L'Empire Delassien de Johan64000

Mahou n'était que le spectateur impuissant du massacre qui avait lieu sous ses pieds. Alors qu'il était perché sur le toit du palais, il observait avec le plus grand des désarrois la horde de pokémon sauvages qui menaçaient désormais les habitants de la ville, sans pouvoir rien faire. Pour lui, un grand combattant et un homme aux valeurs chevaleresques, ce massacre était tout bonnement insoutenable. Mais il se rendait cependant à l'évidence que, dans son état physique actuel, il ne pouvait pas faire grand chose pour ces pauvres gens. Pas plus qu'il n'aurait pu affronter un pokémon de plus au corps-à-corps, aussi résistant et valeureux qu'il soit. L'unique solution qu'il restait désormais était de vaincre Nyptât, celle qui était à l'origine de tout cela. Mais encore fallait-il trouver le moyen de passer outre le cercle de Férosinge qui l'entourait, sans se faire avoir une nouvelle fois par une attaque un peu trop violence.

À ses côtés, Khae était en proie au même désarroi. Il n'avait pas pu empêcher l'assaut de Nyptât, et il se sentait d'autant plus responsable que les mots qu'elle lui avait envoyés à la figure sonnaient vrais : il était responsable de tout cela. Responsable des morts qu'avait causé la jeune fille à la flûte. S'il avait eu la simple certitude que cette tragédie prendrait fin s'il offrait sa vie aux membres de la Troisième Légion, il l'aurait fait sans mal. Après tout, c'était aussi son rôle en tant que protecteur et Pharaon de l'Empire Delassien. Seulement, la jeune femme semblait avoir atteint un tel degré de folie qu'elle semblait bien loin désormais de préoccupations aussi fugaces que la vie de quelques milliers d'innocents.

- Je... Je...

Khae était en train de sombrer dans le désespoir. Lui qui, habituellement, trouvait toujours des solutions aux situations qui semblaient irrésolues, ne semblait plus avoir de moyens de subsistance. Il se rendait à l'évidence qu'il ne pouvait plus rien faire, qu'il n'avait plus de moyens d'agir pour stopper la frénésie de la jeune femme. Et, plus les secondes passaient, plus la vie des habitants d'Agara était menacée. Le décompte des morts à la fin de ce tragique événement risquait d'être de l'ordre du millier. Un assaut si surprenant et unique que, de mémoire d'Homme, personne n'avait pu en observer un d'une telle ampleur.

- Je...

Il essayait d'articuler, seulement, les mots ne sortaient pas. Au contraire, ils restaient figés sur le perron de ses lèvres, refusant de se rationaliser. L'énergie qui s'échappait de Nyptât, déifiée par sa flûte enchantée, provoquait un vent contraire à celui naturel qui prenait déjà d'assaut le toit. Les deux se rencontraient donc avec force, provoquant des mini-bourrasques qui faisaient claquer les cheveux noirs du jeune Pharaon. La jeune assassin, protégée à la fois par les vents et le contingent de Férosinge, continuait de jouer inlassablement de son instrument. Sa peau continuait de pâlir au fur et à mesure du temps qui passait. Khae ne comprenait pas bien comment, mais il semblait que la flûte puisait petit à petit dans les forces de celle qui en jouait. Aussi puissant que soi cet instrument, la contrepartie à son utilisation semblait être la vie de l'utilisateur.

- Ne...

Toujours rien. Toujours aucun mot, aucun son hormis celui assourdissant de la flûte. En contrebas, les cris d'horreur des habitants de la ville résonnaient aux oreilles du jeune régent. Il en était pétrifié, conscient désormais que tout cela était par sa faute. Même pas deux semaines au pouvoir de l'Empire et il avait déjà subi le pire assaut de son histoire. Un bien piètre porteur de la Double Couronne royale, un bien piètre monarque. Et même s'il avait tenté de se jeter dans la gueule du Lougaroc pour venir au secours de son peuple, il se rendait à l'évidence que toute la bonne volonté du monde n'empêchait pas sa faiblesse. Il n'était strictement capable de rien faire. Il n'était qu'un... Qu'un....

- Comptes-tu rester là, à m'observer sans agir ? Espères-tu que ton désespoir abyssal suffira à me faire renoncer à mes projets ? Regarde les tiens souffrir. Prends conscience que tout cela, c'est le poids de la responsabilité de tes ancêtres. Un fardeau bien lourd à porter, que je t'enlèverai en même temps que la vie. Mais avant ça, je veux te regarder sombrer en voyant les morts que tu ne peux sauver.

La voix désincarnée de Nyptât faisait l'effet d'un coup de couteau dans l'échine du jeune Pharaon. Elle voulait le faire souffrir, et elle était en train d'y arriver. En s'en prenant à autant de vie, alors même que le jeune homme pensait réussir à la stopper sans trop de mal, elle était en train de toucher à son point faible : son sens des responsabilités. Il portait sur ses épaules le poids des réussites et des échecs de ses ancêtres. Il se devait de leur faire honneur, pour la gloire de l'Empire. Il avait été élevé dans cet unique but : servir l'intérêt particulier d'une cause bien plus grande que lui. Aujourd'hui, il était en train d'assister à la chute de sa lignée, à la destruction de siècles de travail. S'il perdait la vie – ce qui allait sûrement être le cas – c'était la porte ouverte au chaos. Et qui disait chaos disait Isfet, la notion fondamentale opposée à Maât, ce principe supérieur et divin sur lequle avait été bâti l'Empire.

Le vent continuait de heurter avec force le corps meurtri de Khae. Seule sa résignation à ne pas fermer les yeux devant les meurtres des vies dont il était responsable le tenait debout. Bientôt, il allait rejoindre le royaume d'Osiris, le dieu de l'après-vie. Peut-être y retrouverait-il son père ? Il espérait bien évidemment que ce ne soit pas le cas, ne pouvant l'imaginer déjà mort. Si tant est qu'il soit toujours parmi les vivants, ça pouvait également signifier que la mort du jeune homme ne marquait pas la fin de l'Empire. Seulement une phase de transition bien sanglante, avant l'avènement de l'ancien roi, de retour sur le trône. C'est avec cette pensée en tête, le regard dans le vide, qu'il s'avança vers la jeune femme qui voulait sa peau. Vidé de tout sentiment contraire, prêt à affronter le destin qui s'offrait à lui, il n'entendait même plus les cris de Mahou derrière lui, tentant de l'empêcher de se jeter en pâture à la horde de Férosinge que contrôlait Nyptât. Il n'avait plus rien. Il n'était plus rien qu'une âme vide, ayant failli à son devoir de protection dès le commencement de son règne.

- Tu veux donc rejoindre tes ancêtres avant l'heure, c'est ça ? Qu'il en soit ainsi !

Les pokémon simiesques qui continuaient de tourner en rond autour de Nyptât, sur un ordre sûrement mélodieux de la jeune femme, commencèrent à fixer leurs regards dans la direction de Khae, qui s'avançait vers elle avec la nonchalance d'un condamné. Puis, comme une seule masse informe, ils se jetèrent tous en même temps sur le jeune homme, qui ne bougea pas d'un centimètre, observant en face la Mort venir le cueillir. C'est ainsi qu'il devait finir. À se sacrifier pour son peuple, pour la survie des autres. Au diable ses ambitions personnelles et les rêves qu'il avait pu partager avec ses amis, enfants. Aujourd'hui, son rayonnement était si grand qu'il devait se détacher de ce qui faisait de lui un être d'envie. Aujourd'hui, il était un roi, un souverain à même de donner sa vie pour la communauté. Le Pharaon Khaemou'aset premier du nom, celui qui unifie les terres sous son égide.

- Khae !

Alors qu'il s'enfonçait dans les ténèbres, en proie aux mille tourments abyssaux des Férosinge qui s'avançaient vers lui en quête d'une nouvelle proie, il entendit clairement la voix bine connue de celle qui avait fait chavirer son cœur autrefois. Ankhet se tenait là, debout au milieu du trou dans le toit par lequel lui et Mahou avaient pénétré quelques minutes plus tôt. Accompagnée d'un homme de haute stature, que Khae reconnue comme étant le chef de la sécurité du palais de Baal, Nyalis, ainsi que d'un Vibraninf, la Grande Prêtresse était pareille à une figure divine. Malgré sa tenue couverte de sang et déchirée, ses cheveux en bataille et le vent qui les faisait claquer violemment contre ses épaules, elle irradiait de beauté. Khae l'avait toujours trouvé belle, mais elle était encore plus à ses yeux à l'instant même où il allait trouver la mort.

- Khae ! Ne fais pas ça ! Ne cède pas aux paroles de cette enchanteresse ! Tu n'y es pour rien dans tout ce qui arrive ! C'est elle et ses compagnons de la Troisième Légion, les seuls responsables !

Mais les paroles réconfortantes de la jeune blonde, aussi bienveillantes soient-elles, ne suffisaient pas à apaiser les tourments qui envahissaient désormais l'esprit du Pharaon. Embrumé par les esprits vengeurs des vies qu'il avait ôté malgré lui, il n'avait trouvé que le repos éternel comme unique moyen d'apaiser son âme. Et, même celle qu'il avait longtemps considéré comme son âme sœur ne parviendrait pas à lui redonner l'espoir. Dans pareille situation, rien ne pouvait résonner le jeune homme, bien décidé à offrir sa vie pour satisfaire les besoins tortueux d'un groupe de meurtriers. Les Férosinge étaient sur lui. Il leur suffisait de tendre les pattes pour lui arracher la vie, et mettre ainsi un terme à ce massacre. Mais, alors que le garçon observait avec le regard résigné la mort s'offrir à lui, une langue de flammes dispersa les pokémon sauvages, qui reculèrent comme une seule entité pour se mettre à l'abri du danger. Khae tourna la tête, revenant à la douce réalité dans laquelle il s'était perdu. À ses côtés, Scorplane volait doucement. Il était blessé mais s'était approché de son dresseur pour le défendre. Pourtant, les flammes ne venaient pas de lui, mais du petit Salamèche qui trônait fièrement près des jambes de Khae. Le pokémon de type feu venait de faire une entrée fracassante et il en était content.

- Salamèche... Je... Que fais-tu là ?
- C'est moi qui l'ai emmené, hurla Ankhet pour se faire entendre. J'ai pensé qu'il te serait utile ! N'oublie pas que tu as des compagnons qui comptent sur toi, bien plus que tous les citoyens de cet Empire ou même que tes amis. Tu n'as pas le droit de leur faire défaut, tu m'entends ? Ils ne sont rien sans toi, alors prouve-leur que tu les abandonneras pas à la moindre difficulté !

Les deux pokémon de Khae se mirent automatiquement devant le jeune homme, se dressant comme deux barrières pour le protéger des attaques des Férosinge. De voir Salamèche et Scorplane le protéger ainsi, Khae sorti de sa torpeur. Ankhet avait raison : il ne pouvait abandonner si rapidement. Il y avait peut-être encore un moyen de gagner, un moyen de mettre un terme à tout cela sans que la vie d'autres personnes ne doive être prise. Alors, entouré par les deux compagnons en lesquels il avait confiance, il se tourna vers ses amis humains loin derrière lui.

- Merci Ankhet !

Et le balai commença. Les Férosinge commencèrent par assaillir les deux pokémon de Khae de coups de griffes, que ceux-ci parvinrent sans mal à éviter. Salamèche cracha une nouvelle gerbe de feu qui brûla gravement l'un d'entre eux, avant que Scorplane n'utilise son Poison-Croix pour en mettre deux autres au tapis avant qu'ils ne puissent riposter.

- Allez-vous en ! Quittez ce palais et allez aider les civils dans la ville ! Je vais gérer tout seul ici, vous inquiétez pas !

Mahou et Ankhet tentèrent de riposter, mais les yeux de Khae venaient de retrouver leur lueur d'antan. Celle d'un enthousiasme à toute épreuve et d'une assurance sans faille. Dans cet état, il était à la fois l'homme le plus têtu de la Terre mais également le plus déterminé à rester à en vie. Aussi, malgré les réticences qu'ils éprouvèrent à laisser le jeune Pharaon à la merci de la jeune assassin, qui était toujours en train de jouer de son instrument, ils durent se rendre à l'évidence qu'ils allaient être bien utiles à l'évacuation des civils qu'ici.

- T'es sûr, mon vieux ? J'veux dire, t'es pas plus en forme que moi et...
- Je suis pas tout seul, t'en fais pas ! Allez, filez vite !

Sans discuter plus longtemps, ils s'engouffrèrent à reculons dans le trou béant du toit, Nyalis à leurs côtés qui faisait office de garde du corps à l'aide de son Vibraninf. Khae inspira un bon coup une fois que ses amis furent partis. Il était seul, désormais. Le seul, avec ses pokémon, à pouvoir mettre un terme aux agissements de Nyptât. Le seul à pouvoir défendre le royaume, comme tout bon roi devait toujours le faire. Il ne se laisserait plus envahir par les pensées impures de mort auxquelles il avait failli céder. Désormais, il n'était juste qu'un combattant, prêt à défendre ce en quoi il croyait au plus profond de lui.

Salamèche esquiva avec un peu de mal une attaque Combo-Griffe. Le pokémon à la queue enflammée participait à son premier combat, Khae n'ayant jamais eu le temps de l'entraîner comme il avait pu le faire avec Scorplane. Il était hésitant, certes, mais pas dénué d'ardeur. Il fonçait dans le tas, projetant des langues de flammes à tout-va. Bientôt, le groupe de pokémon ennemis fut réduit de moitié, et ils commencèrent à se méfier d'autant plus des attaques des deux pokémon de Khae.

- Faut en finir au plus vite avec eux !

Le jeune Pharaon se sentait un peu illégitime à dire ça, puisqu'il ne combattait pas directement, se contentant de se réfugier derrière ses deux compagnons. Mais ça n'empêchait que la réalité des choses était que plus ils attendaient avant d'arrêter Nyptât, plus les morts au sein d'Agara allaient augmenter. L'un des Férosinge commença à briller d'une lueur rougeâtre, qui s'échappait comme des volutes de vapeur de tout son corps. Rapidement, il fut imité par le reste de ses congénères, qui illuminèrent l'espace d'une lumière sanglante. Khae n'avait aucune idée de ce qu'ils étaient en train de faire, mais il hypothétisa une attaque Puissance. Il l'avait rarement vu à l'œuvre, mais il en avait déjà entendu parler. Elle augmenté les chances de porter un coup critique à l'adversaire au prochain tour. Si jamais les Férosinge en venaient à toucher Scorplane – déjà passablement blessé par les récents affrontements – ou bien Salamèche – encore jeune et n'ayant participé à aucun combat jusqu'à aujourd'hui – ça marquerait la fin de son aventure.

- Les gars ! Faut les achever avant qu'ils ne vous attaquent ! Salamèche, lance Flammèche. Scorplane, utilise ta Vive-Attaque !

Les attaques fusèrent, et les corps perdus dans la bataille se mélangèrent en un brouhaha furieux, soulevant des nappes de fumée qui brouillèrent un moment la vue du jeune homme.



----------------------------------------A l'extérieur du palais, ville d'Agara


Ankhet courait frénétiquement de maison en maison, réveillant les quelques habitants qui n'avaient pas été alerté par l'agitation qui avait envahi les rues d'Agara. Personne ne la reconnaissait, malgré qu'elle soit la personne la plus connue de l'Empire de par son rang, juste après le Pharaon lui-même. Il faut dire que sa tenue était en lambeaux, et que ses cheveux habituellement coiffés parfaitement étaient désormais en bataille. Ce n'était pas plus mal au final, puisqu'elle n'avait aucune envie de devoir se justifier sur le pourquoi du comment la Grande Prêtresse se retrouvait à pénétrer illégalement dans les habitations des civils au beau milieu de la nuit. Elle était sur le perron de la maison d'une famille de quatre malheureux quand un soldat du Premier Nome, un de ceux ayant accompagné Khae pour ce voyage, vint à sa rencontre, avec toute une garnison à sa suite.

- Grande Prêtresse ! Nous vous cherchions depuis plusieurs minutes ! Veuillez nous suivre ! Nous allons vous mettre à l'abri et vous protéger de ces vils envahisseurs !

Le père de famille à ses côtés, qui encerclaient de ses bras sa femme et ses deux enfants, sursauta à l'évocation de son titre. Mais s'il eu envie de faire une remarque, il se retint pour autant, ce dont lui en fut reconnaissante Ankhet.

- Emmenez avec vous ces braves gens. C'est eux que vous devez protéger en priorité !
- Mais, Grande Prêtresse... Sans vouloir offenser personne, votre vie a bien plus d'importance que celles de simples citoyens de l'Empire.

Ankhet avait envie de mettre une gifle à ce soldat malpoli. Et même si la situation le lui permettait théoriquement, elle se retint. Inutile de créer encore plus de trouble dans les rangs des soldats.

- C'est que vous n'avez pas compris votre rôle, soldat. Vous vous devez de protéger les habitants de cette ville. Et, tout comme vous, j'ai la même mission. Alors cessez de discuter mes ordres et emmenez ces pauvres gens en sécurité !

Elle avait parlé avec une telle autorité que le garde resta un moment muet avant de répondre.

- B.Bien ! Mais faîtes attention à vous, Grande Prêtresse.

Et, sur ces mots, Ankhet laissa derrière elle les gardes et la famille qu'elle venait de sauver, pour prendre la direction de la place principale de la capitale. De ce qu'elle pouvait entendre, c'était apparemment là-bas que provenait les cris les plus forts.

Elle avait quitté Khae sur le toit quelques minutes auparavant, et avait franchi les étages du palais en quelques instants. Il fallait dire que c'était beaucoup plus simple quand il n'était plus envahi par une foule de pokémon sauvages prêts à vous dévorer. Puis, une fois à l'extérieur, elle s'était séparée de Mahou et Nyalis, partant chacun de leur côté pour évacuer le plus de civils possibles.

Elle arriva rapidement au niveau de la place, qui était en proie à une véritable armée de pokémon sauvages. Des dizaines d'Etouraptor, quelques Arbok et autres Grahyena s'agitaient, encerclant un groupe de civils qui n'avait pas réussi à échapper aux carnivores. Dissimulée derrière un pan de mur, alors même qu'elle ne se sentait pas tellement en sécurité d'être si proche d'autant de pokémon furieux, elle ne remarqua pas l'ombre qui l'observait au loin. Quelqu'un, dans la pénombre, attendait patiemment de voir comment allait réagir la Grande Prêtresse devant ce spectacle. Et, en fonction de ce qu'elle ferait, la personne qui la scrutait au loin prendrait la décision de raccourcir sa vie, ou non. Les cartes étaient entre les mains d'Ankhet.