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Sang Royal - Tome 1 : Trahison de groudonvert



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Informations

» Auteur : groudonvert - Voir le profil
» Créé le 03/07/2021 à 13:41
» Dernière mise à jour le 11/04/2022 à 12:07

» Mots-clés :   Action   Drame   Policier   Sinnoh   Suspense

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Chapitre 18 : Le goût amer de la trahison
Note de l’auteur : Pour des raisons de simplification, les flashbacks de ce chapitre sont écrits sans italique.



Lorsque la foudre éclata une nouvelle fois, Draco se réveilla complètement. Sa nuit ne cessait d’être interrompue par la tempête qui faisait rage à l’extérieur. Les yeux fatigués, il bâilla et étira son long corps serpentin, avant de se lever.

Il voleta tranquillement dans la pièce, tâchant de faire le moins de bruit possible. Clara et ses trois autres Pokémon dormaient profondément. Il les enviait un peu, ses nuits étaient agitées depuis des semaines. Avec tous ses soucis, trouver le sommeil devenait parfois une épreuve.

Lorsqu’il tonna à l’extérieur, le Dragon s’aperçut que l’une des fenêtres était restée ouverte. Clara laissait toujours une fenêtre ouverte au cas où lui ou un autre de ses Pokémon souhaitait sortir durant la nuit. Il ragea intérieurement en songeant que c’était à cause de cette fenêtre qu’il avait été réveillé.

Que pouvait-il faire ? Sortir sous la pluie ? Bien qu’être mouillé ne le dérangeât pas, il n’avait pas spécialement envie d’affronter un orage. Ne pas réussir à dormir ne justifiait pas de prendre des risques. Il aurait bien aimé fermer la fenêtre, mais il n’avait pas les attributs physiques nécessaires. Résigné, il s’en détourna pour rejoindre son lit, mais c’est à ce moment-là qu'il vit quelque chose d’inhabituel.

Le lit King Size était vide. La couverture qui aurait dû recouvrir le lit avait disparu avec son occupante. Draco se demanda un instant si elle n’était pas allée aux toilettes à cause d’un besoin urgent, mais pourquoi aurait-elle fait voler sa couverture dans ce cas ?

Inquiet, Draco s’approcha de la table de nuit et ouvrit les tiroirs un à un. Stupéfait, il trouva alors ce qu’il n’espérait ne pas trouver. Désormais elle était en danger, incapable de se défendre.

- Qu’est-ce qui se passe Draco ? demanda Évoli, d’une voix fatiguée.

Elle l’avait rejoint furtivement et il vit à son air hagard qu’elle était épuisée. Il avait dû la déranger à force de fureter dans toute la pièce.

- Clara a été enlevée, révéla-t-il, la gorge nouée.
- Mais c-c’est… c’est impossible, bégaya-t-elle
- Dans la joie de ses découvertes d’aujourd’hui, Clara a commis une grosse erreur, répondit-il en pointant le fond du tiroir avec sa queue. Tu peux la retrouver ?
- Je vais essayer, promit-elle.

La truffe en l’air, la jeune chatte commença à renifler les odeurs. En l’observant, Draco ne put s’empêcher de se rappeler à quel point ses capacités olfactives avaient baissé. Cinq ans auparavant, il aurait pu la chercher sans aide.

- Je les ai trouvées, chuchota-t-elle après un temps infini.
- Où sont-ils ? demanda Draco, inquiet.
- Elles, corrigea Évoli. Elles sont sur le terrain.

« Elles ? Clara avait été enlevée par une fille ? » s’étonna-t-il.

Elle se précipita alors vers l’ascenseur du couloir menant au salon. Elle l’actionna en sautant sur le bouton d’appel. Trépignant d’impatience, elle se glissa à l’intérieur sans faire attention au fait que le dragon l’avait suivie. Lorsque la lourde double-porte de l’ascenseur se rouvrit, les deux Pokémon plissèrent des yeux, aveuglés par la soudaine luminosité. Les lumières de l’arène avaient été allumées.

- Ne bougez pas ! tonna une voix. Si vous faites un seul geste, elle meurt !

Lorsque ses yeux se furent réhabitués, Draco put finalement voir celle qui avait parlé. Vêtue d’un long manteau noir tombant jusqu’au sol, la capuche rabattue sur son visage, seuls ses yeux rouges étaient visibles.

- Gardevoir ! répondit-il, en reconnaissant la voix.

Cela faisait des mois qu’ils ne s’étaient pas vus. Il savait qu’elle lui en voulait, mais il n’aurait jamais cru qu’elle s’en prendrait à Clara. À ses côtés, Évoli eut un mouvement de recul, la truffe froncée.

- Qu’est-ce qui se passe ? lui chuchota-t-il.
- Clara est juste au-dessus de nous, répondit-elle, inquiète.

En levant la tête, Draco aperçut alors la jeune championne. Elle était plaquée contre la rambarde où Démolosse avait l’habitude de se poster… mais en-dessous. Les bras en croix, le visage blanc comme la neige, elle était incapable de bouger. Gardevoir semblait la maintenir là par la simple force de ses pensées.

- Va le chercher Évoli.

Les yeux ronds, la petite chatte l’observa sans comprendre ce qu’il voulait dire.

- Réveille Démolosse, explique-lui la situation, il comprendra quoi faire, poursuivit le Dragon en chuchotant. Je m’occupe d’elle.

Clara avait commis une énorme erreur en se couchant le soir précédent. Était-ce à cause de l’euphorie de ses découvertes ? Ou un simple relâchement, pensant qu’un oubli pouvait arriver ? Quoi qu’il en fût, elle avait négligé sa sécurité et en payait le prix maintenant.

Évoli avait déjà tourné les talons quand il détacha ses yeux de Clara. Il devait la sauver, mais comment ?

- Gardevoir, lança-t-il. C’est à moi que tu en veux, relâche Clara.

Cette dernière éclata de rire. Draco tressaillit en l’entendant, il était froid comme la glace, aucune joie, aucune émotion ne s’en échappait.

« Son rire tient la comparaison avec celui de Xatu. » songea-t-il.

Leurs rires étaient différents certes, mais le même sentiment d’effroi l’animait.

- J’ai toujours su que tu étais indigne de confiance, Draco. Mais tel maître, tel Pokémon, dit-on.
- Qu’est-ce que tu veux dire ? répondit-il, étonné.

Il en avait conscience, ses actions depuis de nombreuses années, lui donnaient mille fois raisons : il était indigne de la confiance qu’on lui accordait. Démolosse avait fini par découvrir sa véritable nature, combien de temps faudrait-il à Clara pour le comprendre ?

- Tu veux savoir pourquoi j’en veux à Clara ?

Sans s’en rendre compte, il acquiesça. Oui, il aimerait bien connaître son histoire, mais avait-il le temps ? Il devait réfléchir à un moyen de la sauver pendant que Gardevoir lui raconterait son histoire.


- Mes premiers souvenirs remontent à notre première rencontre, commença-t-elle. Je me rappelle avoir pensé que c’était le meilleur moment de ma vie. Mais ce n’était que le début du cauchemar.


17 ans plus tôt

Une douce chaleur l’envahit, calme, réconfortante. Elle sentit un regard chaleureux sur sa peau. Elle ne voyait rien, mais sentait la présence de quelqu’un. Quelque chose l’agrippa fermement autour de son petit corps, il y avait quelque chose de poilu à son contact qui la faisait frémir.

Un instant plus tard, son dos reposait sur deux étranges longs membres pourvus de poils. Ils faisaient d’étranges mouvements en diagonal, elle se sentait bercer et son esprit de nouveau-né se sentait partir. Sa tête cogna tout d’un coup quelque chose de moelleux, ses lèvres étaient posées sur une pointe un peu plus dure d’où une odeur lactée s’échappait. Instinctivement elle ouvrit la bouche et commença à téter. Le liquide qui entra dans sa bouche lui paraissait délicieux et bon à manger.

- Chérie, mais qu’est-ce que tu fais ? s’écria une voix grave.

Celle-ci semblait à la fois inquiète et surprise. Mais où était le problème ? Un grognement sourd provenant de son ventre indiquait qu’elle avait faim.

- Sa mère est morte, répliqua une autre qui venait d’au-dessus d’elle.

C’était celle qui la portait dans ses bras, supposa le nouveau-né. Et qu’est-ce donc que cette « mère » ?

- Et donc tu la nourris toi-même ? insista le premier, visiblement choqué.
- Elle est si belle, chuchota sa nourricière.

Cet instant dura quelques minutes, la sensation d’être rassasié emplit son petit corps de bonheur. Un petit rot sortit de sa bouche, alors qu’il reposât sa tête sur les membres de la femme. Alors qu’elle sentait le sommeil la gagner, elle sentit qu’on la déposait sur quelque chose de moelleux et doux. Alors qu’on tirait une fourrure chaude sur son petit corps, une toute petite chose munie de cinq membres minuscules se posa sur son ventre.

Finalement, elle ouvrit ses yeux sur le monde pour la première fois. Elle put voir une étrange créature au teint rose. Celle-ci ouvrit ses paupières et les deux bébés s’observèrent quelques instants. Instinctivement, elle plongea son esprit dans l’autre. Le visage du deuxième s’étira, tandis que ses lèvres se plissèrent en un sourire joyeux, avant de reposer sa tête et se rendormir.

La petite Tarsal et le bébé Clara s’étaient rencontrées et avaient tissé un petit lien invisible.


1 an et demi plus tard

La petite Tarsal se tenait à quatre pattes au sol. Elle regardait Clara, postée à son côté dans la même position. Le lien qui s’était tissé entre les deux bambins s’étaient endurcis au fil du temps, sans vraiment qu’elles ne s’en rendissent vraiment compte.

Tarsal pouvait ressentir les émotions de l’autre, elle savait quand Clara était en colère, quand elle était triste, quand elle se sentait mal… avant qu’elle ne le montrât à ses parents. Mais du fait de sa proximité spirituelle avec le bébé, son développement mental avait été considérablement ralenti. Par exemple, elles ne savaient pas encore marcher.

Toutefois, si Clara ne savait pas encore parler, toutes les deux avaient au fil du temps commencé à communiquer en pensée. Par de simples émotions au début, puis par quelques paroles. Toutes deux pouvaient s’exprimer dans un langage qu’elles seules comprenaient. Leurs yeux pétillaient de joie, à chaque fois qu’ils se croisaient.

Clara tenta alors péniblement de lever sa jambe droite et posa son pied à terre. À l’aide de ses avant-bras, elle fit de même avec son autre membre. Doucement, cherchant à garder son équilibre, la toute petite fille tenta de se lever. Lorsqu’elle se redressa, elle battit des bras pour tenter de rester debout. Tarsal ne tenta pas de l’aider, elle savait que son amie n’apprécierait pas. Elle ressentait toute sa détermination transparaître dans son esprit.

Chancelante, elle avança de quelques pas. Clara tourna alors la tête vers elle et un sourire émerveillé s’afficha sur son visage. Elle avait marché !

- Oui ! s’écria Clara.

Son enthousiasme se changea en bonheur, lorsqu’elle s’aperçut qu’elle avait prononcé son premier mot. Le Pokémon Sentiment avait crié en même temps qu’elle. Les deux bébés s’entreregardèrent, béats. Tarsal s’aperçut alors qu’elle se tenait elle aussi debout, près d’elle. Elle avait effectué les mêmes mouvements que la petite humaine.

Les deux bébés se sourirent avec joie, les yeux plongés les uns dans les autres. Un évènement aussi simple qu’apprendre à marcher, les rendaient heureuses.

Quelle chance avait-elle d’avoir un lien si profond avec cette humaine. Elles pouvaient se comprendre d’un simple regard. Leurs petits cœurs battaient à l’unisson, tandis que leurs esprits se communiquaient leurs émotions.

Soudain, un cri perçant la fit sursauter. Elle tourna immédiatement son regard vers sa provenance. Un gémissement de douleur suivit, puis un autre… Les deux bébés se regardèrent, l’inquiétude qu’elles ressentaient, se changea vite en curiosité : elles voulaient connaître la raison de ces cris. Elles se savaient seules dans leur petite chambre. Ça ne pouvait venir que de l’extérieur de la pièce.

À petits pas, la jeune Clara s’approcha d’une porte de derrière laquelle provenait le bruit. Elle tomba vite sur le sol, mais, déterminée, poursuivit son chemin à quatre pattes. La Tarsal la suivit de la même manière. Son amie tenta alors de se relever en s’appuyant au mur pour appuyer sur la poignée, mais celle-ci était trop haute d’une tête. Frustrée de voir qu’elle n’y parvenait pas, Tarsal se mit alors à souhaiter que son amie fût plus grande, un grand mal de tête l’envahit alors soudainement.

Clara poussa alors un petit cri de surprise, alors qu’elle se rapprochait de la poignée. Elle l’actionna pour ouvrir la porte. Alors que son mal de crâne se stoppait net, son amie tomba par terre avec un gémissement de douleur. Tarsal tourna la tête de droite à gauche, ne semblant pas comprendre ce qu’il venait de se passer.

Le Pokémon Sentiment se rapprocha de sa propriétaire, alors que celle-ci reprenait ses esprits. Un hurlement de douleur les fit sursauter toutes deux. Inquiètes, elles observèrent la scène qui se déroulait sous leurs yeux :

Un géant se tenait devant elles. Il était vêtu d’une étrange tenue verte qui flottait sur lui. Ses cheveux étaient recouverts d’un étrange filet transparent de même couleur. Il se tenait de dos par rapport à elles, et il ne leur prêtait aucune attention. Concentré, penché, il regardait à l’intérieur d’un étrange meuble. Ce dernier les dépassait en taille de deux bonnes têtes. Une poignée était visible de leur côté où une main humaine était fermement agrippée. Posé contre le mur se voyait une plaque métallique blanche, de la superficie de l’étrange meuble carrelé.

Une tête féminine aux traits durcis par la souffrance dépassait du côté gauche – à l’opposé d’où se tenait le géant. Elle hurlait à pleins poumons, alors que l’homme lui parlait doucement, avec assurance. Les deux bébés observaient la scène sans comprendre ce qu’il se passait.

Et tout d’un coup, le silence se fit. Les hurlements avaient laissé place à des halètements. L’homme se redressa, alors qu’un nouveau cri perçant et aigu vrilla leurs tympans. La créature semblait minuscule, bien petite que ce dont la petite Tarsal se souvenait. Quelques petits cheveux blonds se voyaient au-dessus de son crâne nu. Après le premier cri, le nouveau-né s’était endormi, ses petits poings serrés près de sa tête.

Un bruit étrange provint de l’habitacle d’où était sorti le bébé, tandis que la femme se relevait. Son corps ruisselait d’humidité qui lui donnait une certaine beauté. Elle était entièrement nue, les cheveux grisonnant par l’âge. Lorsqu’elle aperçut les invités surprise, elle leur sourit avant de sortir – ce que Tarsal apprendrait plus tard – de la baignoire.

L’homme la regarda, nullement surpris. Il regarda sa femme marcher quelques pas chancelants avant de se retenir à la porte, l’épuisement semblant la rattraper. Ses bras toujours occupés par le bébé, il ne pouvait l’aider. Tandis qu’elle se reprenait et quittait la pièce, l’homme se pencha vers elles et leur expliqua avec émotion :

- Clara, dis bonjour à ta petite sœur Élodie !


2 ans tard

- Moi je Surf ! s’exclama Élodie, joyeusement.

De ses mains menues, la toute petite demoiselle projeta une vague d’eau sur Clara. Elle plongea alors pour esquiver l’attaque de sa sœur. Une fois la vaguelette passée, elle refit surface et lui cracha de l’eau au visage.

- Et moi, j’réplique avec Pistolet à O, répliqua-t-elle avec un grand sourire.
- Beurk, t’es dégueu Clar’ !

La petite Tarsal ne pouvait s’empêcher de sourire en les regardant s’amuser dans la baignoire, baignoire suffisamment grande pour accueillir les deux enfants. Elle se tenait assise sur le bord, ses petits pieds touchant à peine la surface. Elle se demanda un instant si son allégresse venait d’elle ou de Clara. Elle ne le savait jamais vraiment.

« Tracie, jette-lui une petite boule d’eau par derrière ! » lui lança Clara, espiègle.

Tracie… c’était le prénom que son amie lui avait donné. Elle ne l’appelait comme ça que par télépathie, car c’était son seul moyen de l’appeler, elle, par son prénom. Leurs esprits à toutes les deux étaient profondément liés depuis leur naissance. Elles savaient toujours tout l’une de l’autre, ce qu’elles pensaient, ce qu’elles ressentaient… Elles avaient grandi ensemble, complètement inséparables, telles deux sœurs jumelles.

Elle n’avait jamais connu sa mère, visiblement morte en lui donnant la vie. Aujourd’hui, elle connaissait un bonheur à nul autre pareil, comment pouvait-il en aller autrement quand on pouvait communiquer avec sa meilleure amie par la télépathie ?

Discrètement, Tracie s’exécuta, une image vint dans son esprit, outrée… en colère ? Elle supposa que son amie était en train d’imaginer la réaction de sa victime. Le bas blanc de son corps trainait dans l’eau écumeuse, cela lui permit de sortir discrètement une boule d’eau grâce à ses pouvoirs psychiques.

En voyant cela, la jeune Clara ne put s’empêcher de pouffer, qu’elle imita presque aussitôt. Élodie remarqua aussitôt la réaction de sa grande sœur, mais ne comprit qu’une seconde trop tard ce qui se tramait.

Alors que sa cible recevait l’attaque « eau » dans la nuque, celle dernière poussa un cri de surprise avant de tomber, tête la première, dans la baignoire. Elle ressortit aussitôt, les yeux écarquillés par la panique.

- Z’êtes folles ? hurla Élodie de toute la force de ses petits poumons. Il aime pas l’eau !

Tarsal ressentit par leur lien, à quel point elles s’en voulaient toutes les deux de leurs blagues stupides. Élodie était peut-être d’un an sa cadette, mais elle avait déjà un plus grand sens des responsabilités que sa grande sœur.

Deux grands bras passèrent au-dessus de sa tête pour récupérer le petit Malosse et le sortir de la baignoire. Furieuse, Élodie exigea à grands cris de pouvoir sortir à son tour. Elle leur jeta un regard assassin avant de partir.

Tracie comprenait un peu sa réaction. Comme elle avec Clara, elle avait passé tout son temps avec le chiot. Dormant dans son panier quand celui-ci ne venait pas dormir avec elle, lui apportant sa nourriture, jouant avec lui dès que possible… Malosse n’étant pas un Pokémon de Type Psy, elle se doutait qu’ils ne partageaient pas les mêmes liens qu’elle avec Clara. Mais cela ne l’empêchait pas de suivre sa maîtresse partout. Il assistait même à leurs jeux dans la baignoire. Bien qu’il eût une peur bleue de l’eau, il s’accrochait au bord glissant et se maintenait en un équilibre précaire au-dessus des petites filles.

Soudain, une colonne d’eau s’éleva de la baignoire, alors qu’une étrange créature sortait de la baignoire. Clara poussa un cri de surprise qui se répercuta dans tout son être par leur lien mental. Son corps en trembla de frisson. L’étrange créature ressemblait à la poupée Mélofée avec laquelle elles dormaient chaque nuit. Sauf qu’elle était violet-noir et une étrange allure… comme spectrale.

- Gnihihihi… s’amusa le spectre, visiblement ravi de sa plaisanterie.
- Qui es-tu ? demanda-t-elle.
- Gni !? Tu n’as pas peur de moi toi ?

Le fantôme en perdit son rictus, visiblement déçu que son apparition surprise n’eût pas l’effet escompté sur la petite Fée.

- Pourquoi aurais-je peur de toi ? Ma meilleure amie est à côté de moi et s’il se passait quoi que ce soit, son père nous protégerait !

Elle voulait paraître aussi sûre d’elle que possible pour rassurer son amie. Clara ne comprenait pas les propos qu’ils étaient en train d’échanger – comment le pourrait-elle, elle n’était qu’une humaine après tout. Mais elle savait que par son attitude, elle permettrait de rassurer la jeune demoiselle plus qu’en lui parlant directement.

- Je suis Ectoplasma, se présenta-t-il. Je suis un des Pokémon du Maître.
- Du Maître ? répéta-t-elle autant mentalement que physiquement.

Elle n’était pas certaine de comprendre.

« Le Maître ? C’est un Pokémon de Cynthia ? » demanda Clara, dont l’excitation transparaissait.
« Je ne crois pas. »

- Je suis Tracie, se présenta-t-elle en retour avant de désigner Clara : « Et elle, c’est Clara, ma meilleure amie. »
- Enchanté, répondit-il avec amusement.
- Qui est ton « Maître » ? demanda-t-elle, curieuse.
- Il vient de sortir à l’instant.

« Ton père doit être son maître. » ajouta-t-elle à Clara par la pensée.
« Mon père a un Ectoplasma ? » répondit cette dernière avec joie. « Il doit être super fort ! »

Les louanges qu’elle adressait à ce Pokémon et l’admiration qu’elle voyait pétiller dans ses yeux juvéniles la décontenancèrent.

- Ça te dirait de nous entraîner ? demanda son amie au Pokémon.

S’entraîner ? Comme pour des combats Pokémon ? Elles n’étaient que des gamines d’à peine trois ans. Plutôt que de s’ennuyer à suivre des instructions, elles pourraient s’amuser.

- Qu’est-ce que tu proposes en échange ? demanda-t-il.

Elle lui retransmit sa réponse, un peu déçue qu’il n’eût pas immédiatement refusé. Elle réfléchit un instant avant que ses yeux ne brillassent, comme si une idée lumineuse lui était venue.

- Je t’aiderai à faire des farces.
- Tu as une idée ?

« Attends Clara, qu’est-ce que tu veux faire ? » s’inquiéta-t-elle.

- Élodie a raison, on peut pas faire tomber son Pokémon dans la baignoire en croyant que c’est une bonne plaisanterie… à la place…




- Attends, l’interrompit Draco.

Le regard venimeux que lui lança Gardevoir lui fit immédiatement comprendre que son interruption était mal venue.

- Tu es en train de me dire que Démolosse a été victime de farces de Clara ?
- Oui, répondit-elle simplement, le regard soudain attristé.
- Combien ? lui demanda-t-il, effaré.

Ses yeux rouges fermés, Gardevoir ne répondit pas tout de suite.

- Combien ? répéta-t-il avec insistance.

Était-elle en train de calculer ? Ou voulait-elle lui cacher quelque chose ?

- COMBIEN ? s’écria-t-il, perdant patience.

Il ne savait pas pourquoi, mais il ressentait le besoin impérieux de connaître la vérité. Draco connaissait Démolosse depuis cinq ans, mais il ne lui avait dit que ce que le strict minimum sur son enfance. Il avait longtemps cru que le chien des ténèbres avait été le Pokémon de Clara depuis la naissance, comme on le lui avait toujours dit et répété. Mais quelques mois auparavant il lui avait révélé qu’Élodie avait été son premier Dresseur. Mais il ignorait que Gardevoir avait été le premier Pokémon de Clara. Que s’était-il passé ?

- Entre ce jour-là dans la baignoire et le départ de Clara en voyage initiatique, il s’est écoulé deux ans, six mois et treize jours. À raison de deux blagues par jour, Démolosse a subi 1’852 plaisanteries en tous genres de la part d’Ectoplasma et Clara.

Cette révélation sonna comme un gong dans le crâne cornu de Draco.

- Il devait avoir peur de Clara… devina-t-il.
- Peur ? Il était terrifié. Il ne la laissait plus s’approcher. Une véritable peur panique.

« Démolosse m’a menti. » comprit le Dragon. « Je lui faisais confiance, mais il m’a peut-être menti sur d’autres choses.

De nombreuses minutes s’étaient écoulées depuis le départ d’Évoli et celle-ci n’était toujours pas revenue. Que se passait-il ?

- Mon histoire ne se termine pas là, Draco, reprit la Fée cagoulée.




Deux ans s’étaient écoulées depuis cette histoire. Ectoplasma lui avait montré comment utiliser les attaques Tonnerre et Ball’Ombre. Il avait morcelé les mouvements qu’il effectuait pour qu’elle pût comprendre, les imiter et enfin reproduire les compétences qu’il lui enseignait.

Elle avait appris lentement et leurs puissances étaient faibles en comparaison de ce que lui montrait le spectre. Ses pouvoirs psychiques s’étaient développés en même temps, elle arrivait à soulever des objets avec de plus en plus d’aisance désormais.

Clara et Ectoplasma rivalisaient d’ingéniosité pour surprendre Malosse dès qu’ils en trouvaient l’occasion, entraînant disputes sur disputes entre les deux sœurs. Cela avait obligé les parents de Clara à les séparer, mais étrangement, ils n’avaient pas interdit à Clara de s’en prendre au chiot ténébreux. Ils n’avaient pas non plus empêché le spectre à s’amuser avec leur fille. Tracie elle-même avait participé à quelques-unes de leurs plaisanteries, avant de se lasser. Ces évènements avaient été le premier caillou dans le rouage de leur relation jusque-là sans failles.

Ce jour-là, elles prenaient un bain toutes les deux. Elles en avaient pris l’habitude après un entraînement. Accoudée contre le rebord, le regard vide, Tracie regardait vers l’extérieur de la salle de bain.

- Qu’est-ce qui se passe ? chuchota son amie qui vint la rejoindre.

Clara allait sur ses six ans désormais. Elle avait grandi de vingt bons centimètres pendant cette longue période. Ses cheveux blond-brun lui descendaient jusqu’à la taille, ses yeux verts à demi cachés par une longue frange pétillaient d’espièglerie, réfléchissait-elle déjà à une nouvelle blague ? La jeune fille n’avait jamais essayé de la surprendre, devinant que leur lien mental l’en empêcherait.

« Je me demandais pourquoi tu continuais à faire des blagues à Malosse… Je pense que tu devrais arrêter, Clara. » lui dit-elle, gentiment.

Le regard venimeux qu’elle lui lança lui fit immédiatement comprendre qu’elle n’avait pas apprécié sa remarque.

- Je m’amuse tellement pourtant, soupira-t-elle à voix haute.

« Et penses-tu que Malosse s’amuse, lui ? Toujours sur ses gardes, ne sachant pas ce qui va lui arriver. Je te rappelle que tu es allée dormir dans son panier une nuit après avoir bloqué la porte de ta sœur pour l’empêcher de le rejoindre. Tu lui as donné la peur de sa vie au réveil. »

- Je voulais savoir ce que ressentait Élodie de dormir dans un panier pour chien. C’est pas ma faute si le verrou de sa chambre s’est bloqué.

Non évidemment, le responsable de cet « incident malencontreux » était Ectoplasma. Depuis cet épisode, plus personne ne pouvait s’approcher du panier du Pokémon, Élodie elle-même en avait fait les frais quand elle avait voulu le rejoindre une autre nuit. Malosse avait failli la mordre avant qu’il ne rendît compte qui se trouvait dans son panier. Leurs parents avaient alors interdit à Élodie de poursuivre ses habitudes.

« Aujourd’hui, Ectoplasma est là pour te défendre. Malosse est également trop jeune et pas assez fort pour lui tenir tête. Mais un jour Clara, si tu ne changes pas d’attitude, tu risques de le regretter. Les Pokémon ne sont pas de simples créatures inoffensives. En évoluant ils deviennent bien plus dangereux. »

- Mais tu seras là pour me protéger ! s’exclama-t-elle, avant d’ajouter la voix tremblante : « N’est-ce pas ? »

Oui elle serait toujours là pour la protéger. Mais le serait-elle assez pour empêcher un Démolosse fou furieux de s’en prendre à elle ? Son type Psy la désavantageait et elle possédait le talent Synchro, avec Calque elle aurait pu contrer ses attaques Feu, puisque Malosse avait Torche, mais elle était complètement désavantagée face à lui.

« Je pense que tu ferais mieux de te montrer plus amicale avec lui. Ta relation serait…

- Claraaa ! appela une femme. Sors du bain, ça fait une heure que t’es là-dedans.

La jeune fille tourna le regard immédiatement vers sa montre qu’elle portait au poignet. Tracie ne comprenait pas vraiment pourquoi, mais son père avait indiqué à Clara d’y faire très attention, car l’or valait très cher.

- Elle a raison ! s’exclama-t-elle. Le temps a passé si vite.




Une fois séchées, ce qui leur demanda une autre demi-heure en raison des très longs cheveux de Clara… Tracie espéra alors qu’elle s’en débarrassera quand elles partiront en voyage initiatique. Devoir entretenir des cheveux aussi longs dans la nature serait difficile, en l’absence d’un adulte, Élodie les avait aux épaules et ça lui convenait très bien. Donc dès que ses cheveux eurent séché et une fois habillée, elle rejoignit sa mère.

Cette dernière était attablée avec un verre avec un bas plus fin que ceux auxquels elle était habituée. Le socle était rond et plat et le contenant était plus arrondi. L’eau qu’il contenait avait une couleur étrange, comme rouge-brun. Une bouteille noire au contenu invisible de l’extérieur se tenait à côté de l’étrange récipient.

- Clara, ton père et moi pensons que tu devrais avoir un nouveau Pokémon.
- Mais j’ai déjà Tra… Tarsal et Ectoplasma avec moi, se corrigea-t-elle.
- Tu fais un travail remarquable avec Tarsal, lui répondit-elle gentiment. Mais Ectoplasma est le Pokémon de ton père, il ne t’appartient pas.
- D’accord, répondit-elle déçue.

En sondant l’esprit de la demoiselle, Tracie s’aperçut qu’elle avait envie de partir en voyage initiatique avec le Pokémon Spectre. Après tout ce temps passé ensembles, elle s’imaginait peut-être qu’il s’agissait de son Pokémon désormais.

- Notre vieille Xatu a finalement pondu un œuf. Cela ne s’est pas déroulé sans… difficulté, dirions-nous.

Elle s’interrompit un instant pour boire à son verre. Elle soupira d’aise avant de reprendre :

- Clara, nous aimerions que tu prennes soin de son petit. C’est un Pokémon Psy comme Tarsal, tu ne devrais pas avoir trop de mal à t’en occuper.
- Sa mère est morte ? s’inquiéta-t-elle.

Sa mère rota bruyamment avant de reprendre, les yeux vagues :

- Non. Mais c’est un vieil et faible oiseau, je ne pense pas qu’elle soit en âge de s’occuper de son enfant. La ponte et la couvaison l’ont épuisée.
- Oui, mais pourquoi moi ? s’impatienta-t-elle. Vous pourriez vous en occuper vous… ou bien le donner à Élodie.
- Ton père et moi sommes trop occupés à gérer l’entreprise familiale, Élodie s’occupe déjà de son Malosse et a bien assez à faire avec lui.
- Et bien donnez-moi Malosse alors !

Tracie sursauta à son intervention. La surprise se lisait tout autant sur le visage de la mère. Lorsque cette dernière lui demanda une confirmation par le regard, la petite Tarsal ne put s’empêcher de nier toute connaissance.

Alors qu’elle pensait qu’elles se partageaient absolument tout, Clara le lui avait caché. Était-ce pour cette raison qu’elle harcelait le chiot ténébreux ? Prouver que sa petite sœur est incapable de s’en occuper pour le récupérer ? Mais pourquoi le lui avoir caché ? Clara pensait-elle qu’elle tenterait de l’en dissuader ? Et surtout, qui ferait ça à sa propre sœur ?

- Non Clara. Malosse appartient à Élodie, lui répondit-elle.

Elle reprit une gorgée de l’étrange liquide avant de reporter son attention sur sa fille :

- C’est décidé, tu t’occuperas de Natu.
- Très bien mère, soupira-t-elle.

En quittant la pièce, Tracie ne put s’empêcher de se demander pourquoi elle avait une attitude aussi désinvolte avec sa mère. Elle devrait s’estimer heureuse d’avoir des parents, elle qui ignorait tout des siens.

- Clara, si tu te débrouilles bien avec Natu, nous avancerons ton voyage initiatique, annonça-t-elle.
- Vraiment ? Oh merci maman ! lança-t-elle, heureuse de la nouvelle.

Avancer son voyage initiatique ? Elle pensait qu’elle irait à l’école avant de partir en voyage, comme tous les enfants, mais là, on eût dit qu’il s’agissait d’un futur bien plus proche.

« On part bientôt en voyage ? s’enquit-elle.

- J’ai demandé à mes parents de pouvoir partir dès six ans, annonça-t-elle, joyeusement.

Elle n’avait même pas encore évolué et elle songeait déjà à quitter la maison et partir sur les routes ?

« Et l’école ? Tu vas en trouver comment sur les routes ? »

- Ne t’inquiète pas pour ça, Tracie. Tu sais très bien que j’ai commencé à suivre l’école à la maison depuis l’an dernier déjà.

Elle avait raison, un professeur particulier venait la voir régulièrement pour lui donner des cours particuliers. Tracie et Clara avaient étudié ensemble, ce qui leur avait permis d’emmagasiner des informations beaucoup plus vite grâce à leur lien mental… qui commençait à l’inquiéter. Depuis quelques semaines Clara ne lui parlait plus qu’à voix haute et ne cherchait plus le contact régulier de leurs esprits, c’était toujours à elle.

« C’est prévu pour quand ? demanda-t-elle.

- Normalement dans les six prochains mois, mais si on avance encore, on pourrait parler du mois prochain. Bien… allons voir notre nouveau compagnon.

Elle ne semblait pas spécialement ravie, mais la perspective de partir plus vite serait peut-être une motivation suffisante ?

- Tu m’aideras Tracie ?

Elle acquiesça avec joie. Peut-être redeviendraient-elles les meilleures amies du monde de cette manière ?


*_*_*_*_*_*_*_*_*

En arrivant dans la pièce où la vieille Xatu avait donné naissance à son enfant, Tracie ne put s’empêcher de se boucher le nez. Une odeur pestilentielle emplissait l’atmosphère. Clara éternua avant de se tourner pour vomir. Tournant la tête de gauche à droite pour observer aux alentours, le Pokémon Sentiment ne put s’empêcher de se demander si elles n’allaient pas trouver un cadavre.

Un oiseau avait fait son nid dans un coin de la pièce. Il avait utilisé toute sortes de matériaux organiques qu’il avait dû trouver. La puanteur la plus forte provenait certainement de là. La vieille Xatu aurait déjà rendu l’âme ? Non ! Elle gardait la tête sous l’aile visiblement endormie.

En s’approchant du nid, Tracie put enfin voir comment il avait été fabriqué : des plumes. Des centaines de plumes recouvertes de tellement de sang que leur couleur d’origine était non-identifiable, comme si elles avaient été arrachées à leurs victimes, avaient été entreposées. Le fond du lit du Pokémon semblait avoir été construit avec des étranges objets, sans forme précise. L’un d’eux lui rappelait quelque chose.

« Clara, t’as pas déjà vu ça quelque part ? » lui demanda-t-elle.

- Quoi donc ? murmura-t-elle en hoquetant.

La jeune fille était blanche comme un linge. Elle devait avoir vidé le contenu de son estomac par le mauvais côté. Ses yeux maladifs et fuyant ne signifiaient qu’une chose : elle n’avait clairement pas envie d’être là.

- T’es obligé de me montrer ça ? L’odeur est…

Clara eut un nouvel haut-le-cœur et… elle put enfin mettre un mot sur ce qu’elle avait reconnu. Il avait l’une des formes, comme celles que faisaient régulièrement les deux sœurs quand elles dessinaient : un cœur.

« Clara c’est des organes ! Son nid est tapissé d’organes ! »

Son amie sursauta, ne sachant pas trop comment prendre la nouvelle.

« On peut pas la laisser là ! On va la déplacer ! » reprit Tracie, impérieuse.
« Et tu veux la mettre où ? Dans mon lit ? » répliqua Clara.

Une vraie gamine, songea-t-elle. Mais elle avait recommencé à lui parler par la pensée, était-ce pour éviter de devoir parler ?

« On verra ça plus tard, pour l’instant, on doit la déplacer. Protège ton nez avec un mouchoir et viens m’aider. »

Convaincue, mais pas certaine de comprendre quoi faire, Sortant un mouchoir de sa poche elle le noua autour de son nez pour protéger son odorat avant de se rapprocher du Pokémon Mystique. Ce dernier se réveilla immédiatement, se leva et piailla avant de se mettre en garde. Ses yeux gris brillèrent d’une lueur mauvaise en les voyant approcher. Son unique petit se tenait, toujours endormi, sous ses pattes rouges et blanches. Pour le défendre, ce Xatu promettait d’être un formidable adversaire.

- Xatu, nous allons t’aider. Nous allons te faire un nouveau nid où tu pourras vivre avec ton petit plus confortablement, proposa Tracie.
- Regarde ce qu’a subi le dernier qui s’est joué de moi, dit-elle en pointant le fond de son nid de son aile. Tu veux subir le même sort ? Je me ferai un plaisir de rendre mon habitat plus confortable avec vos cheveux et vos peaux.
- Qui était-ce ?
- Mon violeur ! répondit-elle aussi sec.

« Elle dit quoi ? » s’enquit Clara.
« Crois-moi tu veux pas savoir. » soupira-t-elle, anxieuse. « Surtout, ne la contrarie pas, si tu ne veux pas finir comme lui. »

Le père de son petit l’avait violée et elle s’était vengée en le transformant en nid. Comment les parents de Clara avaient-ils pu laisser passer ça ? Comment pouvait-on faire ça à des Pokémon ? À la simple idée de ce qu’il s’était passé ici, Tracie en était dégoûtée. Qu’est-ce que c’était que cette pièce ?

Clara tendit finalement la main avant de parler d’une voix rassurante :

- Je t’en fais le serment, Xatu. Je m’occuperai de ton petit et rien de ce qui ne s’est passé ici ne se reproduira.

L’assurance de la jeune fille surprit Tracie. Elle qui ne voulait pas s’en occuper avait changé d’avis. Sans le comprendre, voir l’état et la détresse du Pokémon avait dû la toucher suffisamment pour qu’elle changeât d’avis du tout au tout.

- Gare à toi si tu mens, je me vengerai ! proclama-t-elle.

Tracie hésita à transmettre ces paroles à son amie, elles étaient dures et pleines de menaces. Le son grinçant et sinistre de sa voix ne faisait qu’ajouter de la tension à ses paroles. Mais elle pensa aussi que Clara devait savoir à quoi elle s’engageait.

- Ne t’en fais pas Tracie. Je tiendrai ma promesse, quoi qu’il arrive.

Peut-être Clara avait-elle finalement décidé de suivre ses conseils… et peut-être, peut-être avait-elle décidé de changer de comportement ?


*_*_*_*_*_*_*_*_*

Le soir venu, elles avaient fini de déplacer la vieille Xatu et son petit dans la chambre de Clara. Toutes deux avaient commencé par sortir chercher des matériaux, comme des branches et des brindilles pour qu’elle pût se créer un nouveau nid. Une fois leur besogne terminée et les deux oiseaux installés, Clara était allée dormir, imités par la petite famille.

Mais Tracie, elle, n’arrivait pas à dormir. Elle était partie se promener dans la maison, tentant de trouver le sommeil. En arrivant au salon, elle remarqua que la bouteille que la mère de Clara buvait cet après-midi reposait toujours sur la table. Cette eau étrange l’intriguait, elle avait déjà eu plusieurs fois l’occasion de voir les adultes en boire, la vieille femme plus régulièrement que le père de son amie. Quel goût cela pouvait-il bien avoir ?

À l’aide de ses pouvoir psychiques, elle se souleva jusqu’à la table. Avisant l’étrange verre, elle remarqua qu’un petit fond rougeâtre restait. Elle se lécha un instant les lèvres en imaginant y goûter avant de prendre le verre de ses mains menues.

L’eau avait un goût sucré et une légère amertume. Alors qu’elle avalait, une chaleur intense lui monta à la tête et un frisson étrange parcourut tout son être, comme un picotement… une sensation agréable qui lui plaisait. Elle trouva l’étrange breuvage délicieux, mais elle se demanda pourquoi elle n’avait jamais vu Clara en boire. Ses parents en consommaient régulièrement, particulièrement sa mère. Cela ne devait pas faire de mal. N’hésitant pas une seconde, elle déboucha la bouteille laissée fermée et s’en resservit.

Du bruit venant de la pièce d’à côté l’empêcha de savourer sa nouvelle découverte. Elle enveloppa le verre avec ses pouvoirs de télékinésie pour le déplacer sans faire tomber une goutte, avant de sauter à terre et de quitter les lieux.

- Clara a émis le vœu de récupérer Malosse aujourd’hui, révéla une voix.

Intriguée, Tracie se stoppa dans sa course en reconnaissant celle qui venait de parler :la mère de Clara. À qui parlait-elle ?

- Alors tout se passe comme prévu, commenta calmement un homme.
- Tu penses que c’est une bonne idée d’impliquer notre fille ? Si elle découvre un jour ce que tu lui fais, elle ne te le pardonnera jamais.

De quoi parlaient-ils ? Dans quoi voulaient-ils impliquer Clara ? Elle avait à peine six ans.

- Le Parlement Pokémon est en discussion depuis quelques jours pour créer une Arène Ultime, révéla-t-il.
- Et alors ? Quel rapport avec Clara ?
- Clara a des prédispositions pour le dressage qui sont bien meilleures que celles de sa sœur ou de son frère. Selon Ectoplasma, elle a eu de très bonnes idées pour apprendre des attaques à son Tarsal. J’espère qu’elle arrivera à faire de même avec Natu.
- Et alors ?
- Je compte faire de Clara le meilleur Dresseur au monde. Grâce à elle, j’utiliserai cette Arène Ultime à mon avantage. Cette arène a pour but d’empêcher les jeunes Dresseurs d’accéder au Parlement une fois le Conseil des 4 battus.
- Je vois. Je comprends mieux maintenant.

Tracie ne voyait pas du tout où les parents de Clara voulaient en venir. Clara et elle n’étaient pas encore parties en voyage initiatique. Qu’est-ce que c’était que ce parlement Pokémon ? Quelle était cette arène ultime ?

- Tu as raison sur un point Tara… Clara ne me pardonnera pas si elle découvre la vérité. C’est à toi d’endosser le fardeau du mauvais parent.

Tracie, dégoûtée par la conversation qu’elle venait d’entendre, retourna dans la chambre de Clara. Les parents de Clara n’étaient pas de bonnes personnes, elle espérait maintenant que pas tous les humains ne fussent comme eux.


*_*_*_*_*_*_*_*_*

Après avoir avalé le contenu de son verre, Tracie s’était endormie comme une masse. Le lendemain matin, un mal de crâne l’avait accueillie au réveil, mais rien dans ses souvenirs ne lui avaient permis de comprendre ce qui lui était arrivée. Elle se souvenait simplement avoir découvert une très bonne boisson pendant son escapade nocturne, le reste avait disparu de sa mémoire.

- Tarsal, viens voir ! J’ai donné à manger à la petite famille.

La voix de son amie la sortit de ses pensées, Tracie ne releva même pas qu’elle ne l’avait pas appelée par son prénom. En s’approchant, elle remarqua deux coupoles de nourriture posées sur le sol. La vieille Xatu mangeait déjà avidement dans la plus remplie des deux, mais son petit l’observait sans comprendre.

- Kekj’dois faire ? pépia le Natu.

Tracie se demanda un instant si sa mère ne le nourrissait pas elle-même, il devait être bien jeune… Xatu pensait-elle qu’il était temps qu’il mangeât seul ? Ou les testait-elle ? La petite fée s’assit à côté de lui et pris une croquette dans sa main. Il la porta à sa bouche de manière exagérément lente avant de la prendre en bouche, de mâcher et d’avaler avec un léger dégoût. Bien que ce fût de la nourriture pour Pokémon Psy, Tracie ne put s’empêcher de se rappeler l’excellente eau qu’elle avait découverte hier. Il fallait que Clara en bût ; elle était certaine qu’elle aimerait.

Natu sautilla vers sa gamelle et avança une de ses serres griffues pour prendre une croquette avant de gémir en essayant. Xatu s’approcha immédiatement de son enfant les yeux brûlants de colère.

- Il ne peut pas manger seul ! siffla-t-elle furieuse.

Tracie retransmit la remarque à son amie. Clara réfléchit un instant, pendant que les trois Pokémon l’observaient, se demandant ce qu’elle allait trouver.

- Tarsal, utilise tes pouvoirs psychiques sur une croquette et mange-la… sans les mains.

Elle s’exécuta aussitôt, elle sentit les yeux attentifs de son « apprenti ». Se sachant observer, elle devait faire la meilleure démonstration possible. Elle ouvrit son esprit et le concentra sur une des croquettes. Cette dernière lévita doucement jusqu’à sa bouche, qu’elle ouvrit pour l’attraper au vol. Un pépiement joyeux accueillit sa réussite. Ravie, Tracie rouvrit les yeux alors qu’elle mâchait.

- Tente de faire pareil Natu.

En regardant la vieille Xatu, Tracie remarqua que son regard approbateur qu’elle adressait à Clara. Le petit oiseau vert ferma les yeux, mais au lieu de faire voler une boulette vers son bec, toute la gamelle s’envola et s’écrasa au plafond de la chambre de Clara, avant de retomber aplatie comme une crêpe. Le contenu redescendit en miette.

- Il est… murmura Tracie.
- Il est surpuissant ! s’exclama Clara avec ravissement.

La jeune Tarsal ne partageait pas sa joie à cette annonce. Certes, il était très fort, mais il ne maîtrisait pas ses pouvoirs psychiques. S’il ne les contrôlait pas, il deviendrait dangereux… pour lui et pour les autres. Mais un autre élément l’interrogeait : Natu ne pouvait pas se nourrir seul, pourquoi ? Pourquoi avait-il gémi lorsqu’il a voulu s’approcher de sa nourriture ?

- Tarsal, murmura Clara. Jusqu’à que Natu puisse manger seul, tu vas manger avec lui en t’aidant de tes pouvoirs psychiques. Tu lui montreras ainsi l’exemple.

« Et toi ? Que vas-tu faire ? » lui demanda-t-elle.

- Je vais tenter de lui apprendre à maîtriser ses pouvoirs psychiques.


*_*_*_*_*_*_*_*_*

Une fois qu’ils eurent mangé – Tracie donnant à manger à Natu en faisant léviter sa nourriture – ils descendirent de plusieurs étages de la tour où ils habitaient. Tracie n’était jamais sortie de l’immense bâtiment. Clara lui avait dit une fois que c’était pour leur sécurité, mais elle ignorait s’il y avait une autre raison.

Arrivés à destination, Tracie remarqua différents équipements humains. Elle se souvenait avoir déjà vu le père de Clara tirer des poids et courir sur un étrange tapis. Il les avait invitées à s’entraîner avec lui, mais ces étranges appareils les avaient toutes les deux terrifiées.

Tracie se douta que le choix de son amie pour cette salle ne venait pas du hasard. Il y avait ici tout ce qu’il fallait pour tester les pouvoirs psychiques du petit Pokémon. Clara récupéra une boule noire qu’elle déplaça maladroitement. Elle la posa devant Natu avant de lui expliquer :

- J’aimerais que tu le soulèves à ma hauteur. Cet objet fait dix kilos.

La petite Fée aperçut un regard en coin de Clara dans sa direction. Voulait-elle lui dire quelque chose ?

« Tu veux que je lui fasse une démonstration ? » lui demanda-t-elle.

- Non, je pense que c’est trop lourd pour toi, répondit-t-elle froidement.

La froideur de sa réponse la cloua sur place. Certes ses pouvoirs psychiques n’étaient pas aussi développés qu’elle le voudrait, mais est-ce que son amie avait besoin de le lui dire ainsi ?

Frustrée et en colère, Tracie utilisa ses pouvoirs psychiques pour bloquer la boule au sol pendant que Natu tentait de la soulever. C’est alors qu’elle ressentit une forte pression, comme si on tirait son pouvoir psychique qui maintenant la boule vers l’extérieur. Elle perdit toute concentration face et lâcha prise.

- Bravo Natu !

En rouvrant les yeux, elle remarqua qu’il avait placé la boule là où elle l’avait demandé. L’oisillon la regardait avec ravissement, visiblement content d’avoir réussi. Il ne lui en tenait pas rigueur d’avoir tenté de bloquer sa tentative. En jetant un œil à son Clara, elle vit qu’elle lui souriait. Sans le lui demander, Tracie avait dû faire ce qu’elle voulait.

- Merci Tarsal.
- Appelle-moi Tracie, Natu. Tu es bien plus fort que je ne le serai jamais, répondit-elle, un peu envieuse.
- D’accord Tracie.

Pour réussir l’exercice, elle devina que Natu avait dû diviser ses pouvoirs psychiques en deux tâches, l’une pour repousser son assaut et la deuxième pour soulever l’objet. Se faisant, il avait limité sa puissance.

- Tout est une affaire de dosage Natu. Tu dois apprendre à doser tes pouvoirs pour effectuer la tâche qu’on te donne. Ça te fatiguera moins et tu pourrais même voler également.
- Il ne peut pas voler ! contra la vieille Xatu.

Tracie lui fit part de sa remarque et elle répondit aussitôt :

- En effet. Je me doute qu’il ne pourra jamais voler normalement, mais il peut très bien utiliser ses pouvoirs psychiques sur son propre corps comme il l’a fait avec cette boule.

Les pupilles grises de Natu brillaient d’espoir en entendant qu’il pourrait voler s’il maîtrisait ses pouvoirs psychiques. Tracie l’imagina un instant volant haut dans le ciel, traversant les nuages, allant saluer le dieu Arceus, ce dernier le chasserait en rigolant. Un frisson de joie la parcourut à ses pensées.




Le soir-même, Tracie invita Clara à la suivre. Elle espérait retrouver la bouteille sur la table du salon. Ainsi son amie pourrait y goûter à son tour.

- Qu’est-ce que tu voulais me montrer Tarsal ? demanda-t-elle.

En levant les yeux vers la table, elle vit que la bouteille était toujours là. Sa bouche s’étira en un sourire, en s’imaginant boire la délicieuse boisson.

« Regarde, c’est ça ! » lança-t-elle joyeusement par télépathie.

- Mais c’est… c’est de l’alcool Tarsal, on est trop jeunes pour en boire !

« Ah bon ? » répondit-elle, étonnée. « Pourtant c’est super bon ! Tu devrais quand même essayer ! »

Dubitative, Clara l’observa se servir un verre. Tarcie avala goulument son contenu sous les yeux de son amie. La chaleur et le picotement familiers qu’elle ressentait se propagea aussitôt à son amie par leur lien mental. Toutes deux se sentirent planer quelques instants. Que leur arrivait-il ? On aurait dit que les sensations se démultipliaient, alors qu’elle était seule à boire.

En titubant, Clara vint la rejoindre et posa sa main à son tour sa main sur la bouteille.


Trois semaines plus tard

- C’est bien Natu, c’est de mieux en mieux ! s’exclama Clara.

Sous le regard attentif et protecteur de sa mère, Natu avait effectué de nombreux progrès durant les semaines qui s’étaient écoulées. Désormais il pouvait manger seul, sans son aide, mais par habitude, Tracie mangeait toujours en se servant de ses pouvoirs psychiques.

Clara l’avait entraîné en lui faisant soulever une barre métallique avec des roues noires qu’on pouvait accrocher aux extrémités. À chaque fois qu’il réussissait un exercice, un nouveau poids était ajouté pour le complexifier.

Ainsi, il arrivait à porter par la force de son esprit jusqu’à quatre-vingts kilogrammes. Il arrivait également à soulever Clara, sa propre mère et Tracie elle-même, le tout en étant suffisamment précis pour ne pas les blesser. Mais avant de tenter l’expérience, il l’avait fait sur lui-même, parvenant ainsi à s’envoler pour la première fois. Clara semblait très heureuse des progrès qu’il réalisait ; Tracie ressentait son envie irrépressible de le prendre dans ses bras. Mais son faible état physique et la présence de sa mère l’en dissuadait.

La jeune fée ressentait, par leur lien mental, toute l’affection et la fierté que son amie éprouvait pour le petit volatile. Elle connaissait également ses craintes qu’il se blessât dans ses exercices. Elle sentait qu’elle voulait le préserver tout en faisant en sorte qu’il devînt indépendant.et pût se protéger seul.

- Natu, j’ai un nouvel exercice pour toi, annonça Clara, les yeux brillants.

Aussitôt dit, aussitôt fait, il vint se poser sur les genoux de la jeune fille qui s’était assise. Elle leva la main et fit mine de le caresser, avant qu’un piaillement furieux ne l’interrompît. Clara tourna la tête vers la vieille Xatu pour lui dire :

- Le but de l’exercice Natu est très simple. Je veux te caresser la tête, mais ta mère veut pas. Tu es d’accord avec elle, mais toi, tu veux pas me blesser.

Le petit Natu pencha sa tête verte de côté, pas certain de comprendre.

- Pour faire simple, je veux que tu m’empêche de te toucher, sans utiliser tes pouvoirs psychiques sur ma main ou sur n’importe quelle partie de mon corps.

Le regard gris de l’oiseau reflétait son incompréhension. Comment était-il sensé s’y prendre ? Tracie ne voyait pas non plus où elle voulait en venir. Clara ferma les yeux et soupira profondément. La petite Tarsal sentait bouillonner son esprit à la recherche d’une idée. Il était aussi chaud que lorsqu’elle buvait de l’alcool en sa présence. Cette pensée la faisait frémir de contentement. L’alcool les avait rapprochées à nouveau…

- Très bien, reprit Clara. J’ai une idée. Tu vois cet objet rond et métallique là-bas ?

Elle pointait du doigts le poids qu’elle ajoutait à la barre utilisée pour les entraînements précédents. Natu confirma d’un signe de tête qu’il l’avait vu.

- Bien, alors sers-t-en pour te protéger de ma main, ordonna-t-elle.

Le petit oiseau se concentra et fit voler l’objet jusqu’à lui et le plaça au-dessus de son crâne comme elle le lui avait ordonné.

- Bien, maintenant, je ne peux plus te toucher, sourit la jeune fille.

Natu piailla son approbation avec amusement.

- À présent, le véritable exercice est de faire la même chose, mais sans support. Tu dois réussir à le faire uniquement avec tes pouvoirs psychiques.

Tracie et Natu comprenaient enfin où elle voulait en venir. Mais cet exercice serait bien plus compliqué que les précédents. Cela demandait une précision mentale qu’elle n’avait pas, l’oisillon l’avait-il lui ? Natu semblait partant de tenter l’expérience et sa mère observait la scène avec approbation et fierté, signe qu’elle appréciait l’attention de la jeune fille pour son enfant.


Le même soir

Après plusieurs heures de travail acharné, Natu n’était pas arrivé au résultat qu’avait imaginé Clara. Si Tracie avait ressenti sa déception, elle n’avait rien laissé paraître. En retournant à l’appartement dans lequel elles vivaient, son amie avait ramené les deux Pokémon dans sa chambre avant de prendre le chemin pour la salle de bain.

Après cette longue journée d’entraînement et d’étude – Clara suivait encore des cours à la maison – un bon bain n’était que bienvenu. En ouvrant la porte de la salle de bain, Tracie s’aperçut qu’elle était glissante et que de l’eau recouvrait le carrelage. Elle s’écoulait de la baignoire remplie jusqu’au bord. Le couvercle de fermeture de la baignoire était abaissé, mais vu que l’eau passait au travers, il ne devait pas être fermé. Le nettoyage automatique s’enclenchait s’il était complètement abaissé et qu’il n’y avait personne dedans.

Son étude de la scène s’arrêta lorsque Clara se précipita à l’intérieur, dérapant sur le sol humide. Elle ouvrit immédiatement le couvercle métallique et poussa un cri tonitruant. Tracie s’avança aussi vite que ses petits pieds lui permettaient, sauta sur le rebord glissant de la baignoire et vit alors ce qui avait fait pousser ce terrible cri à Clara : sa mère était plongée dedans.

Quelques instants après, Élodie rappliqua avec Malosse. Ce dernier resta sur le seuil, apeuré, tandis que sa maîtresse vînt rejoindre son aînée.

- Maman ! Maman ! hurla Clara, complètement hystérique.

Les deux sœurs soulevèrent le corps de sa mère pour que sa tête passe au-dessus de l’eau. Mais elles étaient bien trop petites pour la sortir de l’eau.

Xatu et son petit vinrent les rejoindre. La première ne bougea pas, mais son petit se servit de ses pouvoirs psychiques pour sortir la femme de la baignoire. Il l’étendit sur le carrelage, ne sachant pas quoi faire d’autre. Clara s’agenouilla près de sa mère, le visage rougi des larmes qui ruisselaient de ses yeux verts.

- Je vais aller chercher Maël, il est au sous-sol, dit Élodie avant de s’éclipser avec son Pokémon.

Clara ne répondit pas. En essayant de se contacter à l’esprit de son amie pour la rassurer, Tracie s’aperçut qu’il était complètement fermé à tout contact extérieur.

- Qu’est-ce qu’on fait ? J’arrive pas à contacter Clara.
- Y a un humain qui parle aux Pokémon ! pépia Natu.
- Non ! On ne va pas aller le chercher, contra sa mère, visiblement furieuse qu’il eût proposé cette idée.
- Peu importe, si vous ne voulez pas aller le voir, téléportez-moi auprès de lui, proposa Tracie.

Elle avait déjà vu le vieil oiseau utiliser Téléport. Elle ne pouvait pas s’en servir, mais au moins elle pouvait chercher de l’aide. Si Xatu détestait les humains, mais Tracie voulait quand même les aider.

- Et que comptes-tu lui dire ?
- Je sais pas, mais je compte pas laisser Clara dans cet état. Et je sais pas ce qu’on peut faire pour aider sa mère, mais je ne la laisserai pas mourir ! Je n’ai jamais connu ma mère, je veux pas que Clara la perde si jeune.
- Très bien, dit Xatu. Va chercher l’humain, pendant ce temps je vais essayer de la sauver.
- Tu ferais ça pour elle ?
- Non, je fais ça pour toi, répondit-elle avec détermination.


*_*_*_*_*_*_*_*_*

Les larmes coulaient sur son petit corps. Tracie s’était perdue. La vieille Xatu l’avait téléportée dans une forêt inconnue, elle devait avoir voyagé de plusieurs kilomètres. À force d’errer, elle avait finalement trouvé cette clairière, attiré par des cris indistincts. Elle s’attendait à trouver l’humain qui parlait aux Pokémon, mais elle ne vit rien.

Soudain, la luminosité autour d’elle s’assombrit. Elle leva la tête, une monstruosité bien plus grande qu’elle se tenait juste au-dessus de son corps frêle. Elle cachait le soleil à sa vue et formait ainsi l’ombre à ses pieds. Une forme indistincte se mouvait à toute vitesse autour de l’étrange créature.

Son estomac se noua, ses yeux rouges s’écarquillèrent de peur à la vue de ce qu’il se passait. Le grand Pokémon criait à chaque coup que lui infligeait le second Pokémon. Il apercevait de profondes lacérations sur tout le corps écailleux.

Il ne s’écoula que quelques secondes avant qu’un ultime hurlement ne s’entendît. Le Dragon s’effondra au sol, juste devant elle. Ses yeux sans vie étaient fixés sur elle, alors qu’ils ne voyaient déjà plus. Les deux longues antennes qu’il portait avaient été tranchées et avaient atterri juste à côté de sa tête. Plus grave que son corps brisé duquel se déversait une fontaine de sang, un symbole étrange se voyait sur la poitrine du grand Pokémon : un serpent qui se mordait la queue.

Tracie devait se retenir de vomir, tant la puanteur de la mort entrait par ses narines. Un bruit soudain le fit tourner la tête, elle espérait presque que ce fût l’homme qui parlait aux Pokémon. Mais ce n’était pas lui. Titubant d’épuisement, une fine créature bleu-violet, bien plus grande qu’elle, s’éloignait d’eux. Elle ne connaissait pas le Pokémon, mais jamais il n’oublierait son apparence.




- Attends… l’interrompit Draco. Le témoin dont on m’avait parlé… c’était toi ?!
- Oui c’était moi ! répliqua Gardevoir. C’est moi qui ai assisté au meurtre de ton père par ta propre mère, Draco !

Le Dragon avait suivi son histoire avec un mélange d’appréhension et d’admiration pour son vécu. Appréhension, car il ignorait toujours comment sauver Clara, mais aussi parce qu’aucun secours ne venait.

- Lorsqu’on s’est revus il y a cinq ans, je n’étais pas certain que tu étais le même, mais je n’ai plus de doute maintenant. Quand tu es venu voir Élodie il y a un mois, j’ai su que c’était toi. Tu n’as pas changé, toujours aussi fourbe et indigne de confiance ! cracha-t-elle.

Draco ne savait pas quoi dire. Elle avait raison, il était un menteur indigne de confiance. Clara ne méritait pas d’avoir un tel Pokémon en fardeau.

- Alors venge-toi sur moi, Gardevoir. Clara n’y est pour rien.
- Oh non, Draco, tu te trompes. Vous vous êtes bien trouvés tous les deux. Mais dis-moi ? Que vas-tu faire ? Si tu m’attaques maintenant, j’ordonne à Clara de se suicider.
- Arrête de faire des menaces que tu peux pas tenir, répliqua Draco. Je sais très bien pourquoi Clara n’est pas encore morte. Tu comptais bien la tuer en faisant croire à un suicide, mais tu ne peux pas lui donner cet ordre, pas vrai ?
- Non c’est pas vrai ! Je…

Le Pokémon Étreinte semblait prise au dépourvu. Elle ne s’était certainement pas attendue à ce que Draco démasque son incompétence aussi vite.

- Peut-être est-ce dû aux manipulations mentales qu’elle a subies dans son enfance ou au cadeau que je lui ai fait, peu importe, mais depuis plusieurs années maintenant, son esprit s’est barricadé contre les attaques mentales.
- Tu mens ! répliqua Gardevoir.
- Il ne ment pas, Tracie.

Les deux Pokémon sursautèrent en entendant la voix nasillarde et grinçante du nouvel arrivant.

- Tracie ? répéta Draco.
- Le nom que lui a donné Clara quand elles étaient enfants, précisa Xatu.
- Je vois.

En un instant, l’étreinte psychique de Gardevoir se brisa alors que celle de Xatu enveloppait celle de Clara. Draco y reconnut là l’entraînement que leur agresseur lui avait décrit quelques minutes plus tôt. La voyant mettre un genou à terre, Draco en profita pour s’élancer et la frapper d’une Queue de Fer. Le manteau sombre dans lequel elle s’était habillée vola, mais Gardevoir avait disparu. Elle devait s’être Téléportée.

- Merci Xatu pour ton intervention. Je n’aurais rien pu faire si Gardevoir avait lâché Clara pendant que je l’attaquais.
- Elle est allée beaucoup trop loin, répondit-il furieux. Je ne laisserai rien arriver à Clara.

Draco se sentit heureux un instant d’avoir un allié aussi puissant à ses côtés. Mais le doute l’étreignait, Gardevoir n’était pas allée au bout de son histoire. Que lui était-il arrivé pour qu’elle voulût tuer Clara ? Serait-il assez fort pour protéger Clara contre un Pokémon plus puissant que Gardevoir ?




Une fois téléportée à l’extérieur de l’arène. Gardevoir fut déçue que son attaque n’eût mené à rien. Elle avait saisi une occasion qui ne se représenterait peut-être jamais. Draco l’avait distraite, alors qu’elle avait l’avantage. Pourquoi avait-elle ressenti le besoin de lui raconter son histoire ? Devait-elle absolument partager sa rancœur à quelqu’un avant de passer à l’acte ?

Ses sombres pensées la ramenèrent ainsi douze ans en arrière…


Douze ans plus tôt

Deux semaines s’étaient écoulées depuis cette sombre histoire. La mère de Clara avait pu être tirée d’affaire grâce aux compétences de la mère de Natu. Après avoir assisté au meurtre barbare du Dragon, Tracie était retournée là d’où elle était partie en se téléportant. Était-ce par chance ou par miracle qu’elle avait appris cette compétence ? Ou bien s’était-elle imaginée l’endroit où elle voulait être et s’y était téléportée ? Elle ne s’en souvenait pas.

En retournant à la maison, elle s’était aperçue qu’elle n’était pas la seule à avoir eu une mésaventure, Élodie également s’était perdue en se rendant au sous-sol pour trouver son frère. Malosse était rentré de son côté et c’était Ectoplasma qui était venu à sa rescousse en venant chercher de l’aide. La vieille Xatu avait accepté non sans rechigner à aller la chercher.

À présent, la neige commençait à tomber. Clara avait décidé de se rendre à l’extérieur avec Natu, la mère de ce dernier, sa propre mère et Tracie, évidemment. L’oisillon n’avait pas fait de progrès et, voyant la neige tomber, Clara avait eu une nouvelle idée.

- Natu, je vais te demander de rassembler les flocons en une boule de neige, comme ceci.

Elle en avait fabriqué une elle-même qu’elle présenta au petit Pokémon. Tracie avait remarqué que le Pokémon comprenait vite ce qu’il devait faire lorsqu’on lui montrait l’objectif ou l’idée qu’il y avait derrière.

- C’est remarquable ma chérie, complimenta sa mère.

Cette dernière s’était remise de sa presque noyade après avoir passé plus d’une semaine à l’hôpital. Clara était allée la voir tous les jours jusqu’à sa sortie de l’hôpital. Elle se tenait assise sur un banc avec une de ses délicieuses bouteilles.

- Merci maman, répondit-elle, ravie d’avoir son approbation.
- Quel est ton idée ?

Clara entreprit de décrire ce qu’elle voulait du petit Pokémon à sa mère. Tracie s’en désintéressa vite, elle l’avait déjà décrite plusieurs fois en long et en large son objectif. Elle en profita alors pour s’éloigner.

Un peu plus loin, elle avisa deux hommes, l’un était plus âgé que l’autre. Elle reconnut le père de Clara dans le plus jeune, mais elle ne connaissait pas le deuxième. Il était habillé d’une chemise blanche qui cachait mal son embonpoint. Tracie le voyait de profil, mais elle pouvait toutefois remarquer ses lunettes roses.

- Je suis désolé, mais même si je crois en ton projet, je ne suis plus d’accord avec tes méthodes.
- Tu es expert en génétique et l’homme le plus brillant que cette société ait eu depuis vingt ans. Tu l’es bien plus que je ne le serai jamais. Comment vais-je faire pour te remplacer ?
- Tu trouveras bien mon ami.

Le père de Clara semblait mécontent de son départ, mais se contenta de lui serrer la main avant de conclure :

- Au revoir Charon. J’espère que nous nous reverrons.




- Clara… j’ai une bonne nouvelle à t’annoncer.

En revenant vers son amie, Tracie surprit une autre conversation. Le ton de la mère était sérieux, quelque chose se tramait dans l’air.

- Tu pourras partir en voyage initiatique dans trois jours. Nous avons déjà préparé tous les papiers pour ton départ.
- C’est vrai ? s’écria la jeune fille, incrédule.
- Oui, tu as fait du très bon travail avec Natu. Ton père et moi sommes convaincus que tu seras en sécurité avec tes Pokémon.

Clara sauta en l’air sous le regard amusé des Pokémon. La joie se lisait sur son visage, sa bouche affichait un sourire éclatant tandis que ses yeux verts brillaient d’enthousiasme.

- Mais…

Ce simple mot dit sur un ton aussi glacial que l’air ambiant coupa Clara dans son enthousiasme. Tracie la vit déglutir lentement, elle ignorait ce que la mère allait annoncer à sa fille, mais son amie ne devait pas s’attendre à une bonne nouvelle. Hésitante, elle s’était détournée, fuyant le regard de Clara.

- Natu ne partira pas avec toi, révéla-t-elle finalement.

Tracie hoqueta de surprise, mais son amie resta parfaitement calme. S’en était-elle doutée ? Du coin de l’œil, elle remarqua que Natu s’amusait toujours dans la neige et ne prêtait pas attention à la discussion.

- Il est malade c’est ça ? demanda-t-elle.
- Tu le savais ? s’étonna la vieille mère.
- Comment pourrais-je ne pas m’en rendre compte ? répliqua-t-elle. Il ne sait pas voler et le moindre contact physique le fait souffrir.

Ses petits poings se serrèrent. Tracie se demanda un instant si, bien qu’elle s’en fût doutée, elle avait refusé de voir la vérité en face. Tête baissée, elle murmura quelques mots inaudibles.

- Qu’as-tu dit ma chérie ?
- Combien de temps ? COMBIEN DE TEMPS ? répéta-t-elle de plus en plus fort.

Surpris par les cris, l’oisillon s’effondra dans la neige, il en piailla de douleur. La petite Tarsal se précipita pour l’aider à se relever avant d’user de ses pouvoirs psychiques pour ôter les flocons perdus dans ses plumes vertes. Une fois remis sur ses minuscules pattes, il lui demanda :

- Tracie, pourquoi Clara est furieuse ? J’ai échoué c’est ça ?
- Ne t’en fais pas Natu. C’est une conversation entre une mère et sa fille.

La panique se lisait dans ses grands yeux verts. Il semblait vouloir plus que tout réussir, en l’entendant s’énerver, il se demandait si elle ne s’impatientait pas devant son manque de résultat. Mais loin de le rassurer, ce qu’elle lui avait dit semblait l’inquiéter plus encore. Doucement, avec tristesse, il murmura sans la regarder :

- Je sais qu’elles parlent de moi.
- Tu sais ? répéta-t-elle, étonnée.
- Ma mère sait très bien de quoi il en retourne.

Il tourna alors son petit corps vers elle et de la regarder dans les yeux :

- Toi aussi Tracie, tu devrais t’inquiéter de ce qu’elles discutent.

De quoi pouvait-il bien parler ? Et pourquoi lui avait-il dit ça de manière aussi sinistre ?


*_*_*_*_*_*_*_*_*

Le lendemain de cette discussion, Tracie et Clara avaient quitté la maison. Cette dernière lui avait rapporté toute la conversation avec sa mère. L’état de Natu n’allait que s’aggraver si rien n’était fait et quelle était la seule option envisager pour y remédier.

Lorsqu’elle avait entendu la nature de cette unique option, Tracie avait cru que son cœur s’était arrêté. C’était la pire chose qui pouvait arriver à un Pokémon. La jeune Tarsal avait alors entrepris de lui raconter la conversation qu’elle avait surprise.

Maintenant, Clara, un dossier sous le bras et Tracie sur les talons, se dirigeait vers l’endroit où habitait le généticien appelé Charon. Des indications que leur avaient fourni la mère de Natu. Elle avait utilisé ses pouvoirs psychiques pour retrouver sa trace.

- Tu serais capable de faire ça toi ? lui demanda-t-elle.

« Non, je suppose qu’elle a dû utiliser ses pouvoirs de prescience » répondit Tracie par télépathie.

Elle savait que les Xatu avaient de très puissants pouvoirs de prescience qu’ils ne sont pas toujours enclins à utiliser pour d’autres personnes. Mais en comprenant que c’était pour aider son enfant, le vieil oiseau avait accepté de leur venir en aide.

Une fois arrivé devant l’immeuble, Clara chercha ce Charon dans la liste des noms affichés avant d’appuyer sur la sonnette correspondante. Elle avait eu de la chance : son nom de famille était dans les dernières lettres de l’alphabet, autrement elle aurait dû sauter. Une fois fait, elle s’adossa à la porte vitrée de l’immeuble.

- Oui ? répondit une voix bourrue.

Clara poussa un soupir de soulagement en entendant qu’il y avait quelqu’un. Elle annonça alors immédiatement qu’elle souhaitait parler à ce Charon.

- C’est moi, répondit durement ce dernier. Qu’est-ce que vous m’voulez ?
- J’voudrais vous parler en personne, si je n’vous dérange pas.

Il grommela avant d’accepter. Un bruit électrique et grinçant annonça que le loquet de la porte s’était rétracté, leur permettant d’entrer.

- Troisième étage et dépêchez-vous, grogna-t-il.

Un sourire satisfait s’affichait sur le visage de son amie alors qu’elle entra dans l’immeuble.

- Mince, j’ai complètement oublié de lui dire qui j’étais ! s’alarma-t-elle.

Si Tracie était une humaine, elle n’aurait pas pu s’empêcher de lui mettre une petite tape derrière la tête.




Alors comme ça ce vieux fou envoie sa gamine de six ans pour me convaincre de revenir bosser pour lui ? Il manque pas d’imagination celui-là. Allez, entre gamine.

C’est l’accueil glacial qu’elles reçurent lorsque Charon avait ouvert sa porte. C’était assez ironique de l’entendre traiter le père de Clara de vieux fou alors qu’il paraissait plus âgé que lui.

Après s’être déchaussé et avoir enlevé son manteau, Clara et Tracie le suivirent au salon où son amie s’installa sur un des sofas avec elle sur les genoux. En regardant tout autour d’elle, la jeune Tarsal ne put s’empêcher de remarquer que la pièce était terne, mal rangée et sale. De la poussière s’accumulait sur tous les meubles et de nombreuses toiles d’araignée parsemaient la pièce. Il ne devait pas vivre dans le grand luxe.

Charon revint avec deux verres d’eau avant de s’installer sur un fauteuil en face d’elle.

- Alors gamine, raconte-moi la fable que tu as inventée pour me faire revenir auprès de ton père.
- Je sais pas quelle est votre relation avec mon père et j’suis pas là pour ça et mon prénom est Clara.

Son ton était parfaitement sérieux, la gamine farceuse que Tracie connaissait avait été remplacée par une tout autre personne qu’elle ne reconnaissait pas.

- D’accord Clara, concéda-t-il.

Le vieux Charon semblait lui aussi surpris par son attitude ; il avait quitté le ton bourru et dédaigneux qu’il leur avait accordé jusqu’à présent.

- Je souhaiterais que vous m’aidiez à soigner mon Pokémon, s’il vous plait.

Elle lui tendit alors le dossier qu’elle avait emporté avec elle. Charon le récupéra, un instant suspicieux, avant de l’ouvrir et étudier son contenu.

- Si rien n’est fait…
- Mon Pokémon décédera dans les prochains mois, répondit-elle.
- Je vois.

Il lui rendit alors le dossier avant de conclure :

- Je ne peux pas t’aider Clara.

Un instant plus tard, des gouttes tombèrent sur son crâne chevelu. En levant la tête, elle remarqua que son amie pleurait. Son visage dégoulinait de larmes. Clara avait voulu se faire passer pour une adulte forte, mais restait malgré tout une gamine.

- Pleurer ne changera rien à la situation, lui fit-il remarquer avec raison.

Il avait croisé ses bras et la regardait pleurer sans remord. Il ne s’était pas donné la peine de lui tendre un mouchoir. Le visage toujours mouillé, elle tomba sur ses pieds, les poings fermés, ne prenant pas en compte son Pokémon, c’est-à-dire sa meilleure amie, qui était sur ses genoux.

- Qu’est-ce que vous voulez ? De l’argent ? s’écria-t-elle.
- J’ai bien peur que l’argent ne soit pas un problème, répliqua-t-il.

Il désigna son salon d’un vague geste de la main avant de poursuivre :

- Je vivais et travaillais à la Tour Galano, j’ai conservé cet appartement pour y vivre occasionnellement… très occasionnellement, devrais-je dire.
- Alors quoi ?

Le vieil homme aux lunettes roses réfléchit un instant, cherchant ses mots avant de répondre avec honnêteté :

- Ton Pokémon est mourant Clara. Le traitement que tu souhaites n’existe pas…
- Alors trouvez-le ! répliqua-t-elle. Vous êtes médecin, non ?
- Généticien, corrigea-t-il.
- Natu a cette maladie depuis la naissance, c’est forcément génétique, n’est-ce pas ?
- Tu connais des mots bien compliqués pour une gamine de ton âge, commenta-t-il. Mais effectivement, on peut voir les choses comme ça.

Tracie comprit qu’il serait très difficile de convaincre le vieil homme. Il ne semblait pas du tout empathique à la situation de son amie.

- Très bien, soupira-t-elle.

Malgré ses joues humides qui la trahissaient, elle avait arrêté de pleurer. Son regard n’affichait plus que détermination et son visage était dur aussi dur que de la pierre.

- J’apprendrai la médecine et la génétique, JE ferai ce que vous refusez de faire.

Elle détourna alors les talons avant de s’en aller.

- Attends Clara, s’exprima Charon.
- Pourquoi devrais-je attendre ? répondit-elle. J’ai du pain sur la planche si je veux soigner mon Pokémon.
- Je comprends bien ta frustration, mais tu ne pourras pas le soigner. Ça te prendra vingt ans pour devenir généticienne, ne sois pas ridicule.
- J’ai fait une promesse, répliqua-t-elle toujours aussi déterminée, et je compte la tenir. Je ne le laisserai pas mourir sans me battre !

Tracie ne l’avait jamais vue comme ça. Sa rencontre avec Natu avait dû la changer, la gamine farceuse avait disparu, maintenant se tenait devant elle une jeune fille qui savait ce qu’elle voulait et était prête à aller jusqu’au bout.

- Très bien Clara. J’accepte de t’aider.

Les deux amies se regardèrent tout sourire ; Clara avait fini par réussir à le convaincre.

- Tss, j’ai quitté le père et la fille a réussi à me convaincre de travailler pour elle, s’amusa le vieillard.

Il récupéra le dossier qu’il rouvrit avant de commenter :

- Ça va demander beaucoup d’argent, l’informa-t-il. Avec l’argent que j’ai actuellement, je peux acheter le matériel nécessaire ainsi qu’un local, mais je ne compte pas financer toutes les recherches de ma poche.
- Très bien, alors c’est moi qui les financerai, répondit-elle.

Tracie se retourna vers Clara, la bouche ouverte. Comment comptait-elle faire ?

- Je ne travaillerai pas pour ton père, lui rappela-t-il. Si tu veux financer ces recherches, ce sera avec ton propre argent.
- 1Nonante pourcents de l’argent de mes victoires serviront à les financer, promit-elle.
- Tu n’es pas sérieuse ? s’alarma le généticien.
- Parfaitement sérieuse. Mon Pokémon souffrira le martyr pendant des années, ce petit sacrifice n’est rien en comparaison.

Son Pokémon n’en croyait pas ses oreilles. Cela n’avait rien d’un petit sacrifice, Clara et ses Pokémon, dont elle, vivront dans la pauvreté pendant des années si elle fait ça.

- Et même si vous refusez de travailler pour mon père, tout ce qu’il me donnera sera destiné à ces recherches également, ajouta-t-elle.

Le vieux Charon s’agenouilla alors pour se mettre à sa hauteur avant de lui tendre sa main dix fois plus grosse que la sienne. Clara s’empressa alors de la serrer.

- Très bien, patronne. Je me charge des détails administratifs. Quand pars-tu en voyage initiatique ?
- Après-demain, révéla-t-elle avec un petit sourire.
- Je vois. J’aurais dû me douter que ce petit Pokémon me poserait des soucis, ajouta-t-il en la regardant.

Tracie comprit qu’il avait dû s’apercevoir qu’elle les avait espionnés le jour précédent.

- De mon côté, je vais aller parler à Natu pour lui expliquer ce qui va se passer, ajouta Clara.
- Tu ferais bien, une terrible épreuve attend ce petit, confirma-t-il, sinistre.






 leur retour, Clara fut accostée par ses parents.

- Tarsal, tu veux bien nous laisser seuls ? demanda gentiment la mère. Nous devons parler à Clara en privé.

Avant qu’elle ne pût s’éloigner, Clara la prit dans ses bras.

- Merci d’être venue avec moi, lui murmura-t-elle.

Un sourire resplendissant s’affichait sur son visage. Tracie projeta alors son esprit vers elle, appréciant le contact chaud et amical de celui de son amie pendant quelques instants, elle sentait ses émotions bouillonner dans cette enveloppe. En cet instant elle se dit qu’elle avait la meilleure amie du monde, quoi qu’il arriverait, elle serait là pour elle et pour ses Pokémon.

« Je suis heureuse de te connaître, Clara, heureuse d’être ton amie. N’oublie jamais ça. »






Le lendemain de leur retour de chez Charon, une terrible nouvelle était tombée : la vieille Xatu avait été retrouvée morte au petit matin. Tracie avait alors passé toute la journée à chercher Natu pour lui apporter du réconfort.

Elle pensait qu’il était allé se cacher pour pleurer la perte de sa mère ou qu’il avait voulu aller s’entraîner pour qu’elle fût fière de son enfant, mais où qu’elle allât, elle ne le trouva pas ; il avait complètement disparu. Était-il décédé lui aussi ? Non… les parents de Clara avait dû appliquer la solution « miracle » dont la mère avait parlé avec sa fille. Son amie avait-elle eu l’occasion de parler aux deux Pokémon Psy, comme elle l’avait promis à Charon ? Elle n’en savait rien, elle n’avait pas eu l’occasion de lui reparler depuis leur retour.

Comme la nuit précédente, Tracie était allée se coucher seule, ne sachant pas quel était l’état d’esprit de son amie. Elle aurait voulu le toucher et sentir ses émotions transparaître et migrer vers son être. Mais elle ne l’avait pas vu non plus… tout comme Élodie.





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1Nonante = 90 = quatre-vingt-dix




Le jour du départ

Le moment était finalement venu. Clara et Tracie allaient finalement se mettre en route pour leur voyage initiatique. La jeune Tarsal avait pensé qu’ils seraient deux, Natu étant un partenaire de combat prometteur, mais sa maladie en avait décidé autrement. Elle serait donc seule à l’accompagner… du moins c’est ce qu’elle croyait.

Elle se tenait aux côtés de Clara, près d’elles, il y avait ses parents et un peu plus loin sa sœur et Malosse. Ils étaient tous quatre venus leur souhaiter bon voyage. Une pointe d’angoisse lui étreignit le cœur en pensant qu’elle ne reverrait pas ce lieu avant un bon moment.

- Ma chérie, murmura la vieille mère, émue de voir sa fille partir. Voici un peu d’argent de poche pour les premiers jours. Je me suis arrangé avec la banque comme tu nous l’avais demandé. Tu ne sais pas à quel point ça me fait bizarre et à quel point ça me rend heureuse de te voir partir.
- Merci maman, répondit Clara d’une voix mécanique.
- Clara, en guise de cadeau et pour remplacer ton Natu, je t’offre mon Ectoplasma en remplacement, ajouta son père.

Il lui tendit la Poké-Ball du spectre que Clara accepta avec un remerciement bref.

Qu’arrivait-il à Clara ? Elle devrait se réjouir de quitter la maison et enfin pouvoir accomplir son rêve. Pourtant, aucune joie, aucune excitation, aucun trépignement d’impatience ne ressortait de sa voix. Même pas un ennui de devoir écouter les dernières recommandations de ses parents. Prise d’un doute, Tracie poussa son esprit vers celui de son amie, mais elle fut interrompue par un petit coup sur la tête.

En se tournant, elle vit Malosse qui l’avait rejointe. Il lui avait donné un petit coup de boule amical en guise de salutations. Elle se frotta la tête, quelque peu ennuyée.

- Alors comme ça tu t’en vas ? lui lança amicalement le chiot.
- Et oui, lui répondit-elle avant de plaisanter : « Ne sois pas jaloux, ton tour viendra. »
- Jaloux ? Jamais j’t’envierai de partir avec cette folle. Je suis bien content qu’ils s’en aillent, elle et son spectre de malheur.

Tracie comprenait son point de vue. Tous les deux s’étaient toujours bien entendus, mais les frasques de son amie les avaient séparés au cours des années.

- Figure-toi que hier et aujourd’hui, je l’ai encore retrouvée dans mon panier au réveil.
- Pardon ?

Clara n’avait pas dormi dans sa chambre les deux dernières nuits, c’était donc là où elle avait passé la nuit ?

- Clara, il est temps d’y aller.

Leur attention détournée par l’annonce de la mère de son amie, elle vit alors qu’Élodie avait enlacé sa sœur pour lui dire aurevoir. Elles se séparèrent et le moment fatidique du départ vers l’aventure fut finalement arrivé.

Clara sortit alors sa Poké Ball qu’elle tendit vers elle pour la rappeler. Tracie n’avait pas l’habitude de vivre dans une Poké Ball, mais il lui semblait normal de voyager comme tous les autres Pokémon. Elle était petite, avait de courtes jambes, marcher les ralentirait énormément. Lorsqu’elles avaient rendu visite à Charon deux jours plus tôt, son amie n’avait pas sa Poké Ball ; le court trajet avait été fatidiquement rallongé.

Finalement alors le rayon rouge s’échappait de la Poké Ball, Tracie ferma les yeux. Ce n’était pas la première fois qu’on la rappelait, elle connaissait cette sensation étrange de quelque chose qui la tire en avant, avant de la rapetisser sans douleur, puis du sommeil qui s’empare de son corps tandis qu’elle s’endort. Tout ça, elle le connaissait…






Alors pourquoi rien ne se passait ?






En rouvrant les yeux, elle remarqua que le rayon avait passé au-dessus de sa tête et avait rappelé Malosse. Gémissant, tirant de toutes ses forces sur ses pattes avant, il tentait à tout pris d’échapper à la boule mangeuse de Pokémon. Tracie tenta de lui venir en aide en usant de ses pouvoirs psychiques. Mais aucune attaque Psy n’avait d’effet sur les Types Ténèbres. Et même si c’était le cas, jamais elle n’aurait eu la force d’empêcher l’inévitable. Même Natu n’y serait pas arrivé, aucun Pokémon ne pouvait s’échapper de ce rayon. Finalement Malosse disparut, la laissant seule sur place.

Elle projeta aussitôt son esprit vers Clara, tentant d’avoir une explication. Mais ce dernier était clôturé, enfermé, par une barrière. Elle hoqueta de surprise en se rendant compte qu’elle ne pourrait pas lui parler et avoir une explication.

- Pourquoi ? murmura-t-elle.

Sa meilleure amie, celle avec qui elle avait passé tous les meilleurs moments de sa vie, l’avait abandonnée.

- Pourquoi ? s’écria-t-elle.

Mais personne ne lui répondrait, il n’y avait aucun autre Pokémon dans la pièce et aucun humain ne comprenait sa langue.

- POURQUOI ? hurla-t-elle au désespoir.

Sans un regard, Clara tourna les talons. La porte automatique de la Tour Galano s’ouvrit sur le monde avant de se refermer. Sans explication, Clara s’en était allée.

- Tu m’as abandonnée, murmura Tracie, la gorge nouée.

Son cœur s’étreignit dans sa poitrine, alors que l’amertume et le dégoût envahissaient son esprit déchiré par la perte de Clara. Ses yeux rougeoyèrent de colère, tandis que des larmes commençaient à couler sur son visage d’asphalte.

- Tu m’as abandonnée… répéta-t-elle. Mais pire que tout, tu as laissé tomber Natu, ton propre Pokémon que tu avais juré de soigner, alors qu’il venait de perdre sa mère !

Quelqu’un la souleva alors. Surprise, elle tourna la tête et reconnut les bras menus et la chevelure blonde comme étant ceux d’Élodie, la sœur de Clara. Elle plia le cou pour voir le visage de la jeune fille et remarqua que cette dernière avait une expression neutre. Elle ne semblait ni fâchée, ni heureuse du départ de son aînée.

Tracie comprit alors qu’elles avaient échangé leur Pokémon. Toutes les deux avaient ignoré l’affect de leurs Pokémon pour des desseins inconnus. Malosse était terrorisé par Clara et ça n’a pas empêché Élodie de lui donner son propre Pokémon.

- Comment avez-vous pu nous faire ça ?

Usant de ses pouvoirs psychiques, Tracie força les bras qui l’enfermaient à la laisser partir. Elle tomba au sol et fusilla sa propriétaire du regard.

- Tu ne seras jamais mon Dresseur, s’écria-t-elle. JAMAIS ! Toutes les deux, vous allez nous l’payer. Jamais je ne vous le pardonnerai !






Les temps avaient bien changé, songea Gardevoir. Elle en voulait toujours à Clara plus que tout, mais elle s’était aperçue qu’Élodie n’était pas responsable de cet échange. Plusieurs années avaient été nécessaires, mais elles avaient su forger une amitié ensemble.

Lorsque Clara était revenue de son premier voyage initiatique, elle avait eu l’occasion de discuter de ce qui s’était passé avec Malosse… désormais Démolosse. Et c’était comme ça qu’elle avait compris… compris que Clara était capable du pire pour devenir plus forte.

Gardevoir pensait que le pire que Clara avait fait subir à Démolosse était de l’échanger avec elle. Mais elle se trompait. Elle se trompait lourdement.

- La vengeance est un plat qui se mange froid, disent les humains. Moi, je le mangerai glacé. Tu ferais mieux d’arrêter de compter sur tes Pokémon, ils ne seront pas toujours là pour te défendre… Clara.

Elle avait craché le nom de son ancienne amie, celle qui avait manipulé tout le monde pour arriver à ses fins. Tracie n’existait plus, il ne restait plus que Gardevoir la Vengeresse.


*_*_*_*_*_*_*_*_*

Après avoir remis Clara dans son lit et être resté avec elle jusqu’à qu’elle s’endormît, Draco signala d’un geste de la queue qu’il voulait discuter avec Xatu. Ce dernier les téléporta dans le couloir, afin d’éviter de réveiller les autres.

- Xatu, tu sais ce qui est arrivé à Gardevoir ?
- Pas dans les détails, avoua-t-il. Clara avait cinq ans quand je suis né.
- Je vois…
- Je sais juste que la relation entre Clara et elle était inhabituelle pour un Pokémon Psy. C’est comme si leur esprit était lié.
- J’avais cru comprendre, en effet.

Jamais les deux n’auraient pu communiquer autrement si elles n’avaient pas leur esprit relié d’une quelconque manière.

- Gardevoir ne s’en est jamais rendu compte sur le moment, mais le lien qui les unissait se détériorait. Quand je les ai rencontrées, il ne tenait déjà plus qu’à un fil.
- Clara le savait ? lui demanda le Dragon.
- Je ne pense pas non plus et si c’était le cas…
- Elle l’a sûrement oublié, soupira-t-il.

Le Pokémon Mystique bâilla à s’en décrocher le bec avant de lui souhaiter une bonne nuit. Il avait répondu à sa question la plus pressante, Draco n’avait plus besoin de lui. L’oiseau se téléporta et le laissa seul.

- À présent, je commence à avoir une vision plus claire des choses.

Il sourit, amusé par les résultats qu’il avait obtenus durant cette soirée. Cette espièglerie ne fut que passagère avant qu’il ne redevînt sérieux. Clara avait failli mourir et il n’y avait pas de quoi rire.

- Démolosse m’a menti, grinça-t-il.

Perdu dans ses pensées, il s’approcha de la fenêtre et regarda la pluie tomber. Il s’attendait presque à voir Gardevoir parmi les arbres au loin, mais il s’en fichait pour le moment.

- Il m’avait dit qu’Élodie avait été son premier Dresseur, mais qu’il n’en avait voulu à Clara. Quel sale menteur.

Comment ne peut-on pas en tenir rigueur à quelqu’un qui vous a martyrisé pendant des années ? De nombreuses zones d’ombre entouraient la relation qu’il entretenait avec Clara. Ils disent être proches, mais depuis de nombreux mois il ne les voyait que peu interagir l’un avec l’autre… du moins en dehors des combats et des entraînements.

Démolosse, plus que lui avoir menti, il n’était pas venu à son aide, Xatu avait dû s’en charger. Mais si son mensonge ne s’arrêtait pas là ? Il lui avait demandé à plusieurs reprises des informations sur Élodie, mais le molosse avait soigneusement évité de répondre aux questions qu’il lui avait posées.

- Et cette histoire d’odeur aussi…

Draco avait basé ses hypothèses sur la confiance qu’il avait en son partenaire. Mais si ce dernier lui mentait depuis le début, elles tombaient toutes à l’eau.

- De toute façon, que Démolosse m’ait menti ou non restera à déterminer, car cela ne change rien à ma certitude : le traître est l’un de ces deux-là !



À SUIVRE