C.33 : Dos au vide
Récapitulatif du dernier chapitre :
La dernière ligne droite est entamée, maintenant que Mistid et Jiyana sont réunies. Leur combat commun contre le Golem de Cristal commence enfin, et forte de sa nouvelle magie antique, la Roussil réchauffe le cœur de la Mysdibule. Les souvenirs se mélangent à la réalité, et la boucle est bientôt bouclée.
***
~An x1834 après Arceus~
Aoi courrait aussi vite qu’il le pouvait tandis que son ennemi le survolait, projetant des gerbes de feu à chaque battement d’ailes. Les escaliers n’étaient plus très loin, désormais, ainsi son plan avait toutes les chances de fonctionner. Son bras le faisait souffrir, mais ignorant la douleur il se jetait d’arbre en arbre et fonçait à travers les larges plaines. Il n’avait aucune idée de comment serait l’étage vingt-deux et espérait ainsi qu’il se retrouve dans un environnement l’avantageant lui et non pas Ayonis. Il lui fallut encore quelques minutes pour parvenir devant un gigantesque trou creusé dans un rocher encore plus immense. Cela n’avait rien à voir avec les escaliers des étages supérieurs. Celui-ci devait mesurer jusqu’à trente mètres de hauteur et était éclairé par d’énormes cristaux de couleurs différentes.
Il jeta un rapide coup d’œil par-dessus son épaule et vit que le Dracaufeu était tout proche. Il ne tentait cependant pas d’attaque, comme attendant de voir ce que le Grenousse espérait faire. Sans plus attendre ce dernier se rua dans le large tunnel et entama sa longue descente. Derrière lui le membre de la Division Zéro volait, amusé par le caractère fuyard de l’explorateur. Convaincu que Jiyana ne pourrait jamais vaincre le Golem, il en profitait pour se divertir encore un peu. Tourmenter ce petit Pokémon serait un véritable plaisir pour lui.
Finalement, Aoi se rapprocha de la lumière au bout du tunnel. Son anxiété se faisait croissante à mesure qu’il avançait et qu’il imaginait l’environnement pouvant l’attendre. Il ignorait si une telle chose était possible, mais un étage rempli d’eau serait une bénédiction pour lui. Après tout, plus la quantité d’eau autour de lui était importante, plus il avait de facilités à utiliser ses capacités. Si au contraire il se retrouvait dans un décor volcanique, alors c’était perdu. La chaleur aurait raison de lui avant même qu’il ne puisse se battre.
Plus que quelques mètres avant impact, désormais. Il franchit les dernières marches le séparant de l’étage vingt-deux et y pénétra enfin, aveuglé par la différence de lumière. Il posa le pied sur ce sol qu’il ne distinguait pas encore et glissa. Ce faisant, il roula le long d’une pente jusqu’en bas, quelques dizaines de mètres plus bas. Ses yeux s’étant accoutumés, il pouvait désormais voir autour de lui. Il se redressa et observa ce qui l’entourait. Du sable à perte de vue, et un soleil de plomb. L’air était chaud et sec, et les grains de sables lui brûlaient la plante des pattes. Par réflexe il regarda derrière-lui et vit qu’Ayonis se rapprochait. Il se releva, et trébuchant dans cette mer minérale, s’enfuit le plus loin possible. Autour, il n’y avait qu’un immense désert et des monstres volant dans le ciel, au loin. Il était donc tombé sur la pire situation possible. Au moins l’humidité ambiante de la jungle l’aidait à se battre, là cette mesure devait être nulle.
Parfois, un rocher dépassait des dunes. De longues pierres effilées et à la forme adoucie par le temps et les frictions. Il n’avait aucune idée de combien de temps il allait s’enfuir ainsi, mais il devait s’éloigner le plus possible de l’étage vingt. Le Dracaufeu le suivait toujours de près, comme l’incitant à continuer sa course jusqu’à épuisement. Pourquoi faisait-il tout ça ? se demanda Aoi. Qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez ce type ?! Qu’importe après tout, il n’avait pas d’autre choix que de courir. Plus il descendait profondément dans le Donjon et plus les étages semblaient s’agrandir. Cela expliquait pourquoi les expéditions prenaient autant de temps malgré la force des membres la composant. Dans le cas de la familia Reshiram, le monster trio était probablement suffisant pour couper tout droit sans craindre le moindre obstacle.
Son pas ralentit progressivement jusqu’à s’arrêter. C’est pas vrai… Devant lui, il put constater avec effroi un canyon large de plusieurs kilomètres et si profond que l’explorateur ne pouvait en voir le fond. Ainsi se trouvait sa limite. Il pouvait certes se propulser dans les airs, mais franchir une telle distance relevait de l’impossible pour lui qui ne savait pas voler. Il se retourna et fit face à son adversaire s’approchant. Ainsi notre dernier combat se passera ici, songea Aoi. Lui qui espérait pouvoir créer davantage de distance, son plan tombait à l’eau. Qu’il en soit ainsi, il était prêt à livrer son ultime bataille. Ayonis se posa lourdement devant lui, soulevant un panache de poussière.
— Le Donjon semble d’accord pour dire tu as suffisamment fui, gronda celui-ci.
— Il semblerait. Cependant je ne comprends toujours pas.
La curiosité du dragon sembla piquée.
— Mistid m’a parlé de toi, continua le Grenousse. Et la personne que je vois en face de moi n’a rien à voir avec le Reptincel si gentil qu’elle considérait comme son frère !
— Cette personne est morte, dit-il de sa voix puissante. Je ne suis plus le même désormais.
Ça, c’était certain. Aoi ne l’avait pas connu dans le passé, mais il pouvait tout de même comprendre la différence.
— Pourquoi fais-tu tout ça ? Pourquoi es-tu resté aussi longtemps dans le Donjon ? Qu’as-tu fait à Jiyana ? Et surtout, pourquoi a-t-elle mérité ça ?!
L’autre resta silencieux quelques instants, comme méditant sur sa réponse. Finalement il se mit à rire et répondit.
— Cette petite peste se trouve ici car elle a menacé de divulguer à la Division Zéro que je les avais trahis. Or il est hors de question que Lira le découvre. Et si je suis resté aussi longtemps, sache que c’est parce que je me suis énormément amusé. Je l’ai rendue plus forte grâce au plus puissant des amplificateurs, le désespoir ! La douleur des coups ainsi que la peur de perdre un être cher l’ont dopée. Pas autant que je l’espérais, mais elle était vouée à mourir de toute manière.
Aoi ne sut quoi dire tant chacune de ses déclarations étaient aussi bouleversantes que horrifiques. Le désespoir. Au fond, il se rendait compte que Mistid et elle avaient vécu le même cauchemar. Aucune des deux ne sachant si l’autre était en vie, séparées par seulement quelques étages. Aussi étrange que cela puisse paraître, la Mysdibule semblait s’être dirigée volontairement dans cette voie pour devenir plus forte.
— Comment ça… tu as trahi la Division Zéro ?
Ayonis hésita avant de répondre. De toute manière il n’y avait aucun risque que le petit explorateur ne divulgue son secret, étant bientôt éparpillé au fond du canyon.
— J’ai été payé par une familia pour leur révéler des informations compromettantes sur elle. Le genre qui pourraient la faire tomber. Mais seule Jiyana est au courant de tout, sourit-il alors à pleine dents. Mais je n’ai révélé qu’une partie des secrets à la familia. Il s’agit là de crimes mineurs et de meurtres, rien de plus. L’élément que j’ai omis, je vais te l’avouer, insecte.
Aoi retenait sa respiration. La chaleur et l’aridité lui asséchaient la bouche et peu à peu sa tête se mit à tourner. Le Dracaufeu le fixa droit dans les yeux.
— La Division Zéro compte détruire la familia Reshiram. Je ne sais pas quand, mais lorsque ça arrivera, elle disparaîtra complètement. Rien ni personne ne pourra l’arrêter.
Pris au dépourvu, le Grenousse recula de quelques pas. C’était le pire secret qu’il ait pu lui confier. Il lui fallait absolument gagner ce combat pour les prévenir avant qu’il ne soit trop tard !
***
Malgré une meilleure efficacité à deux, le combat ne tournait pas en l’avantage des aventurières. Chaque coût qu’elles portaient était bloqué par le géant, qui parvenait parfaitement à manier ses deux armes en même temps.
— Mistid ! s’exclama la Roussil. On doit faire quelque chose ou on va s’épuiser avant d’avoir pu le toucher !
C’était bien vrai, aucun de leur coups n’avait fait mouche jusque-là. Il était temps de changer de stratégie. Jiyana revint aux côtés de son amie, qui lui fit part de son plan. Quelques secondes plus tard, la renarde opina. C’était une idée osée, mais clairement la meilleure qu’elles aient à disposition. Elles bondirent alors dans les airs, la Mysdibule en première. Le Golem envoya ses deux katana à la rencontre de la Lame d’Acier de celle-ci, qui parvint à les bloquer non sans difficultés. L’autre en profita alors pour attaquer, son corps de feu percutant de plein fouet les épées. Le minéral se brisa et elle passa au travers. Elle atterrit sur son bras et se mit à courir, son corps reprenant peu à peu sa forme physique. Mistid planta ses crocs dans le cristal et en absorba l’énergie magique, qu’elle chargea aussitôt dans son vent.
Jiyana sauta dans les airs, et transformant ses pattes en tourbillons enflammés elle fila vers le cœur du monstre. Une nouvelle fois elle utilisa Nitrocharge et se planta telle une flèche dans le corps du boss. Sa capacité provoqua une explosion à l’intérieur de celui-ci au moment où la lumière rouge se déplaça vers le bas. La type Acier savait maintenant où viser. Elle envoya son attaque au milieu du torse du géant, la puissance contenue le découpant en deux. Aussitôt la Roussil s’éloigna, prête à achever la créature. Prenant appui sur la moitié du corps chutant du Golem, l’autre s’approcha le plus possible d’une de ses jambes, et la découpa de part en part. Déjà des portions de son corps commençaient à se régénérer. Son alliée percuta de plein fouet le cristal afin de la ralentir au maximum, éjectant des morceaux transparents dans les airs. Allez, plus qu’une jambe ! se cria Mistid. Elle utilisa Vive-attaque vers la seconde jambe du boss et la découpa de sa lame. Mais sa puissance diminuait, et son épée se bloqua quelques centimètres avant la fin. Non, je dois réussir ! Elle mobilisa toutes ses forces pour augmenter la quantité de vent créé et sa capacité sembla se débloquer petit à petit. Elle y parvint finalement, l’effort lui arrachant un cri.
La princesse se transforma alors intégralement en flammes, enroulant autour de son petit bâton le vent métallique offert par son amie. Elle se propulsa à toute vitesse vers le morceau de corps abritant le cœur et libéra toute sa puissance, provoquant une explosion qui fissura le cristal de part en part. A l’intérieur de celui-ci, l’éclat rouge semblait en détresse, s’agitant dans tous les sens. Le bloc translucide se mit soudain à vibrer, et il sembla fondre. Des bulles apparurent au niveau de ses arrêtes, et sa structure commença à s’effondrer sur elle-même. Est-ce qu’on a gagné ? se demanda Jiyana.
Un élan d’espoir la saisit, mais contre toute-attente le Golem sembla se rétablir. Des piques s’en échappèrent de part en part pour se planter dans le sol, qui s’effondra sur lui-même, vidé de sa magie. Le corps du Golem réapparut alors, bien que légèrement différent. Il possédait désormais quatre bras et deux visages. Un côté tenait un arc, l’autre les deux katana habituels, bien que plus longs. Son cœur lumineux avait disparu mais sa surface bleutée était maintenant recouverte de marques rouge brillant.
Félicitations à vous pour m’avoir poussé aussi loin dans mes retranchements. Voici ma vraie forme, Goliath.
— C’est une blague… souffla Jiyana.
Le monstre empoigna ses deux lames vers le bas et les planta avec une force incroyable dans le sol, déjà en train de s’effondrer. Des pans entiers chutèrent et bientôt les trois adversaires tombèrent à l’étage inférieur, le niveau de repos. Par chance aucun aventurier ne semblait s’y trouver. Les énormes morceaux de cristal s’écrasèrent dans les forêts et les champs avec fracas, soulevant des nuages de poussière. Une fois atterri, le visage du boss armant l’arc visa le point où les deux aventurières se trouvaient. Ces dernières s’étaient rattrapées en douceur, mais ce changement d’environnement les déboussolait totalement.
— Ce combat ne fait plus aucun sens ! s’exclama la Mysdibule. Quand va-t-il enfin s’arrêter ?!
Le Goliath banda son arc comme une large flèche de cristal s’y formait.
— Mistid… A-t-on une chance de le vaincre ?
— Honnêtement… Je ne sais pas, répondit l’intéressée.
La situation dégénérait continuellement, leur ennemi étant de plus en plus fort. Il tira son projectile, qui fendit l’air à toute vitesse. Frôlant une colline, la vitesse en détruisit presque un pan entier, arrachant tout ce qui se trouvait autour de lui.
— Faisons-lui face, déclara alors Jiyana.
Elle se changea en torche, et son amie l’imita en revêtant son armure d’Acier. La flèche se planta dans le sol, provoquant une terrible explosion bleue. Le corps des deux combattantes s’en retrouva presque disloqué, leur magie ayant été dissipée par la puissance de l’impact. Ce dernier provoqua une telle onde de choc qu’il rasa herbe, arbres, rochers, sur un rayon de cent mètres à la ronde. Lorsqu’il ne resta plus qu’une épaisse colonne de fumée, des morceaux de bois brûlé se mirent à tomber du ciel, jonchant la terre calcinée. C’était encore plus puissant que du feu, il s’agissait là de magie pure. Mais ce genre de choses n’était possible que pour les monstres.
Mistid et Jiyana avaient également été soufflées au loin, gisant en piteux état dans un décor post-apocalyptique. La fumée noire commençait déjà à masquer le soleil, ainsi l’étage s’assombrit petit à petit. La Mysdibule se releva, le corps en miette. Elle s’efforça de réveiller la Roussil, qui finit par entrouvrir les yeux. Son corps ayant complètement fusionné avec sa magie, l’explosion lui avait causé d’énormes dommages. Elle se redressa en toussant et cracha du sang. Son regard se porta sur la peau de la Pokémon Fée, recouverte de brûlures et de sang.
— Ce n’est pas fini… articula la renarde.
Son regard était plus féroce que jamais. Elle se releva, tremblante, et s’avança en direction du Goliath. Son corps se changea une nouvelle fois en flammes, et elle se tourna vers Mistid, derrière.
— Soit nous utilisons notre magie jusqu’à en perdre son utilisation, soit nous mourrons.
Une chaleur terrifiante s’échappait d’elle, la Mysdibule en était presque intimidée. Elle s’approcha tout de même de l’autre aventurière, comprenant à quel point elle avait raison. Le Vent Féerique renforcé par le type Acier se mit à tourbillonner autour de son corps et dans les airs. Elle vint se placer aux côtés de sa sœur. Face à elles le boss tira une nouvelle flèche. Les deux Pokémon se propulsèrent à sa rencontre dans une redoutable attaque combinée. Le choc des deux côtés provoqua bel et bien une explosion qui sépara les deux acolytes. Pour autant elles se ressaisirent et bondirent une nouvelle fois en direction du monstre.
Elles devaient utiliser tout ce qu’elles avaient. Une intense aura de la couleur respective de leur type entoura leur corps. Autour de la Roussil, tout commençait à brûler quand du côté de Mistid son vent déchiquetait des pans entiers de sol. Elles filèrent à la rencontre de leur adversaire qui sauta dans les airs, avant d’envoyer une salve de flèches vers elles. Leurs mouvement étaient maintenant à leur niveau maximum de vitesse, l’une se propulsant telle une étoile filante et l’autre semblable à une tornade d’argent. Autour d’elles, les projectiles de cristal pleuvaient, menant à de lourdes explosions détruisant tout autour. Toutes deux slalomaient entre les déflagrations bleues, filant à toute vitesse vers leur ennemi.
C’étaient leur dernières attaques, tant la quantité de magie nécessaire à leur préparation était titanesque. Les deux boulets de canons parvinrent au même moment face au monstre, qui fit volte-face et dégaina ses lames. Celles-ci s’entrechoquèrent avec les capacités des Pokémon mais elles finirent par se briser sous la puissance adverse.
Elles sentirent leurs muscles se contracter violemment, subissant une tension trop grande pour eux. Du sang coula le long de leur bouche comme de leur museau, et leurs os se fracturèrent par endroits. Mais c’était trop tard désormais, elles gagneraient coûte que coûte.
— Flèche Embrasée !
— Lame d’Acier !
Les deux aventurières transpercèrent le géant, qui implosa. Leur réceptacle magique, petit organe intangible servant de réserve, explosa. Le corps de Jiyana reprit sa forme physique, et le choc lui brisa de nombreux os et arracha son pelage par endroits. Tous les crocs de la mâchoire carbonisée de Mistid éclatèrent, et des morceaux de cristaux s’y plantèrent, faisant gicler de grandes quantités de sang aussitôt évaporé. Mistid… Jiyana… Les deux se prirent par la main une dernière fois.
L’onde de choc ébranla tout l’étage et projeta les Pokémon des dizaines de mètres plus loin. Malgré la fumée, on pouvait discerner de lourd blocs de cristal se détacher du géant. Ce dernier tomba à genoux, avant de s’effondrer complètement.
Ce fut un beau combat.
Et il disparut alors dans un énorme panache noir. Les deux aventurières heurtèrent le sol, inconscientes.