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Sang Royal - Tome 1 : Trahison de groudonvert



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» Auteur : groudonvert - Voir le profil
» Créé le 01/08/2021 à 14:56
» Dernière mise à jour le 02/05/2022 à 18:02

» Mots-clés :   Action   Drame   Policier   Sinnoh   Suspense

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Chapitre 21 : Le combat de l’héritière
Lorsque l’explosion se termina, Démolosse pirouetta dans les airs avant de se réceptionner à quatre pattes. D’un signe de tête, il confirma à sa Maîtresse que tout allait bien. Il vit ses épaules s’affaisser et son souffle repartir… son cri strident et son attitude montraient qu’elle avait été inquiète que quelque chose ne se passât pas comme prévu.

Lorsque la fumée recouvrant une partie du terrain se dissipa, le corps de Séphira apparut au grand jour. Les écailles sur son dos avaient complètement disparu, laissant sa peau à nue où elle était grièvement brûlée au deuxième degré – au mieux. Le reste de son corps ne se portait guère mieux, mais lorsqu’il la vit remuer, Démolosse fut rassuré : elle était toujours vivante.

- Mais… qu’est-ce qui s’est passé ? demanda le Dresseur de Séphira, complètement incrédule.

Alors que Clara se lançait dans les explications, Démolosse se remémora les évènements de lui-même.

Alors que Séphira lui avait fait face plusieurs mètres au-dessus de lui, Démolosse avait créé un clone. Il avait alors repoussé Démolosse de toute la puissance de ses pattes, pendant que le vrai avait lancé l’attaque Reflet. Caché juste en-dessous de lui, Séphira n’avait rien pu voir.

Pire encore, au niveau trois de sa Machination, ses clones avaient la particularité d’être faits à partir du liquide empoisonné dont il se sert pour attaquer. Ils étaient plus faibles et moins résistants que ceux qu’il créait d’habitude, mais n’importe quel adversaire assez fou pour les détruire physiquement se retrouvaient immédiatement recouvert du liquide inflammable.


- Je t’avais prévenu Séphira, maintenant, assume les conséquences.

Et pour faire bonne mesure il avait craché un Rebondifeu dans la fumée explosive. Cinq ans auparavant, il s’était juré qu’il ferait regretter celui qui se servirait de cette attaque contre lui. Il n’avait pas prévu que cela fût Séphira la cible, mais cela n’avait aucune importance. Au moins, Draco aurait une bonne raison de lui en vouloir.

- Démolosse a passé les cinq dernières années à entraîner cette esquive, compléta sa maîtresse.
- Mais c’est… c’est impossible ! Démolosse n’est pas de Sang Royal !
- Change de disque Florian, t’es plus crédible, le railla-t-elle. Tu… mais qu’est-ce que ?

Les deux Dresseurs et lui-même hoquetèrent de surprise en voyant Séphira se relever. Son museau était rouge du sang qu’elle avait craché. Ses yeux épuisés ne trahissaient en guère la détermination dont elle faisait preuve.

- Séphira, ça suffit ! Tu ne peux pas gagner contre moi.

Il la suppliait d’abandonner. Il savait depuis le début qu’elle ne pourrait jamais le battre, il avait voulu lui donner une leçon, mais n’avait jamais eu l’intention de la tuer. Si elle continuait comme ça, elle allait mourir.

- Je… suis… l’Héritière, cracha-t-elle de manière saccadée. Je… peux pas… j’peux pas… aban… donner. Pas… maintenant !

Elle avait du mal à parler, ses poumons devaient aussi être atteints. Mais malgré tout, elle se jeta sur lui avec une Dracocharge. Lorsque l’attaque atteignit son clone, il disparut dans un nuage blanc. Pantelante, elle s’écroula au sol, mais ses yeux restaient malgré tout ouverts.

- Il est encore en pleine forme ! s’alarma le Dresseur adverse.

C’était tout à fait exact. Ayant pu éviter la plus terrible attaque de Séphira, il n’avait pratiquement subi aucun dégât majeur. Il avait pu alors créer un nouveau clone, juste au cas où.

- Pourquoi ? demanda-t-elle faiblement.

Du haut de son perchoir, Démolosse lui répondit avec tristesse :

- Je suis désolé Séphira. Mais ton frère a déjà perdu. Même si tu réussissais à me battre, tu ne pourrais pas l’affronter. Je ne peux pas te laisser continuer à te mettre en danger comme ça.

Les yeux ronds, Séphira se tourna vers son Dresseur. Si cette dernière voulait dire quelque chose, il ne sut jamais quoi : elle avait recommencé à cracher des calots de sang.

- Saphira, ajouta-t-il, compatissant pour la réconforter un peu. Tu as parfaitement exécuté ton attaque, elle était telle que je m’en souvenais.

Mais avant qu’elle ne pût lui répondre, Florian s’était déjà avancé vers elle.

- Minidraco, dit-il, d’un ton plus froid que la glace au pôle nord. Le Roi des Dragons, tout de suite.

« Elle peut utiliser cette attaque ? » s’inquiéta-t-il aussitôt.

Il ne savait rien d’elle, mais d’après ce que lui avait dit Draco, elle était capable de vaincre Xatu lui-même. Si Séphira s’exécute, il n’aurait aucun moyen de la contrer ou de l’esquiver de là où il était.

- Démolosse, répondit sa maîtresse d’un ton très calme, trop calme. Oméga !

Après un instant d’hésitation, il commença à charger son énergie. Il s’agissait de très loin de l’attaque la plus puissante dont il avait à disposition. Au moment où il la relâcherait, Séphira allait mourir. Mais Clara leva alors la main.

- Quand je rabaisserai ma main, Démolosse va relâcher Oméga. Ton Pokémon n’aura aucune chance d’esquiver cette attaque et quelle que soit la vitesse dont il fera preuve, Oméga l’atteindra avant qu’il n’ait frappé mon Pokémon. Alors, je te le dis une toute dernière fois : abandonne !

Tête basse, les yeux fermés, Séphira annonça sa réponse :

- J’abandonne.

Soulagé, il arrêta Oméga, il n’avait aucune envie de tuer la sœur de Draco. Mais ce dernier effort avait été de trop pour la jeune Dragonne qui s’étala dans son propre sang et dans la poussière de l’arène. Son Dresseur s’approcha alors d’elle la main dans les poches. Il s’attendait à ce qu’il la rappelât pour l’emmener au Centre Pokémon aussi vite que possible, mais à son visage déformé par la rage, Démolosse comprit que ce n’était pas son intention.

Lorsque le Dresseur leva le pied pour frapper son propre Pokémon en pleine tête, Démolosse usa de Coup-Bas pour s’interposer et se servit alors de Queue de Fer pour bloquer le coup. Grâce à son membre durci par l’acier, il ne ressentit guère le coup. Une fois arrêté, il enroula son appendice caudal autour de la jambe levée de son adversaire et l’envoya rouler dans la poussière. Lorsque ce dernier se releva, c’était Clara qui l’attrapa par derrière, récupéra la Poké Ball de Séphira avant de le jeter contre le mur où il s’affaissa.

- Xatu, descends s’il te plaît, ordonna-t-elle.

Sa Maîtresse rappela immédiatement Séphira avant de se tourner vers lui :

- Amène-le au Centre Pokémon, s’il te plaît.

Le Pokémon Mystique acquiesça, récupéra la Poké Ball dans son bec avant de se téléporter.


*_*_*_*_*_*_*_*_*

Tant bien que mal, Florian se releva. Il s’appuya un instant contre le mur pour rétablir son équilibre. Le choc contre le mur lui avait fait voir trente-six chandelles. Il se frotta la tête, tentant de voir s’il était blessé, mais heureusement il n’aurait qu’une bosse. Avant qu’il n’eût l’occasion de réagir, Clara se pointa devant lui, elle avait le regard d’une chasseresse ayant découvert sa proie, un sourire carnassier sur le visage. De sa main droite, elle l’attrapa au cou par son veston, mais avant qu’elle n’eût le temps de parler, une queue de Draco surgit sur sa gauche. Les deux perles du dragon brillaient intensément, signe qu’il s’agissait d’une Queue de Fer.

« Merci Dragos de me sauver la mise. » pensa-t-il.

Sans se laisser surprendre, Clara frappa du tranchant de la main avec une précision chirurgicale, pile entre les deux perles de la queue du Dragon qui avaient subitement cessé de briller. Cette dernière s’effondra au sol, tandis que la Championne Ultime relâchait son étreinte sur son cou, sans pour autant le laisser. « Je t’ai sous-estimée » aurait-il aimé lui dire, mais sa voix resta coincée dans sa gorge. Clara ferma les yeux un instant et inspira profondément avant de les rouvrir :

- Je me suis longtemps demandé pourquoi un Draco lancerait une Queue de Fer contre un Pokémon pouvant utiliser Croc Feu. C’est stupide, pourquoi risquerait-il de s’exposer à son point le plus vulnérable ?

Mais de quoi parlait-elle ? Son esprit était confus, il ne comprenait pas pourquoi il n’arrivait plus à parler.

- Mais en voyant notre combat d’aujourd’hui, je me suis aperçu de quelques petits détails amusants. D’après ce que j’ai pu voir, aucun de tes Pokémon ne sait utiliser des attaques qui ne sont pas de leur type. Ils se sont vraisemblablement contentés d’apprendre des attaques de couverture, comme Lance-Flammes, Déflagration ou encore Queue de Fer.

Est-ce que Clara pouvait arrêter de tourner autour du pot et lui expliquer pourquoi il n’arrivait plus à bouger ?

- En réalité, tes Pokémon ne se sont concentrés uniquement sur leur plus gros point fort : la vitesse. Aucun d’eux ne connaissent leurs points faibles. Moi je connais les points faibles de Draco et Démolosse les connaît aussi, c’est pour ça que tu n’as pas réussi à me battre aujourd’hui : tu ne connais pas les points faibles de tes propres Pokémon.

Ses yeux verts s’éclairèrent un instant avant qu’elle ne poursuivît :

- En réalité ce ne sont pas tes Pokémon, j’me trompe ?

Elle se rapprocha alors de son visage, si prêt qu’il pourrait croire qu’elle allait l’embrasser. Leurs regards se croisèrent, il se demanda ce qu’elle lui voulait et pourquoi elle essayait de lire en lui de cette façon. Elle finit par chuchoter :

- Tu es un Métamorph, pas vrai ?

Les yeux ronds comme des soucoupes, il comprit alors la gaffe qu’il venait de commettre.

« Merde, je me suis trahi ! » pensa-t-il aussitôt.

- Tu ne t’es pas trahi, poursuivit-elle, comme si elle avait lu dans ses pensées. J’avais déjà compris que c’était toi le responsable derrière tous les assassinats de Pokémon et de Dresseurs. Tu devrais faire un peu plus attention à qui tu prends l’apparence mon cher, ça peut très facilement se retourner contre toi.

Son attaque précédente l’avait cloué sur place, incapable de bouger. Pourquoi ? Pourquoi sa Queue de Fer avait-elle été stoppée lorsqu’elle avait frappé ses perles ? Et comment se faisait-il que son corps entier fût bloqué, alors que la queue ne faisait pas partie de l’apparence d’origine de ce Florian ? Clara ne lui faisait pas peur, elle n’avait qu’énoncer des banalités. Elle avait découvert qu’il était le coupable uniquement parce qu’il s’était trahi en en faisant beaucoup trop.

S’il arrivait à bouger, il pourrait se débarrasser d’elle et partir. Il avait quelques sensations dans ses doigts et ses jambes, ce qui lui permettait de rester debout, mais il ne pouvait que légèrement les bouger.

- Ça ne sert à rien de te débattre, lui lança le Démolosse. Tu seras bloqué ici avec nous pendant plusieurs minutes.

Évidemment, avec lui comme chien de garde, s’échapper ne serait pas facile. Comme il était lui-même un Pokémon, inutile de dire qu’il comprenait leur langage. Après l’interruption de son Pokémon, Clara reprit la parole :

- Pour approcher tes victimes, tu ne pouvais pas te faire passer pour n’importe qui. Il te fallait quelqu’un qui soit connu par les gens de la région, ayant le soutien de la population et surtout qui pouvait aller et venir entre la région de Rivamar, les Rives du Lac Courage et la Grotte Retour sans attirer l’attention. Une personne que personne ne suspecterait, parce qu’elle se mettrait en quatre pour mettre un terme aux attaques contre les Dresseurs, quitte à se ruiner la santé.

La pression sur son cou se relâcha complètement lorsqu’elle retira sa main, mais elle ne s’éloigna guère de lui. Elle inspira profondément avant de poursuivre :

- En réalité, la personne pour qui tu te faisais passer était Clara Galano elle-même.

L’adolescente n’hésita pas à se pointer elle-même du doigt pour accentuer son propos. Mais le Métamorph resta de marbre, attendant la suite de ses explications.

- Reprenons depuis le tout début, si tu le veux bien. Pour te faire passer pour quelqu’un, il te faut plusieurs choses : son apparence, ses habitudes vestimentaires, sa sociabilité et son caractère. Premièrement, tu es allé récupérer les clés de l’arène et tu m’as donné rendez-vous un jour avant. Tu t’es fait passer pour ma secrétaire à ce moment-là. J’imagine que tu as copié l’apparence de Sophie Dourm pour te faire passer pour sa cousine, pas vrai ? Vu qu’elle travaille maintenant à la Faculté de Rivamar, récupérer mes informations personnelles n’a pas dû être très compliqué pour toi.

Un souvenir surgit dans sa mémoire, il se revoyait rendre visite au Directeur de la Faculté, saluer celle dont il volerait l’apparence avant d’entrer dans le bureau. En menaçant Edward de révéler sa véritable identité – ce qui l’enverrait en prison – il avait pu récupérer les données personnelles de Clara Galano. Le moment venu, il était discrètement entré dans l’appartement de la vraie secrétaire de la Championne Ultime en passant pour son colocataire. Puis il était allé attendre la Championne à l’arène.

- Tu en avais profité pour me traiter durement, te permettant de voir comment je réagirais quand je suis mise sous pression injustement. Je ne saurais dire si ça t’a suffi ou non, mais tu as renouvelé l’expérience le lendemain. Profitant qu’un étudiant m’ait laissée seule avec le directeur, tu as pris l’opportunité de le remplacer. N’est-ce pas Lucien ?

Jusqu’à quel point avait-elle découvert la vérité ? Le Pokémon aux multiples visages retenait son souffle, si elle en savait trop, tout allait se compliquer pour lui.

- Donc, reprit-elle. Tu t’es fait passer pour lui, te permettant d’obtenir une information cruciale pour commencer à te faire passer pour moi auprès de la population de Rivamar : mon apparence de ce jour-là. J’imagine que le fait que tu aies un Draco identique au mien n’était pas un hasard. Avoir le même Pokémon que sa cible est important, surtout si on est provoqués en duel.

Les yeux ronds, il ne put s’empêcher de déglutir ; il voyait parfaitement où la détective en herbe voulait en venir.

- J’ai trouvé ça très étrange que ce David veuille une revanche contre moi, alors que je ne l’avais jamais affronté, avoua-t-elle. Il voulait affronter Draco une nouvelle fois et était très déçu quand je ne l’ai pas sorti. Il m’avait également donné une information sur quand avait eu lieu ce premier combat et c’est là que j’ai commencé à comprendre ce qui se passait.

Elle s’arrêta un instant de parler, il crut voir la jeune fille déglutir, comme si quelque chose était resté dans sa gorge.

- Mon Draco avait réagi quand j’étais rentrée de la Faculté. En voyant sa réaction quand tu as sorti ton propre Draco tout à l’heure, j’ai compris. Le simple fait de sentir sa présence provoque des réactions incontrôlables à mon Pokémon, à cause de la peur. Je sais pas comment tu as combattu David ce jour-là, mais j’imagine que cela devait être violent.

Un souvenir lui revint : Dragos venait de terrasser un Mysdibule avec une Queue de Fer si violente que tout le monde était resté bouche-bée, incapable de parler. Il s’était demandé l’espace d’un instant si sa couverture ne venait pas de voler en éclat dès le premier soir à cause d’une erreur de son Pokémon. Il avait passé des années à se préparer pour cette mission et Dragos avait déjà pratiquement tout gâché. Manque de chance, la véritable Clara passait non loin d’eux à ce moment-là et Dragos l’avait lui aussi remarqué. S’il ne l’avait pas empêché ce jour-là de sauter sur son petit-frère, tout aurait été terminé et sa mission aurait été un échec cuisant. Mais comment Clara avait-elle compris avec ce simple indice ? Il savait qu’elle était sujette à des troubles de mémoire depuis des années, elle aurait très bien pu croire à un simple oubli.

- Il y a également un évènement qui m’a paru étrange ce jour-là. Lou ne m’avait pas reconnue. Pourquoi ? Avait-elle reçu un lavage de cerveau ? Ou bien alors… tu t’étais fait passer pour elle, malade, pour que je tombe malade à mon tour. Elle a probablement été tuée parce qu’elle en savait trop. Je n’ai pas très bien compris pourquoi tu t’es donné tout ce mal, tu ne cherchais pas à me tuer, mais à me rendre incapable de faire quoi que ce soit sur une certaine période. C’est donc toi qui m’as empoisonné en prenant l’apparence de ma sœur.

Elle qui semblait si sûre d’elle dans ses explications, y aurait-il finalement des trous dans son raisonnement ? La jeune fille ne connaissait pas toute la vérité derrière cet incident, cela le rassurait un peu. Son regard indécis redevint sérieux lorsqu’elle reprit :

- L’alarme qui s’enclenche, la fermeture des portes… j’imagine que tout ça n’était pas prévu, n’est-ce pas ? Tu m’as empoisonnée pour chercher quelque chose. Mais lorsque tout est parti en vrille, tu as dû travailler avec mes Pokémon pour débloquer la situation, sinon personne n’aurait pu sortir de là.


La nuit de l’empoisonnement

Cette histoire sentait mauvais. Lorsque l’alarme avait commencé à résonner dans toute l’arène et que des volets en acier cloisonnaient portes et fenêtres, il comprit que tout le plan partait de travers. Il devait à présent trouver un moyen de s’échapper avant que les Pokémon de Clara ne le découvrissent. Il avait déjà failli se faire prendre lorsque Draco s’était rendu à la cuisine.

- Au moins, j’ai découvert où il était caché, souffla le Métamorph.

En effet, il avait surpris le Dragon en train de stocker du linge à l’intérieur de sa perle. Il avait eu le temps de fouiller toutes les pièces sans trouver leur objectif, mais maintenant qu’il savait qu’il l’avait sur lui, le Patron pourrait imaginer un plan pour récupérer le Dragon.


- Dragos devrait être ravi d’entendre la nouvelle, il pourra enfin retrouver son petit-frère.

Il avait déjà rencontré Dragomir lorsqu’il était membre de la Team Galaxie. Les deux frères s’entendaient très bien à l’époque. Comme à chaque fois qu’il pensait à leur relation, il se demanda à quel moment et pourquoi elle avait cassé. Qu’aurait-il fait s’il avait été à sa place ? Il ignorait tout des circonstances qui avaient conduit le Dragon à quitter la Team Galaxie, mais il se doutait qu’elle devait être solide. On ne trahit pas son propre frère de cette manière sans de bonnes raisons.

Soudain, la porte des toilettes où il s’était réfugié s’ouvrit. Quelqu’un allait le découvrir, il devait faire quelque chose pour masquer les soupçons ! Il se changea alors en Gardevoir, le Pokémon de la sœur de la Championne. Aussi illogique que cela pût paraître, aucun autre Pokémon ou humain ne devrait se trouver là et il était hors de question que son identité ne fût découverte. Une flamme fut jetée en l’air, il plissa des yeux pour reconnaître les nouveaux arrivants : Démolosse et Draco.


- Tout ça explique bien des choses, mon cher ! jappa-t-il, joyeux de leur trouvaille.
- En effet, grâce à toi, les pièces du puzzle commencent à s’assembler, confirma-t-il, heureux.
- Qu’est-ce que vous voulez ? leur demanda-t-il.

Aucune nervosité ne l’accablait, il était parfaitement capable de se défendre contre eux et en cas de besoin il pouvait se téléporter dans un autre endroit de l’arène. Mais il devait tout de même entendre ce qu’ils avaient à dire s’il voulait sortir d’ici.


- Nous avons besoin de ton aide pour sortir d’ici, admit le Dragon.
- Vous pouvez demander à Xatu de vous aider, les titilla-t-il amusé, il savait que l’oiseau n’était pas là.
- Il n’est pas là, répondit Démolosse, le regard embrasé. C’est toi qui as empoisonné notre Maîtresse, pas vrai ?

Draco lui donna un coup de queue sur le crâne pour lui intimer de se calmer, mais il l’ignora. Était-ce ainsi qu’ils comptaient négocier avec lui ?

- Démolosse, va-t’en.
- Mais…

Le molosse et lui dévisagèrent le reptile, surpris. Il devait juger bon qu’éloigner le Pokémon au caractère tempétueux faciliterait les choses.

- Va prévenir Évoli qu’on a trouvé une solution, je m’occupe d’elle, poursuivit-il en le désignant.
- Très bien, grommela le Démolosse.

Toujours suspicieux, il s’exécuta tout de même. Lorsqu’il disparut, Dragomir referma la porte avant de s’avancer vers lui.

- Ça faisait longtemps, Luce.

Bouche ouverte, il crut voir les toilettes s’effondrer autour de lui. Comment…


- Ne sois pas si surpris, j’avais déjà compris que c’était toi.

Son attitude était amicale, même s’ils étaient ennemis, il conversait avec lui comme de vieux amis.

- Tu ne m’en veux pas d’avoir empoisonné Clara ? s’étonna-t-il.
- Si je n’avais pas fondé l’Escouade Royale, je ne pense pas que tu serais là. Si je devais en vouloir à quelqu’un, ce serai plutôt à moi, tu ne crois pas ?
- J’admets que tu as raison, répondit-il amusé. On n’a eu que peu d’occasions de se parler à l’époque, mais j’ai toujours su que tu faisais honneur à ton rang.

Il le connaissait peu, mais il avait toujours admiré la noblesse dont il faisait preuve. Dragos faisait bien pâle figure en comparaison. Et s’occuper de Séphira était un véritable cauchemar, la moitié du temps elle vadrouillait seule dans la nature et l’autre moitié elle le consacrait à dormir.

- Comment va Saturne depuis mon départ ? demanda-t-il.

Une larme coula sur sa joue blanche au souvenir de son précédent chef.


- Il est décédé, répondit-il avec tristesse.
- Comment ? s’exclama le Dragon surpris. C’est toi qui l’as remplacé ?
- Dragomir, murmura-t-il avec gravité. Ne pose cette question à personne s’il te plaît. L’actuel Commandant de l’Escouade Royal a assassiné Saturne pour prendre sa place. Tous ceux qui sont sous ses ordres ont peur de lui et personne ne le trahira.
- Je vois… répondit le Dragon, visiblement déçu.

Il avait lui aussi une question à lui poser, il ne savait pas s’il aurait une réponse, vu qu’il n’avait pas répondu à la sienne, mais il n’avait rien à perdre.


- Pourquoi être parti ? Je pensais que de nous tous tu étais celui qui voulais le plus voir ce plan arriver à terme ?
- Je pourrais te la faire courte et te dire que ça ne te regarde pas, mais malgré le peu de temps qu’on a passé ensemble dans l’Escouade Royale, je pense te connaître un peu.

S’il s’attendait à recevoir une leçon, il n’aurait pas posé la question. Il était vrai qu’il n’était qu’un simple agent à l’époque où Dragomir en était le Commandant. Malgré son départ, il avait toujours une certaine forme de respect pour lui.

- Un jour, toi aussi tu mettras dans la balance tes objectifs et le bien-fondé des actions que tu dois entreprendre pour les accomplir. J’espère que mon frère fera de même un jour et qu’il saura me pardonner.

Son espoir était vain, tous les deux le savaient. Dragos était une brute dépourvue d’intelligence.

- Mon frère Dragos n’est pas aussi stupide que tu le crois, Luce, reprit-il comme s’il avait lu dans ses pensées. Je sais qu’il a un cœur au fond de lui.
- Tu es bien le seul à le penser, répliqua-t-il. Ton frère a failli tout gâcher à plusieurs reprises.
- Ça c’est un problème que ton chef ou toi-même devront régler.
- Tu sais qu’un jour tu devras l’affronter ?

Dragomir se détourna de lui, les yeux brillants, avant de répondre :

- Je sais.
- Et quoi qu’il arrive aujourd’hui, nous ne sommes pas amis ?
- Je sais. Je sais également que tu n’as pas mauvais fond, tu n’es pas un meurtrier. J’espérais te convaincre de rejoindre mon camp Luce, admit-il, visiblement avec un peu d’espoir.

Choqué, il ouvrit sa bouche pour répondre avant de la refermer. Était-ce pour cette raison qu’il avait demandé à Démolosse de partir ? Quoi qu’il en dît, il n’avait pas le choix. Il s’était fixé un objectif et quel que fût le prix à payer, il devait aller jusqu’au bout.


- Est-ce que…
- Oui, je suis au courant de ton deal avec…
- Alors comment tu n’as pas compris plus tôt que c’était moi derrière toutes ces attaques ? le coupa-t-il.
- La dernière fois qu’on s’est vus, tu ne pouvais pas te changer en humain, Luce. Tes capacités morphiques n’étaient pas aussi développées qu’elles ne le sont aujourd’hui. Et surtout, je pensais que c’était Saturne qui était derrière ces attaques.

Son explication était logique, il allait lui répondre, mais Dragomir ajouta, un peu timidement, presque en le suppliant :

- S’il te plaît, ne fais pas souffrir Clara. Elle ne le mérite pas.
- Je suis les ordres qu’on me donne, rétorqua le Métamorph.

Il ferma les yeux un instant et acquiesça lentement. Puis il rouvrit la porte de sa queue pour quitter les toilettes.

- Viens Gardevoir, il faut qu’on mette au point un plan pour sortir de là.
- D’accord, Draco.

Ils étaient ennemis, Dragomir avait découvert sa véritable identité, mais il devaient s’entraider pour quitter cette arène.


*_*_*_*_*_*_*_*_*

« Je suis seul, personne ne viendra me sortir de là cette fois-ci. Je dois impérativement retourner la situation avant que Clara ne découvre tout ! » pensa Luce.

Des sensations revenaient progressivement dans ses membres, mais s’il voulait pouvoir bouger librement à nouveau, il devait se débarrasser de cette queue de malheur.

- D’après les informations que ma sœur a accepté de me fournir, je suis également arrivé à plusieurs conclusions différentes, reprit Clara. Premièrement, tu t’es fait passer pour ma sœur pour me faire croire que c’était elle l’empoisonneuse. Deuxièmement, tu as envoyé ton propre Draco attaquer ma sœur en lui faisant croire que c’était moi qui étais derrière ça. Ton objectif pervers était de briser nos liens fraternels pas vrai ?

Tandis qu’elle évoquait une autre part de ses déductions, d’autres souvenirs lui revenaient en mémoire.


Le jour suivant l’empoisonnement

- Ça va aller, s’enquit-il ?
- Tout va bien se passer, rétorqua Dragos. Je sais ce que j’ai à faire.

Il doutait sérieusement de ses paroles, le Dragon s’était rapproché de la jeune fille au cours des derniers jours. Même s’il agissait comme un soldat sans cœur, il devait avoir des scrupules à ce qui allait se passer.

- Je pourrais te retourner la question Luce. Qu’est-ce qui t’est arrivé la nuit passée ?

Mais avant qu’il ne répondît à sa question, des étudiants sortirent d’une des chambres. Cette apparition soudaine les empêchait de converser, vu que les humains n’étaient pas sensés comprendre le langage des Pokémon. Il avait revêtu l’apparence de Clara pour l’occasion, personne ne serait choqué de la voir venir rendre visite à sa sœur, mais il devait rester discret.

Au début il avait jugé la relation que Dragos développait avec Élodie comme malsaine. Il pensait que le Dragon allait tout gâcher en se liant trop d’amitié avec la jeune fille, mais maintenant il comprenait ce que Dragomir sous-entendait quand il lui disait que son frère avait toujours un cœur à l’intérieur du monstre.

Lorsqu’ils arrivèrent à l’ancienne chambre de Clara, son compagnon toqua à la porte. Il resta en retrait afin qu’Élodie ne le vît pas lorsqu’elle ouvrit la porte pour le laisser entrer. Son inquiétude passagère se dissipa rapidement lorsqu’il entendit des cris et des bruits de coups et de verres brisés. Quelques instants plus tard il ressortit de la chambre, d’où provenaient des pleurs. Alors qu’il ouvrait la bouche pour parler, sans savoir quoi dire, il remarqua qu’une larme coulait sur la joue de Dragos qui avançait tête basse et le cou raide.


- Toi là ! s’exclama une voix courroucée. Tu ne t’en tireras pas comme ça !

En se retournant il vit la Gardevoir d’Élodie qui les toisaient férocement.

- Désolée Gardevoir, minauda-t-il. Mais c’est une affaire entre ma sœur et moi.

La fée blanche tomba à genoux, éberluée par les paroles qu’il venait de prononcer. C’était comme s’il l’avait frappée. Pourquoi était-elle si surprise ? Pourquoi lui avait-elle parlé comme si Clara comprenait le langage des Pokémon ?

Lorsqu’il tourna l’angle du couloir, le Pokémon Étreinte disparut de leur vue. Sa respiration reprit normalement, le plan se déroulait comme prévu. Dragos n’avait commis aucune gaffe.


- Change d’apparence et rappelle-moi ! ordonna ce dernier d’un ton pressant.
- Qu’est-ce qui se passe ? s’inquiéta-t-il aussitôt.
- Dragomir est en bas, s’il nous voit tout est fichu !

Sans se poser de question, il prit aussitôt l’apparence d’un étudiant en costard-cravate noir et rappela son partenaire dans sa Poké Ball. En arrivant aux escaliers, il commença à siffloter tranquillement comme si de rien n’était.

Lorsqu’il croisa le petit-frère, il pria Arceus pour qu’il ne se retournât pas et ne s’interrogeât pas sur qui il était. Il évita tout contact visuel en descendant les escaliers, mais il sentit le regard brûlant du Dragon sur son cou. En sortant dans le froid et la neige, il s’aperçut qu’il avait dû lui paraître suspect en partant sans manteau pour l’hiver. La précipitation lui avait fait commettre une petite erreur.



*_*_*_*_*_*_*_*_*

- Ton Draco a attaqué Élodie. Si j’ai peut-être douté de lui pendant un instant, je savais que mon Pokémon n’y était pour rien. Je pensais également qu’il n’y avait qu’un seul meurtrier, mais au même moment, une Infirmière Joëlle était assassinée. J’imagine que c’était ce Minidraco le responsable ?

Elle avait encore une fois raison. Comme pour toutes ses précédentes déductions, elle avait presque tout deviné à cent pourcents. Mais comment avait-elle réussi cet exploit de tout comprendre à partir de si peu d’indices ? Il était normal qu’elle n’eût pas compris son astuce dans son empoisonnement, mais il n’en restait pas moins impressionné.

- Je dois bien le reconnaître, poursuivit la jeune Championne, tu m’as laissée complètement dans le brouillard. Ton plan était parfait, il n’y avait aucune faille à laquelle me raccrocher pour découvrir la vérité. Mais…

Elle s’interrompit en prenant le temps d’inspirer profondément avant de lancer sa bombe :

- Élodie ne me ressemble pas à ce point, tu sais ?

Luce hoqueta de stupeur en comprenant où elle voulait en venir.

- Je me suis longtemps demandée pourquoi tu n’as pas copié une apparence que ma sœur aurait eu par le maquillage, mais le fait que tu t’es donné autant de mal pour m’approcher le premier jour a la même explication : tu ne peux pas imiter l’apparence de quelqu’un qui se fait passer pour un autre.

Stupéfiant, elle avait même réussi à parvenir à cette conclusion ! Elle avait raison, il ne pouvait pas imiter des fausses apparences, c’était de cette manière-là qu’il s’était rendu compte que Julie était en réalité un agent double.

- Je sais pas comment tu es parvenu à convaincre ma sœur de te prêter son Gardevoir pour te faire passer pour elle, mais j’ai ma petite idée là-dessus. Je me doute que c’était pour préserver ta couverture et faire avancer tes plans tordus, mais venir me voir après ton match était ta première erreur.

Ainsi donc il y avait d’autres zones d’ombre dans son raisonnement ? Mais elle avait raison : il avait dû improviser.

- Mais il est vrai également que le fait de revoir Emma ne devait pas faire parie de ton programme non plus. Le fait qu’elle ait une jumelle m’a permis d’avancer dans mon enquête.

Emma ? Emma Blood ? Non, elle ne parlait pas d’elle. L’ex-Championne Ultime n’avait pas de sœur jumelle. Et elle ne pouvait pas avoir rencontré Clara ces dernières semaines, c’était impossible.

- Deuxième erreur, te faire passer pour moi avec des gens que je connais. Après ma rencontre avec Emma, j’ai demandé à Tanguy de m’informer s’il rencontrait des gens suspects. Lorsqu’il m’a parlé de ma « rencontre », dit-elle en soulignant rencontre à grand renfort de ses doigts, avec Eryl, j’imagine que vous vous êtes affrontés lorsque je me suis absentée pour le rejoindre ? Il y avait encore des traces de sang dans un des coins de l’arène, fais gaffe quand tu nettoies.

Il commença à grincer des dents en l’écoutant lui donner des conseils gratuits pour commettre le crime parfait. Attends… s’il pouvait faire ça, ça voulait dire qu’il pouvait recommencer à bouger ? Il sourit intérieurement en songeant à cette perspective.

- Ce qui nous amène à mon dernier point, poursuivit Clara. Je suis bien obligé de l’admettre, toutes ces situations que tu m’as fait vivre ces derniers mois, le départ de ma sœur, le sentiment d’être incapable de protéger mes challengers, la destruction de la relation que j’avais avec ma sœur, qui, je dois bien l’admettre, est aussi en partie de ma faute… ajouter à tout ça d’avoir une mère alcoolique, pourrait aisément conduire à ce que je tombe dans l’alcool à mon tour.

Un rictus apparut sur le visage de Luce en songeant qu’il avait bien fait son travail d’analyse de la jeune fille.

- Mais ça ne s’applique pas à une jeune fille de cinq ans qui a découvert sa propre mère ivre morte dans sa baignoire !

Impossible !

- Ta plus grosse erreur est de m’avoir fait passer pour une alcoolique pour toute la population et pour mes proches. Certes ça te permettait de plus facilement approcher tes victimes, mais dès l’instant où je vais boire un verre avec un ami au bar où tu te rends tout le temps, c’est terminé.


Une semaine plus tôt

Comme à son habitude, il se prélassait au bar du Centre Pokémon en sirotant des verres de bière. Il venait de régler son compte à Eryl et désormais il en profitait pour se prélasser au bar. Il avait eu bien de la chance de ne pas tomber sur la vraie Clara en se rendant à l’Arène Ultime.

- Pourquoi j’ai affronté cette gamine, se demanda-t-il avant de roter bruyamment.
- Parce que vous êtes la Championne Ultime, lui répondit le barman avec dégoût.
- Ouais c’est moi la championne, prosterne-toi devant moi, burp !

Jouer les alcooliques était épuisant, mais il avait pris le coup de main depuis le temps. Son corps de Métamorph stockait la bière qu’il ingurgitait dans un espace séparé, du coup son sang n’absorbait rien. Ça lui permettait également de vomir le contenu de son estomac pour reprendre un air naturel auprès de ses futures victimes. Qu’est-ce que c’était pratique d’être un Métamorph !

Soudain la porte coulissante du Centre Pokémon s’ouvrit, laissant passer un courant d’air froid. Il ne s’en inquiéta pas, le manteau qu’il avait copié sur celui de Clara qu’il revêtait en permanence lorsqu’il était dehors le protégeait du froid.


- Je vais faire soigner Xatu, je te rejoins.

Une goutte de sueur glissa sur sa tampe en reconnaissant cette voix, sans se retourner, il savait que la véritable Clara était entrée dans le Centre Pokémon. Profitant que le barman était retourné, il s’écarta du comptoir et se fondit au mur proche où il changea son apparence avant de s’éloigner de quelques pas.

Le Champion Électrique s’assit quelques sièges à côté de là où il était. Quand la vraie championne s’assit à côté de lui, on lui apporta aussitôt un nouveau verre en guise de « cadeau de la maison » selon les mots du serveur. Elle recracha le contenu avant de s’exclamer folle de rage :


- Hey ! C’est dégueulasse, servez-moi un autre verre !

Clara aurait-elle ses propres habitudes en matière d’alcool ? Il devrait peut-être effectuer quelques recherches en la matière. La jeune fille n’était pas la seule à être en colère, son apparition soudaine avait failli tout gâcher. Il devait maintenant quitter les lieux pendant que les deux discutaient de cette Eryl… peut-être devrait-il se renseigner sur elle lui aussi.


*_*_*_*_*_*_*_*_*

- Bref, pour résumer, tu t’es fait passer pour moi la majeure partie du temps. Mais tu as dû prendre l’apparence de Lucien pour tuer Marc quand tu t’es aperçu que j’étais emmené au commissariat par la police. Comme tous les deux étaient amis, il n’y avait rien de suspect à ce que tu l’approches.

Il revint à la réalité, lorsque Clara commença à s’approcher de lui tout en continuant ses déductions.

- J’ai constaté également lors de notre combat que tu n’avais que trois Poké Balls. Les deux premières contenaient Draco et Minidraco bien évidemment, mais si je ne me trompe pas, la troisième doit contenir un Pokémon de Type Psy.

Son visage devint blanc, lorsqu’il comprit qu’elle allait récupérer sa dernière Poké Ball pour découvrir son contenu.

- Le Type Psy est la réponse à tous les mystères restés en suspens, poursuivit-elle. Tu te servais de lui pour tuer tes cibles en leur causant un arrêt cardiaque ou, si le temps te manquait comme pour Galopa et Lou, en leur arrachant le cœur. Tu as également fait assassiner mon ancien prof de combat par cette méthode, n’est-ce pas ?

« Clara a absolument tout découvert ! » s’alarma-t-il.

- La dernière question à laquelle je n’ai pas de réponse est qui parmi Lucien, Julie et Élodie t’a fourni des renseignements pour accomplir tous ces meurtres. Je ne peux pas croire que tu aies pu faire tout ça sans une aide extérieure. Alors, parmi tous les Pokémon Psy présents le soir de la mort du Galopa de Marc, lequel t’accompagne aujourd’hui ?

Tandis qu’elle avançait la main vers sa ceinture, il poussa un hurlement de douleur avant de l’attraper par le col de ses vêtements et la soulever dans les airs.

- C-Comment ? s’étouffa-t-elle, surprise.
- Pendant que tu faisais ton show de déduction, j’ai pu récupérer l’usage de mon corps.

Il jeta un regard à la queue de Draco qui était sortie de son dos. Il avait été obligé de la couper pour s’en séparer, mais c’était de justesse. Tout l’appendice était tombé au sol où il s’était transformé en gelée bleu clair. S’il ne s’était pas infligé cette souffrance, Clara aurait compris le détail qu’il lui manquait et tout son plan serait tombé à l’eau. Il ne pouvait pas se le permettre !

- Qui… es-tu ? souffla-t-elle.
- Je m’appelle Luce, Vice-Commandant de l’Escouade Royale, Le groupe d’élite de la Fondation Galaxie.

Les yeux de la Championne s’arrondirent lorsqu’il se présenta, mais il n’y vit aucune surprise.

- Tu étais déjà au courant ? s’étonna-t-il.
- Cynthia m’avait… prévenue.

Il n’allait pas pouvoir la maintenir ainsi pendant très longtemps. D’autant que son Démolosse avait commencé à bouger derrière elle. Son corps ferait un bon bouclier aux attaques du molosse, s’il voulait éviter de toucher sa « Maîtresse », il n’attaquerait pas.

- J’ai une question à te poser, lui dit-il. Comment as-tu compris que je m’étais fait passer pour ce Florian ?
- Je regardais son live hier soir, répondit-elle simplement.
- Je vois.

Décidément, il n’avait commis que des erreurs ces derniers temps. Peut-être que sa conversation avec Dragomir le mois précédent lui avait fait perdre la main ? Mais tout n’était pas encore perdu, Clara n’avait pas encore tout découvert, son plan pouvait toujours marcher.

- Bien, je te propose qu’on se sépare bien gentiment. On va dire qu’on a fait match nul pour aujourd’hui, ça te convient ?

Il devait bien admettre qu’elle l’avait battu sur toute la ligne, proposer d’en rester là lui paraissait être un bon compromis.

- J’crois pas non, lança Démolosse. Tu t’en tireras pas comme ça.
- Le corps de Clara me protège de toi et même si tu m’attaquais directement, je peux modifier les propriétés de mon corps pour réduire les dégâts que tu m’infligerais, laisse tomber Démolosse.

Luce était sûr de lui, jamais un Pokémon n’attaquerait à pleine puissance si son Dresseur était pris en otage. Clara accrocha alors sa main gauche près de son poignet droit, celui qui la tenait par le col. Il crut qu’elle allait le frapper pour se dégager, alors il la bloqua de sa main libre. L’incompréhension s’afficha sur son visage lorsqu’il la vit sourire avec amusement.

- Pff, tu aurais dû choisir l’autre main, idiot.

L’interruption de Démolosse lui fit quitter la jeune Championne des yeux, dont les lèvres bougèrent vite, sans qu’il pût comprendre le sens des paroles. Un instant plus tard, un puissant coup le frappa au ventre, lui coupant le souffle. La petite explosion qui lui laboura le ventre le projeta en l’air, lui faisant lâcher Clara qui retomba sur ses pieds, avant qu’il n’eût le temps de réagir elle lui décocha une droite en pleine figure qui l’envoya dans la poussière. En relevant la tête, il remarqua qu’à l’endroit où il se tenait quelques secondes auparavant s’était dessiné un cercle de flammes rouges.

Le choc qu’il reçut le fit cracher du sang. Il ne connaissait pas l’attaque qu’il avait reçue, mais Démolosse avait pris le risque de la lancer. Non seulement Dragos et Séphira avaient perdu face à lui, mais lui, Luce, le Commandant en second, avait également perdu face à lui.

- Je ne comprends pas.
- Tu m’as sous-estimée, voilà ce qu’il s’est passé. Ta défaite ici n’est que la suite logique de ton attitude détestable durant tout le combat. La famille royale est invincible hein ? Vous avez, tous les trois, été battus par ceux que vous preniez de haut, n’oublie jamais cette leçon.

La respiration sifflante, il baissa la tête, admettant sa défaite. Clara avait découvert une grande partie de la vérité et il n’avait suffi d’un rien pour qu’elle ne découvrît qui l’avait trahie. Épuisé, blessé et vaincu, il se téléporta et les laissa seuls.


*_*_*_*_*_*_*_*_*

C’était une magnifique après-midi ensoleillée. Une pente verdoyante descendait jusqu’au Lac Courage. Les odeurs provenant des fleurs lui réchauffaient le cœur, cela faisait des années qu’il n’en avait pas sentie de pareille… Mais pourquoi pouvait-il les sentir ? Depuis des années, il avait perdu ses facultés olfactives à force de s’entraîner avec… avec qui déjà ?

- Grand-frères, venez vous baigner ! l’appela une voix.

Dans la descente, il vit la forme familière qu’il avait avant d’évoluer… Cela faisait si longtemps. Il crut un instant qu’il se revoyait plus jeune, mais l’odeur qui lui parvint était femelle. Sa petite sœur le hélait pour qu’il la rejoigne.


- On devrait la rejoindre, Dragomir, souffla une voix à côté de lui.

En se tournant, il vit son frère Dragos. Tous les deux se ressemblaient comme deux gouttes d’eau, normal, vu qu’ils sont nés du même œuf. Mais ils avaient des caractères très opposés. Lui était calme et réfléchi, son frère fonceur et tête brûlée, facilement irritable. Il s’attendit pendant un instant à ressentir toute la peur qui le tenaillait depuis des années à chaque fois qu’il le voyait, mais son corps restait calme.


- Qu’est-ce que tu fais ? s’amusa son jumeau. Si tu ne viens pas, c’est moi qui serai son mentor !

Il avait oublié, mais c’était Dragos qui lui avait appris tout ce qu’il savait. C’était sous sa direction qu’il avait appris Légion d’un Seul et qu’il avait pu évoluer en Draco. C’était également lui qui lui avait enseigné la technique de méditation pour revoir les actions qu’il avait faites et s’améliorer. Toutes des techniques qu’il avait apprises de leur mère.

- Dragos, attends s’il te plaît.

Son frère le dévisagea quelques instants avant de se poser, d’un geste de la queue il l’invita à le rejoindre. Le jeune Dragon se mordit la langue, il avait une décision difficile à lui annoncer. Il avait déjà pris sa décision depuis plusieurs jours, il ne pouvait pas revenir en arrière. Mais l’annoncer à son frère serait difficile. Quelle serait sa réaction ?

- Depuis combien de temps avons-nous quitter notre mère ? se demanda-t-il à haute voix.
- Ça va bientôt faire quatre ans, lui répondit son jumeau, comme si de rien n’était.

Son regard était empli d’inquiétude, quel grand-frère exceptionnel avait-il. Il avait choisi de sacrifier sa santé pour devenir un guerrier capable de le défendre. Il avait également pris le temps de l’entraîner, quitte à mettre sa propre évolution en attente. Il le savait : Dragos pouvait déjà utiliser à la perfection le Roi des Dragons, s’il le voulait il pourrait déjà évoluer en Dracolosse. Son frère était un génie du combat et lui n’était qu’un raté.


- Tu te souviens quand on a rencontré le nouveau ? lui demanda-t-il.
- Oui je m’en souviens, où est-ce que tu veux en venir Dragomir ? s’impatienta son frère.
- J’ai eu un doute en le voyant et je suis allé consulter notre mère, avoua-t-il.

Son frère ne réagit pas à la nouvelle, se contentant de détourner le regard. Le jeune Draco savait que son jumeau avait une très mauvaise relation avec leur mère depuis qu’il avait découvert qu’elle avait tué leur père de sang-froid. Mais comme il avait ramené Séphira à ce moment-là, il devait déjà le savoir.


- Dragos, murmura-t-il.

Sa voix était tremblante, alors il se stoppa un instant afin de la rendre plus ferme :


- Dragos, je vais quitter la Fondation Galaxie.

Dragomir s’attendait à le voir s’énerver, à tondre toutes les fleurs du champ avec sa puissance dévastatrice, mais il se contenta d’éclater de rire. Mais quand son frère se retourna vers lui, il comprit à son regard qu’il était sérieux.

- Tu plaisantes ? Rassure-moi que tu plaisantes !

Plus capable de soutenir le regard désespéré du Pokémon qui était jadis son mentor, il détourna les yeux.

- Dragos, tu ne comprends pas, notre mère avait raison, il y a quelque chose de maléfique qui entoure ce Pokémon, si on mène notre projet jusqu’au bout…
- Mais c’est TOI qui as imaginé tout le plan, Dragomir ! Tu es le Chef de l’Escouade Royale que tu as toi-même formée ! Tous ceux qui sont sous tes ordres te respectent.
- Je n’ai fait que décider d’une marche à suivre pour accomplir les dernières volontés de notre père, Dragos, tu le sais très bien.
- Vous vous disputez ? les interrompit joyeusement une voix.

Les deux frères se calmèrent aussitôt en voyant que leur sœur les avait surpris. Leur désaccord pourrait attendre, Dragomir avait envie de passer un dernier moment avec sa fratrie avant de partir et il espérait que Dragos accepterait d’attendre encore un peu pour terminer leur conversation.


- Allons nager, proposa-t-il en souriant.

Il ne ressentait que de l’affection pour sa petite sœur. Il voulait lui parler une dernière fois avant qu’ils ne se séparassent, il pria un instant Arceus qu’elle prît mieux sa décision que Dragos. Il hocha discrètement la tête vers ce dernier pour lui faire comprendre qu’ils continueraient plus tard, ce dernier comprit le message et détourna le regard.

Tous trois s’élancèrent alors jusqu’au lac, où ils commencèrent à nager. Séphira leur proposa une petite course qu’ils acceptèrent avec joie. Mais c’est en étirant son corps pour s’élancer qu’une vive douleur le prit au ventre. Il cria de douleur avant de se retourner pour voir de quoi il s’agissait.




Le regard papillonnant, le Dragon ne comprit pas tout de suite où il se trouvait. La pièce était blanche et lumineuse, des rideaux de même couleur bloquaient la fenêtre. Le lit – blanc – était drôlement confortable. S’il n’éprouvait pas une cinglante douleur, il pourrait croire qu’il serait mort.

- Draco, tu es réveillé ! lança Démolosse.

En tournant la tête, il remarqua son partenaire qui se tenait tout près de lui. Ce dernier s’avança et lui lécha le museau jusqu’à qu’il le repoussât sans ménagement, lui faisant pousser un cri.

- Qu’est-ce qui s’est passé ? se demanda-t-il à haute voix. Qu’est-ce que je fais dans un hôpital ?
- Tu es au Centre Pokémon, lui annonça Démolosse. Des Pokérinaires t’ont opéré il y a une petite heure.
- Je suis en salle de réveil ?

Il tenta de se relever tant bien que mal, mais sa blessure le cloua au lit.

- Tu ne devrais pas bouger Draco. Même si ton frère a évité les points vitaux, l’attaque que tu as reçue a fait de gros dégâts.

La mémoire des évènements lui revint alors complètement : il avait affronté Dragos dans un combat à mort, du moins c’était ce qu’il croyait. Son frère avait joué avec lui pendant plusieurs minutes avant de lui faire payer sa trahison. Après, c’était le trou noir.

- Qu’est-ce qui s’est passé ensuite ? lui demanda-t-il.
- J’ai vaincu Dragos, lui annonça Démolosse.

Mais il n’y avait aucune fierté dans sa voix, elle était même tremblante. Son regard était fuyant comme s’il avait une vérité qu’il ne voulait pas qu’il connût.

- Tu as tué Dragos ? le questionna-t-il, un peu inquiet.

Il avait toujours voulu régler ses comptes avec son frère, que les choses fussent enfin dites et qu’ils pussent se réconcilier. Il serait attristé s’il apprenait sa mort, mais au moins il n’aurait plus peur de lui.

- Notre combat n’a duré que quelques secondes, j’ai pu le prendre facilement par surprise, cet idiot ne connaît pas ses propres points faibles ! lança-t-il en riant.

Mais sa joie n’était que de façade, il lui cachait définitivement quelque chose.

- Quel est le deuxième Pokémon que Luce a envoyé ? lui demanda-t-il.

Il avait bien évidemment compris que le Dresseur que Clara avait affronté n’était pas celui qu’il prétendait. Il ne pouvait s’agir que du Métamorph de l’Escouade Royale. Démolosse allait-il l’engueuler parce qu’il lui avait encore caché quelque chose ? Mais à le voir ainsi emprunté et hésitant, le Dragon se rendit compte qu’il avait autre chose en tête. Savait-il qui était Luce ?

- Draco… Ce type, Fabian, Métamorph, Luce ou peu importe qui il est, a... il a…

Il déglutissait, il prenait du temps à choisir ses mots, tellement que Draco comprit où le molosse voulait en venir.

- Il a envoyé ma sœur au combat contre toi, compléta-t-il pour lui.
- Oui, mais…

Qu’est-ce qu’il lui cachait ? Ses hésitations, ses regards fuyants, sa queue entre les pattes arrière, tout indiquait que ce n’était pas ce qu’il voulait lui dire.

- Démolosse, dis-le s’il te plaît. Je te promets que je ne vais pas m’énerver.

Il n’était pas comme son grand-frère, il ne se transformerait pas en monstre en apprenant la vérité… aussi terrible fût-elle.

- Séphira est au Centre Pokémon, Draco, je suis désolé…
- Tu as…
- Oui, avoua-t-il simplement.

Ses pattes se dérobaient sous lui, emportant tout son corps avec lui. À le voir ainsi, Draco comprit qu’il s’en voulait terriblement.

- Comment va-t-elle ? lui demanda-t-il, les yeux perdus dans le vague.
- Son pronostic vital est engagé, les pokérinaires estiment que si rien n’est fait, elle mourra dans les prochains jours.
- Je vois…

Une larme coula sur sa joue. Il savait que le véritable responsable de toute cette histoire, c’était lui-même. En abandonnant sa sœur, il avait scellé son destin. Il ne pouvait pas en vouloir à Démolosse, c’était lui qui l’avait poussé à s’entraîner pour contrer Légion d’un Seul. Il savait que cette tête de mule n’accepterait jamais de subir une nouvelle fois cette attaque et qu’il punirait quiconque aurait l’audace de s’en servir contre lui.

- Draco, ta sœur a le talent Écaille Spéciale pas vrai ?
- C’est exact.
- On a proposé à ta sœur de changer son talent, ajouta-t-il. C’est son seul moyen de survie, mais elle a refusé.
- Je vais aller lui parler, annonça-t-il, d’une voix ferme.

Démolosse n’eut pas le temps de protester qu’il se levait déjà. Sa poitrine et son ventre le tançait terriblement, mais il devait ignorer la douleur. Il devait s’assurer que sa sœur survécût, cette détermination revigora son corps épuisé.

- Draco, attends.
- C’est vraiment pas le moment Démolosse, répliqua-t-il, pressé.

Avait-il l’intention de le retenir ?

- Je sais pas si c’est important, mais je pense qu’il faut que tu saches autre chose.

Allait-il cracher le morceau ? Il lui faisait perdre un temps précieux.

- La marque de la Famille Royale de ta sœur… elle est sous une de ces oreilles ?

Il acquiesça lentement et avec incertitude. Contrairement à son symbole qui pouvait se voir assez aisément, les Minidraco avaient la leur à même la peau de l’une des oreilles, cachée par les plumes blanches. Mais où voulait-il en venir à la fin ?

- J’ai bien peur que l’un des Pokérinaires l’ait découverte, je l’ai entendu en parler avec Clara.

Cette annonce ne le dérouta guère, Clara avait dû comprendre qu’elle était de la Famille Royale en la voyant combattre. Cela étant dit, comment allait réagir le docteur ?

- Démolosse, va chercher le remède miracle, s’il te plaît et attends-moi ici.


Cinq ans plus tôt

- Dragos, je vais quitter la Fondation Galaxie, annonça Dragomir.

La jeune Séphira était revenue sur ses pas en comprenant que ses grands-frères ne l’avaient pas suivie. S’aidant de sa petite taille, elle s’était discrètement cachée dans les herbes hautes pour les surprendre. Mais le ton sérieux de leur conversation la dissuada de mettre son projet à exécution.


- Tu plaisantes ? rétorqua son autre frère. Rassure-moi que tu plaisantes !

Séphira ne connaissait pas grand-chose de cette Fondation Galaxie. Dragomir l’y avait emmenée en lui assurant qu’elle y serait en sécurité. Elle ne savait pas trop dans quoi elle s’était embarquée en le suivant, mais elle était certaine que l’autre proposition, rester avec leur mère, était hors de question.

Séphira était la seule fille de Carla, la Reine des Pokémon, mais malgré son statut d’Héritière, sa mère l’avait reniée. Encore bébé, elle avait assisté à l’évolution de Dragomir en la magnifique créature dont il arborait l’apparence avec fierté. Ce long corps à la fois musclé et souple, ces grands yeux sombres aux reflets rouges, ces ailes blanches et cette corne tellement longue qui lui faisaient désespérément envie… À l’époque déjà la jeune Minidraco s’était déjà languie à la perspective de son évolution.

Mais Carla avait tout gâché. Non seulement l’avait privée de ses droits d’Héritière au trône, mais elle avait décidé de ne pas l’entraîner. Sans entraînement, il lui était impossible d’apprendre Légion d’un Seul, sans apprendre cette attaque incroyable, elle ne pourrait jamais évoluer. Tout ça était sans compter que sa génitrice eut la bonté d’âme de l’isoler du monde extérieur et personne n’y avait trouvé à redire. Y compris la stupide humaine qui lui apportait régulièrement à manger dans sa maudite cage.

«
Un jour mère, je vous ferai regretter tout ce que vous m’avez fait. Je deviendrai assez forte pour évoluer, puis je vous vaincrai en combat pour vous montrer que je suis digne de devenir la prochaine Reine ! »

Son statut d’Héritière ne l’intéressait guère, son évolution lui importait bien plus, mais si ça lui permettait de gagner le respect de celle qui l’avait mise au monde, alors elle n’hésiterait pas. Elle ferait tout pour accomplir son rêve, obéirait à tous les ordres que ses frères ou n’importe qui lui donneraient, tant que cela la rapprocherait de réaliser son rêve.

Un frisson la parcourut en sentant la tension monter dans l’air. Lorsqu’elle reporta son attention sur ses deux frères elle remarqua que le ton semblait avoir monté d’un cran.


- Vous vous disputez ? les interrompit-elle sur un ton qu’elle espérait joyeux.

L’attitude de Dragos redevint alors plus calme. Elle n’aimait pas trop Dragos, son tempérament guerrier et bagarreur lui faisait peur. L’aurait-il libérée des griffes de leur mère si c’était lui qui l’avait découverte ? Elle en doutait. Elle ne ressentait rien dans son regard quand il l’observait, tout le contraire de Dragomir en qui elle ne voyait qu’affection et tendresse à son égard. Elle aimerait bien qu’il devînt son mentor, s’il assistait à son évolution, alors la boucle serait bouclée.


- Allons nager, proposa ce dernier en souriant.

Son discret hochement de tête vers leur aîné ne lui échappa guère. Elle avait interrompu leur conversation, mais ils avaient bien l’intention de la reprendre plus tard.

Lorsqu’ils se jetèrent tous les trois dans le lac, Séphira proposa une petite course, ses deux grands-frères acceptèrent. Ils se positionnèrent, Dragos compta jusqu’à trois avant qu’ils ne s’élançassent tous en même temps.

La jeune Minidraco était la plus petite et la moins musclée, mais ses oreilles plus petites et l’absence de perle lui donnaient plus d’aérodynamisme que ses grands-frères. Elle les voyait filer devant elle à toute allure, mais elle ne se laissa pas faire. Elle utilisa alors Vitesse Extrême pour accélérer, le courant marin qu’elle produisit emporta les deux Draco sur le côté, lui permettant de leur passer devant. Lorsqu’elle toucha l’autre rive, elle s’écria :


- J’ai gagné !
- J’admets ma défaite, répondit Dragos en la rejoignant. Tu es plus rapide que moi.

Un compliment de la part de son aîné ? Son corps entier frissonna de bonheur en l’entendant.

- Dragos, tu veux bien nous laisser seuls s’il te plaît ? demanda Dragomir qui fermait la marche.

L’attitude du Dragon changea, Séphira y décela une lueur mauvaise dans ses yeux noirs aux reflets rouges. Elle retint sa respiration en se demandant ce qu’il se passait dans sa tête. Dragos acquiesça avant de sortir de l’eau.


- Allons nager un peu, proposa son frère.

Côte à côte, ils s’élancèrent. Séphira sentait la présence de Dragomir juste à côté d’elle. Son long isolement l’avait privée du contact extérieur, le simple fait de toucher la peau écailleuse de son sauveur la faisait frémir de joie. La jeune Minidraco vint frotter sa joue contre celle de son frère, qui prolongea le contact quelques secondes avant de s’écarter et s’arrêter.


- Séphira… murmura-t-il. Je vais quitter la Fondation Galaxie.
- Je sais, répondit-elle tristement.

Elle savait qu’il avait demandé à Dragos de s’éloigner parce qu’il voulait lui en parler seul à seule.


- Tu nous as entendus ? s’étonna-t-il.
- Oui… quand pars-tu ?
- J’ai voulu passer une dernière journée avec vous avant mon départ, admit-il.

Il comptait s’en aller dès leur retour ou dès que leur conversation serait terminée ? .


- Pourrais-je partir avec toi ? demanda-t-elle timidement.

Songeur, Dragomir s’enfonça dans les profondeurs du lac, Séphira le suivit en retenant son souffle. Allait-il accepter ?


- J’aimerais bien Séphira, finit-il par répondre. Mais tu seras plus en sécurité avec Dragos qu’avec moi.

Elle s’attendait à cette réponse, mais elle ne put s’empêcher de laisser couler une larme sur sa joue. L’eau la dévora aussitôt qu’elle quitta son visage, l’amertume s’empara de son être en songeant qu’il l’abandonnait après lui avoir sauvé la vie.

- Qu’est-ce que je vais faire sans toi ? murmura-t-elle.
- Trouve-toi un rêve, fixe-toi un objectif… répondit-il. Tu n’es pas la seule à te jeter dans le grand vide sans savoir ce qu’il y a au fond de l’eau.
- Tu t’en vas sans savoir quoi faire de ta vie ? s’étonna-t-elle.

Elle pensait qu’il quittait la Fondation Galaxie pour réaliser un rêve, mais il devait y avoir autre chose. Était-ce la raison pour laquelle il la laissait derrière lui ? Il ne voulait pas lui imposer le choix qu’il avait fait en ignorant ce qu’il ferait plus tard ? Il ne répondit pas à sa question, se contentant de regarder droit devant lui. Séphira décida alors de lui parler de son rêve :


- Mon rêve est de devenir un Draco aussi brave et aussi intelligent que toi.
- Je ne suis pas brave Séphira, rétorqua-t-il avec tristesse. Et je suis aussi stupide qu’un Démolosse qui attend sa pâté.

Il faisait référence aux Pokémon qui vivaient aux crochets de leurs maîtres et qui ne vivaient que d’amour et d’un peu de nourriture fraîche. Elle lui avait présenté sa vie de cette manière lorsqu’il lui avait sauvé la vie.

- Pour moi, tu es mon héros et mon modèle. Je t’ai vu évoluer, je veux que tu me vois évoluer à mon tour.

Il s’arrêta dans sa descente et l’observa. Séphira voulait qu’il comprît toute la détermination dont elle faisait preuve en annonçant cet objectif. Il hocha la tête, signifiant qu’il avait compris.

- Le chemin pour évoluer est semé d’embuches, la mit-il en garde. Tu devras t’entraîner extrêmement dur pour maîtriser la Légion d’un Seul.
- Je sais.

Elle était consciente des risques, mais elle irait jusqu’au bout pour accomplir son rêve.

- Séphira, n’oublie jamais de t’entraîner en t’amusant. Fais-toi des amis qui assisteront à tes entraînements et t’encourageront.

Elle n’oublierait jamais ses conseils précieux.

- Lorsque je me sentirai prête, je te ferai une démonstration.
- Et je me ferai une joie de te donner le droit d’évoluer, ajouta-t-il.

Séphira savait qu’il allait bientôt la quitter. Mais elle voulait sentir son corps contre le sien une toute dernière fois. Elle s’étira autant qu’elle put et s’enroula autour du long ventre blanc de son frère. Elle reposa la tête contre sa poitrine et ferma les yeux. Elle sentit son regard apaisant sur elle et en frémit de contentement. Tous deux restèrent ainsi, entourés par les bulles qui remontaient des profondeurs du lac, pendant un temps semblant infini.

Elle espéra un court instant que la vie s’arrêtât et qu’ils restassent ainsi jusqu’à la fin des temps.













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Lorsque Draco entra dans la pièce, ses yeux se posèrent immédiatement sur le corps bandé de sa sœur. Une bile amère monta dans sa gorge en songeant qu’il était responsable de son état. Elle était couchée sur le ventre pour protéger son dos de la terrible blessure que lui avait infligée Démolosse. Un masque respiratoire était accroché à sa gueule. Son lit médical se trouvait au milieu de la pièce.

Lorsqu’il s’approcha de la tête de sa sœur, il remarqua qu’elle avait les yeux ouverts. Ses narines se dilatèrent un instant avant que son regard ne s’éclairât en le reconnaissant. Un petit sourire timide se dessina sur son visage, elle semblait heureuse de le revoir.

- Séphira… je suis désolé.

La joie du Minidraco fut remplacée par la surprise. Elle tenta de relever la tête, mais poussa un cri avant de retomber de tout son long.

- N’en fais pas trop s’il te plaît. Tu vas aggraver tes blessures.
- Quelle importance ? Je sais que je vais mourir de toute façon.

Son ton était résolu, le regard perdu dans le vague, elle savait qu’il n’y avait aucune échappatoire. Les yeux de son grand-frère s’humidifièrent avant qu’ils ne commençassent à pleurer.

- Ne sois pas triste, Dragomir. Moi, je ne le suis pas. J’ai donné tout ce que je pouvais pour réaliser mon rêve.
- Tu voulais être reconnue par notre mère comme l’Héritière, répondit-il avec amertume. En perdant ce combat, tu as échoué…
- Non, mon rêve était de pouvoir évoluer en Draco, de pouvoir devenir comme toi. C’est par toi que je voulais être reconnue à ma juste valeur. C’est en ayant évolué et avec ton soutien que je souhaitais faire face à Carla.

Elle avait appelé sa propre mère par son prénom. Draco s’aperçut qu’elle l’avait ainsi reniée de son cercle familial. Il avait encore une dernière chose à régler avant qu’il ne lui parlât du remède.

- Pourquoi as-tu tué tous ces Pokémon ? lui demanda-t-il.
- Tué ? s’étonna-t-elle. Je voulais jouer avec eux, comme tu me le disais. S’amuser en s’entraînant, avoir des amis qui assistaient à mes entraînements pour m’encourager… n’est-ce pas ce que tu m’avais conseillée ?

Draco hoqueta en comprenant que sa responsabilité dans la situation de sa sœur était bien plus grande qu’il ne le pensait. Il avait bel et bien prononcé ces paroles cinq ans auparavant, mais elle avait tout compris de travers.

- Mais je ne t’ai jamais conseillée de te servir d’eux pour t’entraîner !

Les prunelles de Séphira s’agrandirent de stupeur, des larmes commencèrent à couler sur son visage. La culpabilité devait commencer à la ronger en songeant à tous ceux qu’elle avait tués pour son évolution.

- En plus, tu visais toujours le cœur pour ton attaque finale…
- Comment… ?
- Dragos m’a appris une technique de méditation pour…

Il s’interrompit en comprenant qu’elle ne devait pas la connaître. Après cinq ans d’entraînement, elle commettait encore des erreurs, il s’en était rendu compte quand il avait enquêté sur le meurtre de cette Infirmière Joëlle.

- Dragos n’a pas supervisé ton entraînement ? s’inquiéta-t-il.
- Non, il pensait que je n’en valais pas la peine, répondit-elle avec tristesse.

S’il pouvait, il s’effondrerait sur le sol, terrassé par la culpabilité d’avoir laissé sa sœur toute seule. Il comprenait maintenant pourquoi elle s’était autant écartée du bon chemin. Sans guide, sans personne pour la corriger, seule au monde, sans son grand-frère à ses côtés, Séphira ne pouvait qu’avoir commis ces erreurs. Personne ne lui avait inculqué les notions de bien et de mal.

- Pardonne-moi, la supplia-t-il.
- Mais Dragomir, tu n’y es pour rien ! Ces décisions je les ai prises seule.

Autant qu’il pouvait en juger, elle avait pris dix ans d’un coup. Dragos avait lui aussi tué de nombreux Pokémon dans cette affaire, mais jamais il ne le regretterait. De la fratrie, elle semblait maintenant la plus mature, ainsi couchée là, elle attendait la mort pour expier ses crimes.

- Je ne te laisserai pas mourir, Séphira ! annonça-t-il avec détermination.
- Arrête Draco, il ne me reste que quelques heures à vivre. J’ai refusé la Pilule Miracle.
- Mais… mais pourquoi ? l’implora-t-il. Pourquoi te laisser mourir sans te battre ?

Et Démolosse ne lui avait-il pas dit qu’elle avait encore plusieurs jours devant elle ?

- Démolosse m’a dit à la fin de notre combat que mon exécution était parfaite. J’ai atteint mon objectif, Dragomir. J’ai le droit d’évoluer !

Il ne pouvait pas se résoudre à lui dire que c’était à un membre de la famille royale d’en décider.

- Alors soigne-toi, prends cette Pilule !
- La Pilule Miracle… Carla et cette maudite femme me l’ont fait avaler un jour. Je me suis débattue, jusqu’à les mordre jusqu’au sang.

De quoi parlait-elle ?

- Une telle douleur m’avait envahie ce jour-là… murmura-t-elle. Que j’ai cru que j’allais mourir.

La Pilule Miracle… elle changeait le Talent Caché du Pokémon en un Talent normal, cela Draco le savait. Mais maintenant il comprenait pourquoi elle refusait de la prendre : elle ramenait son Sang Royal à un statut normal. C’était pour ça qu’elle s’était sentie mal en mordant sa mère : son sang était du poison. Le même qui avait été versé dans le thé de Clara un mois plus tôt et l’avait laissée aliter pendant plusieurs jours.

- Je te ferai boire mon sang, Séphira. Tu survivras à ces blessures et tu redeviendras un membre de la Famille Royale.
- Mais pourquoi veux-tu que je vive ? Je suis une meurtrière ! Que penseront les familles des Pokémon que j’ai assassinés ? Ils t’ont attaqué, je les ai vus. Veux-tu te faire le complice de celle que tu avais jurée d’arrêter ?

Elle avait raison, mais il avait sa propre responsabilité dans cette histoire. S’il avait su qu’il trouverait un nouveau Dresseur à peine quelques jours plus tard sur les rives du Lac Courage, il l’aurait emmenée avec elle et c’était lui qui l’aurait entraînée.

- Nous expurgerons ce péché ensemble, Séphira. Je ne t’abandonnerai pas, plus jamais.

Il vint frotter sa joue sur celle de sa petite sœur. Celle-ci écarta sa tête pour s’éloigner de lui. Quelques instants plus tard, leurs regards se croisèrent un instant avant qu’elle ne vînt répondre à sa caresse fraternelle.

- Tu m’as manqué, Dragomir. Encore une fois, tu es venu me sauver de la Mort.
- Je ne veux plus qu’on soit séparés, répondit-il, heureux qu’elle eût accepté de se soigner.

Alors qu’il se sépara de sa petite sœur et partait rejoindre Démolosse, il se tourna vers elle et lui dit une dernière chose :

- J’ai encore une question à te poser, Séphira. Mais ça peut attendre quelques minutes.

Il la vit cligner des yeux pour montrer qu’elle avait compris avant de reposer sa tête sur le coussin.

« Tu es la chose la plus précieuse que j’ai sur cette terre, Séphira. Je ne t’abandonnerai pas. Même si Clara devait me punir ou me relâcher pour t’avoir sauvée la vie, je resterai à tes côtés. »

En quittant la pièce, des souvenirs lui remontèrent.


Les retrouvailles

Célestia, la ville de Sinnoh qui, disait-on, était le cœur mythologique de la Région, était connu pour autre chose dans le cœur de Draco. C’était son lieu de naissance, l’endroit où il avait fait son premier vol avec son frère, là où il s’était entraîné pour évoluer. Que de bons souvenirs ? Non. C’était également ici qu’il avait appris que sa mère, la Reine des Pokémon, avait tué leur père de sang-froid.

Il pensait ne jamais revenir en ces lieux, lui qui s’était promis de suivre le chemin de son père en rejoignant la Fondation Galaxie, mais la réalité l’avait rattrapé. Il avait compris cinq ans après les actions de sa mère… et du Maître de Sinnoh qui l’avait couverte.


- Je suis contente que tu sois revenue Dragomir, lui dit gentiment la femme aux longs cheveux blonds grisonnant avec l’âge.
- J’aimerais voir ma sœur Cynthia, lui rappela-t-il.

Il n’avait guère envie de discuter avec elle, pour une raison inconnue elle avait la capacité de parler avec les Pokémon. Cette dernière avait surpris sa conversation avec Carla et lui avait accepté de l’emmener voir Séphira à la place du Requin des Sables qui avait refusé.

À présent, ils descendaient des escaliers cachés dans les Ruines de Célestia. Pourquoi devaient-ils emprunter un tel chemin ? Que lui cachaient-elles donc ? Il avait un mauvais pressentiment. Lorsqu’ils arrivèrent devant une porte en acier, Cynthia sortit une clé rouillée avant de se tourner vers lui.


- J’espère que tu ne m’en voudras pas Dragomir. De tous les deux, tu as toujours été le plus gentil et le plus compréhensif.
- Ouvre cette porte Cynthia, ordonna-t-il.

Il n’était pas comme son frère certes, mais il n’appréciait guère qu’on lui fît perdre son temps. Si Cynthia voulait le préparer à ce qu’il allait voir, elle n’avait qu’à lui en parler plus tôt. Lorsque celle-ci s’exécuta à contre-cœur, Draco fonça à l’intérieur, ne lui laissant plus l’opportunité de lui cacher la vérité.


- Dragomir, c’est toi ? murmura une voix faible et rauque.

Les ténèbres de la pièce l’empêchaient de voir quoi que ce fût. Il ne reconnut pas la voix, mais il se douta de connaître sa propriétaire. Il n’y avait que quatre êtres vivants sur cette terre à connaître son nom. En humant l’air, il faillit vomir. Des senteurs immondes parcouraient la pièce.


- Séphira ? demanda-t-il prudemment.
- Dragomir ! s’exclama sa sœur.

Un poids lui atterrit sur le dos, il poussa un petit cri de stupeur en s’effondrant sur le sol. Sa petite sœur vint se frotter contre lui, visiblement très ravie de le revoir. Bien qu’elle se fût jetée sur lui de tout son poids, il ne put s’empêcher de constater qu’elle ne pesait presque rien.


- Tu es venue me chercher ? demanda-t-elle.
- Non Séphira, rétorqua Cynthia. Il est seulement venu te rendre visite.
- Oh…

Sa petite sœur commença à renifler bruyamment, leurs visages se touchant, il reçut une partie des larmes qui coulaient de ses yeux. Il sentit la colère monter en lui, il eut toutes les peines du monde à rester calme, mais il n’avait pas le choix s’il voulait avoir une explication.

- Vas-tu m’expliquer ce qui se passe, Cynthia ?
- Nous avons enfermé Séphira pour sa propre sécurité, répondit-elle, calmement.
- Pardon ?

Il n’avait pas besoin de visualiser les lieux une deuxième fois pour comprendre que ce n’était pas pour sa « sécurité » que sa sœur avait été enfermée. La pièce était dans le noir complet, sa sœur, un Minidraco en pleine croissance, était maigre à faire peur. Tout ça était sans compter la puanteur de la pièce qui lui donnait la nausée.

- Je vais emmener ma sœur avec moi, l’informa-t-il.
- Je suis désolée Dragomir, mais elle va rester ici.

Le Maître de Sinnoh vint se placer dans l’embrasure de la porte pour leur bloquer le passage. Sa vision commençait à s’habituer à l’obscurité, il pouvait donc la voir.

- Cynthia, répéta-t-il d’un ton glacial. Si tu ne me laisses pas passer je n’hésiterai pas à employer la force.

Il n’arrivait plus à contenir sa colère. Son rythme cardiaque augmenta dangereusement. Toutes ses écailles commençaient à se tendre à lui faire mal. Ses yeux se dilatèrent et il crut que des vaisseaux sanguins y avaient éclaté tant ils étaient douloureux. Sa sœur à côté de lui commença à trembler. L’onde de ténèbres qui s’échappaient de son corps fit trembler d’effroi Cynthia et Séphira.

- Cynthia, s’écria-t-il. Carla n’est pas ici et c’est la seule de tes Pokémon à pouvoir me faire face. Alors dégage de mon chemin.

Le Maître de Sinnoh s’écarta finalement, mais alors que sa sœur et lui quittaient la pièce, elle l’arrêta.

- Dragomir, soupira-t-elle. La colère n’est pas bonne conseillère. Ton apparence démoniaque ne t’apportera que des ennuis si tu t’en sers à mauvaise escient. N’oublie jamais que je ne suis pas ton ennemie, si un jour tu as besoin de mon aide, je serai là.

Il hocha la tête et s’éclipsa. Sa colère disparut et son corps reprit son état normal.

- Dragomir s’il te plaît, le supplia Séphira apeurée. Promets-moi que tu ne feras plus jamais ça.
- Je suis désolé, p’tite sœur… l’injustice que tu as vécue m’a mis hors de moi.
- J’attendais la Mort… et c’est toi qui es venu me chercher, murmura-t-elle.

Draco se sentait observé, en tournant la tête, il vit Cynthia qui se tenait toujours devant la porte de la terrible prison. Il pensait qu’elle serait furieuse de les voir s’en aller, mais il n’y vit que de l’inquiétude. Cette femme le connaissait depuis la naissance, elle savait forcément que sa sœur serait en sécurité avec lui… alors pourquoi ?

Quelle était la véritable raison de l’enfermement de Séphira ? Que cachaient donc Cynthia et Carla ?



*_*_*_*_*_*_*_*_*

Assise sur l’un des bancs du Centre Pokémon, Clara observait les allées et venues des infirmières et des Docteurs. C’était le milieu de la nuit, son Draco avait été opéré en urgence quand elle terminait son combat contre Luce.

- Tu crois que tout va bien se passer ? lui demanda Julie, assise à côté d’elle.
- Draco est tiré d’affaire selon les Pokérinaires, mais j’ai bien peur que Minidraco ne survive pas.
- Il n’y a rien à faire ? s’enquit sa secrétaire.
- Si elle avait Mue, elle augmenterait ses chances de survie de cinquante pourcents… mais elle a refusé la Pilule Miracle.

D’après ce qu’elle avait compris, son corps était brûlé au deuxième degré et par endroit au troisième degré, elle avait également inhalé une forte dose du poison de son Pokémon... Et c’était sans compter le contre-coup de sa propre attaque. Démolosse ne s’était clairement pas retenu… Clara se sentait également responsable de la situation. En envoyant Julie s’occuper de Draco, elle s'était privée d’un arbitre qui aurait clairement pu mettre fin au match. Dans sa colère, elle avait également ordonné à son Pokémon de se déchaîner.

- Tu tiens le coup ? lui demanda Julie. Tu as appris plusieurs mauvaises nouvelles ce soir.
- Je n’ai pas vraiment le choix, admit l’adolescente. Je me dois d’être forte pour mes Pokémon.

Elle inspira profondément avant d’ajouter avec le ton le plus sérieux dont elle était capable :

- Je voulais te remercier pour aujourd’hui. Tu as su parfaitement jouer la comédie comme je te l’avais demandée.
- De rien, mais je n’ai pas compris pourquoi ce type est sorti de l’ascenseur, par contre.
- J’imagine qu’il a dû faire attention au fait qu’il pourrait y avoir des caméras dans le hall d’entrée. Si des followers regardaient la télévision à ce moment-là, ils auraient trouvé très étrange qu’il entre par la porte d’entrée.

Julie et elle avaient suivi tout le live du jeune homme quand elles s’étaient aperçues qu’une fausse Clara se trouvait au Centre Pokémon. Du moment où il l’avait rencontrée, jusqu’au match où l’enregistrement s’est mystérieusement interrompu avant qu’il ne débutât. Son double lui avait proposé de venir dormir chez « elle ».

Du coin de l’œil, elle remarqua que Draco était sorti de la pièce où était soigné le Minidraco. Elle l’avait déjà vue entrer plus tôt, il était resté là un petit moment. Étrangement, il ne volait pas et se contentait de ramper. Voir le petit Dragon dans cet état l'avait-il choqué ?

- Tu as également pu confirmer que c’était un faux lorsque tu lui as demandé son autographe, ajouta Clara. Pour tout ce que tu as fait, je te remercie…
- De rien, c’était un plaisir de t’aider à démasquer ce type.

« Mais je suis désolée Julie, ça ne te retire pas de la liste des suspects pour autant. » poursuivit-elle pour elle-même. « Grâce à cette enquête, j’ai découvert que tu agissais sous couverture. Rien ne me prouve que tu aies fait semblant de m’aider pour couvrir tes traces. »

Luce ne pouvait prendre pas prendre l’apparence de quelqu’un de déguisé. Aussi incroyables qu’étaient ses capacités de métamorphose, elles avaient une limite.

Elle remarqua également une infirmière entrer dans la pièce d’où son Pokémon venait de sortir. Juste à côté d’elle, son Démolosse s’assit les oreilles dressées. Surveillait-il les allées et venues du personnel soignant ?

- Si tu m’excuses Clara, je dois aller aux WC.

Julie se leva donc et s’éloigna… mais pas en direction des toilettes, situées juste à côté. Clara, suspicieuse, attendit quelques secondes avant de la suivre. À l’angle du mur qui menait aux ascenseurs, Julie avait disparu, mais Lucien se trouvait là.

- Qu’est-ce qu’il fait là lui ? s’étonna-t-elle.
- Tu joues les espionnes Clara ?

Elle bondit en l’air, le cœur cognant à tout rompre. Clara se retourna vers celle qui l’avait surprise : Élodie. Sa sœur était arrivée en début de soirée pour la soutenir moralement. Quand Julie était venue la rejoindre quelques minutes plus tôt, sa sœur en avait profité pour se rendre aux toilettes.

- Élodie, tu m’as fait peur !
- Désolée, je voulais pas te surprendre. Y a un souci avec Lucien ? s’enquit-elle en souriant.

Clara ne put s’empêcher de se demander si ce sourire était sincère. Elle ne pouvait pas retirer de son esprit que le Pokémon de sa sœur s’était attaquée à elle quelques jours plus tôt.

- Non c’est rien… répondit-elle en détournant le regard. Je me demandais juste ce qu’il faisait là.
- Tu ne devais pas te renseigner sur l’état de santé de tes Pokémon ? s’étonna-t-elle.
- Draco est hors de danger, mais il va devoir rester alité pendant plusieurs semaines pour se remettre. Mais je suis plus inquiète pour…

- DOCTEUR ! DOCTEUR ! hurla une voix.

Les deux sœurs se tournèrent aussitôt vers la source : la pièce où le Minidraco était soigné. Plusieurs Pokérinaires en chemise blanche se précipitèrent à la rescousse. Démolosse s’était lui aussi levé et s’était rapidement déplacé vers la porte. Stupéfié, il se tenait maintenant là, incapable de bouger.

Inquiète, Clara accourut à toutes jambes, bousculant les docteurs qui se rendaient eux aussi sur les lieux. La scène qu’elle découvrit la figea sur place. Le petit Pokémon Dragon avait le masque respiratoire décroché de sa bouche, de laquelle sortait de l’écume en abondance. Son corps avait des angles bizarres, comme si quelqu’un l’avait tiré pour le remettre droit.

Le lit blanc sur lequel elle était installée avait des plis étranges, pas naturels. Le premier était à droite de son corps, à une trentaine de centimètres du bout de sa queue. Le deuxième se trouvait sur sa gauche tout près du milieu de son corps et deux autres étaient situés au niveau de sa tête.

- Ce Pokémon a été victime d’un empoisonnement, murmura-t-elle pour elle-même.

Pourquoi cette infirmière n’avait-elle pas appelé au secours ou protégé son patient ? Si Minidraco avait été empoisonné avant son arrivée, pourquoi n’avait-elle pas appelé à l’aide tout de suite ?

Dans cette pièce surveillée par son propre Pokémon, quelqu’un avait réussi à assassiner le seul témoin qui pouvait l’emmener au traître. Il était évident que Minidraco connaissait son identité : avant que les docteurs ne bougeassent son corps, elle avait tenté d’indiquer le nom de son meurtrier.

« Élodie… tu as accouru ici en apprenant que mon Pokémon était blessé, mais Luce aurait très bien pu te prévenir du danger et tu as trouvé ce prétexte pour me rejoindre. Pendant que tu étais aux toilettes, tu aurais pu t’y rendre par téléportation… et cela expliquerait notamment pourquoi tu lui aurais laissé Gardevoir. Julie… Tu as très bien pu prendre prétexte de te rendre aux toilettes pour en profiter pour assassiner ta cible. Lucien… Je sais pas ce que tu fichais ici, mais ça ne m’étonnerait pas que tu sois venu pour une raison aussi sinistre. Je n’ai aucune idée de tes allées et venues au moment du crime, mais tu aurais très clairement eu le temps d’entrer dans la pièce. Tous les trois, vous êtes les suspects dans cette affaire. Chacune de vos premières lettres auraient pu être dessinées par le corps d’un Minidraco. Et comme il a été victime d’un empoisonnement, il était clairement établi que ce n’était pas le mode opératoire de l’assassin, le traître en personne avait… »

Un cri terrible arrêta soudain ses pensées. Tous, humains comme Pokémon se retournèrent vers l’origine de ce cri.





- C’est impardonnable. Tu vas me le payer ! Jamais… JAMAIS JE NE TE PARDONNERAI CE QUE TU AS FAIT !

Ce sale traître allait payer pour la mort de sa sœur, dusse-t-il en mourir.



À SUIVRE



©Crédit à Flygonheart pour le dessin