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La Paix Véritable de Aurazen



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Informations

» Auteur : Aurazen - Voir le profil
» Créé le 12/04/2021 à 17:28
» Dernière mise à jour le 12/04/2021 à 17:28

» Mots-clés :   Absence d'humains   Action   Aventure   Drame   Unys

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Chapitre 2 : Clairvoyance
En l'An 165, le monde entier est peuplé de Pokémon. Voilà maintenant six générations que ces créatures sont libérées du joug des humains et de l'emprise des Poké Balls. Dans le royaume d’Irène, le Roi Colhomard porte la couronne depuis bientôt 15 ans. Irène est une déformation du mot Eireine, qui signifie "paix" en grec ; ses premiers habitants l'ont baptisée ainsi car ils pensaient que ce nom serait propice à l'atmosphère que dégage cette région.

Les habitants de ce petit royaume vivaient heureux et ne manquaient de rien, si ce n'est d'agitation. La météo se faisait souvent clémente, et les paysages ne manquaient pas de diversité : un immense désert aride, des montagnes glaciales et escarpées, et de larges plaines emplies de fleurs s’étendant à perte de vue. Dans ce petit royaume qui respirait la joie, le bien-être et le bonheur, tout allait pour le mieux… jusqu’à ce qu’un tragique événement sanglant n'éclate sur le territoire et ne vienne briser le doux quotidien de ses habitants. Des armées, d’innombrables hordes de Pokémon venus de royaumes voisins, apparurent tout d’abord à la frontière Nord du Royaume d’Irène. Ils chargèrent sans crier gare et décimèrent une grande partie des montagnes nordiques, emportant au passage les habitations et infrastructures qui faisaient le charme de cette région enneigée. Des soldats Pokémon, principalement de type Glace et Acier, dévastèrent tout ce qu'ils purent trouver : maisons, échoppes, femmes et enfants ; rien ne semblait pouvoir échapper à leur courroux destructeur. Tous ces étrangers semblaient être dans une colère des plus noires... y avait-il une quelconque raison à cela ?


En apprenant la terrible nouvelle, le Commandant Cizayox, plus haut responsable des Territoires du Nord, fut envoyé sur le champ de bataille depuis la Capitale dans l'espoir de cesser cette guerre naissante. Ce fut un échec cuisant. De par son intervention, les pertes de civils avaient pu être limitées, mais la zone d'activité du territoire Nord avait considérablement reculé, à tel point qu'il ne restait qu'une seule montagne encore habitable. C'est cette montagne que l'on nommera le "Mont Rescapé" quelques années plus tard, en référence à ces tragiques événements.

Mais quelques heures après le début des affrontements au Nord, des altercations similaires furent signalées à la fois dans les Terres de l’Est et dans la Forêt de l’Ouest. Après que les deux Commandants respectifs de ces zones aient été mobilisés pour tenter de contrôler la situation, un messager fut immédiatement envoyé au Sud afin de prévenir les habitants et soldats locaux de la possibilité d’une attaque imminente. Mais il était déjà trop tard.

La Zone Aride, un immense désert aménagé au Sud du Royaume, avait été balayée sans la moindre difficulté. Ce paysage devenu chaotique n'était plus que débris, poussière et sang. Le Commandant Ursaring, responsable des territoires du Sud, se trouvait sur place au moment de la fâcheuse rencontre, mais il lui avait été impossible de faire quoi que ce soit à cause d’un cruel manque d’effectifs. Les troupes ont dû battre en retraite pour éviter davantage de pertes, car la défaite était inévitable au vu de la puissance des forces ennemies.

Les villages du Sud furent décimés, et vint ensuite la Campagne : une région se situant entre la Capitale, au centre du Royaume, et les Terres Arides au Sud ; un lieu de vie idéal pour les amoureux de la nature, et ceux qui souhaitaient passer leur vie à la côtoyer sous toutes ses formes. Mais après le passage de ces armées meurtrières, la nature qu’il restait à présent était plus proche d'un Enfer que du Paradis dont tous les habitants faisaient jusque-là l’éloge.


Cydonia était un petit village paisible situé au coeur de cette Campagne. Mais c'est également d'ici qu'émergea la flamme de la rancoeur, la détresse d'un enfant de la guerre, un petit garçon qui avait tout perdu en l'espace de quelques minutes. Le coeur battant à tout rompre, les yeux embués de larmes, il s'accrochait désespérément au cou de son sauveur.

Kurt poursuivait son incessante cavale en direction du Refuge ; le petit garçon était toujours tétanisé sur son dos. Il n’avait pas bougé d’un poil. Alors que le doyen s’essoufflait de plus en plus, notamment à cause de son grand âge, il aperçut une douce lumière qui émanait d’entre les feuillages. La sortie n’était plus très loin. Une fois sortis de la masse buissonnière, ils purent distinguer plus clairement la source de cette lueur.

- "Pff… Pff… On y est, gamin ! On arrive au camp de base !" souffla le Bétochef, épuisé.

Ce qu’il appelait le camp de base, ou le Refuge, était un lieu situé au Nord de la Campagne. C’était un camp qui servait autrefois à stocker des marchandises, mais on l’avait aménagé pour en faire un asile de soins. En l’occurrence, l’endroit idéal pour se mettre en sécurité, se réapprovisionner et reprendre des forces.

Il existait un Refuge sur chaque territoire adjacent à la Capitale, afin d’accueillir un maximum de blessés. Celui du Sud se présentait sous la forme de tentes de soins, et de quelques bâtisses en pierre dans lesquelles on pouvait se restaurer, à la manière d'une auberge. Les torches posées sur les devantures des maisons octroyaient une lumière suffisante pour permettre d'y voir clair ; il faut dire que la nuit d'hiver n'aidait pas beaucoup nos deux réfugiés. Kurt se dirigea péniblement vers le bâtiment le plus proche, et poussa la grande porte en bois. Son imposant gabarit, faisant grincer le parquet, ne passa pas inaperçu ; une Fragilady toute paniquée se précipita aussitôt vers eux :

- "Oh mon Dieu !! Kurt, tu es sain et sauf ! Mais... tu es blessé à la tête… tu veux que je t'amène quelqu'un ?" lui demanda t-elle, visiblement très inquiete à son sujet.

- "Ça roule pour moi, Lily." répondit-il malgré une respiration haletante. "Occupe-toi plutôt du gamin, il a vu des trucs pas jolis là-bas…" Il désigna le Riolu d’un signe de tête. "Il a pas dit un mot depuis qu'on s'est enfuis, j’ai peur de c'qui pourrait lui arriver…"

Lily, décidément moins grande que son ami, dut se mettre sur la pointe des pattes pour apercevoir le jeune garçon sur son dos.

- "Oh non, le pauvre… je m'occupe de lui dès que possible !" Elle jeta de brefs coups d'oeil autour d'elle, comme pour prendre note de la situation. Puis elle lui chuchota :

"On est vraiment débordés... l’assaut de cette nuit a surpris pas mal de monde. Ils nous ont pris de court et on n'a eu que très peu de temps pour réagir… j’imagine que tu me comprends."

Kurt acquiesça en soupirant ; de lointains souvenirs enfouis refaisaient surface alors qu’il entendait ces mots. Il posa le jeune Pokémon à terre, sur ses deux pattes ; il tenait à peine debout. Lily l’aida à marcher et l’emmena jusqu'à une table vide, avant de repartir aider d'autres patients. Kurt s’assit en face de lui, le petit tabouret en paille grinçant sous l'immensité de son poids. Il posa son pilier de pierre contre le mur, suscitant le regard curieux et déconcerté de quelques réfugiés. Lucian restait immobile et fixait la table, le regard plongé dans le vide.

- "Hé, gamin. Tu veux manger queq'chose ? T'as vraiment pas l'air bien..."

Le jeune garçon semblait ne présenter aucune réaction. Le doyen insista.

"Dis, t'as soif ? Ou p'têt que tu veux juste te reposer..."

Mais toujours rien. Ils restèrent un moment ainsi, face-à-face, sans échanger un mot. On entendait au loin les pleurs des réfugiés voisins, tout juste réchappés de la catastrophe.

À son retour, Lily s’agenouilla à coté de Lucian et lui prit la main pour tenter de le faire réagir, sans succès. L'infirmière, désemparée, se tourna alors vers le vieil homme :

- "Kurt… qu'est-ce qui lui est arrivé ? Où sont ses parents?"

Le Bétochef écarquilla soudainement les yeux et s'exclama :

- "Lily, non !!"

Trop tard. À peine eut-elle terminé sa phrase que le garçon fut pris de tremblements. Il se replia sur lui-même en se bouchant les oreilles, claquant des dents à un rythme effréné. Des larmes d'une profonde tristesse ruisselaient le long de ses joues. Il se balançait doucement d'avant en arrière, comme pour se rassurer, se sortir de ce cauchemar éveillé. L'infirmière, ne comprenant pas la situation, se tourna vers son ami d'un regard coupable. Kurt posa sa grande main sur son épaule et lui murmura à l'oreille :

- "Ses parents sont morts juste sous ses yeux... 'faudrait éviter de le lui rappeler pour l'instant..."

En entendant ces mots, le visage Lily passa de la détresse à l'horreur : écarquillant les yeux, elle s'imaginait le terrifiant spectacle que cela avait dû être pour un enfant si jeune.

- "J-Je... je suis vraiment désolée..." parvint-elle à articuler, encore sous la choc de la nouvelle. Elle se pencha vers le petit garçon, qui était toujours renfermé sur lui-même. "Excuse-moi, je... je ne savais pas... vraiment, désolée…"

Il cessa peu à peu de se balancer. Il resta immobile un petit moment avant fondre en larmes sur la table, enfouissant sa tête dans ses bras. Dans ses sanglots, on devinait quelques mots comme "Maman" ou "Papa", mais tout le reste était intraduisible. Kurt vint doucement caresser la tête de l'enfant pour tenter de l'apaiser. Il se tourna vers son amie :

- "Laisse-le pleurer un peu, le temps qu'y s'en remette."

- "D'accord…" acquiesça Lily. "Quoi qu'il en soit, je ne peux pas rester ici indéfiniment... d'autres patients ont besoin de mon aide. Tu veux boire quelque chose en attendant ?" lui demanda t-elle.

- "Un Cocktail Capumain serait pas de refus, héhé." répondit-il en ricanant.

- "Pardon ?!" s'écria t-elle d'un air consterné. "Un Cocktail Capumain, à ton âge ? Tu plaisantes, j'espère ? Dois-je te rappeler que tu as déjà fait un coma à cause de ce truc ?"

Il laissa échapper un grognement. Sûrement des bêtises de jeunesse qui avaient mal vieilli.

- "J'ai plus de soixante balais à mon actif, jeune fille ! Tu crois encore pouvoir me donner des leçons d'vie ? J'en ai vu des vertes et des pas mûres, donc c'est pas un pauv' remontant de rien du tout qui va me faire peur, hahaha !"

- "Grrr... c'est ce foutu "remontant" qui te tuera un jour, Kurt ! Et si ça arrive, ne compte pas sur moi pour venir à ton enterrement !"

Kurt éclata de rire.

- "HAHAHA ! Sacrée Lily ! T'as pas changé, depuis le temps !"

Alors que Lily s'en retournait au bar en soupirant, on l'entendait marmonner :

- "Espèce d'inconscient..."

Pendant ce temps, Lucian avait cessé de pleurer : on aurait dit qu'il s'était brusquement endormi. De son côté, Kurt se marrait tout seul, repensant aux moments passés auprès de Lily quand elle était enfant. Lorsque celle-ci revint avec un Cocktail Capumain, elle posa le verre sur la table face à Kurt. Le liquide qui y baignait était d'une couleur Baie Ceriz et contenait quelques bulles, sans doute pour pimenter le tout. À la paille du cocktail était accrochée une petite statuette à l'effigie d'un Capumain. Mais Kurt, contre toute attente, s'indigna devant un léger détail de sa boisson :

- "... Et les glaçons ? Y'a pas de glaçons ! Où sont les glaçons, ma jolie ?"

Lily, furieuse, alla ramasser un sac de glace sur le comptoir du bar et le balança droit sur Kurt : touché en pleine figure. Elle n'avait visiblement pas perdu ses bonnes habitudes. Elle lui cria :

- "Tiens, les voilà tes glaçons !" avant de sortir précipitamment du bâtiment, en direction des tentes de soins. Kurt retira le sac de glace de son visage, et l'appliqua plutôt contre sa plaie à la tempe. Une douce béatitude se lit alors sur son visage.

- "Aaah... y'a pas à dire, c'est le pied. J'maintiens que j'aurais préféré me faire dorloter par une belle infirmière plutôt que d'me prendre un missile dans la tronche."

Il jeta un rapide coup d'oeil à travers la fenêtre. Du givre s'y était déposé durant la nuit, rendant la vue de l'extérieur difficile. On devinait néanmoins les torches illuminant le camp, et les silhouettes des tentes déployées dans la zone. Leur sauvetage in extremis relevait purement du miracle... sans quoi ils se seraient retrouvés dans un de ces lits, dehors. Ou pire, dans une mare de sang.

- "Liliana est vraiment à fond dans son boulot. J'espère juste que j'l'ai pas vexée avec mes caprices de vieux con…" pensa Kurt tout haut, observant sa boisson sans glaçons tourner dans son verre.

Il resta silencieux quelques minutes, regardant Lucian dormir et pensant à son pilier, probablement réduit en poussière après l'incident. Il sirota une gorgée de son cocktail puis soupira.

- "Qu'est-ce que j'vais faire, maintenant ? C'est sûr qu'un seul pilier, c'est plus fastoche à manier, mais j'l'aimais bien moi, c'pilier…"

Il sirota une autre gorgée. Son immense main se resserra sur son verre, manquant de le briser.

"Ces... *hic*'tain de sudistes... ils ont rompu le pacte... Ça m'gave, on peut pas rester peinards 50 ans sans qu'y s'passe une connerie..." Il but une autre gorgée dans une léger grognement agacé. "Et le gamin... qu'est-ce que j'vais en faire ? J'ai pu l'âge ni l'envie d'me coltiner un bambin, moi..."

Il retira la paille de son verre, le prit en main, but le reste du cocktail cul sec et le reposa sur la table dans un bruit fracassant. Étonnamment, cela ne réveilla pas le jeune garçon endormi. Soudain, les yeux du doyen s'illuminèrent ; il venait d'avoir une idée brillante.

"Mais... mais oui ! J'pourrais carrément faire ça ! Si ça peut m'tirer d'la misère... et j'suis prêt à parier vingt balles qu'elle acceptera ! Eh ouais ! Et Arceus sait combien j'tiens à mon pognon..."

Il continua son monologue pendant de longues heures, navigant entre histoires du passé, anecdotes de jeunesse, ou encore l'amour qu'il portait à sa femme. Mais il ne restait plus grand-monde pour l'écouter, tous les réfugiés étaient déjà partis se coucher.

Au beau milieu de la nuit, on entendit quelqu'un ouvrir la porte du bâtiment : Lily revenait des tentes de soins, visiblement épuisée. Cernes sous les yeux et pieds traînant sur le sol, elle se dirigea vers la table de Kurt et Lucian en baragouinant :

- "Mmh... fatiguée…"

Elle s’effondra sur la table avant même de pouvoir s'asseoir, et s'endormit presque aussitôt. Le vieux saoul semblait déçu que son amie ne veuille pas davantage converser avec lui. Il grimaça puis se releva péniblement, le petit tabouret Atlas remerciant le ciel d'avoir mis fin à son supplice. Kurt laissa son pilier contre le mur, pensant qu'il pourrait le récupérer sans problème le lendemain. De toute manière, peu de gens seraient capables de soulever un tel pilier, donc il n'eut pas vraiment de crainte à ce sujet. Il prit Lily et Lucian sous ses bras, les soulevant comme des poids plume. La gestuelle manquait d'élégance mais l'attention restait appréciable.

Il se dirigea tout d'abord vers le dortoir du personnel : il y faisait particulièrement sombre sans la lumière habituelle des torches. Seuls les rayons de la lune éclairaient la pièce, partiellement coupés par les carreaux d'une grande fenêtre. Il déposa la fleur endormie dans le seul lit vide qu'il restait ; il devait être le sien, au vu du doux parfum qui en émanait. Il la recouvrit d'une couverture pour la garder au chaud, puis fit demi-tour en fermant silencieusement la porte derrière lui. Enfin... aussi silencieux que pouvait être un géant mastoc. Il se dirigea cette fois vers le dortoir des réfugiés, et fit de même pour le jeune Riolu endormi. Après une telle journée, il avait bien mérité un peu de repos. Le vieil homme alla s’installer dans un lit proche du sien, après s'être assuré de sa solidité. Il se glissa sous la couette, posa la tête sur son oreiller, et soupira longuement avant de murmurer :

- "Bonne nuit, gamin..." Sur ces mots, il ferma les yeux et s'endormit à son tour.


*****
Lucian ouvrit les yeux.

Sa vue était troublée. Il ne voyait rien autour de lui, si ce n'est les teintes de vert et de bleu venant se déposer à la surface ses yeux endoloris. Il ne pouvait pas non plus bouger ; tous les membres de son corps semblaient atrophiés, retenus paralysés par une force inconnue. Il se mit à paniquer, n'ayant pas la moindre idée de l'endroit où il avait atterri. Mais une douce odeur parfumée vint chatouiller le bout de ses narines, le soulageant presque aussitôt. Ses muscles s'apaisèrent, sa vision s'éclaircit, et ses oreilles cessèrent de bourdonner.

Alors qu'il venait de retrouver la vue, une imposante silhouette se pencha au-dessus de sa tête. Une enivrante fragrance émanait de son corps.

- "Eh, toi. T'es vivant ?"

La voix sonnait féminine, mais également très ferme. Il ne parvint pas à répondre, terrifié par cette immense créature qui le fixait dans les yeux.

C'est alors que sa vue s'assombrit brusquement, son esprit semblant aspiré comme dans un vortex mental. Il se sentit plonger dans les abysses de la psychose, jusqu'à finir englouti dans un noir complet. Plus aucun bruit, le silence.