais ô combien décisifs au regard de l’Histoire, celle qui s’écrit chaque jour et qui définit pour le reste de l’éternité la tournure des évènements.
Il fait calme. Un voile bleu l’entoure tandis qu’elle s’enfonce toujours plus dans les profondeurs de l’océan. La lumière tamisée par le filtre que représente la couche aquatique qui la surplombe l’apaise. Ne subsiste autour d’elle que le son régulier que produit, presque comme une berceuse, son masque de plongée relié à la bombonne d’oxygène sur son dos. Le poids de son équipement a disparu lors de son immersion totale sous le plafond des vagues. Elle médite. Elle se laisse guider, non pas par son fidèle ami — resté confortablement à bord du bateau de pêche, le couard ! — mais par le Pokémon de son père : un majestueux Mustébouée accroché à son harnais de sécurité.
Ils plongent, toujours plus en direction du plancher sous-marin. Il n’est pas bien loin étant donnée leur position géographique : en effet, l’objet de ses recherches s’éloigne rarement des côtes. Bientôt, elle pourra en distinguer un ou deux, une horde si elle en a la chance. Son cœur commence à s’activer dans sa poitrine : elle sait qu’elle n’est plus qu’à quelques secondes de réaliser l’observation qui la passionne depuis près d’un mois à présent. Mais elle est inquiète : elle ne s’attendait pas à s’aventurer dans un endroit si boudé par les êtres vivants. D’après ses recherches détaillées sur l’environnement qu’elle visite, les alentours maritimes devraient grouiller de vie animale, de Pokémon aquatiques s’activant dans une lutte de survie que leur impose la nature.
Rien. Il n’y a aucun Pokémon. Étrange. Serait-ce le tourisme, toujours de plus en plus développée le long de la côte, qui a vidé l’endroit de ses autochtones ? Ou un mauvais présage, celui que se racontent de bouche à oreille les habitants les plus mystiques de la région ? Elle refuse d’y croire. Son cerveau rationnel la rappelle à la réalité : il doit y avoir une explication scientifique quant au boycott de ces profondeurs maritimes par les Pokémon des environs.
Ses inquiétudes sont balayées en un instant : elle vient d’un voir un ! Le Mustébouée a à peine posé les pattes-arrières sur le sol rocailleux que son regard a été attiré vers le même endroit que le sien. La loutre s’agite, sa double queue frétille d’excitation, mais elle le somme de garder son calme. Il ne faut surtout pas que leur sujet d’observation s’effraie et prenne la fuite.
Car si elle a fait tout ce chemin et s’est préparée aussi longuement, c’est qu’Huguette est motivée par sa curiosité insatiable. Il est hors de question de laisser passer une telle occasion d’étudier ce spécimen si peureux de nature. C’est la raison pour laquelle elle empresse le Mustébouée de s’immobiliser et de patienter dans le silence le plus complet. D’un signe de la main, elle lui ordonne de rester derrière elle tandis qu’elle prend les commandes de la suite de la mission.
Huguette avance aussi lentement qu’un Hippopotas. Elle ne veut pas brusquer l’ombre qui se dessine sur les parois rocheuses à proximité. Entre deux anémones, elle l’a vue s’y glisser afin d’échapper aux prédateurs qu’elle et la loutre représentent. Mais la faille dans laquelle l’ombre s’est glissée est sans issue. La proie de sa curiosité scientifique est à sa merci. Huguette n’est plus qu’à quelques centimètres du rocher sous-marin et elle s’immobilise. Plus un geste, plus un bruit. Ne restent que les petites bulles de dioxyde de carbone qui s’échappent de son masque de plongée.
Enfin, ça y est ! Le Pokémon sort de sa cachette ! Huguette se pétrifie sur place, l’océan et elle ne font plus qu’un. Face à elle se déploie, minuscule mollusque, l’être qu’elle a étudié si longuement sur papier, et à propos duquel elle prépare un article qu’elle intitulera « Sancoki ou les vestiges de la Mer Orient ». Elle observe donc le corps du Pokémon aquatique jusque dans les plus petits détails : la limace sous-marine possède une peau bleue et verte à l’aspect visqueuse. De fins liserés jaunes dessinent le contour de la partie supérieure de son corps. Au sommet de son crâne, deux excroissances en forme de virgule sondent son environnement. Plus tard ce soir, elle notera dans son carnet d’observation l’utilisation par ce Pokémon de ses drôles d’antennes dans le but de se prévenir d’un danger potentiel. Elle revient à l’instant présent, car il lui faut se dépêcher ; le Pokémon est sur le point de prendre la fuite, comme l’attestent ses deux nageoires dorsales aux aguets.
Délicatement, Huguette extirpe hors de son sac une grosse sphère bleue et blanche. Elle tend le bras, la Scuba Ball n’est plus qu’à quelques millimètres de sa future prison. Puis, elle se fige. Elle hésite. Une pensée philosophique vient de traverser son esprit. De quel droit jouit-elle à l’instant ? Cet être sous-marin — si particulier, si intéressant pour la rédaction de son article qui la rendra, elle l’espère, pionnière de la recherche sur les origines de sa nation — n’a rien demandé à personne. Il pourrait même bien être un des derniers représentants de son espèce, classée par les Pokémonologistes sous la catégorie « en danger » dans la liste des espèces Pokémon en voie de disparition.
Un bip sonore l’arrache à ses pensées et le Sancoki sauvage prend la fuite. Elle cligne une fois des yeux, et il a disparu dans le bleu marine de l’océan. Huguette baisse sa Scuba Ball, par dépit ou par acceptation, elle n’a pas encore décidé. Elle jette alors un coup d’œil à sa Pokémontre, source du désagrément auditif, et y découvre un message que son père lui a envoyé depuis son bateau de pêche quelques mètres au-dessus de sa tête. Il lui intime l’ordre de remonter à la surface immédiatement. Jamais son père n’a exercé sur elle une telle autorité. Que lui arrive-t-il ? À en croire l’agitation du Mustébouée qui l’accompagne, visiblement alerté par son instinct de survie, il se trame quelque chose et elle ferait mieux d’écourter sa mission.
Le Mustébouée ne se fait pas prier et gonfle la bouée jaune qui entoure son cou. Remplie d’air et aidée de la double queue de la loutre qui tournoie sur elle-même, la bouée leur permet à présent de filer à grande vitesse vers le plafond lumineux des vagues. Quelques minutes plus tard, Huguette et son allié émergent.
Les vagues sont puissantes, le vent est violent. Le ciel au-dessus de leurs têtes s’est couvert de menaçants nuages gris, et une pluie fine s’abat sur l’océan. Huguette s’extirpe hors de son masque à oxygène et tourne sur elle-même à la recherche du bateau de pêche.
— Papa ! elle crie.
Un tout petit point lumineux indique une présence à un demi mille de là. Le phare du bateau de pêche. Le Mustébouée entame une brasse fulgurante et ils rejoignent la modeste embarcation sous les coups de fouet de la pluie qui se durcit.
Pendant la traversée de la mer hostile, Huguette ne peut s’empêcher d’observer le reflet de son visage dans les vagues déchaînées. Ce n’est pas qu’elle aime particulièrement son physique, mais elle ressent ce besoin constant de s’assurer qu’elle est bien vivante. Certains pensent qu’il s’agit d’une névrose, d’un toc, comme ses plus proches cousines à qui elle a une fois avouer ne pas avoir l’impression d’exister. Elle, elle sait qu’il ne s’agit que d’un réflexe qu’elle a toujours eu, sans aucune importance : elle a besoin de vérifier qu’elle est réelle, et puis c’est tout. Tant qu’elle ne fait de mal à personne.
Alors, Huguette procède à son rituel. Elle analyse sa peau, brune, métissée par le mélange des origines de ses géniteurs. Elle palpe ses cheveux, longs, noirs, noués en d’épaisses nattes. Elle suit de ses doigts le tracé des rides sur son front, autour de ses yeux, sur le pourtour de ses lèvres. Elle a vieilli. Elle le sait. Ça ne la dérange pas. Sauf peut-être son dos, qui la fait souffrir maintenant qu’elle est de retour dans le royaume de la gravité. Elle ne voit pas le reste de son corps, immergé dans la mer qui se défoule davantage sous la pluie tonitruante. Tant mieux. Elle a du mal à supporter les formes qui se sont ajoutées à ce qui avait été par le passé un ventre plat sous une paire de petits seins, et qui constituent aujourd’hui l’avant-poste de ses fesses rondes et de son très large bassin.
Bang !
Sa tête a cogné la coque du bateau. Elle ne faisait pas attention, la voilà ramenée à la réalité la plus dure. Une main apparaît par-delà le muret du bateau, un bras d’un noir de jais s’offre à elle. On l’aide à se hisser sur le bateau. Le Mustébouée bondit derrière elle. Elle est en sécurité, sous une averse toujours plus puissante.
— Sèche-toi vite, ma fi, et viens m’aider.
Une serviette épaisse lui tombe sur le crâne et son environnement disparaît un instant. Lorsqu’elle s’extirpe hors du tissu, son père lui tourne le dos et s’affaire à relever l’ancre en surveillant de son œil averti le ciel toujours plus menaçant. Huguette se demande à quoi sa serviette peut bien lui servir, sous les trombes d’eau qui les inondent, mais elle trouve la chaleur du linge réconfortant malgré tout. Elle se permet quelques secondes de répit, car elle sait que les heures qui vont suivre vont être éprouvantes. Le Mustébouée de son père, lui, s’est déjà lancé dans une entreprise périlleuse : vider la surface du navire des litres d’eau qui s’y accumulent.
Elle se relève enfin, décidée à prêter main forte, et quelque chose dans ses pattes l’empêche d’avancer vers la cabine de pilotage du bateau de pêche : Doni est venu lui rendre son précieux bijou. Elle s’accroupit et caresse tendrement son fidèle partenaire quadrupède. Son crâne ovale est lisse et froid, comme à l’accoutumée, mais son regard est perçant et chaleureux. Elle se répète qu’elle est la femme la plus chanceuse du monde, car elle possède en sa compagnie le seul spécimen connu d’une espèce Pokémon classée « disparue » depuis un siècle. Doni est, en effet, le seul individu vivant des Dinoclier, le dernier représentant d’une espèce éradiquée par le passé dans des conditions qui échappent encore aujourd’hui aux historiens. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Huguette a d’abord suivi des cours d’histoire à l’université de Féli-Cité : découvrir comment les ancêtres de son ami ont disparu au cours du temps. Elle a ensuite bifurqué vers un master en journalisme qui lui aura permis de prendre goût à la recherche de la vérité et de l’enquête. Ainsi, depuis qu’elle a appris l’exceptionnelle rareté de l’existence de son fidèle ami Doni, Huguette s’est promis de lui rendre les clés de son histoire en déterrant la chronologie cachée de la disparition de ses semblables.
— Viens donc m’aider avant que li tempête nous emporte, lui ordonne son vieux père l’autre côté du bateau.
Huguette s’efforce de revenir à la réalité. Le bateau est secoué par de violentes vagues qui s’écrasent avec fracas sur sa coque ; ses rêveries ne sont pas les bienvenues pour l’instant. Doni l’empresse de récupérer le bijou qu’il lui a rapporté et fait tomber de sa mâchoire le petit collier dans la paume de sa maîtresse. Celle-ci palpe avec douceur le vieil os beige, poli et recourbé, un vieux grigri qui lui a été légué à sa naissance. Elle le laisse pendouiller autour de son cou, et se précipite vers la cabine de pilotage où l’attend le vieil homme aux tempes dégarnies.
— J’ai bien cru que ti allais laisser ton vieux pè se battre contre li tempête tout seul, maugrée le pêcheur.
Huguette lui offre un sourire désolé tandis que son père cache sa mauvaise humeur derrière son caractère de marin pour ne pas inquiéter se fille davantage. Il vient de repérer le collier que porte Huguette contre son cœur, et une étincelle de nostalgie apparaît dans ses yeux fatigués.
— Si li tempête nous emporte, au moins, ti manman sera avec nous. C’est bien.
— Ne dis pas ça, papa, réplique Huguette froidement en tirant sur un levier de commande. Ce n’est jamais qu’un simple orage.
— Un simple orage ? Ti n’entends pas la colère des ancêtres ?
Huguette lève les yeux au ciel en s’assurant que son père ne la voie pas. Elle sait que quand il est en proie à un grand stress, il ne sert à rien de le contrarier. Son père est un vieux marin issu d’une culture et d’une génération pleine de mythes, à quoi bon argumenter contre sa vision de la réalité ?
— Crois-moi, je connais bien li mer et li colère des vagues. Une telle colère na peut être que nos ancêtres qui viennent récupérer li respect qui leur est dû.
Huguette est à deux doigts de s’énerver : c’est que son père passe la plupart de son temps à radoter, bloqué dans la tristesse de ce que son peuple a subi dans le passé. Mais elle n’a pas le temps de contester sa réalité : Doni s’est mis à grogner avec vigueur, les pattes-avant posées sur la rambarde à l’extérieur, et le Mustébouée de son père s’affole de son côté. Il se passe quelque chose sous la surface des vagues !
Huguette se précipite sous la violente averse et un coup de tonnerre déchire le ciel. Elle s’accoude à la rambarde, suivie de près par son père qui claudique difficilement. Le vent et la pluie s’abattent sur son visage tandis qu’elle cherche ce qui a alerté leurs compagnons Pokémon. Elle ne comprend pas, et Doni continue à grogner, comme si un ennemi s’apprête à les attaquer.
— Divinn Arceus !
Son père les a vues en premier : des boules de lumière scintillent depuis les profondeurs de l’océan. Tout autour du bateau, les sphères flamboyantes flottent sous la surface des vagues. Elles se déplacent à grande vitesse, dans le sens contraire du courant. Elles défilent, innombrables, majestueuses et si inquiétantes. Quelle que soit la direction vers laquelle ils regardent, les perles étincellent dans la tempête maritime, donnent vie à l’océan, font vibrer l’âme des profondeurs.
Doni aboie à présent. Huguette ne l’a jamais vu aussi à cran. Le Mustébouée de son père a grimpé sur la rambarde et est prêt à plonger pour défier ces boules d’énergie. Huguette ne peut pas se résoudre à admettre le point de vue mystique de son père. Il ne peut s’agir que d’un évènement naturel. Elle se plie dangereusement par-dessus la rambarde, une vague s’écrase sur la coque et lui gifle la joue, mais elle tient bon. Là, elle l’a vue ! Une ombre massive qui se déplace sous l’eau. C’est cette ombre qui produit un rayon lumineux. Il ne peut s’agir que d’une espèce Pokémon sous-marine qui prend la fuite.
— Li défunts.
— Ce ne sont pas nos ancêtres, papa, ce sont des Luminéon.
Mais son père n’en démord pas. Pour lui prouver qu’il a raison, il lui prend la tête et dirige par la force de ses mains le centre de son attention. Son père essayerait-il de lui montrer les bouts de bois qui flottent sur l’océan déchaîné ?
Le cœur d’Huguette fait alors un bond dans sa poitrine. Elle ne peut croire ce qu’elle voit. C’est impensable. Soulevées par les vagues, retournées, balayées, des centaines d’ossements sont emportées par la tempête. Ce qu’elle a pris pour un tronc d’arbre est en réalité un fémur, et ces étranges branchages sont des cages thoraciques. Bientôt, le bateau de pêche navigue difficilement au centre d’un océan d’ossements en tous genres : crânes, côtes et phalanges s’éparpillent jusqu’à l’horizon, jusqu’à remplacer la nature même de la surface sur laquelle le bateau flotte.
Huguette jette un coup d’œil à son père. Il tremble sur place. Leurs défunts ancêtres ont refait surface.
— Modi soit Sinnoh.
*
Huguette n’a pas dormi de la nuit. Doni non plus. Ils ont veillé à deux, courageux soldats face à une mer déchainée, et ont espéré des heures durant ne pas voir leur embarcation se renverser. Surtout, ne pas faire partie des ossements qui ont recouvert le plafond des Pokémons aquatiques. Ils ont tenu bon. Ce matin, ce n’est pas la douce teinte rosée des aubes rassurantes qui les accueille, mais un ciel couvert de nuages et une épaisse brume qui cache de son voile l’horizon. La menace est passée.
Le bateau accoste le long d’un vieux ponton de bois détrempé, dans le petit port de pêche qu’ils ont quitté la veille, et Huguette pose un pied au centre d’un spectacle de désolation. Doni est parti réveiller son père en douceur — le pauvre homme a succombé d’un malaise après leur découverte nocturne — et son Mustébouée est affairé à nouer les épais cordages du bateau aux bites d’amarrage. Huguette, elle, ne peut quitter du regard le désastre alentour.
La tempête à ravagé la Route 213. Ce qui était hier encore une jolie côte maritime qui relie par son port de pêche la ville de Verchamps et un village touristique en bord de mer, n’est plus aujourd’hui qu’une très longue étendue de débris en tous genres. Les rares arbres ont été déracinés et gisent, la cime la première, dans l’eau salée de l’océan. Des rochers, des planches de bois, du plâtre, du sable, des petits accessoires en plastique,… tout se confond dans un pêle-mêle de couleurs ternes. Les quelques bateaux qui ont survécu à la tempête ont arraché une partie du ponton d’amarrage, et l’on entend au loin les sirènes des véhicules d’urgence qui portent déjà secours aux potentielles victimes humaines et Pokémons. Mais ce qui lui retourne toujours autant l’estomac, ce sont ces ossements qui se mélangent aux débris naturels.
Des vagues, lentes, viennent lécher le bord de mer. Elles apportent avec elles des reliques. Humaines ou Pokémon. Les deux peut-être. Elles se déposent sur le sable. Ou s’éloignent du rivage. Elles se perdent et disparaissent dans la brume de l’horizon.
La mer, la plage, la forêt,… la région toute entière est devenue le cimetière de ces mystérieux ossements.
— Divinn Arceus…
— Papa !
Le vieux pêcheur l’a rejointe sur le ponton sans qu’elle ne s’en rende compte. Son Mustébouée l’aide à se déplacer. Il est toujours sous le choc. Doni ouvre la marche et le petit groupe rejoint la plage pour estimer l’étendue de la catastrophe.
— Vous êtes blessés ?
Ils sursautent. Derrière eux, trois secouristes leur font signe de loin. Ils sont accompagnés d’un Cradopaud, un Lockpin et un Gallame qui accourent pour leur porter secours.
— Non, juste… sous le choc, répond Huguette sans vraiment mesurer le poids du terme qu’elle emploie.
Le Gallame vérifie leur état de santé, le Cradopaud examine ses congénères Pokémon, tandis que le Lockpin réajuste sa trousse de secours sur ses épaules, prêt à dégainer du matériel médical.
— Vous étiez en mer pendant la tempête ? s’alarme le plus âgé des secouristes.
Il s’est adressé à son père. Mais le vieil homme est tétanisé par la vue des corps qui l’entourent. Huguette confirme d’un geste de la tête.
— Vous pouvez vous considérer chanceux, admet la seule dame dans le groupe de secours. Le village balnéaire a été complètement ravagé. J’espère que vous avez une bonne assurance pour les dégâts que vous aurez subis.
— Comment ça ?
— Pour vos affaires personnelles. Vous ne logiez pas à l’Hôtel Grand Lac ?
Huguette réprime un rire jaune. Comme s’ils avaient les moyens de se payer une seule nuitée dans un hôtel de luxe. D’ailleurs, le troisième membre du personnel de secours, lui, a bien compris à qui il a à faire : le simple fait qu’il ne leur a pas adressé la parole est révélateur de ce qu’il pense de ces deux pêcheurs et de leurs Pokémons.
— Non, nous ne sommes pas… clients de ce genre d’attractions touristiques, répond simplement Huguette en pesant à nouveau les mots qu’elle utilise.
Les deux secouristes prennent toute la mesure de la réponse d’Huguette, puis jettent un coup d’œil à son vieux père toujours muet d’horreur.
— Nous ferions mieux de faire un bilan complet de votre état de santé, juste au cas où, propose celui qui s’impose comme le chef des secouristes. Venez.
Et on les pousse à les suivre vers le village balnéaire.
Huguette perd le fil des évènements. C’est comme si le cours du temps a déraillé. La fatigue, le choc émotionnel, ou peut-être simplement ce sentiment habituel de ne pas être dans la réalité, quelque chose l’empêche de s’accrocher au monde qui l’entoure et elle sombre dans ses pensées. Elle ne voit pas le chemin qui l’amène au village touristique, elle aperçoit à peine le camp fortifié des tentes de secours déployées sur la place principale, elle discerne difficilement les silhouettes des nombreuses victimes qui attendent impatiemment un bilan médical.
Néanmoins, il y a bien un détail qu’elle perçoit, qui lui permet de reprendre les rails de la réalité : tout le monde les observe, elle, son père, et leurs deux Pokémons. Son premier réflexe est de vérifier que son père n’est pas blessé. Il va bien. Cependant, il n’a pas l’air aussi surpris qu’elle par les regards soutenus qu’ils provoquent.
— C’est pasque nous na sommes pas des leurs, chuchote-t-il à sa fille.
— De quoi parles-tu ?
— Ti est donc devenue aveugle, ma fi. I sont tous blancs.
Huguette vérifie l’information, elle est journaliste après tout. En effet, elle et son père sont les seuls à avoir la peau noire. Mais tout ne peut pas être une question d’ethnie, n’en déplaise à son père qui appartient à une génération qui a connu le racisme d’état. Son hypothèse à elle, c’est la présence de son fidèle Dinoclier. Elle a l’habitude des regards indiscrets partout où elle passe. Doni est devenu, par le simple fait de la singularité de son existence, un phénomène de foire dans tout Sinnoh. Le bougre ne s’en est jamais incommodé : il aime plutôt cela, être regardé avec curiosité.
Une dame âgée, un chignon si serré au sommet de son crâne qu’il lui tire toute la peau du visage, jusqu’à en gonfler ses lèvres et ses pommettes cachées sous un épais fond de teint, bouscule Doni afin d’haranguer le secouriste qui s’occupe d’eux. Elle a dans ses bras une petite boule verte.
— Voilà une heure que j’attends sur le trottoir encrassé que l’on s’occupe de mon dossier et vous faites passez ces deux personnes avant moi ? C’est honteux !
— Madame, pour la quatrième fois, se défend le médecin, au vu de votre état de santé, vous n’êtes pas prioritaire.
— Et ma pauvre Boubou ? Personne ne l’a auscultée !
— Si votre Rozbouton était blessée, notre Gallame l’aurait immédiatement identifiée avec ses pouvoirs psychiques.
— Il n’empêche que c’est honteux de nous laisser attendre dans ce fatras, avec tous ces squelettes partout ! Ah ça ! Ils vont m’entendre à la compagnie qui nous a vendu ces billets. Ils ont intérêt à tous nous indemniser !
— Très bien, Madame, pouvez-vous nous laisser nous occuper de nos patients ?
La dame lui adresse un regard méprisant, puis avec toute la courtoisie du monde le salue poliment et les quitte sans un regard pour Huguette et son père. L’urgentiste pousse un souffle de lassitude et Huguette échange avec lui un petit rire, amusée par la situation. Le médecin termine son bilan en même temps que son Cradopaud qui s’est occupé de Doni.
— Les gens sont d’une impatience mortifiante, avoue-t-il en signant un document qu’il remet à Huguette.
— Il faut les comprendre : leurs vacances sont ruinées.
L’urgentiste à un rictus discret, mais il préfère garder son sérieux pour éviter de compromettre son image.
— Personne n’a envie de passer ses vacances dans un cimetière de plâtre et d’ossements, rajoute Huguette en évaluant le désastre alentour.
— Si vous appelez cela un cimetière, je me demande comment vous appelleriez la rive du Lac Courage.
— Comment ça ?
— Vous n’êtes pas au courant ? Ces ossements ont été éparpillés par la tempête de cette nuit qui a fait s’effondrer une partie du rivage, le long du Lac Courage. La partie de la côte qui s’est soulevée a révélé un véritable cimetière probablement vieux de plusieurs siècles. C’est pour cela qu’il y a des ossements un peu partout. Une véritable perle archéologique !
Les propos de l’urgentiste ont piqué la curiosité d’Huguette. Alors comme ça, un pan de l’histoire de Sinnoh vient d’être révélé au grand jour ? Il faut qu’elle enquête !
— Où se trouve le Lac Courage ?
Le médecin pointe une direction vers le nord.
— Vous vous intéressez à l’archéologie ?
— Plutôt à l’histoire de Sinnoh. Je suis journaliste.
— Vous allez peut-être découvrir une ancienne cité de la préhistoire, qui sait ?
— Li colère de nos ancêtres, rappelle son vieux père qui a repris ses esprits.
Le secouriste fronce les sourcils. Il n’a pas compris l’allusion du pêcheur, et Huguette aimerait ne pas avoir à entrer dans des explications compliquées, ni même de paraître hostile envers ce brave homme en racontant le point de vue historique d’un vieil homme en colère. Heureusement pour elle, Doni et son camarade le Mustébouée attirent leur attention. Ils viennent de voir sur les vagues un monstre se déplacer à toute vitesse. Les humains observent la scène, spectaculaire s’il en est : à une centaine de mètres de la côte, un homme surfe à grande vitesse vers l’endroit précis qui leur a été indiqué. Il fend les vagues et la brume semble se disperser autour de lui. Il n’utilise pas de planche de surf, mais bien un énorme Pokémon qui ressemble comme deux gouttes d’eau au Mustébouée de son père.
— Regardez ! s’écrie un enfant.
— C’est « Le Teigneux » !
Huguette ne sait pas qui est « Le Teigneux », mais elle comprend qu’il est un personnage important de la localité. S’il se rend au cimetière découvert, c’est qu’il a probablement des réponses à apporter à tous ses questionnements. Mais elle n’a pas le temps de réfléchir à ses prochaines actions : ni une, ni deux, le Mustébouée de son père décide de suivre son alter-égo à la nage, et Huguette en profite pour se rendre à son tour vers le Lac Courage. Doni assistera naturellement son père à les rejoindre, ralenti par sa condition physique.
**
Ce qui se présente devant elle lui retourne l’estomac. Jamais elle n’a vu pareil décor horrifiant. C’est la première fois qu’elle se rend sur la rive du Lac Courage, mais elle connait l’endroit à travers les récits du bord du lit, lorsque son père lui racontait avec passion les aventures de ses personnages de fiction préférés, les pérégrinations de ses ancêtres qui, d’après les légendes orales, se réunissaient autour du lac mystique afin d’invoquer l’être magique qui les protégerait de leurs malheurs. Il n’avait jamais eu besoin de livre de contes pour narrer ces épopées à sa toute petite fille de l’époque, car sa mémoire était plus garnie que n’importe quel livre d’une des étagères de la bibliothèque de Joliberges. C’est pourquoi Huguette n’a eu l’occasion de savoir à quoi ressemble le Lac Courage qu’au travers de son imagination, et le choc d’enfin découvrir cet endroit après une catastrophe naturelle lui glace le sang.
Sous ses yeux, étalé sur des centaines de mètres à la ronde, se dessine un véritable cimetière de squelettes. Une fosse commune creusée dans le sable retourné par la tempête, au bord de la mer qui vient lécher les os conservés et les emporter vers l’océan à un rythme régulier. Un trou béant de la taille d’un village dévoile sans vergogne le passé de Sinnoh. Un peu de l’histoire a été soulevé par la tempête, et la journaliste qui vit en Huguette la somme d’enquêter sur le champ. Elle doit comprendre la nature de l’horreur qui s’est soulevé en cet endroit.
Son cerveau se remet en activité, ses réflexes professionnels commandent son corps. Première étape, interroger les personnes sur place pour collecter toutes les informations pertinentes sur la réalité qui l’entoure. Il est tôt ce matin, la tempête s’est calmée il y a à peine deux heures, et déjà des dizaines d’individus s’affairent dans le cimetière découvert à la recherche de réponses.
Une personne attire son attention. Il lui est d’ailleurs difficile de lui en échapper, car l’homme est sans aucun doute l’individu le plus imposant qu’elle a jamais croisé dans sa vie. Il porte une combinaison de surfeur, mais il a ôté la partie supérieure afin de révéler une musculature si épaisse, si imposante, qu’il ne fait pas de doute qu’un affrontement physique contre lui tourne toujours en son avantage. Son visage est partiellement caché sous un masque de catcheur, ce qui confirme les premières impressions de la fine observatrice. Il se déplace entre les monticules d’ossements comme si le sol est instable et qu’il risque de s’y enfoncer jusqu’à la tête.
Elle le reconnait aux deux Pokémons qui l’accompagnent. Le premier est une loutre d’un mètre de hauteur qui possède deux queues au pelage orange et une très large bouée sur le dos. Le second est le Mustébouée de son vieux père. En tendant l’oreille, elle apprend d’une jeune femme qui l’appelle au loin que « Le Teigneux » n’est qu’un surnom, car la dame l’a appelé « Lovis ». Huguette comprend enfin qui il est : il s’agit du champion de l’arène Pokémon de Verchamps, spécialisé en Pokémons aquatiques.
Huguette est fin prête pour mener sa première interview. Elle dégaine son calepin qui ne la quitte jamais.
— Huguette Tubman, journaliste indépendante, se présente-t-elle en le rejoignant près d’un tas de reliques.
— Déjà ?
Elle n’a pas compris cette étonnante réponse. « Le Teigneux » l’examine un instant de la tête aux pieds, puis accepte sa main tendue. Il lui broie les os mais elle feint de n’avoir rien senti.
— Vous les journalistes, vous êtes de véritables rapaces, reprend « Le Teigneux » avec un sourire en coin.
— Comment ça ?
Il lui montre les ossements autour d’eux. Cet homme n’a définitivement pas que le corps rustre, mais Huguette a l’habitude d’être peu considérée dans son travail. Le Mustébouée de son père accourt vers elle, et « Le Teigneux » se rassure : si elle a un ami Pokémon de type aquatique, elle peut être digne de confiance.
— Qu’est-ce que vous voulez donc savoir ?
— J’ai cru comprendre que ce cimetière a été révélé suite à la tempête, et je vous ai vu accourir à toute vitesse par la voie maritime. Savez-vous de quelle nature est cette découverte ?
— Écoutez, comme tout le monde, dès que j’ai appris la nouvelle, je me suis précipité car c’est bien mon rôle. Je dois vous avouer que je suis le premier à être sous le choc d’une telle découverte.
— Le Lac Courage appartient bien au territoire de la ville de Verchamps ?
— Oui, en effet. C’est la raison pour laquelle dès que j’ai su…
— Ce qui signifie que vous devez avoir dans vos archives communales des documents qui attestent de la présence de telles sépultures.
« Le Teigneux » ne répond pas. C’est le signe qu’elle a réussi à le coincer.
— Savez-vous à qui appartient ces ossements ?
— Comme je vous l’ai dit, dès que j’ai su, je me suis précipité sur les lieux car c’est un véritable choc…
— Vous êtes bien le champion d’arène de Verchamps ?
— Oui, en effet.
— Vous avez donc dans votre lettre de mission publique la tâche d’assurer la sécurité et la paix de la commune de Verchamps. Qu’avez-vous à dire face à la tempête qui a eu lieu hier et les dégâts que toute la rive est de votre commune a subi ?
« Le Teigneux » hésite. Il vérifie qu’il n’y a pas de caméra.
— Il s’agit d’une des tempêtes maritimes les plus importantes de l’histoire de Sinnoh, poursuit Huguette qui veut lui arracher une réponse. Vous êtes un spécialiste des Pokémon aquatiques, vous avez bien quelque chose à dire face à cette catastrophe.
— Évidemment ! s’écrie « Le Teigneux » qui a récupéré un peu de courage.
Et il se met à expliquer avec précision comment se forment les tempêtes maritimes. Huguette le laisse parler. Ce ne sont pas les informations qu’elle attend de lui, mais elle le laisse se perdre dans des explications techniques sur les courants ascendants et descendants de l’océan. Elle sait que si elle veut obtenir des réponses, elle doit passer par cette phase de séduction. Et faire parler un homme de sa spécialité est une des meilleures techniques pour l’appâter dans sa confiance.
— …ce qui provoque inéluctablement la déstabilisation des rivages tels que ceux que nous connaissons dans cette partie de Sinnoh sur la Route 213, explique toujours « Le Teigneux ».
Du coin de l’œil, Huguette voit son père arriver au bord du cimetière à ciel ouvert. Doni a bien pris soin de lui. Elle sait aussi qu’il ne lui reste que quelques minutes avant que « Le Teigneux » ne découvre le dernier survivant de l’espèce des Dinoclier et qu’elle perde le contrôle de la conversation. Elle doit agir tout de suite.
— …laissez-moi vous dire que personne ne pouvait s’attendre à découvrir pareil spectacle. C’est tout de même une grande opportunité pour la science d’étudier davantage le passé de notre région, vous ne trouvez pas ?
— Et enfin mettre la lumière sur ce qui est arrivé aux peuples opprimés par les citoyens de Sinnoh durant les siècles précédents ?
— Je… Je… Je ne comprends pas…
« Le Teigneux » bégaye, il ne s’attendait pas à une telle question. Huguette a porté un coup fatal.
— En tant qu’autorité à Verchamps, vous n’êtes pas sans savoir que vous êtes la commune la plus diversifiée d’un point de vue ethnique, et vous en connaissez les raisons historiques, n’est-ce pas ?
— Oui… c’est…
— Vous mettez d’ailleurs cette partie de l’histoire en avant lorsque vous fêtez le folklore des peuples issus de l’esclavage lors de votre Festival Cradopaud annuel. Vous connaissez l’histoire, me semble-t-il ?
— Je… oui… il s’agit d’une commémoration en l’honneur des… eh bien…
— Des esclaves.
Huguette met un point d’honneur à faire admettre aux autorités les horreurs du passé. « Le Teigneux » ne se déroge pas à la règle : il fait tout pour éviter d’employer des termes que les médias s’empareront pour créer la polémique.
— C’est en quelque sorte un festival qui célèbre le vivre-ensemble et qui se déroule chaque année à la fin de l’été.
— C’était la semaine passée, indique Huguette en prenant note.
— En effet. Le festival de cette année était particulièrement réussi : nous avons démarré la marche aux flambeaux comme à l’accoutumée du Grand Marais de Verchamps et nous avons terminé ici, au Lac Courage comme le veut la tradition.
— Car c’est ici que les esclaves se réunissaient pour implorer la protection de leur divinité et garder l’espoir d’un jour connaître la liberté, conclut Huguette.
— Selon le folklore local, en effet, précise « Le Teigneux ».
— Cela veut-il dire que les ossements qui nous entourent proviennent de ces milliers de familles d’esclaves et leurs Pokémon dont nous avons perdu la trace dans l’Histoire ?
« Le Teigneux » l’examine à nouveau de la tête aux pieds. Elle sait que son intention, cette fois-ci, est de se dissocier de ses propos en mettant comme différence entre eux leurs couleurs de peau. « Le Teigneux » a compris qu’elle cherche à lui faire admettre une lourde vérité historique liée à ses origines, et sa défense est pitoyable. Huguette ressent à nouveau ce sentiment de ne pas appartenir à la réalité.
— Ce sera à la science de trancher.
Par ces mots, « Le Teigneux » conclue son interview et l’abandonne sur place, elle et son calepin sur lequel elle n’a pas pu griffonner grand-chose. Son Mustéflott la menace du regard avant de suivre son dresseur à la trace.
Doni et son père la rejoignent. Ce-dernier a dans son regard la lueur de fierté que tous les pères possèdent lorsqu’ils voient leur fille se battre courageusement.
— Castorno pa ka fè Chaglam, la réconforte-t-il en lui caressant tendrement le visage.
Huguette ne parle pas le créole, mais elle le comprend assez pour en saisir toute la force : « Les Castorno ne font pas les Chaglam ». Elle porte naturellement sa main à son vieux grigri qui pend contre son cœur, dernier vestige d’une mère qu’elle n’a jamais connu. Quelque chose la frappe alors : le petit morceau d’os qui constitue son amulette ressemble étrangement à un des ossements qui se trouve à ses pieds. Elle s’agenouille et compare les deux artéfacts. La couleur, la forme, la masse, tout concorde. Elle a contre sa poitrine un bout du passé de Sinnoh. Serait-ce la preuve que le cimetière qui vient d’être révélé par la tempête trouve bel et bien son origine dans la longue histoire de ses ancêtres esclaves ?
Huguette vacille sur place lorsqu’elle comprend qu’à ses pieds se trouvent peut-être les récits oubliés de ses ancêtres, que son père a fait perdurer dans sa mémoire, et que sa mère lui a légué à la naissance sous forme de bijou. Doni la rejoint, visiblement alerté par son l’état émotionnel de sa maîtresse. Une de ses pattes s’enfonce dans le sable mouillé et instable. Un crâne roule et se cogne contre son visage. Le Pokémon sursaute. Huguette le rassure. Puis, elle sursaute à son tour.
Elle saisit la relique avec vigueur, son cœur bat à tout rompre. Le crâne est en parfait état. Elle reconnait le squelette du Pokémon a qui il a appartenu, et au sommet duquel se trouve un os plat et ovale, identique en tous points au bouclier qu’arpente Doni sur son crâne. Huguette porte au creux de ses mains un crâne de Dinoclier.
Elle se relève et jette des regards alentours. Un, deux, dix, cent,… ils sont trop nombreux. Elle est entourée des ancêtres de son Dinoclier. La tempête n’a pas fait que révéler un cimetière d’esclaves. Elle a aussi mis à la lumière du jour les secrets de la quasi-extinction de l’espèce des Dinoclier.
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