C.19 : Début du cauchemar
Récapitulatif du dernier chapitre :
Une fois le quartier général fini, tous les compagnons se rendent au Doux Rondoudou pour fêter cette grande nouvelle. Une énième altercation a lieu entre Elna et Aoi, qui est sauvé in-extremis par Adrian. Ce dernier lui donne alors des informations sur ce qui rend la Kirlia aussi désagréable, un lourd passé qu’elle porte depuis des années.
***
~An x1834 après Arceus~
La nuit tombait déjà sur Altaïa, et aventuriers comme explorateurs rentraient chez eux, ramenant pour certain un lourd pactole, pour d’autres de lourdes blessures. Mais à cette heure, rares étaient ceux à rester combattre des monstres pour plus d’expérience, plus de butin, ou pour sauver plus de clients. De préférence, on rentrait chez soi se reposer afin d’être en forme pour le lendemain. Parfois, on pleurait un compagnon perdu, et puis on décidait de continuer à s’entraîner, sachant que l’on pourrait être le prochain. Bien lointaine était l’époque où l’on prenait le Donjon à la légère. Le danger est réel et dans ses labyrinthes, on ne compte plus le nombre de Pokémon ayant perdu la vie.
Mais parmi la foule d’aventuriers, certains s’élevaient du lot. On les admirait, on les craignait, qu’importe leur notoriété ils inspiraient d’une manière ou d’une autre le respect de tous. On savait d’ores et déjà quels personnages on ne voudrait pas avoir comme ennemis. Car aussi confiants que l’on puisse être, ceux-là étaient au-dessus. Ils dominaient les autres.
Et en cette froide nuit, plus une âme ne s’aventurait en extérieur. Seule une masse imposante apparaissait et disparaissait au rythme du brouillard. Une créature puissante dont les pas étaient lourds. Une large cicatrice barrant l’un de ses yeux, le Dracaufeu avançait, traînant un Pokémon inconscient. La haine était peinte sur son visage, apparaissant à peine sous l’éclat des lanternes. Il parvint finalement devant l’entrée du Donjon, et un sourire apparut. Devant se tenait une petite silhouette lui obstruant la route.
Son rire résonna dans le silence nocturne. Du sang coulait de la créature face à lui, une patte posée sur son ventre meurtri. Les jambes tremblantes, elle se tenait droite comme un mur, la détermination dans son regard.
— Je ne te laisserai pas aller plus loin… ! articula-t-elle malgré la douleur.
— Oh ? Tu t’estimes capable de m’arrêter, Mistid ?
— L-Lâche-là immédiatement… ! Lâche-là !!
Le Dracafeu tourna les yeux vers la créature sous son bras.
— C’est fou qu’un tel Pokémon puisse exister. Aussi fragile que ça, je pourrais la briser en deux à n’importe quel moment. Juste par plaisir.
— Ayonis… grinça Mistid. Comment as-tu pu devenir aussi mauvais…
— Selon ton point de vue, je le suis, ricana le dénommé Ayonis. Pour d’autres je suis un héros. Et d’ailleurs toi, si tu ne me crains pas, tu devrais m’admirer.
La Mysdibule se mit alors à tousser, tombant à genoux, tandis que du sang s’écoulait de sa plaie ouverte.
— Estime-toi heureuse que je ne t’ai pas achevée. Ta vie aurait pu se terminer aussi vite qu’elle a commencé. Maintenant sois gentille et laisse-moi passer. Vous deux êtes très touchantes à vouloir vous opposer à moi, mais c’est inutile.
— C’est ce qu’on va voir… !
Ayonis secoua la tête. Il prit une grande inspiration et cracha un monumental Lance-flammes sur Mistid, qui prise par surprise eut juste le temps de se recouvrir d’un Mur de fer. Mais les flammes étaient telles qu’elle ne pouvait rien faire, et sa protection se mit à fondre. L’instant d’après, elle se retrouvait au sol, pouvant à peine respirer. Le Dracaufeu continua sa route en direction du Donjon et arrivé à sa hauteur, il écrasa sa plaie de son énorme patte, arrachant un souffle de douleur à la Mysdibule. Encore plus de sang jaillit de la blessure qui se rouvrait. Le type Feu partit dans un rire tonitruant.
— Crève, traînée.
Et il continua son chemin, pénétrant dans l’immense tour avec Jiyana, inconsciente sous le bras. Derrière-lui, des larmes s’échappèrent des yeux de Mistid, presque sans vie.
***
Une heure plus tôt
***
La journée se terminait doucement, et ainsi le trio habituel émergeait du Donjon. Après une semaine passée à combattre côte à côte, Aoi, Jiyana et Mistid parvenaient à s’équilibrer correctement, rendant les combats encore plus simples.
— Il va bientôt être temps que l’on se frotte au mini-boss, suggéra Jiyana. Avec notre entraînement, on devrait être en mesure de le vaincre !
— Oui, on a fait de bons progrès. Même toi, la grenouille, dit Mistid.
Son ton désagréable ne changeait pas beaucoup de d’habitude, mais Aoi s’y était habitué et savait qu’au fond, elle n’était pas aussi méchante qu’elle le prétendait.
— Je propose que l’on essaie demain, fit Aoi. Au point où on est, ça ne sert plus à rien d’attendre. Qui plus est, la familia Reshiram a déjà entamé son expédition, alors on doit réussir la nôtre également !
— C’est vrai, appuya la Roussil. Demain c’est bon pour moi.
Mistid acquiesça également, et sur cette bonne note les amis se quittèrent, chacun prenant une route différente. Pour l’explorateur, il fallait rejoindre le quartier commerçant où se trouvait son petit QG, bien à l’abri derrière une ruelle. Quant aux deux autres, elles se rendaient à la base de la familia Suicune. S’agissant d’une grande famille d’aventuriers, celle-ci était particulièrement riche et avait pris le soin d’édifier le bâtiment aux couleurs du dieu associé.
Ainsi, l’entrée était un pont arqué s’élevant au-dessus d’un plan d’eau très claire, rejoignant un bâtiment azur au design très minimaliste, aussi calme que le lac juste devant. En pénétrant dans le palais, une ambiance tendue prit la place de l’atmosphère paisible de l’extérieur. Mistid plissa les yeux, sentant une boule naître dans son ventre. Elle ne savait que trop bien ce qui les attendait ; Ayonis, le prétendu compagnon de Jiyana, allait certainement piquer une nouvelle crise. Habituellement, ce n’était que désagréable, jamais grave. Pourtant il attendait là, l’air plus remonté que jamais. Au bout de quelques instants, il prononça enfin quelques mots.
— Jiyana… fit-il de sa voix rauque. Tu comptes donc me trahir ?
Et sur ces mots il tourna les talons, laissant tous les Pokémon présents dans la pièce abasourdis. Mais qui allait s’opposer à lui ? Personne, car personne n’en avait le courage. Jiyana lui courut cependant après.
— Ce n’est qu’une mesure préventive si jamais ton comportement se dégrade encore ! s’exclama-t-elle.
Il s’arrêta, mais ne prit pas même la peine de la regarder.
— Et de quel droit t’opposes-tu à moi ? Cesse donc tes idioties, c’est un ordre !
— Je fais ce que je veux ! Et tout cela, c’est pour que tu ailles mieux !
Ayonis se retourna finalement et s’approcha de la renarde, laquelle sentait son cœur battre la chamade. Derrière, Mistid était terrifiée à l’idée qu’il puisse lui faire du mal. Et soudain il lui mit un violent coup qui la fit tomber aussitôt dans l’inconscience, sous l’œil ébahi de son amie. Mistid était sans voix, incapable de comprendre ce qu’il se passait.
— Puisque tu ne veux pas m’obéir, alors je ne te laisserai plus aucun choix. A partir de maintenant, tu resteras avec moi jusqu’à la fin de tes jours, bien à l’abri dans le Donjon.
Peu à peu, l’autre comprit ce qui était en train de se passer, et la panique commença à s’emparer d’elle. Armant une Queue de fer, elle se jeta sur le Dracaufeu qui tenait son amie. Mais sans sourciller, celui-ci lui adressa une attaque Dracogriffe, entaillant son ventre. La Mysdibule tomba à la renverse, ensanglantée et KO. Sans dire un seul mot de plus, Ayonis prit la direction du Donjon. Parmi tous les Pokémon toujours présents dans la salle, aucun n’alla aider l’aventurière blessée, de peur des représailles. Au lieu de ça, ils s’éclipsèrent tous comme si rien ne s’était passé. Comme si leur camarade n’avait jamais été enlevée. Seule resta Mistid dans le noir, à l’agonie.
Quelques minutes plus tard, elle parvint à se relever, et constata l’ampleur des dégâts. Une plaie mauve et rouge lui barrait tout le ventre, de laquelle du sang s’écoulait. La douleur était atroce, mais son amie était en danger alors, titubant, elle se rua vers la sortie et prit le meilleur raccourci qu’elle connaissait afin de rejoindre le Donjon. Pour la première fois depuis très longtemps à cette heure-là, plus personne ne se trouvait dans les rues, ainsi elle était vraiment seule contre ce monstre.
Les premières larmes apparurent dans ses yeux comme elle comprenait ce qu’il était en train de se passer : sa meilleure amie se faisait enlever et elle ne pouvait rien pour empêcher cela. Son plus grand cauchemar était en train de se réaliser, et son esprit tout entier était si paniqué que la douleur n’avait plus d’importance.
Sur le chemin elle tomba plusieurs fois, la vue floue, mais elle se relevait constamment. Ayonis savait qu’elle viendrait lui faire face, alors il s’arrangerait pour faire durer le supplice. De longues minutes plus tard, elle parvint enfin au Donjon. Elle était à bout de forces et ne pouvait plus tenir sur ses jambes. Au loin pourtant, elle entendait un pas lourd. Elle s’efforça alors de se relever, quand bien même elle ne pouvait plus sentir ses muscles. C’était sa dernière occasion pour sauver son amie.
***
Des heures entières s’écoulèrent avant que Mistid ne se réveille. Ses yeux comme sa bouche étaient secs, et son ventre lui faisait affreusement mal. Une blessure par le type Dragon était la pire chose qui puisse arriver, les dégâts occasionnés étaient toujours terribles. Heureusement pour elle, la plaie semblait s’être refermée, certainement grâce aux flammes d’Ayonis. Dans le noir, elle tenta d’observer son corps, s’apercevant qu’elle était recouverte de brûlures.
Elle se releva tant bien que mal et, ses forces lui revenant doucement, elle s’élança dans le Donjon. A ce stade, la douleur qu’elle éprouvait n’avait plus aucune importance tant qu’elle allait sauver Jiyana. Elle ne pensait plus à rien, son esprit entier était vide, comme si la seule raison lui donnant de l’espoir était partie. Une fois en bas de l’escalier, elle franchit les premiers étages le plus vite possible, connaissant l’agencement par cœur.
Une fois au niveau cinq, elle tomba face à l’Arnius et le pulvérisa d’une attaque Queue de fer, projetant une gerbe de sang à travers toute la salle. Sans perdre plus de temps, elle se rua dans les étages suivants et parvint essoufflée à l’entrée du dixième. N’hésitant pas, elle avança, consciente que le temps pressait.
— Un instant, jeune demoiselle.
Mistid reconnut cette voix provenant de derrière elle. Le Centaure, tout ce qu’elle voulait éviter. Le combattre maintenant serait perdre ses forces ainsi que du temps précieux, chose qu’elle ne pouvait se permettre.
— Je te reconnais, poursuivit-il en s’approchant, tu étais avec la petite créature bleue… Aoi ! Il y avait une troisième Pokémon, aussi.
— Je suis désolée, répondit rapidement la Mysdibule, mais je suis pressée, je dois y aller !
Elle se prépara à courir quand une lance sous son nez la stoppa net.
— Qui t’a dit que tu pouvais passer ?
A ce moment, elle ressentit une colère terrible pour le monstre l’empêchant de descendre, colère se transformant en frustration, faisant naître des larmes autour de ses yeux.
— Je n’ai vraiment pas le temps ! implora-t-elle. Mon amie est en danger, je dois aller la sauver !!
— Ton amie ? répéta Ro Tha’Kur. De quoi parles-tu ?
— Un monstre a enlevé mon amie, celle qui était avec nous pendant le combat ! Il veut l’emmener dans le Donjon avec elle afin de la retenir captive.
L’autre fronça les sourcils et planta sa lance dans le sol, réfléchissant.
— Ce monstre dont tu parles… Ressemblait-il à un dragon rouge ?
— Oui, c’est ça ! s’exclama Mistid, peinant à retenir ses pleurs. Il faut que j’y aille, je vous en prie !
Le Centaure sembla songer quelques secondes. Finalement, il baissa les yeux vers la petite créature devant lui et hocha la tête, lui faisant signe d’y aller.
— Toutefois, ajouta-t-il, ce sera la seule fois. Si tu dois remonter, alors pour descendre tu devras m’affronter. Est-ce clair ?
L’autre acquiesça rapidement et s’engouffra dans la sortie menant à l’étage onze. Elle se savait capable d’éliminer chaque créature jusqu’au quatorzième niveau, mais afin d’économiser son énergie et sa magie, elle préférait limiter les combats au maximum. Se souvenant encore du chemin à prendre, elle avança en prenant soin d’éviter les groupes de monstres qu’elle apercevait, rejoignant au plus vite l’étage suivant.
Une fois au niveau douze, alors qu’elle se croyait tranquille, un monstre lui sauta dessus. Il s’agissait d’une créature similaire à une énorme araignée. Revêtant un Mur de fer, elle bloqua chacune de ses attaques, et d’une Queue de fer elle l’envoya voler contre un rocher avant d’exploser. Aussitôt elle reprit sa course effrénée, atteignant le niveau treize en une grosse quinzaine de minutes, réduisant en charpie tout monstre se mettant sur son chemin. Elle suait à grosses gouttes et ses jambes tremblaient à chaque pas.
Là, elle dut faire face à d’énormes chauves-souris projetant des dards empoisonnés. Heureusement, son type Acier lui permettait d’ignorer totalement cette menace. De cette manière, après avoir traversé les couloirs rocailleux de l’étage, elle parvint au niveau quatorze. C’était l’endroit le plus bas où elle avait été jusque-là, et donc potentiellement le plus dangereux.
A mesure qu’elle avançait, elle entendit des murmures l’entourant, similaires à des ricanements. Bien qu’elle ne sache d’où ces sons venaient, elle savait que cela pressentait un danger imminent. Lorsque l’escalier fut hors de sa portée, un groupe de monstres bipèdes surgit de l’ombre. Ils devaient être quatre, similaires à des Grobelins, à la différence près que leur peau était de couleur rouge terne. L’un d’eux maniait une courte épée émoussée, un autre une faucille, et les deux derniers une hachette.
— Bon sang… murmura Mistid. C’est tout ce dont j’avais besoin maintenant.
L’une des deux haches attaqua d’un coup vertical, ce à quoi Mistid répondit en durcissant son corps d’un Mur de fer et en parant le coup de sa patte.
— Queue de fer !!
Sa mâchoire s’illumina d’un éclat argenté et, tournant sur elle-même, elle adressa un violent coup à l’attaquant, qui s’écrasa quelques mètres plus loin. A cet instant, les trois autres Grobelins décidèrent de l’attaquer simultanément. Elle sauta alors, réitéra la capacité Mur de fer, et se prépara à attaquer. Certes, cela lui procurait une défense correcte, mais l’inconvénient majeur était sa perte d’agilité en raison du poids occasionné. Toutefois, bien utilisé, elle pouvait gagner en vitesse pour donner plus de force à ses coups.
Chargeant une nouvelle fois Queue de fer, elle se mit à vriller sur elle-même avant d’asséner un coup tourbillonnant qui toucha deux monstres supplémentaires, les envoyant au tapis. L’un d’eux mourut, mais l’autre se releva, simplement sonné. Ne lui laissant pas plus de répit, elle mit fin à ses Mur de fer et utilisa Vive-attaque pour se propulser à toute vitesse vers lui, avant de le heurter de plein fouet avec une attaque Tête de fer. La créature explosa en fumée, ne laissant plus que deux ennemis sur quatre.
Conscients du danger, les deux autres se contentèrent d’observer sans attaquer, cherchant une brèche dans la défense de Mistid.
— Alors, ricana celle-ci, on n’est pas si stupides, finalement ? Tant pis, si vous ne venez pas à moi, alors c’est moi qui viendrai à vous !
Et sur ces belles paroles elle utilisa Croco Larme, faisant ainsi semblant de pleurer. Atteints, les monstres virent leur défense magique diminuer énormément.
— Et ensuite, Vent Féerique !
Faisant tournoyer sa mâchoire au-dessus d’elle, de petites bourrasques de vent roses s’en libérèrent, cinglant les Grobelins de toutes parts. Leur sang empourpra le sol sous leurs pieds et finalement, ils s’écroulèrent avant de disparaître en fumée. Mistid soupira. Enfin fini. Elle reprit immédiatement sa route, courant à travers l’étage en quête de l’escalier la menant à l’étage suivant.
Elle n’avait en tête que de se dépêcher d’avancer pour retrouver Jiyana, mais ce qui l’attendait plus en dessous était loin de la rassurer. En effet, elle savait à quel point le mini-boss du quinze était réputé redoutable, raison pour laquelle le trio s’était retenu de l’affronter jusque-là. Elle y repensa alors. Si je ne reviens pas victorieuse d’ici demain Aoi, excuse-moi. Je suis certaine que tu finiras par trouver un moyen de passer ce mini-boss.
Enfin, elle tomba nez à nez avec l’escalier tant attendu. Elle descendit, une légère appréhension marquant sa détermination et arriva finalement devant l’entrée de la salle du monstre. Elle ne pouvait pas fléchir maintenant, elle devait avancer jusqu’à trouver Jiyana et la ramener, c’était la seule solution. C’est mon amie, je dois la sauver.
L’idée qu’elle ne puisse jamais la retrouver l’effrayait plus que tout. Sans elle, Mistid ne pouvait pas vivre. Elle prit alors une grande inspiration et avança, se retrouvant dans un dôme aux murs fait de cristal vert transparent. Le dôme était parfaitement lisse, et tant celui-ci que le sol se reflétaient mutuellement. Et face à elle, la créature qu’elle devrait affronter. Sortant de son sommeil, un immense serpent couleur émeraude la toisa du regard. De son cuir émanaient des éclairs de la même teinte que les gemmes sertissant son corps.
— A nous deux, le serpent, dit-elle finalement.