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Jusqu'à ce que les dunes cessent de chanter de Ramius



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» Auteur : Ramius - Voir le profil
» Créé le 14/07/2021 à 14:14
» Dernière mise à jour le 09/07/2022 à 17:41

» Mots-clés :   Absence de poké balls   Aventure   Conte

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Chapitre 40 : Ainsi va le monde
L’Ordre ne dormait jamais.

Son bastion pouvait être détruit, un géant échappé des mythes pouvait se dresser dans le désert et écraser tout ce qui se trouvait sur son chemin, et l’Oracilis qui lui était douloureusement indispensable pouvait disparaître sans qu’on sache ce qu’il lui était arrivé, l’Ordre continuerait de hausser les épaules et de s’attaquer aux problèmes. Les uns après les autres, méthodiquement.

Le lendemain matin, quand seules leurs articulations percluses de courbatures avaient été là pour leur rappeler ce qui s’était passé la veille, ils avaient été trouvés par des Guerriers envoyés examiner l’effondrement de la montagne.

Quelques regards peinés qui en disaient peut-être plus que des mots, une main sur une épaule, parce qu’il n’y avait pas à être bien vieux pour avoir perdu un maître, pour comprendre. Et puis une direction, un compte-rendu succinct de ce qu’ils trouveraient à la Forteresse, et allez-y, en selle ; là où le désert pouvait se permettre de laisser stagner le flot du temps dans les moments de deuil, les Guerriers auraient toujours à faire, une situation à gérer, un danger à éliminer, un devoir pour les appeler.

Mais c’était la vie qu’ils avaient choisie.

C’était quelque chose de se l’entendre dire, et c’était un tout autre cauchemar de le voir. Le croc de pierre de la Forteresse ne se dressait plus par-dessus l’horizon, et l’éboulement avait enseveli le Reg qui enserrait sa base. De loin, le chaos rocheux ressemblait à une fermilière de Crissants, de minuscules silhouettes s’affairant sur sa masse inerte : Démons et Guerriers excavant la roche pour récupérer ce qu’il y avait à sauver.

La montagne avait abrité des cultures de champignons, et une source jaillissait dans ses profondeurs : même si l’eau était la boisson du bétail, cela laissait encore la possibilité de retrouver des survivants, malgré les douze jours qui s’étaient écoulés depuis que les Guerriers envoyés au Pic Rocheux en étaient revenus. Avaient-ils entendu le grattement opiniâtre des Démons tentant de forcer leur prison de roche, ou pensaient-ils encore que seule la mort les attendait ?

En ramenant le corps de leur maître à la Forteresse, les deux Apprentis n’avaient pas vraiment le cœur à la fête. Mais les Guerriers qui s’acharnaient dans les décombres, eux, auraient été prêts à saisir le moindre prétexte pour acclamer quelqu’un et oublier leur situation catastrophique : par exemple leurs deux siblings ayant réussi à écraser la menace du Titan. Autant dire réussi l’impossible.

Un accueil étrange. La foule grandissante, prévenue par la rumeur, des siblings abandonnant tout ce qu’ils faisaient pour accourir et acclamer. Les exclamations retentissaient au loin, entre les tentes du campement provisoire, derrière les premières rangées qui avaient vu le corps dissimulé dans ses propres vêtements et adopté un silence plus digne d’honorer sa mémoire. Et il y avait aussi quelque chose de sinistre à arriver dans cet amas de tente dévasté empestant le désespoir, non loin de la zone où des dizaines de proies rapportées par les Démons étaient dépecées pour nourrir les survivants ne serait-ce qu’une seule journée, et à voir ces chasseurs et ces combattants quitter le chevet de leurs blessés avec de l’espoir plein les yeux…

Certains contemplaient la mort de Gorbak avec résignation, comme si cela devait bien arriver un jour au vieux fou ; d’autres avec respect ou tristesse. C’était cette dernière qui brillait aux coins des yeux de Cara quand elle se faufila à travers la foule pour se planter devant Onis et Aixed. La Maîtresse de Guerre osa briser le silence et communiquer aux Apprentis l’information qu’ils attendaient.

« Vous devrez l’enterrer à Yspèri, dit-elle. Son village natal…

— Oui. Pouvez-vous nous indiquer la direction ? »

Un instant de calme, Cara prenant le temps de se repérer. Une poignée de chuchotements montaient de l’assemblée.

« Il nous faudra un nouveau lieu où nous établir…

— Yspèri a été détruit.

— Mais l’Arbre est toujours debout…

— Nous pouvons le reconstruire !

— Yspèri… »

La Maîtresse de Guerre rouvrit les yeux et désigna la butte grossière et déchiquetée qui avait été la Forteresse. Désigna l’horizon, par-delà la tombe de roche.

« Vous en aurez pour trois jours de voyage, à peu près. Si vous devez chercher, soyez attentifs : l’Arbre à contes d’Yspèri ne se verra pas de loin. »

Ils hochèrent la tête, et firent demi-tour.

Ce n’était jamais qu’un problème après l’autre. Ça l’avait toujours été.

Trouver le village ne fut pas aussi épineux que Cara ne l’avait craint : si leurs épées n’étaient pas encore capables de les guider vers les villages, ils avaient en revanche le Démon de Gorbak avec eux. Une fois que celui-ci eut reconnu les signes mystérieux qui avaient délimité son territoire pendant des années, il n’eut aucun mal à les conduire à Yspèri.

L’Arbre se dressait seul, abandonné au creux d’une dune. Les charognards avaient depuis longtemps nettoyé tout ce qu’ils pouvaient et le vent avait fait le reste : il n’y avait pas de piquets brisés, déliés et éparpillés, il n’y avait pas de lambeaux de cuir piégés dans le sable, il n’y avait même pas cette auréole un peu plus sombre qui indiquait qu’un Alchimiste avait amélioré ce sable et lui avait permis de nourrir plus de Rocs-Oreille. Tout au plus restait-il un couple de Lapins-Sapeurs qui disparurent sous le sable bien avant leur arrivée mais dont ils pouvaient voir les traces. Et, après un examen attentif, de minces traînées couleur de cendre, qui marbraient l’écorce de l’Arbre là où elles s’étaient infiltrées après l’incendie.

Un frémissement commun, qui ne venait pas du vent, parcourut les feuilles du pilier végétal lorsqu’ils descendirent à pied entre les dunes, jusqu’à son berceau de racines. Une torsion, particulièrement visible sur certaines des branches les plus longues. L’Arbre dirigeait son attention sur eux et se tenait prêt à les attaquer. Après des mois de solitude, il se montrait plus méfiant envers les humains. Mais peut-être reconnaîtrait-il Gorbak.

Les Apprentis détachèrent prudemment son épée de ce dernier, enveloppant le précieux être d’Acier dans la tente de voyage de Gorbak. La protection offerte par ce simple manteau de cuir serait bien faible, mais l’épée s’y endormirait et pourraient être placée dans la prochaine armurerie de l’Ordre, où qu’elle soit.

Puis ils creusèrent le sable à la main vers le noyau de chair de l’Arbre, contournant prudemment les racines qui tendaient des appendices longilignes vers eux comme pour examiner ces intrus. Lorsqu’il y en eut assez, ils déposèrent le corps de leur maître dans le berceau de bois qui se referma doucement sur lui, et entreprirent de rendre le sable qu’ils avaient emprunté. Comme apaisé par leur offrande, l’Arbre relâcha ses branches, les invitant silencieusement à profiter de son ombre.

***
Ils croisèrent le sillage de trois siblings sur le chemin du retour. Les deux premiers courraient de village en village, porter les nouvelles et assurer de l’avenir de l’Ordre ; le troisième chassait un troupeau de Gueules du Sable pour les survivants de la Forteresse, et ils se joignirent volontiers à lui.

Ce n’étaient pas les monstres les plus accommodants : contrairement aux Chiens des Enfers, ils refusaient de s’enfuir devant un Démon, préférant serrer les rangs et barrir pour intimider leur ennemi. Mais ce troupeau-ci incluait un Porteur de Sable. Il ne fallut que quelques manœuvres aux Guerriers pour l’énerver et le pousser à libérer une tempête de sable. Restait alors seulement à isoler un des monstres aveuglés par leur propre défense, à l’abattre proprement et à traîner sa carcasse à l’écart. Plus facile à dire qu’à faire, puisqu’il pesait autant que les trois Démons réunis… Même en comptant la masse de ses os, les charognards du désert se régaleraient bientôt.

Ainsi revinrent-ils à la Forteresse en passant par ses cuisines de fortune, ce qui leur valut sans doute plus de sourires francs que six jours plus tôt. Le campement avait continué de bouger dans cet intervalle : il s’était réduit, compacté. Moins de Guerriers et moins de recherches au flanc de la montagne. Où que s’établirait le nouveau bastion, le déplacement ne tarderait pas.

Les Apprentis devaient trouver un Maître de Guerre pour entendre ce qu’il s’était passé depuis que Gorbak les avait guidés loin de la colonne de l’Ordre, au Pic Rocheux ; dix-huit jours plus tôt déjà… Ils savaient que la politesse demandait de s’adresser à Cara, et qu’elle avait une certaine tendance à être introuvable, aussi se rendirent-ils d’abord à l’armurerie.

C’était une installation temporaire, bien sûr : on ne pourrait pas laisser très longtemps toutes ces épées dans le sable, sommairement enveloppées, et si près d’un rassemblement d’autant de gens. Mais le Maître de Guerre qui se tenait là n’en bougerait pas.

Il les accueillit respectueusement, sachant pertinemment qu’ils venaient lui remettre l’épée de leur maître. Lorsqu’il l’eut entre les mains, il s’agenouilla en douceur, vite suivi par les Apprentis, et la posa au sol en déroulant doucement le cuir qui l’entourait. Les derniers plis furent suivis par les panaches de l’épée qui se déployèrent paresseusement.

Le Maître resta silencieux un instant, comme l’arme s’étalait doucement au sol. Il invita les Apprentis à prendre congé d’un signe de tête, recevant un remerciement semblable.

Ils n’avaient pas fait trois pas qu’ils tombaient sur Varsta. Le Maître des Sables arborait avec une fierté discrète une contusion qui parsemait de sang séché la moitié droite de son visage. Certes, cela avait une certaine harmonie avec les panaches rosés de son épée, et ils avaient appris qu’il l’avait gagnée en se précipitant dans un dortoir de novices pendant l’éboulement, mais les Apprentis ne firent pas mine d’être impressionnés. Ils ne devaient pas avoir une apparence beaucoup plus propre — ils avaient l’impression d’être devenus des vieillards. Sept jours avaient passé depuis le combat contre le Titan, à peine un mois depuis ceux contre Tograz et ses sbires. Les coups reçus semblaient s’incruster chaque jour un peu plus profondément, malgré les baumes et les concoctions.

« Vous cherchez Cara, j’imagine ?

— Si vous savez où elle est… »

Le Maître sourit et leur fit signe de le suivre. Il les mena avec assurance à travers le dédale de tentes, et ils ne tardèrent pas à tomber sur une Cara occupée à débriefer un groupe de Guerriers, un par un. Elle leur accorda à peine un regard avant de se retourner vers celui qu’elle avait en face d’elle.

« Varsta, l’épée. Je vous rejoins dans un instant ; il va y avoir un peu d’attente dans la file, allez donner un coup de main ailleurs ! Donc, Selnet, je pense que… »

Le Maître des Sables se retourna avec un regard interloqué, vite dissipé par la compréhension. L’épée de Gorbak flottait derrière les deux Apprentis, attendant patiemment qu’on la remarque.

« On dit, expliqua doucement Varsta. Que parfois, une épée qui respectait son maître l’accueille en elle après sa mort. »

Cela aurait étonné Onis, vu l’état d’esprit que le vieux Guerrier n’avait pas quitté depuis qu’ils couraient avec lui. Mais il garda ses doutes pour lui.

« Bon ! lança Cara en entrant dans leur cercle. Étant donné la gravité de ce dont nous devons parler, il serait d’usage de requérir la parole d’un Maître de la Maison, mais par respect pour Tahipik, je propose de nous en abstenir.

— Oui, approuva Varsta. D’autant que les Maîtres de la Maison sont débordés. »

Les Apprentis comprirent avec un temps de retard. Les Maitres de la Maison, avait dit un jour Gorbak, n’avaient que peu de temps à consacrer au combat, et étaient donc souvent choisis parmi les Apprentis rejetés par leur épée. Ceux-là avaient forcément payé un tribut plus lourd que les autres, étant complètement dépourvu de Hantises pour s’échapper de la montagne…

« Racontez-nous donc… »

Ils eurent beau rester concis, leur récit leur prit longtemps. Si leurs six jours de poursuite du Titan tenaient en une phrase, le combat qui avait eu lieu au cœur du désert et la décision folle de Gorbak demandaient plus d’explications. Puis Cara et Varsta prirent une nute encore pour laisser leurs pensées se développer et se figer.

« Nous savons que tout ceci a été conseillé à la Lame Noire… finit par noter Varsta.

— Tu penses que ceci pouvait avoir été prévu ?

— Tograz lui a donné l’épée qui savait comment réveiller le Titan. Il a gardé des secrets, mais je suis certain de ce fait-ci : il est celui qui a aiguillé Niram, tout du long. Et je trouve que pour une montagne de vingt kètres de haut, elle a été abattue trop facilement. »

Cara eut un rire sincère à cette affirmation, tournée vers les Apprentis qui hésitaient sur la conduite à tenir.

« Arrête, Varsta, tu vas vexer nos deux héros…

— Eh bien, intervint Aixed. Sur la fin, vos héros ont juste fait de leur mieux pour casser un tas de cailloux inertes et l’éparpiller.

— Certes, admit le Maître des Sables. D’ailleurs, je pense que vous pouvez garder ces yeux. Ce trophée est à vous, et s’ils ne vous ont pas encore attaqués, je doute qu’ils se fassent trop entreprenants. »

Ils avaient prélevé ces satanées orbes oranges quand elles s’étaient éteintes au milieu du corps morcelé du Titan, et elles avaient résisté à toute tentative de les briser.

« Cependant, reprit Cara. Varsta a raison. Il n’est pas à exclure que Tograz ait fait exprès de proposer à Niram une arme imparfaite.

— Mais dans quel intérêt pour lui ? demanda Onis.

— La détruire, sourit Varsta. La détruire une fois qu’elle nous aurait détruit nous, pour se présenter en sauveur aux yeux du désert.

— Il aurait sans doute eu besoin de complices, nota Cara. Mais il savait manier l’épée et ressemblait beaucoup à un Dresseur, tel qu’ils en ont sur la côte… Je ne sais pas combien de monstres il aurait fallu pour directement abattre une montagne, mais les Tortues-Plateau sont nombreuses et leurs lianes peuvent être tenaces.

— Un plan pour remplacer l’Ordre… songea Varsta. Possible.

— À nous d’ouvrir l’œil. Mais on ne retrouvera pas les têtes pensantes. Qu’on dit les quelques oraciles que nous avons pu ramener du Pic avant de mourir, déjà ?

— Avec la mort de la source de leur pouvoir, leurs prophéties n’ont plus court. »

Si le visage du Maître était peiné, il ne parvenait pas vraiment à cacher que l’idée n’était pour lui que l’inconvénient ennuyeux d’une bonne nouvelle, et rechignait à en regretter le contexte. Ce n’était guère une surprise, l’Ordre avait toujours été partagé à propos de l’Oracilis. Cara le rabroua sans s’en soucier.

« Respecte un peu les morts des autres, Varsta. Leurs soupçons étaient fondés, tu l’as dit toi-même.

— C’est vrai. Mais ils nous poseront encore plus de problèmes que pour trouver les scientistes. Et nous n’avons déjà plus aucune piste reliée aux laboratoire trouvés par Gorbak.

— Et qui s’en étonne… »

Ils restèrent plongés dans leurs pensées plusieurs gondes, sans être interrompus par les Apprentis qui avaient décroché du fil de leur raisonnement. Qu’est-ce que c’était que cette histoire d’oraciles mourants, d’abord ?

« Ce qui ne nous laisse qu’une chose à faire ? présuma Varsta.

— Avec plaisir. Aixed, Onis, votre maître nous a quittés avant d’avoir pu vous recommander aux Maîtres de Guerre, mais je ne doute pas que vous avez beaucoup appris auprès de lui. Je pense que vous ne serez pas démunis si nous vous envoyons dans le désert en solitaire ; ou en duo, pour être exacte. L’acceptez-vous ?

— Naturellement, il faudra organiser la Cérémonie du Lignage, intervint Varsta. Les archives de Maître Nerrion ont été perdues avec lui et nous ne les avons pas encore retrouvées, aussi j’ai peur que ne soyez ordonnés de façon un peu inhabituelle… Mais bon, cela vous épargnera une sacrée litanie. »

Ce qui lui attira un regard glacial de Cara ; techniquement, il n’avait pas interféré avec le rituel puisqu’il n’était pas celui ayant fait la proposition, mais il était rare de voir parler avec une telle désinvolture de la récitation des cinq centaines de générations de maîtres reliant chaque Apprenti à Oghonek.

Onis et Aixed eurent à nouveau de regard de questionnement mutuel que Gorbak leur avait souvent arraché. Guère étonnant vu la question qu’on leur posait.

N’était-ce pas un peu jeune, pour devenir Guerriers ?

***
Margar tentait de se concentrer sur le chef Eldan, mais il y avait tous ces enfants qui gambadaient dans les rues du village, et puis c’était une chance inespérée… La tentation était forte.

« Dans ce cas, reprit Eldan. Margar-nag, Etha Milton-sil, je te souhaite la bienvenue parmi nous.

— Je t’en remercie, Eldan-nag. »

Voilà, c’était fait.

Elle avait croisé la route du village nomade d’Eldan avant d’arriver à celui vers lequel elle se dirigeait. Une belle compagnie de maracachis et de cacturnes, suivis à petite distance par les humains transportant leurs tentes. Des excavarennes chargés de paniers de nodulithes entravés qu’une véritable horde de sapereaux tentaient d’attraper sans trop insister, deux donphans surveillant un jeune phanpy… Et puis tous les enfants. Les signes d’un village prospère.

Ces gens n’avaient pas besoin d’une scientiste. Ils voulaient que leurs enfants apprennent les noms de leurs ancêtres, pas leurs sciences ; ils voulaient que leurs combattants sachent immobiliser et abattre un drascore, pas résoudre des équations ; ils voulaient que leurs flûtes produisent les mélodies les plus spontanées, sans que quelqu’un n’ait réfléchi aux fréquences et aux gammes.

Ils n’avaient pas besoin d’elle. Mais elle, elle avait besoin d’eux. Alors elle s’était dirigée vers la tête du groupe, où se trouvait le chef, et lui avait demandé l’accueil des nomades en marchant auprès de lui.

Peut-être, quand leur chemin les aurait poussés au pied des montagnes bordant le désert, désormais certainement effondrées ; peut-être, quand un futur devenu inquiétant leur ferait trop lourdement ressentir le manque de l’Oracilis ; peut-être, quand ils auraient constaté de leurs yeux la faiblesse dans laquelle l’Ordre semblait bien parti pour s’engluer…

Peut-être se tourneraient-ils vers la science.

Peut-être les condamnait-elle. Margar se sentait tout de même libérée d’un grand poids. Des décennies passées à se cheviller au corps la méfiance d’une proie ne s’oubliaient pas facilement, et lui hurlaient qu’elle était en danger, mais elle continua de les ignorer d’une oreille. Elles se tairaient d’ici quelques jours, quand le pacifisme des villageois la ramènerait à son train-train habituel. Coudre, percer ou filer, calculer discrètement et se taire quand elle ne parlait pas de quelqu’un d’autre. Autant d’automatismes qui la feraient sembler normale, aussi longtemps qu’il le faudrait…

Tout de même. Eldan l’avait accueillie malgré son honnêteté à propos du Sèmèrès. Ce n’était pas désagréable, de ne pas mentir…