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Les Apôtres d'Erubin de Malak



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Informations

» Auteur : Malak - Voir le profil
» Créé le 30/05/2021 à 10:02
» Dernière mise à jour le 30/05/2021 à 10:02

» Mots-clés :   Amitié   Aventure   Drame   Mythologie   Présence de Pokémon inventés

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Chapitre 39 : Désillusion psychique
Quand Leonora sortit du taxi qui l'avait mené de l'aéroport de Safrania jusqu'à son centre-ville, il respira à plein poumon, comme quand on revenait chez soi au pays après des années d'absence et qu'on se délectait de l'air local. Sauf que Leonora était native d'Almia, qu'elle se rendait plusieurs fois par an à Johkan avec son mari pour des réunions de travail diverses, et que surtout... l'air de Safrania empestait sévère. Avec toutes cette circulation, tous ces gens, tous ces buildings, évidemment que ça n'avait rien à voir avec la verte et écologique Almia.

Mais bon, Leonora était contente d'être là. Même si elle n'était plus la championne d'arène depuis près de deux ans, Safrania restait SA ville. Elle avait fini par connaître par cœur les différentes rues de la mégalopole, ce qui n'était pas une mince affaire. Et pour la première fois, elle allait la faire visiter à son fils Silas, qu'elle tenait contre elle. Le bébé ne fut aucunement dérangé par le bruit ambiant assourdissant, bien loin du silence naturel et paisible de Véterville. Au contraire, il regardait partout autour de lui avec ses petits yeux roses curieux.

- Ouais mon lapin, c'est Safrania, la capitale de Kanto, lui dit Leonora. Ça pue, c'est bruyant et c'est corrompu à souhait, mais j'aime cette ville. C'est ici que j'ai pu me faire un nom en tant que dresseuse d'élite.

Silas tendit ses deux petites mains comme s'il voulait attraper les innombrables passants et voitures devant lui. Leur taxi s'en était allé après que Buglow, l'immense garde du corps de Leonora, ait retiré ses valises du coffre et ait payé leur course. Leonora n'avait rien contre Buglow, qui était silencieux et obéissant, mais elle aurait préféré revenir à Safrania seule avec seulement Silas. Bien sûr, ce n'était plus possible tant son mari avait encore plus accentué sa stature d'homme important. On aurait pu s'en prendre à lui via Leonora et Silas, genre en les enlevant pour demander une rançon.

Au moins Leonora avait-elle pu réduire son escorte à un seule homme, quand Funerol avait tout d'abord prévu huit gardes et deux voitures, en plus d'un accueil officiel par les Dignitaires. Leonora était certes devenu mère au foyer, mais elle avait toujours ses Pokemon, et savait parfaitement se défendre elle-même. Elle n'avait aucune envie de débarquer à Safrania avec tout le protocole d'une visite de femme de Chef d’État.

- Je maintiens que nous aurions dû demander au taxi de nous déposer directement devant l’arène, madame, fit Buglow de sa voix impassible.

Avec son costume cravate et ses lunettes noires, il avait tout de l'archétype du garde du corps de célébrité. Il ne lui manquait que le pistolet en bandoulière. D'habitude, il le portait toujours, mais ici à Johkan, le port d'arme était strictement régulé. Il était impossible d'en porter sans toute une montagne de papiers et d'autorisations administratives et policières. Une vieille tradition de la région, qui de tout temps préférait que les gens règlent leurs différents en combats Pokemon, quitte même à se tuer avec.

- C'est à vingt putain de minutes de marche de là où on est, renchérit Leonora. On survivra. Je veux un peu profiter, Buglow. Et d'expérience, les seuls qui pourraient s'en prendre à nous dans le quartier son les clodos ivres et les pickpockets. J'ai appris à les gérer. Ça me ferait même plaisir qu'ils essaient de me chercher des noises, question de nostalgie...

Ce n'était peut-être qu'une impression, mais plus les minutes passèrent, plus Leonora se sentit mal à l'aise alors qu'elle marchait dans les rues et les allées bondées de Safrania. Les passants, autrefois insouciants ou perdus dans leur routine, marchaient bien plus vite que dans ses souvenirs, et toujours en regardant de droite à gauche, comme s'ils craignaient de se faire agresser à tout moment. Il fallait aussi noter la présence de plus en plus importante de gens portant le brassard Rocket, noir avec un R rouge. Ils n'osaient pas encore carrément se pointer en uniforme, mais qu'ils puissent se balader tranquillement dans la capitale, sous les yeux des Dignitaires, en arborant l'air de rien leur allégeance criminelle et en marchant comme si le trottoir leur appartenait, c'était abusé.

- Y'a comme du laisser-aller ici, commenta Leonora. Encore un peu et ce seront les Rockets qui feront la circulation.

- L'organisation devient chaque jours de plus en plus puissante et influente à Johkan, acquiesça Buglow. Les Dignitaires semblent impuissants.

- Ils ne le sont pas. Ils sont juste corrompus jusqu'à la moelle. Ils font mine de s'opposer de toutes leur force à la Team, mais la moitié d'entre eux touchent des dessous de table faramineux de sa part.

Leonora se gardait bien de tout jugement de valeur sur cette pratique. Après tout, elle aussi, une fois devenue la Championne de la ville, avait eu quelques arrangements avec la Team Rocket. Elle était jeune, talentueuse mais sans trop de moyen financier. Pour bien s'installer, elle avait dû accepter et entraîner quelque sbires dans son arène, moyennant un certain nombre de billets de banque. Leonora n'appréciait certes pas la façon dont la Team Rocket traitait les Pokemon, mais au niveau politique, elle ou les Dignitaires, c'était du pareil au même selon l'ancienne championne : des pourris.

L’arène de Safrania était située tout au nord de la ville, dans une banlieue résidentielle assez calme comparé au centre-ville. Leonora fut ravie de revoir le dôme gris à l'architecture si particulière de sa chère vieille arène. Mais si les passants étaient nombreux, ils semblaient tous vouloir éviter le bâtiment, qui pour une quelconque raison semblait plongé dans la brume, alors que la journée était ensoleillée.

- Vous êtes sûre que la championne sera d'accord pour nous loger le temps de votre séjour ? S'inquiéta Buglow. Vous ne l'avez même pas prévenu à l'avance...

- Morgane est une gamine, qui compte sur mes autres anciens apprentis pour la gestion de l'arène. Je suis chez moi ici, Buglow.

Elle n'avait pas prévenu Morgane à l'avance justement pour lui faire la surprise. Même si la fillette était bien peu expressive dans ses sentiments, elle serait sans nul doute ravie de revoir sa vieille maîtresse qui l'avait recueillie quand ses parents se sont débarrassés d'elle, effrayées par ses pouvoirs naissants.

Leonora ouvrit les lourdes portes d'une seule main, en continuant de tenir Silas contre elle. Le long couloir aux murs oranges avec des colonnes finement ouvragés qu'elle connaissait temps la fit sourire, tout comme les torches qui brûlaient faiblement, accrochées à chaque colonnes, donnant au lieu un aspect mystique et oppressant. Mais il manquait quelque chose qui fit froncer les sourcils à l'ancienne championne.

- Tiens, où est Gégé ?

- Gégé ? Répéta Buglow en entrant à son tour.

- Jérôme. C'était mon gars à la porte, qui accueillait les challengers avec son spitch officiel, et qui faisait l'arbitre de temps en temps. Enfin, il bossait pas pour moi, mais pour la Ligue. Chaque arène se doit d'en avoir un.

- C'était peut-être son jour de congé...

- Ces gars là ne peuvent pas prendre de jour de congé si l'arène accueille du public... Enfin pas grave, je demanderai à Morgane.

Mais plus elle avançait dans l'arène, plus le manque flagrant de personne se fit ressentir. Où étaient passés ses disciples qu'elle avait elle-même entraîné, et à qui elle avait confié la gestion de l'arène pendant que Morgane combattait ?

- Quelque chose cloche... marmonna-t-elle.

Ce ne fut que devant la porte du terrain de combat qu'elle vit enfin quelqu'un, qui semblait passer par là par hasard.

- Prosper ? Arceus merci, y'a au moins quelqu'un dans cette arène !

Le jeune dresseur, qui était à peine majeur, toisa Leonora avec surprise. Il était un des plus jeunes que Leonora avait formé, mais c'était un gars sérieux et compétant.

- Maîtresse Leonora ? Mais... que faite-vous ici ?

- Comment ça, qu'est-ce que je fais ? J'ai pas le droit de passer faire un petit coucou après tout ce temps ? En revanche, je pourrai vous retourner la question. Comment se fait-il qu'il n'y ait aucun foutu dresseur pour garder le stade ? Vous laissez passer tout le monde jusqu'à la Championne sans aucun filtre ? C'est quoi ce relâchement ?

Le dénommé Prosper eut l'air penaud et gêné.

- Il n'y a plus besoin de garder l'entrée... On a de la chance si un seul dresseur se pointe par semaine.

- Qu'est-ce que ça veut dire ? Me dis pas qu'on a chuté au classement des arènes ?!

- N-non, ce n'est pas ça... C'est juste que...

L'adolescent regarda craintivement derrière lui, vers la porte du stade, comme s'il avait peur que quelqu'un là-bas ne puisse l'entendre.

- Les dresseurs ont peur, fit-il enfin à voix basse. Ils n'osent plus venir. M-maîtresse Morgane... Elle en a tellement terrorisés que le bouche à oreille s'est fait, et que plus grand monde n'ose venir la défier.

- Bah, tant mieux si elle est forte non ? Dit Leonora sans comprendre.

- Elle l'est, mais ce n'est pas ça le problème. Elle ne... se contente pas d'écraser ses challengers. Elle s'amuse ensuite avec eux, avec ses pouvoirs psychiques. Ceux qui perdent lui servent de jouets, de cobayes pour tester l'étendu de ses pouvoirs...

Leonora échangea un regard stupéfait avec son garde du corps, avant de revenir sur son ancien disciple.

- Tu déconnes hein ?

- N-non, fit le garçon qui était au bord des larmes. Elle torture les perdants pendant un ou deux jours avant de les relâcher. Elle les miniaturise, les transforme en poupée, ou s'amuse à les faire voler dans les airs autour d'elle ! Quand elle les libère enfin, elle efface leur mémoire pour qu'ils ne disent rien à la police, mais ils en ressortent quand même profondément choqués, même sans se rappeler pourquoi. Certains ont carrément perdu l'esprit et se sont suicidés ensuite...

Leonora en avait entendu assez. Elle prit le dresseur par le col de sa chemise et se retint de le secouer.

- Nom de dieu, mais qu'est-ce que vous avez foutus, bande de crétins incapables ?! Je vous avez confié l’arène en même temps que Morgane ! Vous me dites que vous n'avez pas été capables de maîtriser une gamine de dix ans !

- Personne ne peut la maîtriser, gémit Prosper. Elle fait ce qu'elle veut. Si jamais on ose la contredire, c'est nous qui finissons dans sa maison de poupée. Les autres... ils en ont marre. Ils sont tous partis. Je suis le seul des anciens dresseurs de l'arène qui soit resté. Maîtresse Morgane nous a peu à peu remplacé par des types étranges. Ils n'avaient aucun talent de dresseurs, mais possédaient tous des pouvoirs psychiques, comme elle. Ils se servent de l'arène pour développer leurs pouvoirs, cachés de tout le monde. Comme si... Maîtresse Morgane... elle se préparait une armée de télékinésistes, d'exorcistes et d'autres gars paranormaux...

Leonora était abasourdie. Certes, Morgane avait toujours été une enfant bizarre et difficile à gérer. C'était la raison pour laquelle ses parents l'avaient confié à l'arène. Mais Leonora avait toujours pu la maintenir sous contrôle. Elle n'aurait jamais pensé que c’en en arriverait là en si peu de temps. Peut-être avait-elle fait une erreur en plaçant la fillette en position dominante, sans elle pour la surveiller...

- Je vais lui parler, décréta-t-elle en marchant vers la porte.

- A-attendez Maîtresse, ce n'est pas... pas vraiment le bon moment. Elle est avec des gens importants, aujourd'hui. Et puis... c'est dangereux. Même vous, vous pourriez finir sous l'emprise de ses pouvoirs... Et vous avez un bébé avec vous...

- Je me contrefous d'avec qui elle est, et Arceus le putain de Créateur se tondra sa divine crinière avant que cette morveuse ne puisse me faire du mal, à moi ou à mon gosse.

Elle ouvrit la porte du stade d'un coup de pied, et s'engouffra dedans. Buglow la suivit de près, mais avec crainte. Même s'il était une armoire à glasse capable de maîtriser un Mackogneur à mains nues, il se savait totalement impuissant face à des pouvoirs psychiques.

- MORGANE ! Hurla Leonora en direction du trône de l'autre côté du stade. On va devoir causer toi et moi, fillette.

C'était la phrase que Leonora sortait à chaque fois qu'elle était mécontente de sa jeune protégée, ce qui impliquait des problèmes futures pour elle. Avant, la petite fille baissait alors les yeux et s'excusait d'une petite voix. Mais aujourd'hui, assisse sur son trône de championne, une poupée dans ses bras, la gamine ne cilla pas, se contentant de dévisager Leonora avec ses yeux violets et froids.

Elle avait bien poussé en un an. Fini la robe blanche et le chapeau assorti orné d'un ruban qu'elle aimait portait avant. Elle était désormais habillée d'une espèce de combinaison rouge et noire, des gants blancs et des talons hauts. Elle s'était laissée pousser ses cheveux d'un vert sombre en une coupe stricte et raide. Son visage de porcelaine semblait encore plus pâle qu'avant, comme si elle ne voyait que très rarement la lumière du soleil. La surprise de voir d'un coup débouler son ancienne bienfaitrice ne lui fit hausser légèrement qu'un sourcil.

- Maîtresse Leonora... déclara-t-elle d'un ton lent et profond.

- Tiens, en voilà une invitée inattendue, mais quelle agréable surprise !

Comme Prosper l'avait dit, il y avait des gens avec elle, autour de son fauteuil de championne. Trois hommes, dont deux que Leonora connaissait. Des anciens confrères champions. Le jeune grand gaillard en treillis militaire et aux cheveux blonds, c'était Bob Surge, qui avait hérité de l'arène de Carmin-sur-Mer après le décès de sa précédente championne. Le brun ténébreux aux yeux bridés fringué en ninja, c'était Koga Kyo, le champion de Parmanie.

Le troisième individu, celui qui avait parlé, ne lui disait en revanche rien du tout. C'était un jeune homme élégant aux cheveux châtains foncés, très à l'aise dans un costume cravate taillé sur mesure. Il avait les mains dans les poches d'un air décontracté, et vu la façon dont Koga et Bob étaient tous deux positionnés à sa droite et à sa gauche, il devait être celui avec le plus d'autorité ici.

- T'es qui toi, ducon ? Le toisa Leonora.

Étrangement, la réponse vint de Buglow, son garde du corps.

- Il se fait appeler Giovanni. Monsieur Funerol a déjà entendu parlé de lui. C'est un homme d'affaire qui est entré récemment dans la finance de Johkan et qui possède déjà nombre d'actifs. Des actifs pas toujours propres, selon le patron...

- Quel honneur d'être connu d'un homme aussi important et puissant que Monsieur Funerol, fit Giovanni en s'inclinant avec ironie. Mais si je suis ici aujourd'hui, c'est uniquement en tant que Champion d’arène, venu seulement rendre visite avec mes amis à une consœur.

Leonora fronça les sourcils, en faisant rapidement le tour mental des arènes de Kanto. Il n'y en avait qu'une seule dont elle n'avait jamais vu le champion.

- C'est donc toi, le nouveau champion de Jadielle qui est entré en poste peu avant mon départ hein ? Parait que t'es aussi rapide pour monter les échelons du dressage d'élite que ceux de la finance...

- Je me débrouille, fit modestement Giovanni. Je n'ai jamais eu l'occasion de vous rencontrer ni même de vous affronter, Madame Funerol. C'est bien regrettable. On dit que vous étiez la meilleure des championnes avant mon arrivée.

- C'était la prédécesseuse de l'unysien, la meilleure, répliqua Leonora en désignant Bob de la tête. Claire Ivester, de Carmin.

- Je ne le sais que trop bien, répondit Giovanni. C'était ma femme.

Leonora en resta sans voix un moment. Elle savait que l'ancienne championne de Carmin était morte juste après qu'elle ait donné naissance à un enfant, à un âge relativement jeune, ce qui l'avait toujours peiné.

- J'en suis désolée, fit enfin Leonora d'un ton plus poli. C'était une fille bien, et une dresseuse remarquable.

- Assurément. Elle me disait que du bien de vous. Elle appréciait particulièrement votre sincérité et votre franc parler.

- Ouais, bah toi, tu risques pas de l'apprécier, le bourge à la langue de bois ! Qu'est-ce que tu fous dans mon arène avec ces deux bouffons ?

- Votre arène ? Il me semble que la jeune Morgane en est la championne officielle. Vous avez pris votre retraite de dresseuse d'élite pour aller vivre à Almia et épouser Monsieur Funerol. Mes félicitations d'ailleurs pour la naissance de votre fils.

- Morgane, reprit Leonora en s'adressant à sa protégée. Ce type pue les embrouilles. Ne le laisse pas t'embarquer avec lui.

Le sourire de Giovanni s'élargit.

- Les embrouilles, Madame Funerol ? Je ne suis venu que pour parler du futur de Kanto et du rôle que pourraient avoir les champions d'arène dans...

- Ça suffit les conneries, ducon. T'es affilié à la Team Rocket hein ? Ou t'es carrément un de ses hauts placés ? Je sais très bien que Naruto et Rambo ici présents sont des officiers d'la Team. Le ninja a déjà tenté de me recruter quand je suis entrée en poste ici. Et toi, avec tout ton pognon sale et le fait que tu sois sorti de nulle part en faisant de la plus nulle arène de la région la plus puissante, ça met la puce à l'oreille.

Giovanni haussa les épaules.

- Vous vous doutez bien que je ne peux pas affirmer ces allégations.

- J'm'en tape. Je compte pas te foutre un procès au cul. En revanche, c'est mon pied qui ira dans ton cul si tu comptes recruter Morgane dans ta Team à la con.

Koga ricana sombrement.

- Vous n'êtes pas spécialement bien placé pour donner des leçons. Certes, vous avez refusé de nous rejoindre quand je suis venu vous rencontrer, mais on a bien passé un petit arrangement financier entre votre arène et notre... organisation.

- Je ne donne aucune leçon, répliqua Leonora. Morgane passera avec vous tous les foutus arrangements que vous voulez, et portera même votre R rouge, du moment qu'elle le veuille bien, mais uniquement quand elle sera majeure. Pour l'instant, elle est sous ma tutelle. J'ai chez moi un acte notarié signé de la main de ses deux parents, me désignant comme tutrice légale de cette gamine jusqu'à ses dix-huit ans, ou jusqu'à que ses parents viennent la récupérer. En clair, les bouffons, j'ai tous les droits sur les décisions qu'elle peut ou non passer, et ce qu'elle peut rejoindre ou non. Et vous pouvez me faire confiance sur les conneries juridiques ; j'ai un pote qui s'y connaît sévère.

Le sourire aimable de Giovanni ne bougea pas.

- Je vous crois sur parole. Cela étant, j'ai quelque notions de droits, moi aussi. Et pardonnez-moi, mais j'ai comme un doute : ça m'étonnerai que votre fameux acte précise que la jeune Morgane présente des pouvoirs anormaux, pouvoirs qui pourraient faire d'elle une G-Man potentielle. Dès lors, le droit de tutelle habituel ne s'applique pas sur les méta-humains, tant qu'un expert habilité n'a pas mesuré en détail le niveau de dangerosité de l'enfant. Et je pense que vous le savez, Madame Funerol ? Vous avez passé sous silence les pouvoirs de Morgane pour en faire profiter votre arène. Si l'Ordre G-Man l'avait appris, vous auriez risqué gros, en plus qu'ils ne vous enlèvent Morgane. Donc je ne pense pas que vous avez envie de montrer votre papier à un juge...

Leonora grinça des dents. Cet enfoiré en costard avait visé juste.

- Quitte à choisir, je préfère quand même que Morgane aille chez ces snobinards à cape apprendre à utiliser ses pouvoirs pour faire le bien plutôt que dans la Team Rocket où elle va s'en servir pour vos petits intérêts de merde.

- Qui a parlé de se servir de ses pouvoirs ? Répliqua Giovanni d'un air innocent. Je ne désire juste que passer une alliance avec le plus de champions d'arène de Kanto possible, pour une meilleure centralisation des décisions et une harmonisation des procédures concernant la politique des dresseurs et des Pokemon...

- Tu veux juste corrompre la Ligue et faire main-basse sur les Pokemon les plus forts de la région, le coupa Leonora. Je sais comment fonctionne la Team Rocket. J'ai passé assez de temps à Safrania pour cela. Et t'es venu baver devant Morgane dès que tu as eu vent de ses pouvoirs et de sa nouvelle réputation sinistre. D'ailleurs, à ce propos... C'est quoi cette histoire de tourmenter les challengers qui ont perdu avec tes pouvoirs, jeune fille ? Tu as pété une durite ?! T'as eu tes premières règles ?

Morgane, qui était restée de marbre sur son trône en laissant Leonora et Giovanni parler, plissa soudainement les sourcils, ne laissant qu'un regard glacé qui vous laissez paraître comme un sous-déchêt à ses yeux. Elle se leva et marcha lentement vers Leonora. Buglow, après ce qu'il avait entendu sur elle, serra les poings, prêt à se jeter sur la fillette si jamais elle montrait le moindre signe suspect.

- Maîtresse Leonora, commença-t-elle lentement, comme si elle débutait une conversation sur un sujet ennuyant. Je vous remercie d'avoir pris soin de moi et m'avoir entraînée tout ce temps. Mais je n'ai plus besoin de vous. J'ai beau n'avoir que dix ans, mes neurones sont bien plus développés que les vôtres. Je sais faire des choses à présent dont vous n'avez pas idée, et je vois l'avenir plus clairement que jamais. Le futur de cette région passe obligatoirement par le grand R rouge. Je l'ai vu. Alors autant ne pas perdre de temps et se mettre dès à présent du bon côté. Quant à ce que je fais aux dresseurs qui m'affrontent et qui perdent... ce n'est rien de grave. Je joue un peu avec eux seulement. Et je les préviens toujours avant de débuter le combat. C'est juste... un gage.

Leonora secoua la tête avec dégoût.

- Tes pouvoirs te sont trop montés au crâne. Je ne me rappelle pas t'avoir éduquée comme ça. Et je pense que tes parents non plus.

- Mes parents avaient peur de moi !

- Et ils avaient de quoi, si t'en es à torturer les gens. C'est pour ça que tu veux rentrer chez les Rockets ? Tu vas devenir leur experte tortionnaire ? Ça te fait triper de faire souffrir les autres ?

Morgane la dévisagea un moment avant de détourner le regard, comme si cette conversation l'avait laissé, ou qu'elle avait fini par juger Leonora comme indigne de son attention.

- Je n'ai plus rien à vous dire, maîtresse. Ou plutôt, si, une dernière chose. Par reconnaissance pour vous être occupée de moi, un conseil gratuit. Vous feriez mieux de vous débarrasser de ce bébé que vous portez.

Cette fois, ce n'était plus de la colère que le visage de Leonora dégageait, mais une pure et totale stupeur.

- Pardon ?!

- Cet enfant deviendra un monstre. Il fera du mal à énormément de gens, et provoquera votre perte. Je viens d'en avoir la vision, juste en le regardant. Si vous êtes tant attachée au bien commun, au point de défendre des dresseurs pathétiques, alors la meilleure chose à faire c'est de le balancer dans une poubelle municipale en sortant.

Un « clac » retentit dans la grande salle. Morgane se passa la main sur sa joue soudainement devenue rouge, et son visage laissa transparaître un soupçon de surprise. Leonora baissa la main qu'elle venait de coller contre la joue de son ancienne protégée.

- Je ne sais pas ce que deviendra mon fiston, mais toi en revanche, un monstre, tu l'es déjà, assena-t-elle avec répulsion et tristesse. Si jamais tu recroises tes parents un jour, dis-leur de ma part que je suis désolée de ne pas avoir su te montrer le droit chemin. Adieu, Morgane. Je te souhaite une belle vie passée à martyriser les dresseurs, à servir de laquais à la Team Rocket et à jeter les bébés dans des poubelles.

Et sur ce, elle se retira, l'air digne, en serrant plus que jamais Silas contre elle. Buglow se dépêcha de la suivre, et Leonora accéléra le pas pour sortir au plus vite d'ici, avant qu'on ne remarque qu'elle pleurait.