C.26 : Le disciple et le maître
Récapitulatif du dernier chapitre :
Partant à la recherche du trio d’aventuriers, Aoi se fait capturer par un groupe de monstres qui le garde prisonnier en compagnie du Cochignon, seul survivant de son groupe, et d’un Osselait. Ils savent qu’une mort certaine les attend alors ils tentent le tout pour le tout et s’évadent. En surnombre, Aoi tente de lancer Hatya vers la sortie mais cela échoue. Mistid apparaît alors.
***
~An x1834 après Arceus~
— M… Mistid ?
— Je me souvenais t’avoir vu hier. Te retrouver n’a pas été non plus très difficile, ces monstres sont le piège des aventuriers débutants.
— Aventuriers débutants ? répéta Aoi, stupéfait. On est arrivés ici quasiment en même temps…
— Peut-être, fit-elle en se retournant vers lui, mais pendant que tu dormais et rampais dans la boue, moi je m’entraînais. Tu as pu remarquer la différence de niveau entre nous quand j’ai littéralement décapité ces gorilles, je suppose. D’ailleurs tu rampes encore. Ou tu dors, c’est difficile à dire.
L’autre était médusé. La voir arriver de nulle part et se lancer dans un monologue avait quelque chose d’irréel. Peut-être était-il mort. Autour, les monstres n’attaquaient plus. Ils se contentaient d’attendre, jugeant la force de la Mysdibule. Cette dernière observait la pièce, et elle remarqua Mostu.
— Tiens, je le reconnais, lui. Comment un être aussi fragile a pu atteindre cet étage… D’un autre côté ses alliés ne sont pas là.
— Tu n’as qu’à demander au machin bleu qui dort si tu veux en savoir plus, lâcha froidement Hatya.
Intriguée, Mistid se tourna de nouveau vers le Grenousse, qui se releva, arborant une mine grave.
— Oui, c’est ma faute s’ils sont morts…
Et il se lança dans l’explication de leur mort, du moment où ils avaient surgi des fourrés pour attaquer jusqu’à la cage. Ecoutant l’histoire jusqu’à la fin, Mistid se contenta de hocher doucement la tête, les yeux rivés au sol. Elle s’avança alors en direction du Cochignon, l’attrapa dans sa mâchoire, continua jusqu’à l’Osselait qu’elle ramassa d’une patte, et se dirigea vers la sortie.
— Aoi, j’ai pris une grande décision ! déclara-t-elle.
— Et… Laquelle ?
— Je vais faire de toi mon disciple !
Une certaine excitation teintait sa voix, comme si un sentiment de joie la parcourait. Elle lâcha les deux Pokémon au sol et se tourna vers son interlocuteur.
— Tu es mon disciple légitime. J’ai imposé le respect à ces idiots qui vous martyrisaient depuis tout à l’heure, c’est l’équivalent d’une victoire entre toi et moi. Je t’ai battu alors tu dois désormais suivre mes ordres et m’accompagner dans mes entraînements. Et le premier commence maintenant ! Elimine tous ces monstres sans qu’ils ne s’en prennent à tes amis blessés, je vous attends dehors !
Et sur ces mots elle sauta de la falaise en direction d’un arbre. C’était bien joué de sa part d’avoir laissé les deux autres derrière, Aoi ne pourrait pas s’échapper. Et ainsi s’entama un long affrontement entre lui et les gorilles. Derrière, l’un était mentalement à moitié mort, et l’autre dormait probablement, ils n’étaient donc pas disposés à lui venir en aide. Le combat s’éternisa sur une heure, le Grenousse s’exerçant à un nouveau combo d’attaques. Il s’agissait de se mettre en hauteur, et de tirer une salve d’Ecume dans les yeux de plusieurs adversaires, avant d’exécuter une Vive-attaque juste devant les pieds du monstre. Il réitérait alors sa dernière attaque combinée à un Hydra-shok, un seul anneau d’un puissant Vibraqua transformé en uppercut. Projeter de l’écume dans les yeux de plusieurs ennemis à la fois lui permettait de tromper leurs sens et de susciter la surprise. Aussi ce genre de combo pouvait s’avérer très utile face à un large groupe d’ennemis, jouant sur la rapidité et l’explosivité.
Au bout d’un moment, le nombre de monstres rejoignant le champ de bataille diminua, et Aoi finit par éliminer le dernier. Il se laissa alors tomber à genoux, haletant. Une fois de plus il avait dû vider l’intégralité de ses réserves magiques, mais il voyait des progrès. Moins d’une heure plus tard, le groupe entier était revenu au niveau des escaliers vers le vingtième étage. Hatya et Mostu étaient légèrement blessés, aussi devaient-ils impérativement récupérer. Le Grenousse s’approcha de Mistid.
— Que va-t-on faire d’eux ? lui demanda-t-il.
— Au moins un groupe finira par remonter, on leur laissera. De notre côté, on doit se reposer avant de descendre. Toi en tout cas, car ton bras est toujours mal en point. Dépêchons-nous d’aller chercher de quoi bander leurs blessures, avant ça !
— Où ça ?
La Mysdibule lui fit signe de la suivre dans la jungle. Ils passèrent ainsi de longues minutes à récupérer des fibres végétales dans l’espoir d’en faire des bandages. Ni l’un ni l’autre n’avaient de tissu à proximité, c’était donc la seule alternative. Ça et de la résine pour stopper l’hémorragie. Au bout d’un temps ils revinrent vers la sortie, où les deux créatures se trouvaient encore, appuyés contre la paroi rocheuse. Aoi s’occupa d’appliquer la résine sur leurs plaies tandis que Mistid s’efforçait de préparer des bandages rudimentaires à partir de ce qu’elle avait sous la main. Tout cela leur prit du temps, mais leurs blessures furent vite pansées, et ce fut au tour des deux autres de se soigner eux-mêmes.
***
Au même moment, le groupe d’expédition de la familia Reshiram remontait des profondeurs du Donjon. Leur mission était un succès, mais tous étaient très affaiblis. L’objectif de ce raid était d’éliminer le boss du niveau quarante, un obstacle notoire dont on n’avait que très peu d’informations. Il s’agissait d’ailleurs du derniers boss avant Azama, au niveau cinquante. De nombreux aventuriers étaient morts, trop faibles face à la créature. A l’entrée du niveau vingt-et-un, le monster trio menait la marche, suivi par les autres aventuriers, protégés à l’arrière par le Brouhabam et le Hariyama.
— Nous allons nous arrêter ici quelques temps pour récupérer de nos blessures, déclara alors Adrian. Montez le campement, nous repartirons demain dès l’aube. Il nous reste encore beaucoup de route, et nous devons nous préparer si jamais le Golem se montre.
Il alla s’asseoir sur un rocher surplombant un cours d’eau et plongea ses yeux dans celui-ci. De petits poissons y nageaient paisiblement. Ne se souciant pas du campement, Elna le rejoignit.
— Quelque chose à l’air de te déranger, lui adressa-t-elle. Pourtant nous avons gagné, nous devrions être contents !
— Sûrement, mais des camarades sont morts. Toutes les victoires du monde ne pourront pas ramener les pertes occasionnées par nos combats. C’est pourquoi je ne suis pas d’humeur à faire la fête. Aussi jette un œil à nos aventuriers. Parmi les survivants, certains ont subi de lourdes blessures, et peut-être ne pourront-ils jamais plus revenir dans le Donjon.
— C’était prévisible, tu ne crois pas ? On savait bien que ce ne serait pas une partie de plaisir, et c’est notamment la raison pour laquelle la familia a mis autant de temps avant de valider cette opération. Ils ne sont pas morts en vain.
— Tu as sûrement raison, soupira le Simiabraz. Je vais aller chercher de la nourriture.
Leurs réserves de baies étaient épuisées, ainsi fallait-il en renflouer le minimum pour les blessés. Il se leva donc et se dirigea vers le bois le plus proche, où il s’enfonça sous le regard d’Elna. Celle-ci fit volte-face et se dirigea vers le groupe d’aventuriers, avant de leur crier dessus pour accélérer le rythme de construction. Tout se passait bien pour elle, en somme. Les Pokémon s’endormirent très tôt et se réveillèrent aux aurores le lendemain. A cet étage, ils ne risquaient pas de croiser des monstres, ainsi ils pouvaient se détendre. Il ne leur fallut que quelques minutes pour défaire le camp, après quoi ils reprirent la route en direction de la surface. Près de l’escalier, ils aperçurent deux formes vivantes, l’une plus grosse que l’autre. Plus ils s’approchaient et plus ils pouvaient distinguer leurs contours.
— Tiens mais… on dirait Ayonis ! Et l’autre, ce ne serait pas Jiyana, la Roussil ?
— Alors c’était donc vrai, souffla Adrian. J’espérais que les messagers ne se trompent.
— Quoi qui est vrai ? fit la Kirlia avec insistance. Qu’est-ce qu’il se passe Adrian ?
De la colère commençait à pointer dans son ton, mais le singe refusait d’en dire davantage. Il se contentait de fixer les deux Pokémon comme la distance les séparant s’amenuisait.
— Réponds-moi ! s’exclama Elna.
Ayonis entendit sa voix et se retourna pour faire face à la familia Reshiram. Devant lui se tenaient Adrian, Elna et Oreloc. Ce dernier s’approcha du capitaine et lui murmura quelques mots.
— Si leur présence ici est fondée, alors tout le reste est vrai également, tu ne crois pas ?
L’autre acquiesça. A côté, Elna ne saisissait pas ce qu’ils voulaient dire, mais observant l’état de Jiyana elle comprit que quelque chose n’allait pas. Son pelage était brûlé, arraché par endroit, et couvert de sang séché. Elle semblait au bout du rouleau mais une lueur inconnue animait son regard. Le Dracafeu se mit à sourire.
— Adrian, Oreloc ! lança-t-il. Quel hasard de vous voir ici.
Le Simiabraz ne le regardait même pas, son regard était focalisé sur la petite créature blessée à ses côtés. Intérieurement, il bouillonnait de rage. Lui et le Capidextre étaient au courant de l’enlèvement de la petite Roussil ainsi que du traitement qui lui avait été réservé. S’il avouait tout à Elna, elle entrerait probablement en éruption et détruirait tout. Les chances du dragon étaient nulles face au groupe d’exploration, mais Adrian ne pouvait pas se permettre de s’en prendre à un membre de la Division Zéro sans quoi cela déclencherait une guerre. Ayonis passait encore, mais Lira… c’était une autre histoire. Il porta son regard vers la Pokémon Psy à sa droite. Ses pupilles semblaient s’être amincies, et son rythme cardiaque augmentait de seconde en seconde.
— Elna, calme-toi, lui chuchota-t-il. Tu sais bien que nous ne pouvons pas l’attaquer sans conséquences. Tu n’es pas la seule à enrager.
Elle devait certainement entendre et comprendre ces mots, mais son visage la disait prête à l’étriper. Il serra les poings, grinçant des dents.
— Y a-t-il un problème ? s’impatienta le Dracaufeu.
— Non… Aucun, répondit le Capidextre.
Par chance il arrivait à conserver son calme mieux que tous les autres, faisant de lui un négociateur hors pair. Mené par Adrian, le groupe s’avança en direction de la sortie, ignorant la présence des deux créatures. Mais le chef se rendit vite compte que la Kirlia ne suivait pas, les yeux fixés au sol et son regard oscillant entre Jiyana et Ayonis.
— Elna ! lui lança le Simiabraz. Allons-y !
— Je… Je ne peux pas… Je ne peux pas la laisser là !
Désormais elle tremblait et claquait des dents. Outre la rage de voir la Roussil ainsi, désormais la frustration l’envahissait. Frustration de devoir s’en aller en la laissant ainsi, sans pouvoir agir. Or elle pouvait agir. Elle ne portait pas son surnom pour rien !
— Ne dis pas de bêtises, dépêchons-nous ! Il est hors de question de provoquer un affrontement ici et avec un membre de la Division Zéro, ne sois pas stupide bon sang !
— Je me fiche de la Division Zéro ! Comment peux-tu me demander de ne rien faire alors qu’elle est prisonnière de ce monstre ?! Qu’importe si cela provoque une guerre, je la sauverai !
Ce genre de comportement était inédit pour Elna. Elle qui d’habitude était insensible à ce qui l’entourait perdait ses moyens, des larmes naissant aux coins de ses yeux. A cet instant, le Simiabraz avait presque l’impression de voir quelqu’un d’autre devant lui. Un dernier écho de la détermination sans faille de feu Agnil.
— Si tu provoques une guerre, crois-tu que tu pourras rester dans la familia ? Si par ta faute les membres de notre famille se font tuer, tu as toutes les chances du monde pour être renvoyée. Alors obéis à mes ordres et tirons-nous d’ici !
La Kirlia écarquilla les yeux. C’était trop injuste de lui faire subir cela. Pourquoi obéir à des ordres ? Qui pourrait la déclarer responsable de la mort de ce monstre rouge ? Personne ! Cette pensée commença à la faire dévier et elle libéra petit à petit sa magie. Obnubilée par l’idée de l’écraser, elle fut prise par surprise lorsqu’Oreloc lui tapa dans le dos pour la faire avancer. Dès lors, ses jambes se mirent à avancer toutes seules. A vrai dire elle ne sentait plus son corps, tant elle tremblait. Ses yeux dégoulinaient à présent de larmes. Adrian s’avança sans un regard, les yeux fixés au sol et les mâchoires serrées. A côté, Ayonis savourait cet instant, sachant que le monster trio n’aurait fait qu’une bouchée de lui. Mais non, son appartenance à la Division Zéro lui offrait l’immunité. Après tout, personne n’avait envie de subir la colère de Lira. Lorsqu’elle passa à côté de Jiyana, Elna lui adressa quelques mots.
— Je suis désolée… souffla-t-elle.
Voyant ses larmes, l’autre lui sourit et secoua la tête, signifiant que tout allait bien et qu’elle s’était résignée à son sort. La danseuse féerique détourna le regard, ne pouvant en supporter davantage, et partit à la suite des autres. La rencontre venait de miner le moral de l’équipe, plus personne ne parlait. Le groupe entama la montée du long escalier rectiligne menant au vingtième étage. Au même moment, le duo composé d’Aoi et Mistid se mit également en route. Ils laissèrent derrière eux les deux Pokémon endormis et se mirent à descendre les marches. Une nuit supplémentaire ainsi que les bandages avait permis à leurs plaies de se refermer et à leur corps de récupérer de l’énergie.
Le bras du Grenousse commençait déjà à dégonfler, signe qu’il guérissait. La vitesse de récupération des Pokémon était un sacré avantage, lorsque les combats s’enchaînaient. Après tout, il valait mieux qu’il se soigne rapidement, car avec un seul bras c’était impossible d’espérer vaincre le boss ou Ayonis. A partir de là, tous les escaliers semblaient descendre dans le vide en ligne droite. Ainsi bientôt les deux créatures débouchèrent au sommet de l’étage vingt, un endroit similaire à une mer calme à perte de vue.
— Qu’est-ce que… commença Aoi. Je m’attendais à une caverne !
— Moi aussi, concéda Mistid. Cet endroit est vraiment étrange.
Parvenant jusqu’en bas, ils se rendirent compte qu’il n’y avait qu’une mince pellicule d’au au-dessus du sol. C’était suffisant pour entendre un léger clapotis mais rien de plus. Aucune vague ne venait troubler la surface, seule de la brume masquait certains pans du paysage. Au loin, un groupe approchait. Les deux autres décidèrent d’aller à leur rencontre. C’était la première fois qu’ils se retrouvaient dans une salle de boss similaire à celle-ci, ainsi ils étaient déboussolés. Lorsque le groupe opposé fut suffisamment proche, ils reconnurent les figures de la familia Reshiram. A une dizaine de mètres de distance, ils s’arrêtèrent.
— Dites-moi que je rêve… souffla Elna.
Ses yeux étaient encore rouges et son visage livide. A côté, Adrian arborait une mine sombre. S’ils revenaient des profondeurs, alors ils avaient certainement vu Jiyana. Mistid ouvrit la bouche pour leur poser mille questions, mais n’eut pas le temps.
— Allez-vous en, fit le Simiabraz. Vous n’avez aucune chance ici-bas.