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L'Archange de MissDibule



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» Auteur : MissDibule - Voir le profil
» Créé le 16/04/2021 à 16:30
» Dernière mise à jour le 01/07/2021 à 01:34

» Mots-clés :   Aventure   Famille   Mythologie   Sinnoh   Suspense

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Chapitre 7 – Faux sourires
16 février 2019, ville de Joliberges, région de Sinnoh
« J’ai si peur. J’aimerais que tout ceci ne soit qu’un cauchemar. Mais ça ne l’est pas. Je le sais car je viens de me réveiller d’un vrai cauchemar. J’ai vu Thia mourir sous mes yeux avant de succomber à mon tour. Les mots ne suffisent pas à décrire l’horreur que j’ai ressentie. Pourtant, ce n’était pas réel. Mais la catastrophe à venir, elle, est on peut plus réelle. Je n’arrive pas à me rendre compte du poids qui pèse sur mes épaules. Si je ne trouve pas rapidement comment sauver Créfadet, l’humanité risque de perdre toute volonté. Et, sans volonté, il est impossible pour l’homme de survivre. C’est Créfadet qui nous donne la volonté d’accomplir ce que nous avons à faire. Sans lui, nous sommes perdus.

Je dois donc sauver l’humanité. Ni plus, ni moins. Cette vérité me terrifie. Qu’on confie une mission d’une telle envergure à une bonne à rien comme moi me dépasse. Même si M. Komoss croit en moi, je crois que lui non plus ne réalise pas bien l’ampleur de la situation. Ceci étant dit… est-ce vraiment possible pour l’esprit humain d’envisager sa propre perte ? Nous avons beau savoir que nous sommes mortels, il règne en nous un orgueil puissant, un narcissisme latent qui nous fait faussement croire que nous sommes invulnérables. Nous– »

Leyenda fige soudainement sa main sur le papier, créant ainsi une tache d’encre sur la page de son journal intime. « C’est incroyable. Le monde est en danger, et moi je prends le temps de divaguer sur la nature humaine ! Je n’ai fait que prouver mes dires avec ces pensées pseudo-philosophiques. Il faut absolument que je me remette au travail. Il n’y a pas de temps à perdre ! Secoue-toi Leyenda ! » pense la jeune archéologue.

Après un violent réveil, écrire peut sembler être un bon moyen d’apaiser son mal-être. Du moins, c’est ce que s’est dit Leyenda, mais finalement, cette séance d’écriture matinale n’a fait qu’accroître sa terreur. L’angoisse lui enserre la gorge, prête à l’asphyxier. Au bord d’exploser, Leyenda décide de sortir. L’air marin de Joliberges adoucit tous les maux. Leyenda n’est pas certaine que cela fonctionne avec les problèmes de type apocalyptique, mais cela lui est bien égal. Elle a vraiment besoin de prendre l’air. L’atmosphère vicié de son appartement est en train de l’étouffer.

En quelques secondes, la trentenaire est entièrement habillée. La tenue choisie est plus confortable que tendance, mais elle s’en moque bien. « Ce n’est pas comme si j’allais voir qui que ce soit. » songe-t-elle avec amertume. Cette triste pensée lui rappelle à quel point elle est seule. Hormis ses Pokémon, la jeune femme n’a personne avec qui partager sa vie. Bien sûr, il y a sa sœur Cynthia, toujours là pour l’épauler, mais…

Mais Leyenda se surprend soudainement à rêver d’une autre compagnie. Une personne à qui confier ses doutes. Une personne à prendre dans ses bras. Une personne à aimer, tout simplement. Leyenda se fige sur place. C’est la première fois de toute sa vie qu’elle se fait une telle réflexion. Jusqu’ici, elle n’a jamais eu le temps pour l’amour. Ses études lui ont dérobé toutes ces jeunes années où l’on se plaît à faire la fête et à socialiser. Mais, cet amour, à vrai dire, elle ne l’a jamais vraiment cherché non plus.

De plus, elle sait très bien que sa silhouette famélique ne joue pas en sa faveur. Peu d’hommes – voire aucun – se sont jamais intéressés à la petite blondinette maigrichonne qui passe sa vie le nez dans les livres. De toute façon, elle n’aurait probablement rien remarqué si cela avait été le cas. Leyenda s’est toujours complu dans le monde du savoir et des livres, non celui des hommes. Mais elle réalise aujourd’hui tout ce qu’elle a manqué, et tout ce qui lui manque en ce moment même. Si, bientôt, le monde s’arrêtait de tourner – elle est bien placée pour savoir que cela peut arriver – partirait-elle sans regret ?

Non.

Voilà ce dont Leyenda vient de se rendre compte. Elle comprend alors avec horreur que son angoisse s’étend au-delà du drame qui se profile. Elle est également le symptôme de son drame intérieur : cette solitude qui lui pèse depuis toutes ces années et dont elle vient seulement de prendre conscience. Pourquoi faut-il qu’elle doute d’une chose pareille à un moment si critique ?

Perturbée, la trentenaire visse son bonnet rouge sur ses cheveux blond vénitien et ouvre avec fracas la porte de son appartement. Soudain, Leyenda se retrouve nez-à-nez avec la gentille mais un peu rustre Mme Simon, la concierge de l’immeuble. Surprises, les deux femmes manquent de se rentrer dedans.

— Bonjour, Mam’zelle Leyenda. Z’avez de la visite. On vous attend en bas de l’immeuble, lui annonce la quadragénaire de but en blanc.

Pour Leyenda, la nouvelle que Mme Simon est venue lui annoncer est encore plus surprenante que son arrivée impromptue : de la visite ? Mais de qui donc ? « Thia m’aurait prévenue si elle comptait venir. Et je ne vois personne d’autre… Dire qu’il y a deux minutes, je me disais que je ne verrai personne aujourd’hui… Décidément la vie aime me donner tort on dirait ! » pense la jeune archéologue, partagée entre l’amusement et l’amertume.

— Bonjour, Madame Simon. De la visite ? Mais de qui ? s’enquiert-elle aussitôt.

Mais la concierge, estimant sa tâche achevée, prend déjà congé, et ne lui adresse en réponse qu’un vague haussement d’épaules. « Bon, eh bien je suppose qu’il n’y a qu’un moyen de savoir. » songe Leyenda en descendant l’escalier d’un pas décidé, plus curieuse qu’elle n’aurait bien voulu l’admettre. Arrivée dans le hall de l’immeuble, Leyenda perçoit un immense brouhaha émanant de l’autre côté de la porte d’entrée. « Mais enfin, qu’est-ce qu’il se passe ? » se demande-t-elle, confuse. N’y tenant plus, la jeune femme ouvre la porte…

…Et se retrouve immédiatement cernée par une véritable horde de journalistes.

Des dizaines de journalistes, armés de microphones, et accompagnés de cameramen qui assaillent déjà la nouvelle venue de questions. Il y a même des journalistes venus d’autres régions. Leyenda ne comprend strictement rien à la situation : qu’est-ce qu’il se passe ? Pourquoi tant de journalistes se pressent sur le pas de son immeuble ?

D’après Mme Simon, ils sont venus pour la voir, elle, mais elle peine à y croire. Puis, une évidence la frappe : ils sont venus lui parler de son travail. Ils savent. Et puisqu’ils savent, le monde sera bientôt plongé dans un immense chaos. Ce sera la panique générale. « Non non non… Reste calme Leyenda… Si ça se trouve ça n’a rien à voir… » Mais elle en doute fortement. Elle respire profondément et écoute ce que lui hurlent les journalistes.

« Mlle Myst-Eerie ! Un mot pour le direct ! Est-ce vrai que vous collaborez avec l’IRHM et les FPI sur un projet top secret ? »

« Qu’est-ce que l’IRHM et les FPI préparent ? Cherchent-ils à prévenir une menace ? »

« On raconte que vous avez fait une découverte incroyable sur le site de fouilles de Bonaugure. Pouvez-vous nous en dire plus ? »

Leyenda n’apprécie pas du tout la tournure de ces questions. Ces journalistes en savent beaucoup trop à son goût. « Heureusement, ils ne semblent pas être au courant de tout… » Elle se demande néanmoins comment ils ont obtenu ces informations confidentielles. Notamment l’implication des Forces de Police Internationales dans le projet, une information qui hélas accentue l’aspect dramatique du sujet. « Il faut absolument que je me débrouille pour ne rien leur dire ! » se promet la jeune femme.

« Mlle Myst-Eerie ! Une petite photo ! » lui lance soudain une voix féminine qui émane d’une journaliste rousse.

Bon ça, au moins, ça n’implique pas de répondre à une question épineuse, même si elle déteste être prise en photo. Mais à cet instant, elle est prête à faire ce sacrifice, s’il peut lui permettre de gagner du temps : le cerveau de Leyenda réfléchit intensément au meilleur moyen d’échapper à cette horde de journalistes assoiffés de scoops. Malheureusement, l’effet de foule l’a fait avancer, et la porte de l’immeuble est désormais inaccessible.

Alors qu’elle s’apprête à s’avancer pour prendre la photo, la journaliste rousse la saisit par la main et la rapproche brusquement d’elle. Avant même qu’elle puisse comprendre ce qui est en train de se passer, Leyenda entend le « clic »… d’un smartphone. La journaliste vient de faire un selfie avec elle ! Ce n’est pas du tout le genre de photo auquel elle s’attendait… Bien qu’elle soit embarrassée de s’être fait avoir de la sorte, Leyenda ne dit rien. Deux éléments troublants viennent coincer les mots dans sa gorge.

Même si la photographie n’a duré qu’une seconde, ce cours laps de temps a été suffisant pour que l’archéologue se rende compte qu’elle connaît déjà cette journaliste. Du moins, elle l’a déjà vue quelque part. Elle en est persuadée. Une impression renforcée par le deuxième élément perturbant : un papier roulé en boule, niché au creux de sa main. La journaliste a profité de du contact physique pour le lui glisser discrètement. Leyenda s’empresse de le fourrer dans sa poche, par instinct. Mais qui est donc cette femme ? La trentenaire relève la tête vers elle : la journaliste aux cheveux écarlates arbore un sourire satisfait.

Soudain, Leyenda se souvient de ce sourire : il s’agit du même que celui que lui a adressé… La femme qu’elle a croisée dans le couloir de l’IRHM, juste avant son rendez-vous avec M. Komoss. Elle la reconnaît, maintenant. « C’est elle qui leur a tout divulgué ! Elle nous a espionnés ! » devine alors Leyenda, hors d’elle.

« Vous ! Vous êtes l’instigatrice de tout ça, n’est-ce pas ? s’écrie-t-elle en la pointant du doigt. Vous avez espionné ma conversation avec M. Komoss et vous avez vendu les informations à la presse ! Vous vous rendez compte de ce que vous faites ? Vous risquez de provoquer… »

Leyenda s’arrête juste à temps, réalisant ce qu’elle est en train de dire. Catastrophée, la jeune femme réalise qu’elle s’est laissé emporter par l’émotion. Aveuglée par la colère, l’archéologue a failli révéler des informations vitales. Elle souhaiterait disparaître sous terre. Cette déclaration enflammée ne fait alors qu’embraser l’ardeur des autres journalistes, dont les questions se font de plus en plus oppressantes et intrusives, surtout sur la suite de sa phrase : provoquer quoi ?

La journaliste rousse fait aussi l’objet de nouvelles questions par ses rivaux, qu’elle balaie d’un revers de main. Calme et sereine, la journaliste se fraie un chemin au travers de la foule et se retourne, confiante, vers Leyenda :

« Je ne vois pas de quoi vous voulez parler, Mlle Myst-Eerie. Vous devriez savoir qu’on n’accuse pas les gens sans preuve. » déclare-t-elle, le sourire aux lèvres. « Si j’étais vous, je m’inquiéterais plutôt de mon propre sort… »

À ces mots, la journaliste quitte les lieux, mais Leyenda sait qu’elle n’a pas rêvé : elle est certaine d’avoir vu la journaliste tapoter imperceptiblement sa poche, comme pour rappeler à Leyenda l’existence du mystérieux papier. Le cerveau de Leyenda tourne à plein régime, mais les journalistes l’assaillent de plus en plus :

« Provoquer quoi, Mlle Myst-Eerie ? » répète l’un d’eux. Un danger nous menacerait-il ? » s’exclame-t-il, exalté par une curiosité malsaine.

« N-non ! » hurle Leyenda, en proie à la panique, qui s’était pourtant promis de ne rien dire. Encore une erreur. Les questions redoublent :

« Pourquoi semblez-vous si affectée, en ce cas ? Et pourquoi vous être énervée contre Mlle Misty ? L’IRHM nous cacherait-il quelque chose ? » demande une autre journaliste d’un ton inquisiteur.

« J-je… » bégaie Leyenda, de plus en plus paniquée. Elle est en train de perdre le contrôle de la situation. Elle se sent de plus en plus acculée. Tout à coup, elle réalise qu’elle est réellement acculée : les journalistes, à force d’avancer vers elle, se sont regroupées en face d’elle, et elle se trouve désormais dos à la porte d’entrée de l’immeuble. « C’est ma chance ! » pense-t-elle. D’un mouvement vif, la jeune femme se retourne, se saisit de la poignée et s’engouffre à l’intérieur. Là, Mme Simon l’attend, le regard impénétrable. « Elle est partout, aujourd’hui ! » s’étonne Leyenda.

— M’est avis que vous les appréciez pas trop, ces zigotos, j’me trompe ? demande-t-elle à la jeune femme, contre toute attente.

Étonnée par cette question, Leyenda hoche la tête en guise de réponse, le souffle coupé par la panique et l’angoisse.

— J’m’en charge. J’vais vous en débarrasser, moi, z’allez voir ! s’exclame la concierge d’un ton décidé.

Leyenda ne masque pas sa surprise :

— Vraiment ?

— Pour sûr. Moi vivante, on n’embêtera pas les résidents d’mon immeuble ! ‘Puis quoi encore ? Y vont voir !

Les yeux écarquillés, Leyenda s’écarte pour observer Mme Simon ouvrir grand la porte et se mettre à hurler sur les journalistes. Elle n’aurait jamais cru un jour assister à une scène aussi surréaliste. Soulagée, Leyenda se précipite vers les escaliers. Juste avant d’en fouler la première marche, la jeune femme adresse un merci à sa nouvelle alliée. « Sans doute a-t-elle toujours été mon alliée… Je ne m’en étais simplement pas rendu compte. J’ai de la chance qu’elle soit là ! » songe-t-elle avec reconnaissance. Suite à ces remerciements, Leyenda voit alors l’imposante silhouette de Mme Simon se retourner légèrement et lui adresser un sourire bourru empreint de sincérité.

Puis Leyenda disparaît dans l’obscurité des escaliers, à l’abri des aveuglants flashs des journalistes.

Une fois à l’abri des serres des journalistes, bien au chaud dans son appartement gris, Leyenda s’empresse de défroisser le papier donné par Callie Misty. La journaliste lui avait adressé un court message. L’écriture est si fine que Leyenda a du mal à la déchiffrer.

« Vous vous demandez sûrement à quel point je suis impliquée dans toute cette affaire. Il est certain que j’ai entendu l’intégralité de la conversation que vous avez eue avec M. Komoss. Pourtant, je n’ai pas tout révélé à la presse. Vous vous demandez pourquoi. Si vous souhaitez connaître la raison de mon acte… venez me rencontrer à l’Auberge du Port, aujourd’hui, à 14h.

Callie Misty »

Leyenda fronce les sourcils. Cette femme la mène en bateau. Elle le sait, et pourtant, elle est obligée d’accepter ce rendez-vous. Elle ne peut décemment pas la laisser en possession des informations qu’elle possède sans savoir ce qu’elle compte en faire. Leyenda considère l’heure du rendez-vous : 14h. Il est actuellement dix heures, à peu près. La jeune femme jette un œil à la fenêtre de son appartement : les journalistes sont encore là. Apparemment, Mme Simon a abandonné la bataille, mais pas eux. Ils se pressent encore comme une horde de Pokémon sauvages devant l’immeuble. Ils ne semblent pas près de partir.

« Cette femme connaît bien son métier. Elle a fixé une heure assez lointaine pour s’assurer qu’il n’y aurait plus aucun journaliste dans les parages. Enfin, à part elle… »

Leyenda avise le lieu du rendez-vous :

« L’Auberge du Port, hein… Choix intéressant… »

Elle n’y est jamais allée, mais elle a déjà entendu les rumeurs les plus folles concernant cet endroit. Autrefois délabrée et fermée à double-tour, cette auberge est aujourd’hui remise à neuf, et très fréquentée. Elle a contribué à redynamiser la très ancienne Joliberges. Il s’agit désormais plus d’un bar que d’une auberge, même si le nom a perduré.

« Il ne reste plus qu’à attendre… » songe-t-elle avec lassitude.

Pour occuper les heures suivantes, Leyenda s’adonne à l’examen scrupuleux du journal de Malicia Yasakani, qu’elle a pourtant déjà lu des dizaines de fois. Mais hélas, de nombreuses parts d’ombre subsistent encore. Et Leyenda ne parvient toujours pas à percer leur mystère, ce qui l’angoisse un peu plus chaque jour. Après avoir passé plus d’une heure à se triturer les méninges dans tous les sens, l’archéologue décide de faire une pause. Elle a vraiment besoin de prendre un peu de temps pour elle.

La jeune femme décide donc de prendre un bain, et de choisir avec soin sa tenue. Contrairement à son habitude, elle ose même se maquiller légèrement. Elle contemple son reflet dans le miroir de la salle de bain exiguë : il lui semble déjà plus agréable à contempler qu’à l’accoutumée. Elle esquisse un sourire : prendre un peu de temps pour elle n’est peut-être pas une si grande perte de temps, finalement.

C’est donc un peu plus confiante que Leyenda se rend au rendez-vous avec Mlle Callie Misty. Lorsqu’elle passe la porte de la simple auberge au toit bleu – une architecture typique de Joliberges – elle constate que la journaliste l’attend déjà, attablée dans un box au fond à droite de la salle. L’archéologue salue poliment le barman et se dirige sans plus attendre vers Callie, qui lui fait de grands signes, un sourire satisfait collé sur le visage.

Leyenda s’efforce de prendre un air détaché. Elle ne veut pas montrer à son interlocutrice qu’elle est angoissée par cet entretien impromptu. À peine s’est-elle assise sur la banquette blanche à rayures bleues que Callie déclare, toujours tout sourire :

« Je savais que vous viendriez. »

Bien décidée à ne pas se laisser intimider par l’aplomb de la journaliste, Leyenda répond d’un ton résolu :

« Je suis une femme occupée, Mlle Misty. Alors venons-en aux faits, si vous le voulez bien. »

La jeune femme se met ensuite à parler moins haut :

« Pourquoi n’avoir pas vendu la totalité des informations que vous possédez à vos collègues journalistes ? Quel est votre but ? »

À ces mots, la journaliste éclate soudain de rire. Leyenda se mord la lèvre. Sa manœuvre n’a pas vraiment eu le résultat espéré.

« Vous me faites rire, Leyenda. Vous savez, il est inutile de jouer les dures avec moi. Je vous cernée à la seconde où je vous ai vue pour la première fois. Je l’ai vu dans vos yeux : vous manquez cruellement de confiance en vous. »

La concernée tressaille. Mlle Misty lit en elle comme un livre ouvert. Le peu d’assurance qu’elle s’est construit avant de venir à l’auberge vient tout juste de partir en fumée. La jeune femme baisse la tête, mortifiée.

— Quoi qu’il en soit, je vous assure que vous n’avez rien à craindre : je ne suis pas votre ennemie, reprend la journaliste.

Malgré la honte qui embrase ses joues, Leyenda relève la tête pour répliquer :

— Ah oui ? Eh bien, désolée, mais cela ne se voit pas vraiment.

Callie Misty pouffe à nouveau :

— Haha ! Désolée pour ce matin, mais en même temps, vous n’allez pas me reprocher de faire mon travail !

— Quand il s’agit d’informations aussi confidentielles, je pense que je suis en droit de le faire, rétorque Leyenda, les bras croisés sur la poitrine, cherchant désespérément à reprendre contenance.

— Ah oui ? Pourtant vous noterez que je n’ai révélé aucune des informations les plus vitales. Alors même que j’aurais très bien pu. Surtout au vu de la gravité de la situation. Je pense que les gens mériteraient de savoir ce qui se passe.

La voix de Callie est grave et glaçante. Leyenda frissonne de nouveau. Le fait qu’une journaliste soit au courant de la crise qui se trame dans l’ombre est une véritable catastrophe. Les questions se bousculent dans la tête de l’archéologue, mais avant qu’elle puisse en poser une, Callie reprend :

— Mais je ne suis pas stupide. J’ai très bien conscience des conséquences dramatiques que la révélation de telles informations peut avoir. Moi-même, être au courant de tout ça… ça me terrifie, avoue-t-elle. Je préférerais ne rien savoir. Savoir qu’une telle épée de Damoclès pèse sur nos têtes, ça me… C’est insoutenable.

Leyenda en perd ses mots. Cette femme, qui lui semble pourtant si forte et imperturbable, a en réalité tout autant peur qu’elle. Étrangement, pour Leyenda, c’en est presque rassurant. Elle se sent plus proche de la journaliste, tout à coup.

— Et donc… Vous ne révélerez rien d’autre ? demande Leyenda avec espoir.

— Holà ! Je n’ai pas dit ça. Pour l’instant, je ne compte rien révéler. Mais je compte bien continuer mon enquête. Je veux vous aider. Ce n’est qu’en unissant nos forces qu’on réussira à trouver une solution. Je vous tiendrai au courant de mes trouvailles. Je sais que de votre côté, c’est plus délicat, alors je comprendrai que vous ne partagiez pas vos découvertes. Cependant, si jamais je vois que l’IRHM ne progresse pas dans ses recherches… Il se peut que je décide de révéler tout ce que je sais. Nous aurons besoin de l’aide du plus grand nombre pour nous en sortir, affirme-t-elle avec certitude.

À ces mots, Leyenda se sent légèrement blessée. C’est elle, la spécialiste du trio de la Création de l’IRHM. Pourtant, Callie ne semble pas croire en ses capacités. De plus, ce plan lui paraît plus que dangereux. Callie pourrait très bien divulguer des informations dans son dos, ne serait-ce qu’involontairement. Ce que l’IRHM a toujours voulu éviter deviendrait alors réalité. Leyenda se sent soudain accablée : la situation dans laquelle se trouve est tout sauf confortable. Elle sait très bien qu’elle n’est pas en position de négocier. Elle est contrainte d’accepter la proposition de Callie.

« Très bien. » déclare-t-elle finalement en serrant la main de Callie Misty, la mort dans l’âme.

***

16 février 2019, ville de Rivamar, région de Sinnoh

Dans la kitchenette de sa petite maison de bord de mer, juchée sur la falaise, Célian se prépare à manger. Son visage froid n’affiche aucune émotion. Ses sourcils constamment froncés lui donnent un air sévère. Ses cheveux noirs aux reflets bleu nuit, mouillés par une douche récente, lui collent à la nuque. Une fois son repas préparé, il s’installe à sa petite table à manger et allume la télévision qui se trouve juste à côté, contre le mur en lambris clair.

Quelle n’est pas sa surprise lorsqu’il constate que toutes les chaînes diffusent les mêmes images : l’interview de Leyenda Myst-Eerie, une archéologue travaillant pour l’Institut Régional d’Histoire et de Mythologie. Apparemment, elle travaillerait actuellement sur un projet top secret en collaboration avec les Forces de Police Internationales.

« La voilà donc… La fameuse Leyenda. Il me tarde de travailler avec vous, Mlle Myst-Eerie… » murmure Célian, un léger sourire au coin des lèvres.