C.28 : Plus d'espoir
Récapitulatif du dernier chapitre :
Le duo se retrouve face-à-face avec le groupe de la familia Reshiram. Une dispute s’en suit entre Aoi et Elna, cette dernière emplie de tristesse et de colère envers elle-même. La situation dégénérant, ils remontent et les deux autres décident d’affronter le Golem de Cristal. Mais celui-ci est bien trop puissant, et ils se font battre à plates coutures. Mistid parvient alors à s’échapper avec Aoi, et les voilà de retour au dix-neuvième étage.
***
~An x1834 après Arceus~
Quelques heures plus tard, Aoi se réveillait. Il était allongé par terre et la Mysdibule se trouvait assise non loin. Perdu, il prit un certain temps pour observer les alentours, et finit par se rendre compte qu’ils étaient proches de la jungle.
— Que… Que s’est-il passé ? lui demanda-t-il.
— Tu es tombé inconscient et j’ai dû te sauver. Classique. Ce boss est beaucoup trop fort pour nous, on ne parvient même pas à lui échapper. Ce qui veut dire que nous sommes bloqués ici jusqu’à ce que nous puissions passer outre lui. Ça veut dire qu’on va devoir gagner en expérience, dit-elle en se levant.
— Je m’en doutais, si nous avions pu le passer sûrement nous aurions été tués par Ayonis. Comment comptes-tu autant progresser ?
— Simple, répondit-elle. A partir du niveau quinze, les étages sont peuplés de quelques monstres rares. Selon les registres cette rareté se divise en plusieurs niveaux allant jusqu’à des créatures légendaires. Bien sûr leur force est proportionnelle, et ils sont aussi difficiles à trouver. Un monstre au statut légendaire serait peut-être aussi fort que le Golem lui-même.
— Mais combien de temps est-ce que cela va nous prendre ? On ne peut pas le perdre !
— Ne t’inquiète pas, nous disposons d’un peu de temps. Je sais qu’il ne tuera pas Jiyana. Du moins pas tant qu’il restera une infime partie de son esprit qui soit saine.
— Comment peux-tu le savoir ? lui demanda-t-il.
— Je le connais… Pas aussi bien que la Roussil, mais nous avons tous les trois un passé commun. Ce serait trop long à t’expliquer, mais il n’a pas toujours été ce monstre. Quelque chose l’a changé, et je pense que Lira est impliquée. Quoi qu’il en soit, notre but est de perfectionner nos aptitudes pour tuer ces monstres rares. Te concernant j’ai quelques idées pouvant t’aider. Etant mon disciple, c’est avec joie que je te partage ces enseignements.
Gêné, Aoi la laissa s’exprimer. Ainsi elle lui évoqua le fait que son attaque Hydro Poing était très gourmande en ressources magiques pour une efficacité réduite. A la fin, il vidait ses réserves à toute vitesse mais n’infligeait pas de dommages suffisants à ses adversaires.
— Déjà, pourquoi utiliser cette capacité si tu veux juste infliger un coup de poing ? Pourquoi ne pas simplement entourer ta patte d’eau ? Et si tu veux te servir de Vibraqua comme base, alors transforme tes anneaux en un ressort ! Si tu réussis, ça devrait décupler la puissance de tes coups !
Il observa ses poings, songeant à ces conseils. En effet, s’il parvenait à rendre la structure de ses anneaux élastique, son style de combat pourrait changer drastiquement. Pour l’heure, il lui manquait toujours une bonne offensive, alors c’était l’occasion idéale pour la développer.
— Voilà le déroulé des prochaines semaines. D’abord on s’entraînera chacun de notre côté pour se préparer, puis nous nous affronterons l’un contre l’autre, et enfin on chassera les monstres rares et les mini-donjons.
— Des semaines ? s’étrangla le Grenousse.
L’autre acquiesça. Connaissant la puissance du Golem et du Dracaufeu, leur redescente ne pouvait pas se prendre à la légère et il leur fallait être au point. Cette fois-ci, ils ne laisseraient pas Jiyana leur échapper des mains. Ainsi débuta leur session d’entraînement. Mistid partit trouver un abri pour la nuit, tandis qu’Aoi se tourna vers l’arbre le plus proche pour exercer sa frappe. C’était inutile d’aller affronter des monstres maintenant, il devait déjà être en mesure de visualiser la capacité qu’il voulait utiliser. Activant son renforcement, il s’efforça alors de faire apparaître une forme remplie d’eau autour de son petit bras. Il lui fallut longtemps avant de réussir à produire quelque chose ressemblant à un ressort. Lorsqu’il y parvint, il le compressa et donna un coup de poing contre le tronc de l’arbre. C’était toutefois insuffisant et l’attaque éclata mollement.
Il me manque encore l’élasticité… songea le Grenousse. Je peux lui donner la forme que je veux, sans ça je n’arriverai à rien. Maintenant qu’il parvenait à modeler ses anneaux selon une forme de ressort, il continua longuement à s’entraîner. La nuit finit par tomber, plongeant la jungle dans l’obscurité. S’efforçant de n’utiliser que son bras droit, sa patte était recouverte de sang. Le seul arbre sur lequel il s’était entraîné était légèrement abîmé, l’écorce étant tombée. Ce n’était toutefois pas suffisant, il était censé se briser dès le premier coup. Mistid arriva alors.
— J’ai trouvé une grotte pouvant nous servir d’abri, l’informa-t-elle. Suis-moi, tu t’entraîneras là-bas plutôt.
Et sur ces mots elle se dirigea vers l’intérieur de la forêt. Aoi lui emboîta le pas, et une quinzaine de minutes plus tard ils débouchaient au pied d’une falaise. Au milieu de celle-ci se trouvait un trou menant à une petite grotte visiblement artificielle. Deux tas de feuille étaient posés de chaque côté, probablement leurs couchettes. L’endroit était petit et mal éclairé, mais il avait le mérite d’être discret. Durant les deux premières semaines, ils s’entraînèrent donc séparément, déversant leurs sentiments contre tout ce qui passait, arbres, rochers, ou monstres. Dans leur tête il n’y avait qu’un seul mot d’ordre : devenir plus forts.
Le Grenousse multipliait les Hydro Poings, dans l’espoir de parvenir à rendre son ressort réellement élastique et ainsi lui faire emmagasiner de la puissance. Les conseils que lui avait donné la Mysdibule faisaient sens, ainsi il mit tout son cœur à y parvenir. Le soir, il rentrait dans la petite grotte et s’allongeait sur la paille, les yeux fixés sur la voûte rocheuse au-dessus de lui. Son acolyte revenait presque tous les jours plus tard que lui, épuisé.
— Tu ne dors pas ? lui demanda-t-elle.
La nuit était déjà bien avancée, mais ses yeux ne voulaient juste pas se fermer. Il réfléchissait en boucle.
— Je n’y arrive pas. Et toi ?
Elle secoua la tête, allongée sur sa propre couchette.
— Je n’arrête pas de penser à Jiyana, répondit-elle. J’ai juste envie de courir jusqu’à elle, mais j’en suis incapable. C’est tellement frustrant…
— Est-ce que tu imagines, parfois, ce qui arrivera une fois en bas ? s’enquit Aoi.
— Tous les jours. Le meilleur comme le pire scénario, variant encore et encore. Si je devais en choisir certains pour les qualifier de réalistes, ce ne seraient que les situations où je meurs.
L’explorateur la regardait, avalant chacune de ses paroles.
— Moi aussi… souffla-t-il. Je ne sais même pas à quoi ressemble mon adversaire, mais je ne peux m’empêcher de me dire que je n’ai pas la moindre chance.
— C’est pour ça que nous devons devenir plus forts.
— Je ne sais pas… hésita le Grenousse. Il n’y a pas que ça… Je n’arrête pas de repenser aux deux aventuriers qui sont morts par ma faute. Je les ai chassés de colère, j’ai peur de devenir un monstre comme Ayonis !
Un long silence suivit ses paroles, la Mysdibule fixant le plafond. Elle semblait réfléchir, les paroles de son interlocuteur provoquaient quelque chose en elle, un sentiment de tristesse qu’elle ne savait décrire. Tout ce qui arrivait n’était qu’une suite de malheurs.
— A vrai dire, tu lui ressembles… dit-elle à la stupeur d’Aoi. Je veux dire… pas comme ça, mais dans le fond ce n’est pas quelqu’un de méchant ni dangereux. C’est juste que… je ne sais pas ce qui lui est arrivé.
L’autre se releva, sa curiosité étant piquée.
— Tu m’as dit que tous les trois, vous vous connaissiez depuis longtemps ?
Elle acquiesça.
— Oui. Je t’expliquerai tout ça mais une autre fois, te parler m’a donné envie de dormir.
Et sur ces mots elle tourna le dos au batracien et se mit à dormir, sous ses yeux ébahis. Que voulait-elle dire par là ? Je ne comprends pas… il a pourtant tout l’air d’un monstre… ! Il l’a attaqué de sang-froid et laissé pour morte, et a kidnappé Jiyana. Comment ne peut-elle pas le détester ? Il médita longuement sur ce qu’elle venait de lui dire et ne dormit que très peu cette nuit-là.
***
Cela faisait maintenant deux semaines qu’Aoi était descendu dans le Donjon, et il n’y avait plus aucune trace de lui. Morts d’inquiétudes, Roscoe et Victini étaient allés voir la familia Reshiram pour essayer de le localiser. Adrian leur avait dit que Mistid et lui étaient déterminés à vaincre le Golem et sauver Jiyana des griffes d’Ayonis plusieurs jours avant, en insistant bien qu’ils ne remonteraient probablement pas. Mais ils espéraient toujours le voir remonter, alors ils demandaient régulièrement aux aventuriers si personne ne l’avait vu.
— C’est inutile, les gars, soupira Oreloc.
Ils le croisèrent dans le hall du palais Reshiram, dont les pierres blanches illuminaient les tapisseries rouges accrochées aux murs. A cet instant il revenait justement du Donjon, mandaté pour aller aider des aventuriers de la familia coincés à l’étage dix-huit.
— Personne ne les a vus depuis la fois où ils sont partis attaquer le Golem. Tout porte à croire qu’ils sont morts. Si vous tenez véritablement à croire en son retour, vous pouvez toujours attendre une semaine de plus. Mais vous risquez d’être déçus…
Victini afficha une mine profondément triste, les larmes lui montant aux yeux. A côté, Roscoe avait le regard dans le vide. Ce n’était pas la première fois qu’il voyait quelqu’un mourir parce qu’il n’avait pu le protéger. Encore une fois, il ne parvenait pas à être à la hauteur. Il se retourna et s’en alla. Le remarquant, la petite créature rouge accourut après lui.
C’était difficile pour eux, et ils n’en parlaient que très rarement. Alors que la V-Team commençait enfin à se développer, leur ami disparaissait soudainement. Aoi était un peu leur seul espoir, puisqu’il était le seul à pouvoir se rendre dans le Donjon. Ils ne savaient pas s’ils devaient aller de l’avant où tout arrêter.
— Devrait-on trouver quelqu’un ? Je veux dire… Si jamais…
— Je ne sais pas, lui répondit le Pokémon Victoire. Je ne veux pas remplacer Aoi…
— Moi non plus.
Et en silence ils revinrent dans leur maison, qui semblait étrangement vide sans le troisième mousquetaire. Tous deux s’assirent dans la petite cuisine, face à face, et laissèrent le temps s’écouler. Roscoe éprouvait un profond sentiment de culpabilité. Il s’en voulait de ne pouvoir retourner dans le Donjon. Si seulement il avait pu être avec lui, alors peut-être que les choses auraient été différentes. Une semaine s’écoula ainsi, et les deux amis durent se rendre compte de l’évidence : le Grenousse était mort.
Il était tôt, le soleil n’illuminait pas encore le ciel et l’on pouvait encore bien voir les étoiles. Roscoe sortit de la maison en bois, un petit balluchon accroché dans son dos. Victini dormait encore, mais il l’avait prévenu la veille qu’il s’en allait. Il se mit à marcher en direction des portes de la ville, là où il prendrait une charrette magique qui le conduirait jusqu’à Revierre, la capitale du pays. Il retournerait à ses origines pour redevenir celui qu’il était avant.
Ainsi quelques heures plus tôt lui et son ami eurent une longue et intense discussion. La perte d’Aoi était difficile pour les deux Pokémon, et chacun réagissait à sa manière. D’un côté, le Chacripan était absorbé par la culpabilité et tentait de revenir à ses sources. De l’autre, le maître de guilde avait choisi de rester à surveiller le quartier général de la V-Team. Au fond, Roscoe le soupçonnait de toujours croire en un retour surprise de la grenouille, mais lui réalisait à quel point c’était impossible. Il est temps de revenir sur Terre, ce sont pourtant les risques du métier…
Qu’importe, si Victini vivait le deuil de cette manière, c’était peut-être mieux pour lui. Il s’en voulait de le laisser seul, mais il avait lui-aussi à faire. De longues minutes de marche plus tard, il parvint au niveau d’une haute porte en pierres. Tout en bas, le long de la route, se trouvait une charrette de transport. L’objet était tracté grâce à un moteur magique, et il pouvait accueillir une douzaine de Pokémon. Rapidement, le chat jeta un œil aux passagers déjà présents, mais il ne reconnut personne d’intéressant.
— Alors tu t’en vas vraiment ?
Il sursauta presque et découvrit dans son dos Adrian, appuyé contre un mur. Depuis quand savait-il se rendre aussi discret ?
— Oui. C’est maintenant ou jamais.
Le Simiabraz s’approcha, la mine grave.
— Es-tu certain que c’est la meilleure solution ? Je veux dire… retourner à Revierre.
Roscoe baissa les yeux au sol, réfléchissant rapidement.
— Oui, dit-il alors. Je n’ai aucune autre possibilité.
— C’est faux, commenta l’aventurier. Tu ne tenteras donc pas le Donjon ?
— Non. Tout ce que je chérissais le plus a disparu à cause de cette tour maudite, je ne pense pas y remettre les pieds un jour.
Adrian se tourna vers celui-ci, fronçant les sourcils.
— Pourtant, quelque chose me dit que notre destin est inévitablement d’y retourner, quoi que l’on dise.
Plus loin, le Chacripan vit que le conducteur de la charrette l’appelait à monter en vitesse. Il le fixa plusieurs secondes puis dirigea son regard vers son interlocuteur.
— J’espère que nous aurons l’occasion de nous revoir, Adrian. Prends-soin de toi.
— Nous nous reverrons, sois-en sûr. Bonne chance dans ton aventure, Roscoe.
Et sur ces mots les ex-compagnons prirent chacun un chemin différent. Le félin mauve grimpa dans le véhicule de bois et s’installa au fond, à côté d’un Ursaring qui le fixait. Durant l’entièreté du voyage, qui dura plusieurs jours, il n’adressa la parole à personne, perdu dans ses pensées. Nous nous reverrons, sois-en sûr. Cette phrase tournait en boucle dans sa tête. Il n’y a aucune raison que leurs chemins se croisent à nouveau, leurs seuls liens ayant disparu dans les profondeurs du Donjon.
Pourtant, cette conversation avait fait naître un doute dans son esprit. Comme un mauvais pressentiment, il commençait à craindre son arrivée à Revierre. Après tout, la capitale était particulièrement agitée en ce moment, à l’approche du grand tournoi mondial.