C.30 : Un ennemi insurmontable
Récapitulatif du dernier chapitre :
Suite à leur défaite face au Golem, Aoi et Mistid se sont entraînés d’arrache-pied pour devenir plus forts. Un soir, la Mysdibule avoue à son disciple une partie de son passé commun avec Jiyana et Ayonis, mettant en exergue un évènement sombre les ayant déchirés.
***
~An x1834 après Arceus~
Le moment tant attendu était enfin arrivé. Après un mois passé à s’entraîner dans le Donjon, le duo semblait enfin prêt. A la surface la nuit était enfin tombée, il ne devait donc plus y avoir d’aventuriers s’y promenant. Aoi et Mistid se rendirent devant les escaliers menant à la chambre du boss, non sans une certaine anxiété. Ils restèrent de longues secondes devant le trou taillé dans la roche.
— Cette fois-ci nous gagnerons, dit la Mysdibule.
Aoi acquiesça. C’était leur unique chance de sauver Jiyana, Ils ne pouvaient pas se permettre d’échouer maintenant, pas après tout ce qu’il s’était passé. Pas après tout ce temps qu’ils avaient passé dans le Donjon à développer leurs capacités. Cette période avait été mouvementée et chargée en émotion, il était temps qu’elle prenne fin. L’explorateur serra les poings, déterminé à sauver la Roussil. L’aventurière, elle, se sentait triste. Elle se souvenait lorsqu’elle était descendue le premier jour, convaincue qu’elle parviendrait à sauver son amie, en vain. Qui sait ce qu’elle avait dû éprouver durant tout ce temps avec Ayonis, mais au fond d’elle, Mistid éprouvait un sentiment de culpabilité. Jamais elle ne la laisserait mourir ici-bas, elle se l’était juré depuis le début. Elle était prête à éprouver les pires souffrances comme donner sa vie pour elle, alors elle ferait le nécessaire pour mettre fin à ce cauchemar.
— Voilà le plan, poursuivit-elle. Une fois en bas, je m’occupe de distraire le boss pendant que tu descends chercher Jiyana.
L’autre fut stupéfait de son idée.
— Pourquoi ne pas y aller tous les deux ? s’enquit-il.
— Aucune chance qu’on passe. Il faut au moins qu’une personne le distraie, et ayant le plus de force brute ça me semble évident. Puis tu es de type Eau, c’est un avantage face à Ayonis. Considère ça comme un cadeau fait par un maître à son disciple.
L’explication était sensée, Aoi s’en contenta. Prenant une dernière inspiration, ils descendirent les marches en direction de l’étage du boss. Débouchant sur l’horizon de tranquillité où reposait le Golem de Cristal, tous deux se remémorèrent leur combat face au monstre. Cette fois c’était différent, ils venaient avec une stratégie en tête. Ils avancèrent vers la stèle verte marquant l’entrée de la chambre et se regardèrent une dernière fois. Désormais c’était la vie ou la mort, ni plus ni moins. Alors ils s’élancèrent en direction de la sortie en rang serré. L’œuf renfermant le boss apparut, et disparut aussi vite dans un flash lumineux.
D’un air aussi nonchalant que lors du premier combat l’être humanoïde tenta de les écraser avec son pied. Ils l’avaient prévu, et exécutant tous deux une Vive-attaque, ils se séparèrent chacun d’un côté et de l’autre du géant. Mistid posa son œil sur la lumière rouge au niveau de son cœur. C’était bien trop criant pour ne pas être son unique point faible. Malgré l’adrénaline, elle s’efforçait de ne pas perdre son sang-froid et répétait sa capacité autant qu’elle le pouvait.
Comme ils l’espéraient, le Golem s’en prit au Grenousse. Ce dernier esquiva rapidement son attaque et reprit sa course vers les escaliers. La type Acier en profita alors pour bondir vers son point faible. Ayant la chance de se trouver dans son dos, elle remarqua que la lumière y était, et elle l’interpréta comme le fait que son angle mort était un danger pour lui. Très bien. Elle recouvra sa mâchoire d’un Vent Féerique, et l’autre la remarquant vint à sa rencontre avec un coup de poing. Sa stratégie s’en trouvant différente, elle annula sa capacité actuelle et utilisa Queue de Fer couplée à sa magie de renforcement Acier. C’était l’occasion de voir ce que valait sa force à l’heure actuelle, l’aidant ainsi à préparer son combat futur. Les deux attaques s’entrechoquèrent, provoquant une onde de choc. Elle se retrouva légèrement projetée en arrière, mais le coup ébranla tout de même son adversaire, qui recula d’un pas.
Cette capacité étant celle qui lui offrait le plus d’attaque brute, sa seule possibilité pour rivaliser avec le boss serait donc de dépasser ses limites. C’était envisageable de préparer un coup surpuissant, mais elle préférait le réserver pour lorsqu’elle aurait une occasion de le tuer. Si la lumière rouge était la seule partie de son corps ne pouvant se régénérer, alors elle n’aurait qu’une seule chance pour briser sa carapace de cristal. Elle atterrit doucement au sol, provoquant une onde à la surface de l’eau. De l’autre côté, Aoi était parvenu à la sortie, dans laquelle il s’engouffra. Mistid soupira, c’était déjà ça de fait. Face à elle, le Golem resta immobile en position de combat, sentant la menace que la Pokémon pourrait présenter. S’il ne leur avait pas porté la moindre attention un mois plus tôt, il semblait désormais sérieux.
Ce combat semble pouvoir devenir intéressant.
L’autre en resta stupéfaite. Jamais elle n’avait entendu un monstre lui parler par télépathie, ainsi elle douta que ce ne fut que sa voix intérieure. Puis elle se souvint qu’Aoi lui en avait parlé, sa conversation avec le serpent. Ro Tha’Kur était quant à lui doué de parole, alors tous les éléments faisaient sens : les monstres semblaient dotés d’une intelligence relative à leur force.
— Je te propose quelque chose, lâcha-t-elle, nous mettons notre affrontement en pause le temps que j’aille sauver mon amie, et on le reprend après. Qu’en dis-tu ?
J’ai laissé filer l’autre créature car tu es la seule à m’intéresser. Mais ce combat durera jusqu’à ta mort.
Elle soupira intérieurement, sachant pertinemment que les chances qu’il accepte étaient maigres. Si son rôle était de protéger cet endroit, alors il n’y faillirait certainement pas. Puis elle se mit à réfléchir. Au fond d’elle, elle savait qu’Aoi aurait pu éventuellement le vaincre. Etrangement pourtant, il était plus doué à affronter des Pokémon que des monstres, qu’elle pensa. Un explorateur. Comme si finalement tout faisait sens ici aussi. Les explorateurs sont la preuve que les Pokémon s’entretuent. Maintenant, quelle justice est la meilleure ?
— Dans ce cas-là, je n’ai pas d’autre choix que de te tuer. Tu m’en vois navrée, mais mon amie et mon disciple représentent ma seule famille, alors je ne les laisserai pas tomber !
Petite comme elle était, face à lui, c’était peine perdue que d’essayer de l’atteindre directement. Il lui fallait plutôt tenter de le déstabiliser d’une manière ou d’une autre. Toutefois, elle avait une stratégie qui pouvait marcher. D’une Vive-attaque elle bondit dans les airs en direction de son bras. Elle renforça alors sa mâchoire d’un revêtement métallique, et planta ses crocs dans le cristal. Elle exécuta alors un Vampibaiser, aspirant l’énergie magique du Golem. Le flux de magie s’écoulant à travers son corps de cristal était presque visible, c’en était hypnotisant. Le boss lui asséna l’équivalent d’un Casse-brique mais elle l’évita en se reculant vers l’avant de son bras. Il y avait mis toute sa puissance, ainsi le cristal se détacha à partir de son épaule et chuta vers le sol. Se propulsant d’une énième Vive-attaque, elle fendit l’air en direction de son cœur et y envoya sa plus puissante attaque Tempête de Fer. Elle commença par activer Queue de Fer, puis l’entoura d’un Vent Féerique. Enfin elle activa son renforcement Acier, imprégnant la tornade elle-même de l’éclat métallique. A pleine vitesse elle relâcha la puissante attaque au niveau de la lumière, provoquant une explosion. La tornade perfora le thorax du monstre, libérant une véritable tempête argentée dans son dos. J’ai gagné ! Je l’ai détruit ! cria intérieurement la Mysdibule.
Lorsque le vent fut dissipé, il ne resta qu’un large trou béant en lieu et place de cœur. Mais la créature la heurta alors de toutes ses forces, l’expulsant à travers les airs des dizaines de mètres plus loin. Elle ne comprenait pas comment c’était possible, elle venait pourtant de détruire ce qui pouvait être son seul point faible. Elle jeta alors ses yeux vers lui, et resta béate. La lumière avait changé de place. Désormais elle se trouvait plus bas, au niveau de son estomac. La Pokémon devait réussir à l’isoler du reste du corps avant de le détruire entièrement. Déjà le monstre se régénérait et son cœur reprit sa place originelle.
C’était une belle attaque, mais pas suffisante.
Sa voix résonnant dans l’esprit de Mistid, rien ne venait briser le calme de l’étage. Le bras du boss tombé au sol avait été absorbé par le plancher de cristal le temps que la type Acier se ressaisisse. La situation était vouée à se compliquer, maintenant qu’il l’avait vue à l’œuvre, et elle devait trouver un moyen de le découper. Percer des trous était bien, mais elle avait besoin de quelque chose de tranchant.
Puisque tu sembles déterminée à tout donner alors je ferai de même.
Il sauta alors dans les airs, s’élevant sur une cinquantaine de mètres avant de retomber violemment. Le choc pulvérisa le sol d’une puissante onde de choc. N’ayant pas réalisé, l’aventurière se retrouva piégée dedans, et sonnée s’envola. Le géant bondit alors vers elle, lui assénant un direct surpuissant. Elle chargea une nouvelle fois sa capacité Tempête de Fer pour le bloquer. La première fois qu’elle l’avait utilisée, elle avait pu utiliser le surplus de magie absorbé sur le Golem, mais cette fois son coup était moins puissant. Elle contra alors le poing du monstre, et la tornade provoquée lui entailla le bras.
De larges morceaux de cristal chutèrent au sol avant d’éclater en une multitude de petits fragments. Une lame. C’était ça qu’elle voulait, et elle savait que la seule manière de l’obtenir serait en combinant la résistance de l’acier avec la rapidité du Vent Féerique. Seulement, elle avait beau s’être entraînée longuement sur cette capacité, elle ne se sentait toujours pas en mesure de l’utiliser. Insuffler une magie de renforcement sur une capacité de type différent était très demandant, les deux cohabitant mal. Ainsi si elle voulait faire durer son combat il lui serait nécessaire de réutiliser Vampibaiser.
Pour ce qui était de Tempête de Fer, elle devait la réserver uniquement pour frapper un point unique. Dispersée, cette attaque manquait de puissance, elle devait la concentrer pour la rendre léthale. La situation ne s’y prêtant pas, il lui fallait absolument changer de stratégie. Si elle devait couper la créature en morceaux, alors elle devait trouver le moyen de faire le moins de coupes possibles. Considérant sa vitesse de régénération, elle devrait agir vite. Pourtant, elle décida pour le moment de temporiser.
— Quel avantage as-tu à m’empêcher de passer ? Je sais pertinemment que je ne suis pas la première que tu croises. D’autres plus forts t’ont déjà battu, qu’est-ce que cela change ?
C’est ma mission. Et je ne faillirai pas à ma mission.
Mistid avait un sentiment de déjà-vu.
— C’est-à-dire ? Quelle est cette mission ? Que protèges-tu ?
Je n’ai pas à te répondre.
— Oui, mais je doute qu’il y ait beaucoup d’aventuriers te posant cette question. Déjà, combien savent que tu peux communiquer avec nous ?
L’autre resta silencieux quelques instants, comme méditant sur ces paroles. Il était vrai que la plupart des Pokémon descendant dans le Donjon ne se souciaient pas de ce genre de choses. A vrai dire elle-même ne s’en soucierait pas sans le speech tenu par Aoi dans la jungle. Désormais, ces détails la frappaient autant que l’intéressaient. Que faisait-elle ici ? A quoi servait-elle en tant qu’aventurière ?
— Je me demande souvent, dit-elle, ce que je fais. A vrai dire, je ne me serais jamais demandé cela avant que mon stupide disciple ne m’en parle. Je suis une aventurière, pas une exploratrice. Pourtant depuis un mois, je me considère comme exploratrice plus qu’autre chose. Je descends pour sauver quelqu’un, pas pour ramener des pierres magiques.
Je ne vois pas où tu veux en venir.
C’était prévisible, après tout elle employait des termes caractéristiques de la société en surface, le seul moyen pour lui de comprendre était de lui expliquer.
— Conserves-tu ta mémoire après être mort ?
Je ne meurs jamais. Mon âme ne se trouve pas ici, si tu veux savoir. Il en va de même pour les autres monstres, notre existence ici constitue une dissociation entre le corps et l’esprit.
— Alors où est-elle ? fit l’autre, interloquée.
Dans une dimension différente. Un plan accessible uniquement par le fond du Donjon, un endroit que vous n’atteindrez jamais. Votre espèce sera éteinte bien avant.
Le regard de la Mysdibule se perdit le long de la ligne d’horizon. Peut-être sans s’en rendre compte, le Golem venait de résumer l’absurdité de sa situation.
— C’est bien de ça que je te parle. Nous n’avons aucun intérêt à atteindre votre dimension, car même si nous y arrivions, nous serions sûrement exterminés. Alors pourquoi continuer ? Je suis convaincue que le monde serait différent aujourd’hui si la familia Kyogre ne s’était pas attaquée à Azama. Si Agnil était encore vivant, Ayonis et la Division Zéro seraient sûrement neutralisés à l’heure qu’il est ! Et peut-être qu’Elna ne serait pas aussi insupportable…
Agnil… Etrangement, ce nom m’est familier. Il résonne dans mon esprit comme par instinct.
Mistid ne l’écoutait qu’à moitié, perdue dans ses pensées. C’était étrange de finalement s’adresser à quelqu’un qui n’était pas un Pokémon. Un mélange particulier entre rêve et cauchemar. Quoi qu’il arrive désormais, elle quitterait la familia Suicune. Elle ne savait que faire après, mais cela lui paraissait évident. Elle n’y était que parce que Jiyana y était, qui elle-même y était pour Ayonis. Tout ceci devait prendre fin aujourd’hui, ou la page ne se tournerait jamais.
J’ai le sentiment que notre discussion est terminée. Prends garde, le vrai combat commence maintenant.
Du cristal s’écoula depuis le sol jusqu’à sa main, jusqu’à former une longue lame semblable à un katana. Dans son dos deux ailes de papillon constituées d’énergie apparurent, contrastant avec l’aspect minéral du reste de son corps. Son arme également semblait être imprégnée d’énergie, comme une fumée bleutée s’élevait dans les airs.
Tu parles de sauver ton amie. Tu as de la chance que l’autre ait été là pour y aller, car seule tu serais probablement morte dans cette pièce. Maintenant, comment comptes-tu sauver quelqu’un qui se trouve derrière-moi si tu n’arrives pas à me vaincre ?
Et sur ces dernières paroles il trancha l’air à la verticale, provoquant une onde de choc qui découpa le sol de part en part. Mistid l’esquiva d’une Vive-attaque, mais sa puissance n’en restait pas moins terrifiante. Visiblement, ce combat allait annihiler la tranquillité propre à cet étage. Peut-être le piège était-il là, un monstre et un environnement à l’apparence calme se révélait être en fait l’enfer de ses adversaires. Quoi qu’il en soit, le fait qu’il se battre avec une lame ne fit que soutenir l’aventurière dans son idée d’en développer une elle-même.
Une fois engouffré dans l’escalier descendant à l’étage suivant, Aoi sentit son cœur se serrer. Jamais n’avait-il été aussi proche. Jetant un dernier regard derrière-lui, il se mit à courir vers le bas. Plus il avançait, plus il lui semblait apercevoir les silhouettes de la Roussil et du Dracaufeu. Heureusement elle semblait aller bien ! Maintenant, le véritable problème était la présence d’Ayonis dans les parages. Il s’était entraîné pour ce moment, mais il comprenait à quel point c’était un monstre de puissance. Il avait besoin d’un miracle s’il voulait le mettre K.O. Seul sur le grand escalier rectiligne, il sentait le vent lui balayer le visage à mesure qu’il avançait.
Jamais il n’aurait cru, en entrant dans le Donjon ce matin-là, qu’il vivrait l’aventure la plus folle qu’il n’ait jamais connu. Il se sentait tellement coupable pour Roscoe et Victini, qui devaient le penser mort depuis longtemps déjà. Il espérait juste qu’aucun des deux n’ait pris de décision importante avant son retour, si retour il y avait. A l’heure actuelle il n’était toujours pas certain de pouvoir gagner, après tout. Il chassa cette pensée de sa tête ; il n’avait pas le choix, sinon tout cela n’aurait servi à rien. Une centaine de mètres les séparaient désormais. Courant aussi vite qu’il pouvait, il craignait que son amie ne lui échappe encore une fois. Allez Aoi, fonce !
— Jiyana !! cria-t-il.
La Roussil ne rêvait pas. Quelqu’un venait de crier son nom, au loin. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas entendu une voix familière, c’était presque un sentiment étranger désormais. Elle se tourna en direction de la voix, et aperçut une petite forme dévaler les marches. Le Grenousse utilisa Vive-attaque, se propulsant dans les airs dans leur direction. Il activa sa magie de renforcement autour de son bras, et ainsi se forma un ressort aqueux. La structure élastique se compressa comme il s’apprêtait à donner un coup de poing. Désormais, Jiyana put distinguer de qui il s’agissait.
— Aoi ?! s’étrangla-t-elle.
— Intéressant… sourit Ayonis. Moi qui le croyais crevé depuis longtemps.
Arrivant à toute vitesse, l’explorateur asséna un Hydro Poing au Dracaufeu. La tension contenue dans le ressort se relâcha, démultipliant sa force. Pris par surprise, le dragon n’eut pas le temps de réagir et se retrouva le souffle coupé. Le choc l’envoya rouler quelques mètres plus loin.
— Vite Jiyana, vas-y ! Mistid t’attends là-haut, elle a besoin d’aide !
— Mistid est en vie ? fit-elle les yeux embués de larmes avant de se ressaisir. Non, tu vas te faire tuer ! Je refuse de partir d’ici !