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» Auteur : Corpus09 - Voir le profil
» Créé le 28/02/2021 à 21:55
» Dernière mise à jour le 28/02/2021 à 21:55

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D'un coup de baguette magique
[Type Fée]

« Le Grand Coup de Baguette est un événement historique qui s’est produit il y a environ dix ans. Il a été nommé ainsi car, tout d’un coup, comme par magie, un nouveau type Pokémon encore inconnu est brusquement apparu : le type Fée. Ce nouveau type a complètement bouleversé la table des types telle que nous la connaissions.

En effet, non seulement le type Fée a engendré l’émergence de nouvelles espèces de Pokémon, mais il a également transformé certaines espèces connues, qui se sont vues reclassifiées en Pokémon de type Fée. Mélofée et sa famille évolutive en sont le parfait exemple : autrefois de type Normal pur, cette famille est désormais de type Fée pur. Ce qui signifie que les affinités de type de Mélofée se sont retrouvées entièrement modifiées quasiment du jour au lendemain !

Auparavant, l’unique faiblesse de Mélofée était le type Combat. Or il a été démontré scientifiquement que le type Fée résiste au type Combat, ce qui signifie que Mélofée résiste désormais au type Combat, son ancienne faiblesse. Il a donc fallu de longues périodes de test pour découvrir quelles étaient les résistances et faiblesses du type Fée. Il a également fallu établir clairement quel Pokémon avait ou non changé de type, d’autant plus que le type Fée s’est parfois ajouté au type déjà existant du Pokémon au lieu de le modifier.

C’est par exemple le cas de Rondoudou et sa famille. Contrairement à celle de Mélofée, dont le type Normal s’est transformé en type Fée, la famille de Rondoudou a obtenu le double-type Normal/Fée. Il est donc intéressant de constater que le Grand Coup de Baguette a affecté les Pokémon concernés de manière différente. De plus, cet étrange événement n’est pas rétroactif : en d’autres termes, un Granbull qui a évolué avant le Grand Coup de Baguette demeurera de type Normal, contrairement à sa progéniture Snubbull qui serait née après. Notez bien les exemples, je demanderai à ce que vous en citiez quelques-uns lors du contrôle ! »

Un murmure inquiet parcourut soudain la salle de classe de Terminale : quel contrôle ? L’atmosphère détendue de la pièce se métamorphosa alors en quelques secondes : les élèves qui jusque-là se contentaient d’écouter distraitement se redressèrent d’un seul coup sur leur chaise et se penchèrent avec désarroi sur leurs indigentes notes – ou plutôt, sur celles de leurs voisins plus attentifs, dans une tentative désespérée de combler leurs lacunes.

Parmi ces élèves, une jeune fille, assise au troisième rang, prenait des notes à contrecœur. Tout en écrivant d’une main, elle enroulait distraitement ses longs cheveux noirs autour de l’index de son autre main. Ses yeux bruns reflétaient tout le dilemme qui se tramait en son for intérieur. En effet, la bonne élève qui sommeillait en elle – et se réveillait parfois lorsque les contrôles approchaient, comme à cet instant – et la jeune rebelle qui possédait une aversion rare pour le type Fée se livraient à une terrible bataille dans son esprit.

Puis elle songea à ses Pokémon. Une équipe formée entièrement de Pokémon de type Fée. Cela pouvait sembler contradictoire. Mais cela ne l’était pas à ses yeux. Elle grommela intérieurement : « j’aime mes Pokémon, ça n’a rien à voir. J’en ai juste assez qu’on se foute de moi parce que je n’ai que des type Fée ! Qu’est-ce que ça peut faire, à la fin ? C’est juste un hasard si je n’ai que des type Fée ! J’aurais aimé que ce stupide type ne soit jamais découvert !».

« Le type Fée, c’est du rose et des paillettes, c’est bien pour les filles ! »

La jeune fille se redressa d’un coup lorsqu’elle entendit chuchoter cela dans son dos. Elle n’avait même pas besoin de se retourner pour savoir qui avait dit cela. Elle savait parfaitement qui avait prononcé cette phrase. Elle l’avait entendue des dizaines, sinon des centaines de fois. C’était Dany. Encore et toujours Dany. Dany était un fils à papa qui manquait cruellement de tact, et qui avait fait d’elle l’un de ses sujets de moquerie favoris. Railler les autres était par ailleurs un de ses passe-temps préférés, en particulier de ceux qu’il considérait comme des « péquenots », selon ses propres dires.

Concernant cette jeune camarade, c’était encore autre chose : il adorait la taquiner car elle démarrait toujours au quart de tour, ce qui était particulièrement distrayant pour le jeune garçon. Le sujet était par ailleurs toujours le même : le type Fée, partagé par les trois Pokémon de la jeune fille, et le thème du cours d’Histoire Pokémon auquel ils étaient en train d’assister.

Ainsi, comme sa réplique très spirituelle venait de le suggérer, Dany adorait ressasser les mêmes clichés persistants concernant le type Fée, à savoir qu’il s’agissait d’un type faible, ayant pour couleur de prédilection le rose, avec un fort penchant pour les étoiles et les paillettes. En somme, un type qui collait parfaitement aux stéréotypes sexistes qu’un jeune homme en pleine puberté pouvait avoir sur le sexe féminin, ou « sexe faible » comme il l’appelait parfois.

« Pas vrai, Viviane ? » ajouta ensuite Dany dans un murmure moqueur. La concernée sentit immédiatement son sang bouillir de rage. Elle fit un effort surhumain pour contenir en elle la réplique cinglante qu’elle s’apprêtait à lui assener. Elle se contenta de se retourner légèrement pour lui lancer un regard noir, ce qui fit sourire de plus belle son camarade et augmenta davantage la rage de la dénommée Viviane.

Bien décidée à l’ignorer, Viviane se reconcentra plutôt sur ses notes, et se mit à écrire machinalement tout ce que racontait sa professeure. Puisqu’elle ne prenait même pas la peine de réfléchir au contenu du cours, tant elle était hors d’elle, elle réussit à noter de nombreuses informations utiles sur le Grand Coup de Baguette. Tandis que sa main écrivait de façon automatique, elle continuait à ruminer et à insulter Dany en son for intérieur. Elle ne le comprenait vraiment pas. « Il est vraiment débile ce mec ! » fulmina-t-elle en pensée.

« Même après un an, il s’amuse encore des mêmes blagues stupides… Il devrait faire comme les Pokémon, et évoluer un peu ! » pensa-t-elle. Elle esquissa un sourire : c’était une très bonne répartie, elle regrettait de ne pas pouvoir la cracher directement au visage de sa victime. « Je lui ai pourtant déjà réglé son compte… Et pourtant il continue ! »

Viviane se remémora alors les événements qui avaient eu lieu l’année dernière. Dany la provoquait constamment par des remarques comme : « c’est normal que t’aimes le type Fée, t’es une fille, et les filles ça aime tout ce qui est rose et qui brille ! ». Elle avait d’abord essayé de l’ignorer, mais comme il insistait lourdement, elle avait fini par répondre à la provocation et l’avait défié en duel, à un Pokémon contre un. Pour l’humilier d’autant plus, elle avait décidé de le vaincre uniquement grâce à des capacités de type Fée.

Cependant, cela s’était avéré plus compliqué que prévu, car son mépris latent du type Fée l’avait poussée à n’apprendre aucune attaque de ce type à ses Pokémon, bien qu’ils l’aient tous en commun. Elle avait donc décidé que seule Irony, sa Mysdibule – et également son Pokémon préféré, qu’elle avait attrapé lors de son voyage à Hoenn avec sa famille quelques années auparavant – apprendrait une attaque de type Fée : la puissante capacité Câlinerie.

L’entraînement n’avait pas été une mince affaire : après avoir passé des années à n’utiliser aucune attaque Fée, Irony avait du mal à utiliser ses pouvoirs féériques. Malgré tous ses efforts et ceux de sa dresseuse, elle ne parvenait pas à apprendre Câlinerie, ce qui frustrait Viviane au plus haut point. Les deux amies passaient des heures à s’entraîner dans le dojo du lycée, en vain.

Cependant, un jour, après un énième échec, Viviane s’était affalée sur un banc du dojo, désespérée, tandis qu’Irony s’était écroulée par terre, épuisée. Les deux faisaient peine à voir. Malgré leur fatigue, elles n’avaient pas perdu espoir, et elles avaient repris presque immédiatement leur entraînement. Un autre élève du lycée, qui passait par là et qui s’était arrêté pour les regarder, n’avait pas manqué une miette de la scène. Il était resté en retrait un long moment avant d’enfin oser aller se présenter à Viviane.

La jeune femme avait eu un mouvement de recul en voyant ce blondinet maigrichon arriver vers elle à pas hésitants. Tout d’abord méfiante à son égard, car elle avait l’habitude de recevoir des moqueries, Viviane s’était quelque peu ouverte par la suite : ce jeune homme n’était pas là pour la railler, mais bien pour l’aider. Il lui avait expliqué que, malgré sa timidité, il avait osé venir la voir car il avait été impressionné par sa détermination. Ce n’était pas la première fois qu’il la voyait s’entraîner ainsi avec sa Mysdibule, et malgré leurs échecs, elles n’abandonnaient jamais. C’était ce qui lui avait donné le courage de venir voir Viviane pour lui proposer son aide.

Malgré son aspect chétif, ce jeune homme pouvait tout à fait prétendre à venir en aide à Viviane, et pour cause : comme elle, il possédait une équipe composée uniquement de Pokémon Fée. Ce qui le différenciait grandement d’elle, en revanche, c’était son amour inconditionnel pour ce type : il possédait une équipe monofée à dessein, contrairement à Viviane. Son rêve le plus cher était de devenir Champion d’arène de type Fée, c’est pourquoi il se documentait sans cesse sur les Pokémon Fée, leurs caractéristiques… et leurs capacités.

Tout d’abord rebutée par cet aspect de la personnalité de son camarade, Viviane avait finalement accepté son aide, quelque peu par dépit, car elle se doutait qu’elle n’avait pas vraiment le choix si elle souhaitait battre Dany en duel. Néanmoins, au fil des entraînements, les deux partenaires étaient devenus bien plus proches, et une véritable amitié s’était tissée entre eux. Grâce à leurs efforts combinés, Irony avait fini par apprendre Câlinerie, et la petite mais féroce Mysdibule avait finalement vaincu le Machopeur de l’arrogant Dany.

Cependant ce dernier n’avait pas accepté sa défaite, et avait alors envoyé ses autres Pokémon au combat pour s’attaquer à Irony et la mettre hors-combat. Mais Viviane se moquait bien des sautes d’humeur de Dany. Elle l’avait défié dans un duel à un Pokémon contre un, alors elle se considérait comme la gagnante de ce duel.

Revoir en pensée le visage déconfit et empli d’incompréhension de Dany suite à sa défaite fit sourire Viviane. « Heureusement qu’Arthur était là. Sans lui, j’aurais jamais pu régler son compte à cet abruti. » Soudain, un bruit strident interrompit brusquement le fil de ses pensées : la sonnerie, qui marquait la fin du cours, et le début de la récréation. Elle releva brusquement la tête vers l’horloge, comme pour vérifier que la sonnerie ne mentait pas.

Elle remit ses lunettes en place sur son nez et vérifia l’heure : le cours était bel et bien fini. « J’ai rêvassé aussi longtemps ? J’espère que j’ai pris assez de notes… ». Elle baissa alors son regard brun vers son cahier : les deux pages visibles étaient entièrement recouvertes de notes écrites à la va-vite dans une écriture irrégulière. « Ouais, je pense que ça ira. Au pire je demanderai à Arthur. Il doit en connaître un rayon sur ce Coup de Baguette Magique ou je sais pas quoi. »

­— Je ne te savais pas aussi studieuse, Viviane.

La concernée sursauta : elle se pensait seule dans cette salle, car toute sa classe était déjà sortie en pause, même sa professeure. Elle regarda autour d’elle pour voir qui avait parlé. Elle aperçut alors un jeune homme qui se tenait dans l’encadrement de la porte de sa salle de classe. Sa silhouette filiforme était recouverte d’une chemise blanche très simple, rentrée dans un pantalon noir, et ses yeux bleus étaient directement plantés dans les siens.

— Arthur ! Tu m’as fait peur !

— J’ai vu ça. Désolé, ce n’était pas mon intention. Juste, je ne t’ai pas vue dans la cour, alors je suis directement venu te chercher ici. Je ne m’attendais pas à te trouver en train de réviser, haha, plaisanta-il d’un rire gêné.

Viviane sourit à son tour : Arthur était vraiment trop mignon. Il avait toujours peur de blesser les autres ou de dire quelque chose de travers, alors il était toujours gêné lorsqu’il faisait la moindre blague. Elle répondit d’un ton léger :

— Mes intentions étaient bien moins nobles, je te rassure : j’étais en train de me dire que si jamais il me manquait des infos, je pourrais toujours te poser des questions, puisque tu es un expert en la matière.

— Un expert en la matière ? répéta-t-il, intrigué. C’est sur quoi ton cours ?

— Le Grand Coup de Baguette, répondit-elle dans un soupir.

— Oh trop cool ! Nous on n’y est pas encore, mon prof ne fait pas les chapitres dans l’ordre du livre…

Viviane se rembrunit soudain :

— Ouais, trop cool, tout un chapitre dédié au type Fée… Génial…

Cette fois-ci, ce fut le regard bleu d’Arthur qui perdit légèrement de son éclat : il n’appréciait pas quand son amie rabaissait ce type qu’il aimait tant. D’autant plus qu’il avait quelque chose à lui demander à ce sujet, ce n’était donc vraiment pas la bonne manière de démarrer la discussion. Finalement, il se ravisa : il n’y avait aucune chance qu’elle accepte sa proposition maintenant. Il devait attendre le bon moment, qui n’était certainement pas maintenant.

Il changea donc subtilement de sujet pour que Viviane retrouve sa bonne humeur. Tant pis, il tenterait sa chance le lendemain. Durant tout le reste de la journée, il réfléchit au meilleur moyen de persuader son amie. Finalement, le jour suivant, il revint un peu plus confiant : il avait avec lui quelque chose qui l’aiderait à faire pencher la balance en sa faveur, du moins l’espérait-il.
Même s’il n’aimait pas l’idée d’amadouer son amie, ce projet lui tenait vraiment à cœur, et il était persuadé qu’il pouvait également plaire à Viviane. Pourtant, durant la récréation du lendemain, face à Viviane dans la salle de classe, il eut tout de même beaucoup de mal à rassembler son courage pour évoquer ce sujet qui lui était si cher. Mais lorsque Viviane évoqua, le sourire aux lèvres, les progrès fulgurants de Celest, son Togetic, Arthur sauta sur l’occasion :

— Ah, au fait, tu me fais penser ! J’ai quelque chose pour toi ! se lança-t-il en s’efforçant de paraître naturel.

— Pour moi ? C’est gentil, mais pourquoi ? C’est pas mon anniversaire… répondit Viviane, qui tentait vainement de cacher sa gêne.

— Je sais, mais ça te sera plus utile qu’à moi, affirma-t-il en fouillant dans son sac à dos.

Il en sortit finalement une pierre couleur lilas, que Viviane reconnut immédiatement :

— Un Évoluroc ! Trop cool ! Où t’as trouvé ça ?

— Mon oncle me l’a ramené de Volucité il y a quelque temps. Il avait oublié que je n’avais que des Pokémon de dernier stade… Mais toi, tu peux le donner à Celest ! fit valoir Arthur en posant le pierre lisse dans la main de son amie.

Cette dernière la fixa d’un air rêveur : elle n’utilisait que rarement des objets, car elle n’avait pas vraiment les moyens de s’en acheter. Une telle pierre pourrait vraiment être utile à son Togetic, Celest : muni d’un tel objet, cette espèce de Pokémon encaissait vraiment bien les coups. Elle referma la main sur la pierre et remercia chaudement son ami, qui affichait un air gêné : même s’il avait toujours eu l’intention de donner cette pierre à Viviane, en cet instant, il s’agissait plus d’un cadeau stratégique qu’autre chose.

— Mais je t’en prie… répondit-il, l’air peu à l’aise. Avec ça, vous serez surpuissants !

Viviane hocha la tête, ravie :

— Merci, Arthur. T’es vraiment un super pote !

— Je suis vraiment fiers de nous, on a vraiment bien progressé depuis un an !

— Ouais, rien ne nous arrête !

— Ça te dirait qu’on montre ce qu’on sait faire dans une vraie compétition ? On en a le niveau, j’en suis sûr ! suggéra-t-il soudainement.

Ça y est, la question était lancée. Arthur n’avait même pas réfléchi avant de la poser, car sinon il n’aurait jamais réussi à le faire. Viviane le regarda avec étonnement :

— Toi, tu veux faire une compétition ? Quel genre de compétition ? demanda-t-elle d’un air surpris, à la limite de la méfiance.

Il ne pouvait plus reculer maintenant. C’était ici que tout se jouait.

— C’est une compétition organisée par le lycée, je ne sais pas si tu en as entendu parler, ça s’appelle le tournoi Duo-Type.

Viviane fit non de la tête, attendant la suite. Elle n’était pas vraiment du genre à suivre très assidument les informations relatives à la vie du lycée, car dès qu’elle participait aux événements proposés, ses camarades trouvaient toujours une occasion de se payer sa tête. Elle y avait donc renoncé depuis bien longtemps, malgré son goût de la compétition.

— C’est un tournoi duo à deux Pokémon contre deux, poursuivit Arthur, peu sûr de lui. Six Pokémon par duo en tout, mais droit à un seul Pokémon chacun par combat. Les élèves de tous niveaux peuvent participer, et…

Il marqua une pause, hésitant, ce qui renforça le regard insistant de Viviane.

— …Tous les Pokémon d’une équipe doivent partager un type commun, lâcha-t-il enfin.

Viviane ne réagit pas immédiatement. Un ange passa, puis elle demanda simplement :

— Tu veux dire que c’est un tournoi monotype ?

— Oui… Et j’aimerais y participer avec toi… Si tu veux bien… dit Arthur d’une toute petite voix.

Viviane poussa un soupir et baissa la tête :

— Désolée, Arthur, mais… Vu les moqueries que je subis déjà… Je n’ai absolument pas envie de mettre en avant le fait que j’utilise des Pokémon de type Fée devant tout le lycée. Alors c’est non.

— Je m’en doutais… répondit Arthur, dépité.

« Mais je pensais quand même que tu ferais un effort pour me faire plaisir… » ajouta-t-il en son for intérieur. Il n’aurait jamais pu dire ça à son amie, il ne voulait pas créer de conflit avec elle ni dire quoi que ce soit qui puisse la blesser. Mais il était néanmoins très déçu.

— Mais merci d’avoir pensé à moi. Et merci encore pour l’Évoluroc ! reprit-elle chaleureusement pour tenter de lui redonner le sourire.

— De rien…

Le jeune homme avait l’air désemparé. Il se leva alors du bureau sur lequel il s’était assis et se dirigea vers la porte.

— Tu pars déjà ? Mais la récré n’est même pas encore finie… Tu vas où ? s’enquit Viviane.

— Chercher quelqu’un qui voudra bien participer avec moi, répliqua-t-il d’une voix éteinte, sans même se retourner.

Il laissa ainsi seule sa meilleure amie, qui venait de le laisser tomber. Viviane baissa la tête, touchée par la remarque. Elle était désolée d’avoir refusé de participer avec lui. Mais elle détestait le type Fée, c’était plus fort qu’elle. On s’était tant moqué d’elle… Alors montrer les prouesses dont était capable ce type lors d’un tournoi ? Hors de question ! Arthur aurait dû le savoir. « Et pourtant, il m’a quand même demandé… » songea-t-elle.

Durant le reste de la journée, Arthur tenta désespérément d’approcher d’éventuels coéquipiers. Mais sa timidité l’empêcha à de nombreuses reprises d’aller au bout de ses phrases, et il finissait souvent par clore la discussion au plus vite, sans avoir pu formuler sa demande. Viviane observa son ami de loin durant ces tentatives. Elle était impressionnée : Arthur devait vraiment avoir envie de faire ce tournoi pour prendre ainsi son courage à deux mains. « Bon… Je lui dois bien ça, après tout » soupira-t-elle en contemplant une fois de plus l’Évoluroc qu’elle tenait en main.

À la fin de la journée, Arthur n’avait toujours pas trouvé de partenaire. Le jeune garçon se sentait pathétique. Il s’affala sur les marches du dojo du lycée, découragé par sa propre couardise. Soudain, une gerbe d’eau l’aspergea dans le dos. Surpris et quelque peu en colère, il se retourna brusquement pour faire face à une souris aquatique, ainsi qu’à une jeune fille aux longs cheveux noirs et ondulés. Il s’agissait de Viviane et de son Marill, Aquaris.

— Mais enfin, Viviane, qu’est-ce qui te pr…

— T’es trop lent… Va falloir aiguiser tes sens si tu veux qu’on le gagne, ce tournoi ! déclara-t-elle avec un sourire espiègle.

— Tu peux parler, tu m’as pris en traître, c’est lâche ! rétorqua-t-il, finalement plus amusé que véritablement énervé. Attends un peu… « on » ? Est-ce que ça veut dire que…

Viviane hocha la tête :

— Oui. J’accepte de participer au tournoi Duo-Type avec toi. Alors pas question qu’on perde ! L’entraînement commence dès maintenant ! déclara-t-elle avec aplomb en le pointant du doigt.

Arthur lui offrit alors son plus beau sourire, et répondit :

— Oui… Compte sur moi ! Et… merci. Merci du fond du cœur.

Viviane lui rendit son sourire. Un sourire sincère et non cynique, ce qui était rare chez la jeune fille.

Ainsi commença l’entraînement acharné des deux amis. Durant une semaine, ils perfectionnèrent leurs techniques de combat duo et se préparèrent à affronter les types face auxquels ils étaient désavantagés, à savoir l’Acier et le Poison. L’entraînement se déroula globalement dans une ambiance apaisée, malgré les quelques remarques désobligeantes que formulait parfois Viviane à l’encontre du type dont ils allaient pourtant défendre les couleurs ensemble. Ces piques faisaient de la peine à Arthur, mais une fois de plus il ne les releva pas, afin de ne pas créer de conflit juste avant le tournoi.

Le jour du tournoi finit alors par arriver. Il se déroulait un samedi, afin de ne pas perturber les cours, et les élèves étaient libres d’y assister ou non. Néanmoins, tous ceux qui prenaient part à l’événement – que ce soit en tant que spectateur ou participant – se voyaient attribuer une bonne note supplémentaire dans leur bulletin scolaire, ce qui expliquait le succès du tournoi, alors même qu’il avait lieu le week-end.

Tous les élèves et professeurs encadrants étaient réunis sur les terrains de combat du lycée. Les professeurs de Combat Direct – les cours réservés aux combats Pokémon – brandissaient des porte-voix tandis que les élèves qui ne participaient pas au tournoi s’installaient dans les gradins. Les participants, eux, se tenaient debout face au terrain n°1, où les professeurs s’apprêtaient à annoncer le début du tournoi.

L’air était doux, mais la tension palpable le rendait suffocant pour Viviane. Arthur, lui, esquissait un sourire béat. Alors qu’ils étaient ainsi massés au milieu des autres concurrents, Viviane sentait l’angoisse poindre au creux de sa poitrine et commençait à regretter d’avoir cédé à la demande d’Arthur. Elle ferma les yeux, comme pour se protéger de l’agitation ambiante.

Mais elle ressentit alors encore plus clairement la poussière du terrain qui lui chatouillait le nez et lui irritait la gorge. Le soleil perçant qui imprimait des taches vives sous ses paupières. La sueur qui lui collait les cheveux à la nuque. Les cris stridents de la foule. Les murmures fiévreux de ses futurs adversaires. Soudain, elle sentit une main se poser sur son épaule nue – elle avait mis un débardeur de peur d’avoir chaud, et elle avait eu raison. Les yeux marron de Viviane s’ouvrirent alors brusquement derrière ses lunettes, tandis qu’une voix inquiète lui demandait :

— Ça va, Viviane ?

Il s’agissait bien sûr de la main et de la voix d’Arthur, qui s’inquiétait pour son amie et partenaire. Une telle compassion brillait dans le regard d’Arthur que Viviane acquiesça immédiatement : savoir qu’il était là avec elle lui donnait du courage. « Enfin en même temps, c’est un peu lui qui m’a embarquée là-dedans… » songea-t-elle pour elle-même. « Mais j’ai accepté. Parce que je sais que c’est important pour lui. Alors autant se donner à fond ! Je vais leur montrer de quoi je suis capable avec mon équipe, et ils ravaleront leurs moqueries ! »

Désormais bien déterminée à faire ses preuves, elle adressa alors un regard empli de cette détermination nouvelle à son compagnon. Ce dernier le lui rendit en souriant. Au même moment, le professeur de Combat Direct de la classe d’Arthur prit la parole grâce au porte-voix :

— Chers élèves ! Merci d’être venus aussi nombreux pour cette deuxième édition annuelle du tournoi Duo-Type ! Mes collègues et moi sommes très heureux de vous accueillir aujourd’hui. Une telle assiduité fait plaisir à voir ! Avant de commencer, laissez-moi vous rappeler les règles élémentaires : les participants forment des équipes de deux, avec à leur disposition six Pokémon en tout. Cependant, les matchs se déroulent à deux Pokémon contre deux. Changer de Pokémon entre chaque combat est autorisé. En revanche, tous les Pokémon utilisés dans une même équipe doivent partager un type, et il est interdit de soigner ses Pokémon entre les combats. Il s’agit donc d’un tournoi d’endurance, où la défaite est éliminatoire ! Pour que le tournoi se déroule sur une durée raisonnable, plusieurs matchs se dérouleront simultanément sur nos divers terrains. Les spectateurs seront donc priés de choisir rapidement quel match ils désirent regarder afin de se rendre au plus vite sur le terrain correspondant. J’espère que tout est clair !

La foule acquiesça bruyamment.

— Très bien, reprit alors le professeur. Dans ce cas, découvrons sans plus attendre les affrontements tirés au sort !

À ces mots, il s’empara du tissu blanc qui recouvrait l’immense tableau situé juste derrière lui, qui avait été placé là pour l’occasion, et dévoila aux yeux de tous le déroulement prochain des matchs. Viviane chercha frénétiquement du regard son nom et celui d’Arthur. Lorsqu’elle les eut enfin trouvés, la surprise lui déforma le visage.

— Ah bah ça alors ! On affronte une autre équipe monofée ! C’est drôle, ça ! s’exclama Arthur en lui donnant un léger coup de coude.

Viviane hocha la tête. Apparemment, leurs adversaires se nommaient Jessica et Ashley. « Ce sont des Seconde… Je n’ai jamais entendu parler d’elles dans le lycée, alors à mon avis elles ne doivent pas être très fortes. En plus elles utilisent des types Fée ! » ricana-t-elle intérieurement.

— On peut les battre ! affirma-t-elle à son meilleur ami.

— Bien sûr qu’on peut ! lui répondit-il avec la même détermination.

Leur combat se déroulait sur le terrain n°2. Ils s’y rendirent alors sans plus tarder. Leurs adversaires s’y trouvaient déjà. À leur vue, Viviane se sentit partagée entre le dégoût et l’hilarité : ces deux jeunes filles étaient la représentation parfaite du cliché féminin que Dany essayait de transposer sur Viviane. Affublées de tenues roses à dentelle, les deux adolescentes étaient la définition même de la coquetterie. Leurs longs cheveux soyeux étaient soigneusement bouclés, et leur visage était si lourdement maquillé qu’on n’aurait su dire si une seule once de peau nue était encore visible. Pour parachever le tout, des bijoux fantaisie pendaient à leur cou et à leurs poignets.

Leur voix suraiguë donna rapidement la migraine à Viviane : elles minaudaient face à la foule. Elles racontaient qu’elles n’étaient absolument pas là pour gagner, mais pour gagner en popularité. À les écouter parler, il semblait qu’à leurs yeux, leurs Pokémon étaient plus des accessoires pour compléter leur tenue que des êtres vivants. Ce discours mit Viviane et Arthur hors d’eux. Ils s’entreregardèrent. Sans même avoir besoin de communiquer, ils avaient eu la même pensée : ils ne pouvaient pas se laisser battre par ces deux pimbêches !

Les deux équipes vinrent se placer de part et d’autre du terrain de combat. L’une affichait un regard déterminé, et l’autre un sourire charmeur. L’un des professeurs de Combat Direct du lycée se plaça en retrait, au milieu de l’une des longueurs de terrain ; il allait jouer le rôle d’arbitre. Viviane remarqua qu’il n’y avait pas foule dans les gradins : « vous voulez être populaires mes chéries ? Eh bah commencez par trouver du public… » ricana-t-elle intérieurement.

— Bienvenue à ce premier match du tournoi ! Il opposera Viviane et Arthur, une équipe de type Fée, à Jessica et Ashley, équipe de type Fée également. Chaque participant a le droit à un Pokémon chacun. Les objets sont autorisés. Le combat prendra fin lorsque les deux Pokémon d’une équipe auront été déclarés hors-combat. Ceci étant dit… que le combat commence !

Au coup de sifflet, Viviane se saisit de la Poké Ball de Celest et l’envoya au combat. Ils s’étaient concertés avec Arthur juste avant le combat : mieux valait envoyer leur Pokémon le plus défensif pour ce premier combat, car ils n’avaient pas besoin d’une grande puissance de feu pour battre leurs adversaires. Dans un tournoi pareil, où le soin entre les combats était interdit, économiser ses forces était primordial.

Arthur quant à lui envoya son Nymphali, Chacha, qui était également son tout premier Pokémon, ce qui expliquait son surnom enfantin. Nymphali était un Pokémon qui encaissait très bien les attaques spéciales, ce qui était un atout considérable car les capacités de type Fée étaient en grande majorité spéciales. Leurs adversaires envoyèrent à leur tour une Kirlia et un Doudouvet en gloussant.

Le combat fut à sens unique. Jessica et Ashley n’essayaient même pas de combattre réellement. Elles se contentaient de lancer des noms d’attaques au hasard, et ne rataient pas une occasion de s’exhiber. En revanche, de l’autre côté du terrain, une ambiance on ne peut plus sérieuse régnait. En effet, lorsqu’Arthur combattait, sa personnalité changeait radicalement : il semblait bien plus confiant, et élaborait des stratégies efficaces. Son Pokémon suivait à la lettre ses ordres clairs et précis. Viviane, elle, était du genre à concentrer toute la force de ses Pokémon dans ses attaques, ce qui ne l’empêchait pas d’élaborer quelques stratégies quand la situation l’exigeait.

Ainsi le combat fut expéditif : il suffit d’une Déflagration de Celest, combinée à un dévastateur Mégaphone de Chacha pour se débarrasser des Pokémon des deux jeunes filles, qui furent déclarés K.O. par le professeur arbitrant, qui déclara Viviane et Arthur vainqueurs. Les gagnants se tapèrent alors dans la main pour se féliciter de ce combat, et félicitèrent également leurs Pokémon, qui s’en étaient sortis sans la moindre égratignure ou presque. Viviane se fendit alors d’un rire méprisant :

— Haha tellement faiblardes ces greluches, en plus elles ont des Pokémon Fée !

Arthur se figea à ces mots. Encore une remarque désobligeante envers le type Fée. Décidément, toutes les moqueries que Viviane avait subies pendant toutes ces années avaient vraiment dû l’affecter au plus haut point pour qu’elle haïsse à ce point le type que partageaient pourtant ses trois Pokémon. Il décida donc de gentiment le lui rappeler :

— Je te rappelle que nous aussi, on utilise des Pokémon de type Fée, dit-il doucement.

Le visage de son amie s’assombrit :

— Oui, mais nous c’est pas pareil, décréta-t-elle d’un ton cassant. Viens, on va voir qui sont nos prochains adversaires.

Elle tourna ensuite les talons en direction du terrain n°1, où les résultats des premiers matchs n’allaient pas tarder à être affichés. Arthur poussa un soupir discret et lui emboîta le pas. Lorsqu’ils arrivèrent au terrain de combat n°1, une double mauvaise surprise les y attendait. Quand Viviane aperçut les noms de leur duo sur le tableau, son visage pâlit :

— Oh non… On est contre une équipe de type Acier…

Un silence suivit cette déclaration. « Enfin, voyons le bon le bon côté des choses, songea-t-elle après réflexion. C’est mieux de tomber sur un type qui nous désavantage dès le début, car nos Pokémon son en forme. C’est un mal pour un bien. En plus, on s’est entraînés exprès pour faire face aux types Acier et Poison. » Une fois sortie de ses pensées, Viviane se rendit compte qu’Arthur n’avait pas prononcé un mot depuis qu’ils étaient arrivés sur le terrain. Elle se tourna vers lui, et vit que le visage de son ami avait pris une teinte encore plus cadavérique que le sien.

— Tu verrais ta tête ! C’est quand même pas si grave, non ? Ok, on n’est pas à notre avantage, mais nos Pokémon sont en pleine forme après ce combat ridicule, et puis, on s’est entraînés exprès pour ça ! Tu vas voir, je suis sûre qu’on va y arriver ! l’encouragea-t-elle.

— O-oui m-mais… voulut protester Arthur.

— Mais quoi ? Qu’est-ce qui t’arrive ?

— On est face à Silvia… dit-il d’une toute petite voix.

— Et alors ? C’est qui cette Silvia ? s’enquit Viviane, qui ne comprenait pas le trouble de son ami.

— Oh, c’est… c’est juste une fille de ma classe… prétendit-il en détournant le regard.

Cependant, Viviane avait très bien vu les joues d’Arthur s’embraser. « Oh non, dites-moi que c’est pas vrai… »

— Ne me dis pas que… T’es amoureux de cette fille ?

— N-non ! Je l’aime bien, c’est tout…

— Ouais, bien sûr… répliqua Viviane, tout sauf convaincue.

La jeune fille soupira intérieurement : « ça tombe très mal… »

— Bon… Tu penses pouvoir réussir à te battre contre elle malgré tout ?

— Je… Je vais essayer…

« Eh bah, c’est pas gagné… » maugréa Viviane en pensée.

— Je suis sûre que si tu te donnes à fond, ça va l’impressionner.

— Tu crois ? demanda-t-il avec une lueur d’espoir dans les yeux.

« En fait, j’en sais rien… Mais si ça peut le motiver… »

— Ouais, carrément ! affirma-t-elle avec entrain. Le talent, c’est très séduisant !

« Mais qu’est-ce que je raconte, moi ? Enfin, au moins, il a l’air un peu plus enthousiaste, maintenant. »

Le duo se rendit donc à nouveau sur leur terrain attitré, le terrain n°2. Sur le chemin, Viviane tenta de discuter de la stratégie pour le combat à venir avec Arthur, mais celui-ci ne semblait pas vraiment réceptif. Elle réussit cependant à lui arracher une précieuse information : Arthur savait que le Pokémon le plus puissant de l’équipe de Silvia était un Minotaupe. Il n’était évidemment pas certain qu’elle allait l’utiliser, d’autant plus que l’avantage de type ne la pousserait sans doute pas à choisir son meilleur Pokémon, dont elle préférait sans doute économiser les forces.

Viviane décida tout de même de choisir son Marill, Aquaris pour faire ce combat, car c’était l’un de ses trois Pokémon à posséder une neutralité face au type Acier, grâce à son type Eau. Arthur lui, ne possédait aucun Pokémon neutre à l’Acier. Finalement, il porta son choix sur sa Farfaduvet, Cana – un diminutif de Canaille – afin d’apporter du soutien à Viviane. De cette façon, il combattrait Silvia indirectement, ce qui le dérangeait moins. Viviane avait approuvé ce plan pour qu’Arthur se sente plus à l’aise, mais elle était un peu anxieuse à l’idée de se battre à quasiment deux contre un face à un type qui la desservait.

Les deux équipes prirent alors place sur le terrain, ainsi que l’arbitre. Une fois de plus, les gradins étaient peu remplis, ce qui était compréhensible : avec une telle composition de match, les éventuels spectateurs avaient dû se dire que la partie était déjà jouée. Mais Viviane avait bien l’intention de leur prouver le contraire. Et elle espérait qu’Arthur aussi. Elle secoua la tête pour chasser ses mauvaises pensées. Elle faisait confiance à Arthur.

Elle porta alors son attention sur leurs adversaires. Elle n’eut aucun mal à deviner laquelle des deux jeunes filles qui lui faisaient face était Silvia : l’une d’elles était une petite blonde maigrichonne, qui n’était certes pas laide, mais dont la beauté n’arrivait pas à la cheville de celle de sa camarade. La seconde jeune fille possédait un visage aux traits fins, de longs cheveux bruns et soyeux, et surtout, de magnifiques yeux gris perçants. « Je ne savais pas qu’Arthur pouvait être aussi superficiel… » déplora-t-elle. « Enfin, si ça se trouve, elle est aussi très gentille… »

Mais la scène qui suivit lui donna tort :

— Ça va être simple avec notre type Acier, après tout c’est juste des p’tites fées ! Pas vrai, Silvia ? déclara la blondinette en rigolant.

— T’as raison, Aurelia ! Mais y’a Arthur en face, faut faire gaffe, il est dans ma classe : il est grave fort en combat, lui répondit Silvia.

« Ok, je retire ce que j’ai dit, je la déteste déjà ! » fulmina Viviane en leur jetant un regard noir. « Comment tu peux aimer une fille pareille, Arthur ? Tu la laisses même insulter impunément le type que tu aimes tant… Alors que moi, j’en prends pour mon grade ! » pesta-t-elle en tournant le regard vers son ami, qui semblait déjà en train de perdre ses moyens. « Eh bah, ça promet… »

Viviane tenta d’oublier tout le reste et de se concentrer. Puis, l’arbitre énonça à nouveau les règles et siffla le début du match.

— Aquaris, go ! s’écria-t-elle en lançant la Poké Ball de son Marill.

— Go, Cana… fit ensuite Arthur avec beaucoup moins d’entrain, libérant ainsi sa Farfaduvet sur le terrain, aux côtés d’Aquaris.

Leurs adversaires libérèrent à leur tour leurs Pokémon : Aurelia envoya un Clic, et Silvia envoya un…

— Un Grindur ? Oh non… soupira Viviane.

Les choses s’annonçaient encore plus mal. Grindur était un Pokémon de type Plante, ce qui lui donnait un avantage sur son Marill. « Comme si on n’était déjà pas suffisamment en difficulté comme ça… »

— Haha ! Tu ne t’attendais pas à ça, hein ? la nargua Silvia. Ce combat va être réglé en moins de deux !

Viviane bouillonnait. Elle rêvait de lui faire ravaler ses paroles, mais elle ne voulait pas faire de la peine à Arthur en se disputant avec Silvia. « Elle va me le payer ! »

— Aurelia ! reprit Silvia en s’adressant à sa partenaire. Concentre tes attaques sur le Farfaduvet d’Arthur ! Il faut qu’on le neutralise en priorité !

« Quoi ? Pas question ! s’indigna Viviane. Il faut que je protège Cana ! Et que je trouve un moyen de secouer Arthur… Sans lui on n’a aucune chance de gagner ! »

— Clic ! Utilise Lancécrou sur Farfaduvet ! ordonna Aurelia au Pokémon en forme de rouages.

— Grindur ! Tête de Fer sur Farfaduvet ! renchérit Silvia.

Cana se tourna vers son dresseur, attendant les instructions. Mais Arthur semblait complètement impuissant, le regard perdu dans le vague. Viviane fit un effort surhumain pour contenir sa colère envers lui et fit quelque chose qu’elle n’aurait jamais cru faire un jour :

— Cana, essaye d’esquiver ! Aquaris, contre Tête de Fer avec Hydroqueue !

La Farfaduvet adressa un regard empli d’interrogation à Viviane. C’était la première fois qu’elle recevait des ordres d’une autre personne qu’Arthur. Cependant, elle faisait confiance à Viviane, elle la connaissait bien ; la situation d’urgence poussa donc Cana à obéir instinctivement à la jeune fille. Le petit lutin à la crinière de coton effectua alors un prodigieux bond sur le côté afin d’éviter l’attaque Lancécrou du Clic d’Aurelia, tandis que la queue en flotteur d’Aquaris heurtait avec violence la tête métallique du Grindur de Silvia. Les deux Pokémon retombèrent au sol, séparés par le choc.

— Elle… elle a donné un ordre au Pokémon d’Arthur à sa place ? s’étonna Silvia, sous le choc.

— Mais il fiche quoi, ton Arthur ? Il a pas l’air fort du tout ! Tu t’es pas trompée de personne, t’es sûre ? lui demanda Aurelia.

— Non… Mais ça doit être une ruse pour nous piéger ! Continue à attaquer le Pokémon d’Arthur !

Une fois de plus, Cana, se retrouva encerclée par les deux Pokémon adverses, et ce fut à Viviane et Aquaris de la sortir de là. Ne pouvant contenir plus longtemps sa colère, Viviane saisit les épaules d’Arthur et se mit à le secouer comme un prunier :

— Mais réveille-toi enfin ! Tu vois pas que Cana a besoin de toi ? Et moi, alors ? C’est toi qui as voulu participer à ce tournoi, je te rappelle ! Alors secoue-toi ! On est une équipe, oui ou non ? lui hurla-t-elle dans les oreilles.

Arthur ne semblait toujours pas réagir. Viviane, qui bouillait encore de rage, se détourna de lui et se reconcentra sur le combat. Il fallait absolument qu’elle augmente l’endurance de ses Pokémon si elle espérait gagner ce duel. Désormais, elle n’avait plus le choix : c’était à elle de dire quoi faire à Cana. Rien dans le règlement ne l’interdisait, après tout. Elle jeta un regard en coin à la Farfaduvet, qui hocha la tête en guise d’approbation.

— Vous deux ! Esquivez leurs attaques !

Les deux petites créatures sautèrent en harmonie pour éviter les assauts de Clic et de Grindur.

— Maintenant, Aquaris, utilise Anneau Hydro ! Et toi, Cana, utilise Cotogarde !

Le Marill de Viviane s’illumina d’un halo bleuté tandis que la fourrure cotonneuse de Cana triplait de volume. Désormais, Aquaris se revitaliserait petit à petit, tandis que Cana résisterait mieux aux attaques.

— Elle essaie de gagner du temps ! s’affola Aurelia.

— Sans doute pour permettre à Arthur d’élaborer une stratégie ! Mais on va pas la laisser faire ! Grindur, Tête de Fer sur Farfaduvet !

— Clic ! Lancécrou sur Marill !

— Cana ! Protège Aquaris des deux attaques avec ta fourrure !

Viviane se figea. Ce n’était pas elle qui avait prononcé cette phrase. C’était Arthur. Elle se tourna vers lui, rassérénée. Ses yeux bleus, fixés sur la bataille, brillaient de détermination. Il était enfin sorti de sa torpeur ! Et il n’avait rien manqué de l’affrontement. Il avait compris ce qu’elle cherchait à faire. Viviane n’en attendait pas moins de lui. Elle esquissa un sourire et s’écria à son tour :

— Aquaris, tu sais ce que tu as à faire !

Ils s’étaient entraînés dur pour se préparer à affronter les types Acier et Poison. Aquaris savait parfaitement ce que sa dresseuse attendait de lui. Les deux Pokémon acquiescèrent en même temps, et en une fraction de seconde, Cana déploya une immense barrière de coton devant son ami bleu, encaissant ainsi toute seule les deux attaques dévastatrices.

Lorsque la poussière produite par le choc se fut enfin dissipée, elle révéla la scène suivante : Cana, à terre, mise K.O. par les deux capacités de type Acier. Et s’élançant à toute vitesse au-dessus d’elle, Aquaris, le poing tendu en avant, qui brillait d’une aura rouge menaçante. Le Grindur de Silvia, un Pokémon très lent, n’eut pas le temps de remuer la moindre de ses épines. Il reçut de plein fouet le puissant Mitra-Poing que le sacrifice de Cana avait permis à Aquaris de charger.

Malgré la robustesse du Pokémon Graine Épine, il ne put encaisser l’attaque dévastatrice du Marill : il retomba lourdement sur le sol, hors-combat. Il ne restait donc plus que le Clic d’Aurelia, qui semblait terrorisée de se retrouver seule face à Viviane. Silvia, quant à elle, pestait de s’être fait avoir de la sorte. Le reste du combat fut donc un duel acharné entre Clic et Aquaris.

Cependant, Viviane s’était rendu compte au cours de cette rencontre qu’Aurelia n’était pas très forte en combat : elle reposait probablement tous ses espoirs sur sa camarade Silvia, bien plus coriace qu’elle. Ainsi, malgré les conseils que cette dernière donnait à sa partenaire, Viviane et Aquaris parvinrent à arracher la victoire à Aurelia et son Clic. Malheureusement, Aquaris était dans un bien piteux état : encaisser la moindre attaque serait désormais très difficile pour lui.

Lorsque l’arbitre annonça leur victoire, Viviane sauta de joie et enlaça son pauvre Marill blessé. Pour ne pas le faire souffrir davantage, elle décida de le rappeler dans sa Poké Ball. Puis elle se tourna vers son camarade Arthur, qui faisait de même avec Cana.

­— Eh bah, c’est pas passé loin ! Heureusement que tu t’es ressaisi. Ne me refais plus de coup comme ça ! Tu veux le gagner, ce tournoi, oui ou non ? le réprimanda-t-elle.

Arthur ne répondit pas. Il était contrarié. « Moi au moins, j’essaie de défendre le type Fée, alors que toi tu passes ton temps à le critiquer ! » voulut-il lui rétorquer. Mais il n’en trouva pas le courage. D’autant plus qu’il savait parfaitement que leur victoire n’était due qu’aux efforts de Viviane et de leurs deux Pokémon. Il avait été complètement inutile sur ce coup-là. Mais il ne pouvait s’empêcher d’être amer : Viviane continuait à se moquer de ce type qu’il aimait tant, et dont ils défendaient les couleurs ! Il la comprenait de moins en moins.

Sans même accorder un regard à sa partenaire, Arthur partit en direction du terrain n°1, où les attendait le nom de leurs futurs adversaires. Viviane, vexée par le manque de reconnaissance d’Arthur, – en plus d’avoir été ignorée – lui emboîta le pas avec colère. Le troisième combat des deux amis commença donc dans une atmosphère pesante, sans la moindre synergie entre les deux alliés.

C’était pourtant un combat qui aurait dû s’avérer facile pour eux : en effet, ils affrontaient une équipe de type Dragon. Leurs deux adversaires, Charles et Henri, étaient connus pour être les deux seuls élèves du lycée à constamment s’habiller en costumes trois-pièces, afin d’exhiber leur fortune. Mais cet étalage de mauvais goût ne trompait personne : ils n’avaient rien de raffiné. Ils étaient même réputés pour compter parmi les personnes les plus imbuvables du lycée. Même les professeurs les méprisaient.

« Pourquoi on doit tomber sur eux… » maugréa Viviane en s’adressant à Arthur, pour tenter de désamorcer la situation tendue.

Mais Arthur ne daigna même pas lui répondre. Il était encore très contrarié par l’attitude de son amie envers le type Fée : pourquoi avoir accepté de participer si elle continuait à mépriser le type qu’elle représentait ? Il savait qu’elle avait voulu lui faire plaisir, mais un tel comportement le blessait plus qu’autre chose. Quant à Viviane, elle se renfrogna en constatant qu’elle avait de nouveau été ignorée.

— On n’a vraiment pas de bol, fait chier ! s’exclama soudain Charles en plein milieu du combat, à la vue de son Trioxhydre qui ployait sous la câlinerie d’Etchebest, le Cupcanaille d’Arthur.

— Ouais, approuva Henri. Y’en a marre du type Fée ! Depuis que ce type de tapette est arrivé, nos dragons ne sont plus aussi puissants qu’avant ! Depuis quand les dragons ont peur de petites fées ? C’est complètement con ! vociféra-t-il.

À ces mots, Viviane ne put s’empêcher de grommeler entre ses dents : « au moins, sur ce point-là, on est d’accord : le type Fée, c’est un type de con ! ». Malheureusement, cette remarque parvint aux oreilles d’Arthur. Et ce fut la remarque de trop. Fou de rage, Arthur se tourna subitement vers Viviane et hurla :

— Trop c’est trop ! Cette fois tu es allée trop loin, Viviane !

­Sans comprendre, celle-ci se tourna vers lui, les sourcils froncés et l’air inquisiteur.

­— Mais enfin de quoi est-ce que tu parles ? s’écria-t-elle en retour.

— Je t’ai laissé dire du mal du type Fée pendant trop longtemps ! Et maintenant, tu sais quoi ? J’en ai marre ! Tu n’avais qu’à pas participer avec moi si tu détestes tant ce type ! Et puis d’ailleurs, ce type, il ne t’a rien fait ! s’étrangla-t-il tant il bouillait de rage.

— Rien fait ? Rien fait ?? répéta Viviane avec fureur. Comment oses-tu dire qu’il ne m’a rien fait ? C’est à cause de lui que…

Arthur ne la laissa même pas finir sa phrase :

— Non, les moqueries que tu as subies étaient la faute de gens stupides qui croient à des clichés qui le sont encore plus ! Tu le sais très bien, c’est ce que tu as toi-même toujours dit ! Mais en fait, ce que t’as pas compris, c’est qu’à force d’être raillée, tu as fini par croire à tout ça : ce harcèlement que t’as subi t’a amenée à détester le type Fée encore plus que les gens qui se moquaient de toi. Mais c’est fini, tout ça ! Réveille-toi ! Tu ne vois pas à quel point ton comportement est ridicule ?

Touchée en plein dans son ego, Viviane voulut répliquer, mais la surprise l’avait laissée bouche bée. Elle n’avait jamais vu Arthur aussi en colère. Elle n’avait jamais vu Arthur en colère, même.

— Le type Fée, que tu le veuilles ou non, il fait partie de toi maintenant, continua Arthur, toujours aussi véhément. Et le rabaisser, en fait, ça revient à te rabaisser toi-même. En haïssant le type Fée comme tu le fais, c’est une partie de toi-même que tu renies ! Tu vois pas que tu serais beaucoup plus heureuse si tu assumais ce lien plutôt que d’essayer de le briser ?

Cette fois-ci, ce fut à Viviane d’exploser :

— Oh, alors maintenant c’est le grand Arthur qui me donne des leçons de vie ? Le même Arthur qui n’arrive pas à aligner trois mots sans bredouiller, qui dit défendre corps et âme le type Fée et qui pourtant se dégonfle lorsque c’est son crush – ou même n’importe qui finalement – qui le critique ? Tu sais pas de quoi tu parles, t’as aucune idée de tout ce que j’ai dû endurer ! rétorqua-t-elle avec une violence inouïe.

Arthur fut touché en plein cœur par la cruauté des paroles de Viviane. Jamais elle n’avait eu de mots si durs envers lui. Elle avait toujours été compréhensive face à ses faiblesses. Comment pouvait-elle lui dire une chose pareille ? Il était dévasté. Mais il était également hors de lui. Viviane était injuste avec lui.

En cet instant, Viviane et Arthur n’étaient plus eux-mêmes. Ils étaient tous deux mis face à leurs propres contradictions, et c’était une expérience aussi douloureuse pour l’un que pour l’autre. Malheureusement, leur dispute avait totalement éclipsé de leur esprit le combat que livraient toujours leurs Pokémon en ce moment même. Ces derniers, livrés à eux-mêmes, essayaient tant bien que mal de se défendre tous seuls, une tâche plus aisée pour le Cupcanaille d’Arthur que pour le Togetic de Viviane, qui ne connaissait pas d’attaque Fée. Il avait déjà encaissé de nombreuses attaques, et parvenait à peine à voler.

Leurs adversaires, eux, jubilaient devant cette scène inespérée.

— Ouuuh, ça chauffe au paradis des fées, on dirait ! minauda Charles, qui s’adressait à Viviane.

Cette dernière lui adressa un regard noir en guise de réponse. Puis, le regard noir se transforma bien vite en regard paniqué : en effet, elle venait de s’apercevoir que le Tranchodon d’Henri avait eu le temps, durant leur dispute, d’effectuer l’attaque Danse Draco pour augmenter sa puissance de frappe et sa vélocité, comme en témoignaient les volutes de fumée bleue qui entouraient le dragon vert.

— Oh non ! gémit Viviane.

Arthur, qui avait également remarqué cette situation critique, tourna immédiatement le dos à Viviane et se mit à donner des ordres à Etchebest, sans se soucier outre mesure de Celest, le Togetic de Viviane. Toujours furieuse, Viviane fit de même. Un combat acharné entre les deux équipes s’ensuivit, sans que les deux membres de l’équipe Fée ne s’adressent une seule fois la parole.

Malgré cette absence de jeu d’équipe, les affinités de type finirent par décider de l’issue du match : les Pokémon de Charles et d’Henri, même s’ils avaient réussi à reprendre temporairement l’avantage face au duo tourmenté, ne purent résister bien longtemps aux assauts de Celest et Etchebest, maintenant qu’ils étaient de nouveau guidés par leurs dresseurs respectifs.

Ainsi, à la seconde même où l’arbitre annonça leur victoire, Arthur rappela son Pokémon et quitta le terrain en une fraction de seconde. Viviane le regarda s’éloigner. Elle était si bouleversée par leur dispute qu’elle n’entendait même pas la voix de Charles et d’Henri, qui essayaient de la provoquer suite à leur amère défaite.

Dans ces conditions, impossible de se réjouir de leur qualification en demi-finale. En effet, avec cette victoire, leur équipe se qualifiait pour la phase finale du tournoi : il n’y avait plus que quatre équipes encore en lice, dont la leur. Dans d’autres circonstances, Viviane aurait ressenti une immense fierté. Elle était en train de prouver à tous ceux qui s’étaient un jour moquée d’elle à quel point ils avaient tort : elle était en train de leur prouver qu’on pouvait gagner même avec une équipe de type Fée.

Pourtant, en ce moment, Viviane n’avait vraiment pas de quoi être fière d’elle. Elle ne cessait de ruminer sa dispute avec son meilleur ami. Elle s’en voulait énormément d’avoir été aussi dure envers Arthur. Mais elle lui en voulait au moins autant pour ce qu’il lui avait dit. Les mots d’Arthur restaient gravés, indélébiles, dans sa mémoire. Voir son ami, un garçon aussi calme et doux, se mettre dans une colère pareille, l’avait vraiment secouée. Alors, si cette colère était dirigée contre elle, sa meilleure amie… Peut-être était-elle légitime.

La jeune fille était complètement abasourdie.

Elle ne savait plus quoi penser. Le type Fée, son amitié avec ses Pokémon, son amitié avec Arthur… Tout ce qui forgeait son univers, et qu’elle croyait gravé dans la pierre, était en train de dissoudre en un amas inextricable dans son esprit. Elle resta ainsi à réfléchir pendant de longues secondes, immobile, toujours plantée sur le sable du terrain de combat.

Lorsqu’elle revint enfin à la réalité, elle constata alors qu’elle était seule : tout le monde avait déserté le terrain, y compris les spectateurs. Elle se souvint alors qu’en effet, les demi-finale et finale avaient lieu dans l’après-midi, après la pause déjeuner. Pause déjeuner qui venait précisément de commencer. C’était le moment de manger, et elle se retrouvait toute seule. Une situation qu’elle n’avait pas vécue depuis un an. Depuis qu’elle avait rencontré Arthur.

Viviane n’aurait jamais cru se trouver un jour dans un tel désarroi. Manger seule lorsque l’on n’a pas de véritable ami est certes triste, mais supportable : après tout, il vaut mieux être seul que mal accompagné. Mais manger seule parce que votre ami le plus cher a toutes les raisons du monde de vous en vouloir, voilà qui est bien plus douloureux. Viviane réalisa alors que le fardeau de cette solitude lui faisait en réalité bien plus de mal que les paroles d’Arthur.

La mort dans l’âme, Viviane partit en quête de nourriture. Et, si elle s’en trouvait le courage, peut-être partirait-elle aussi en quête de son meilleur ami.

*
Alors qu’elle slalomait entre les divers stands de nourriture éphémères, installés spécialement pour le tournoi, près du terrain n°1, Viviane réfléchissait intensément. Les pensées se bousculaient dans son esprit. Elle avisa le sac de victuailles qu’elle tenait dans la main : elle avait acheté suffisamment de nourriture pour deux, malgré ses maigres économies.

« Je ne sais même pas où il est parti… » se lamenta-t-elle intérieurement.

Tandis qu’elle déambulait, l’un des stands attira son regard : une foule démesurée se pressait devant. Viviane ne tarda pas à comprendre pourquoi. Il s’agissait du stand tenu par le sponsor du lycée : les Glaces Volute. Par cette chaleur d’été unyssien, on comprenait aisément pourquoi le stand faisait fureur, d’autant plus que ces glaces étaient réputées comme délicieuses. Et Viviane savait très bien qui dans son entourage en raffolait…

Elle poussa un soupir en voyant la longueur de la file d’attente. Cependant, sans même s’en rendre compte, elle esquissa également un petit sourire, et vint se placer dans la queue.

« Comme ça, ça me laisse un peu de temps pour chercher où est-ce qu’il a bien pu aller… Connaissant Arthur, il a forcément voulu s’isoler. Notre dispute a dû le secouer autant que moi… Faut dire aussi que je lui ai dit des choses horribles… Je regrette tellement… »

Viviane sentit les larmes lui monter aux yeux. Larmes qu’elle refoula immédiatement. Hors de question de pleurer en public. Pour s’empêcher de pleurer, elle s’obligea à réfléchir intensément aux différents endroits dans lesquels Arthur avait pu se réfugier. Probablement un endroit sombre, calme, à l’abri des regards…

« Ah ! Je sais ! » songea tout à coup Viviane.

Elle était certaine d’avoir trouvé où son meilleur ami se cachait.

Dès qu’elle eut enfin acheté ses glaces – qui lui fondaient déjà dans les mains – après une attente qui lui avait paru interminable, la jeune fille se mit à marcher très vite en direction du terrain de combat n°1. Elle traversa le rectangle de sable sous les yeux de quelques curieux qui se demandaient ce qu’elle pouvait bien fabriquer. Sans leur accorder un regard, Viviane fonça droit vers les gradins. Mais, plutôt que de monter les marches qui lui auraient permis de prendre place dans le public, Viviane contourna la structure et se dirigea… vers l’arrière des gradins.

Un endroit sombre, calme, et à l’abri des regards.

Comme elle s’y attendait, Viviane y trouva son meilleur ami, recroquevillé sur lui-même. Durant un court instant qui leur parut éternel, les deux amis ne dirent rien. Ils se jaugeaient du regard. Finalement, ce fut Arthur qui brisa la glace :

— J’aurais dû me douter que tu réussirais à me trouver.

Sa voix était comme éteinte, sans la moindre émotion.

Viviane, touchée par la douleur de son ami, s’agenouilla face à lui, posa son sac plastique et les deux pots de glace dégoulinants sur le sol et dit doucement, sourire en coin :

— Je te connais trop bien.

Arthur ne répondit pas. Le silence se fit plus pesant encore.

— Tu as faim ? Je nous ai acheté à manger, tenta Viviane, penaude, en présentant son sac de nourriture à Arthur.

Celui-ci jeta un œil au contenu du sac, mais n’y toucha pas. En revanche, il se saisit de l’un des pots de Glace Volute fondue.

— Ah oui, je t’en ai pris une, comme je sais que tu adores ça… expliqua Viviane.

— Je suis étonné que tu aies eu la patience de faire la queue, déclara Arthur, désinvolte, en fixant le pot de glace.

Viviane baissa la tête, froissée. Elle savait qu’elle avait blessé Arthur, et qu’elle méritait ce traitement. Mais la pilule restait difficile à avaler. Très difficile.

Tout à coup, Arthur se leva, glace toujours en main, et commença à s’éloigner. Sans se retourner, il s’arrêta une seconde et dit :

— Merci pour la glace. On se voit tout à l’heure pour la demi-finale. Je te conseille de te préparer psychologiquement.

À ces mots, il agita la main pour dire au revoir, et disparut derrière l’immense structure métallique des gradins.

Viviane ne savait pas comment interpréter cet échange. Elle décida finalement de considérer le fait qu’Arthur ait accepté la glace qu’elle lui avait offert comme un espoir de réconciliation. Cependant, quelque chose la taraudait…

« Me préparer psychologiquement ? Qu’est-ce qu’il veut dire par là ? »

Mais Viviane ne tarderait pas à le savoir bientôt : en effet, un coup d’œil au tableau présentant l’ordre des matchs lui apprit avec horreur que son prochain adversaire n’était autre que Dany, le camarade de classe qui n’avait cessé de la persécuter depuis des années.

« Ce match va être le plus important de tous. Je ne peux pas perdre ! Pas contre lui… On doit gagner ! »

Ce fut donc emplie de détermination que Viviane vint se placer aux côtés d’Arthur sur le terrain de combat pour affronter l’équipe de Dany. Arthur demeurait silencieux. Mais Viviane savait que, malgré leur différend, Arthur avait au moins autant envie qu’elle de remporter ce combat. Le regard décidé, elle porta alors son attention sur leurs adversaires.

Ils formaient un duo des plus étranges ; le partenaire de l’insupportable Dany était l’un des élèves les plus doués en combat du lycée. Il s’appelait Bertrand-François, et même si Viviane ne le connaissait pas très bien, elle savait au moins cela : il ne fallait pas sous-estimer ce jeune homme. C’était malgré tout précisément ce que faisait Dany. Il jetait constamment des regards de mépris à celui qui était pourtant son partenaire.

Connaissant Dany, Viviane ne tarda pas à trouver la raison de ce mépris. Ce qui eut pour effet de la mettre d’autant plus en colère après son camarade de classe. « Il le considère comme un boulet parce qu’il est en fauteuil roulant ! Quel con ce mec ! » fulmina-t-elle intérieurement. En effet, Bertrand-François était paralysé des deux jambes et devait se déplacer dans une chaise roulante. Pour cette raison, Dany l’avait probablement catégorisé d’office comme « faible », car Dany restait Dany, quoi qu’il arrive.

Viviane jeta un regard en coin à Arthur et vit toute la fureur de son regard. Il ressentait la même chose qu’elle. Profitant du fait qu’ils étaient unis par la même colère envers Dany, Viviane lui glissa un :

— Bertrand-François n’a vraiment pas eu de chance…

Arthur hocha la tête :

— Ils ont dû se retrouver ensemble par défaut. En même temps, qui a envie de se retrouver en équipe avec un type pareil ? répondit Arthur d’un ton indigné.

Viviane acquiesça, et osa une timide tentative de réconciliation :

— Finalement, on s’en sort pas si mal, non ? dit-elle avec un pâle sourire.

Cette fois-ci, Arthur la regarda, mais ne répondit rien. Viviane baissa la tête. Arthur n’était visiblement pas prêt à lui pardonner. « J’aurais dû m’y attendre… Mais au moins, on est tous les deux motivés pour casser la gueule à Dany, c’est au moins ça. » songea-t-elle. « D’autant plus que… »

Elle n’eut pas le temps d’aller au bout de sa pensée ; le professeur qui tenait le rôle d’arbitre réclama leur attention : il s’apprêtait à annoncer le début du match. Viviane se reconcentra immédiatement et se saisit avec force de l’une de ses trois Poké Ball. « Si je veux vraiment gagner contre Dany, je dois attaquer de toutes mes forces ! Alors, je compte sur toi… » pensa-t-elle en fixant la sphère dans sa main. Au moment où le professeur déclara qu’ils pouvaient envoyer leurs Pokémon, Viviane lança avec énergie sa Poké Ball en s’écriant :

— Irony, go !

Arthur, de son côté, libéra Chacha, sa Nymphali. Pokémon comme dresseur avaient le même regard déterminé. Arthur avait bien la même rage de vaincre que sa partenaire. En face, Bertrand-François envoya un Bétochef au combat.

Tout le monde se mit ensuite à fixer Dany : il était le seul à n’avoir pas encore envoyé son Pokémon sur le terrain. Satisfait de voir tous les regards braqués sur lui, Dany prit la pose et lança finalement sa Poké Ball avec nonchalance. Un éclair blanc en jaillit et se métamorphosa bien vite en une créature humanoïde au corps violet pâle. Un Machopeur.

— Vas-y, Winner, écrase-les ! s’écria son dresseur.

« C’est bien ce qu’il me semblait ! Dany n’a qu’un seul Pokémon de type Combat, et c’est ce Machopeur. Ça veut dire… qu’il a fait tous ses combats depuis le début du tournoi avec le même Pokémon ? » réalisa soudain Viviane, stupéfaite. Elle ne l’admettrait bien sûr jamais, mais une telle prouesse la rendait admirative. Dany avait beau être détestable, ses talents de dresseur étaient indiscutables. Cependant, une telle pensée ne fit qu’alimenter sa colère : « nous aussi, il nous sous-estime ! Il pense pouvoir nous battre alors que son Pokémon tient à peine debout ? »

Effectivement, sans surprise, Winner paraissait très fatigué par ses combats précédents. Malgré tout, il bombait le torse avec fierté, comme le lui avait probablement enseigné Dany. Viviane adressa un regard assassin à Dany : non seulement il méprisait son partenaire, mais en plus, il épuisait son Pokémon ! « Sans compter tout ce qu’il m’a fait subir ! Ce mec n’a vraiment aucune morale. »

Dany s’aperçut du regard noir que Viviane lui lançait, et prit alors un malin plaisir à la provoquer :

— Eh bah, Viviane, qu’est-ce qu’il y a ? T’as peur de perdre ? Tu devrais, vos p’tites fées ont pas la moindre de chance de l’emporter face à moi. Winner, les petites fées, il les mange tout cru !

Folle de rage, Viviane réagit au quart de tour :

— Irony ! Utilise Câlinerie sur Machopeur ! Puissance maximale ! hurla-t-elle, hors d’elle.

Sa Mysdibule hocha la tête et se mit à foncer sur le Machopeur ennemi.

— Esquive ! lui intima son dresseur avec force.

Le Machopeur obéit, et sauta avec souplesse juste avant que la Mysdibule de Viviane n’arrive à son contact.

— Chacha, Mégaphone ! s’écria à son tour Arthur pour épauler Viviane.

Mégaphone était une attaque à large portée qui affectait les deux Pokémon adverses en même temps. Malheureusement, le fait de s’attaquer à deux cibles diminuait également par deux la force de frappe de l’attaque. C’était la raison pour laquelle la puissante capacité sonore de Chacha, dont la puissance était pourtant augmentée par son talent Peau Féerique, ne fit pas autant de dégâts que l’espérait Arthur. Les deux Pokémon de leurs opposants tenaient bon.

— Ha ha, nul ! C’est tout ce que vous savez faire ? En même temps, j’aurais dû m’y attendre, de la part d’un type de fillette… Vous vous agitez pour rien, c’est pas en nous balançant des paillettes à la gueule que vous allez gagner ! ricana Dany.

Arthur tenta vainement de raisonner son amie :

— Viviane, ne rentre pas dans son jeu, il essaie de te provoquer !

Mais il était déjà trop tard. Viviane, aveuglée par la colère, reprit de plus belle ses assauts répétés contre Winner avec la Câlinerie d’Irony. La petite créature s’évertuait à courir après Winner, qui se contentait d’esquiver agilement tous ses coups. De leur côté, Arthur et Bertrand-François essayaient de soutenir leur partenaire de leur mieux.

Cependant, même dans cette situation particulière de dispute, Arthur et Viviane étaient bien plus soudés que ne le seraient jamais leurs adversaires. Ainsi, tandis qu’Arthur et Chacha protégeaient efficacement la Mysdibule de Viviane, Bertrand-François était constamment raillé par Dany dès qu’il essayait de l’aider, par des injonctions aussi charmantes que : « Tu vois pas que tu me gênes, là ? » ou encore : « Reste pas dans mes pattes ! »

Malgré tout, l’équipe monofée n’en menait pas large : Irony était en train de s’épuiser à force de courir dans tous les sens, et elle n’avait pas encore touché une seule fois le Machopeur de Dany. Sentant que le Pokémon de Viviane était presque à bout de forces, Arthur décida de lancer une diversion pour lui permettre de porter un coup décisif avant de s’effondrer :

— Chacha ! Vampibaiser sur Machopeur !

Le canidé blanc enveloppé de rubans fonça alors à toute vitesse vers le Pokémon Colosse, et plongea ses crocs dans sa chair violette pour lui aspirer son énergie vitale, au niveau de son bras gauche. Winner poussa alors un cri de douleur.

— Débarrasse-toi de Nymphali ! lui ordonna son dresseur.

Winner obéit et secoua son bras de toutes ses forces, obligeant ainsi Chacha à lâcher prise. Il envoya ensuite la Nymphali valser à l’autre bout du terrain.

Arthur pressa alors le bras de Viviane et murmura d’une voix grave :

- Maintenant !

Viviane hocha la tête et hurla :

— Irony, vas-y, donne tout ce que tu as !

Mais Dany avait compris leur petit manège :

— Winner, derrière toi !

Le Machopeur se retourna en une fraction de seconde, et vit la Mysdibule de Viviane lui foncer dessus. Irony se mit alors à le rouer de coups, dans une étreinte sauvage. Winner, acculé, encaissa de plein fouet la dévastatrice Câlinerie. Il s’effondra au sol. Irony également. Elle était épuisée. Mais elle avait gagné ce duel. Du moins le croyait-elle. À genoux sur le sol, la petite créature ne vit que trop tard l’ombre de son adversaire qui se relevait difficilement face à elle.

— Irony, non ! cria Viviane avec désespoir.

Mais il était trop tard. Irony n’eut même pas le temps d’apercevoir le Poing de Feu flamboyant de Winner qu’elle gisait déjà au sol. Elle avait perdu face à Winner. Ce qui signifiait que Viviane avait perdu face à Dany.

Pendant quelques fractions de secondes, Viviane demeura immobile, le regard perdu dans le vague. Elle avait… perdu ? Face à Dany ? LE Dany qui la persécutait depuis toujours ? Non, c’était impossible… Elle refusait d’y croire.

Lentement, la tête basse, Viviane s’avança sur le terrain de combat. Ses baskets crissaient contre le sable chaud, son regard était éteint. Arrivée au niveau de l’affrontement, la jeune fille se baissa doucement et prit délicatement sa Mysdibule blessée dans les bras.

Dany, lui, exultait littéralement :

— Haha, je te l’avais bien dit, poupée : les p’tites fées, ça a rien dans le ventre ! C’est pour ça qu’il vous va si bien, à vous les filles : les filles, c’est le sexe faible, et les fées, c’est le type faible ! ricana-t-il d’un rire mauvais.

À ces mots, toute la gent féminine installée dans les gradins se mit à huer Dany avec véhémence, un mouvement de foule auquel il répondit par un sourire moqueur et un haussement d’épaules, accompagnés d’un « y’a que la vérité qui blesse », ce qui augmenta d’autant plus la vigueur des protestations.

Dany reporta ensuite son attention sur Viviane : il attendait visiblement une réplique cinglante de sa part, ou ne serait-ce qu’un de ses habituels regards noirs. Mais étrangement, la répartie ne vint jamais. Le visage sombre, Viviane se contenta de lui tourner le dos, son Pokémon toujours dans les bras. Que pouvait-elle rétorquer ? Elle avait échoué à lui prouver qu’il avait tort. Si elle avait perdu, c’était effectivement parce que le type Fée était nul. C’était la seule explication possible. La mort dans l’âme, Viviane vint se replacer aux côtés d’Arthur.

Ce dernier était plus furieux qu’il ne l’avait jamais été au cours de sa vie : comment Dany osait-il profaner de telles horreurs ? Il ne pouvait pas le laisser dire. Il était vrai qu’il ne supportait pas le conflit. Mais il détestait encore plus profondément qu’on méprise tout ce qui lui était cher. Or Dany avait dépassé la limite de ce qu’il était prêt à tolérer. Arthur serra les poings.

Puis il explosa, encore plus vivement qu’un Électrode sous tension.

— La ferme, Dany ! Tu ne sais faire que ça, cracher des insultes misogynes à la figure de Viviane ? Mais regarde-toi, tu es pathétique, et tout le monde ici s’en rend compte. Grandis un peu, sérieusement. Le talent de Viviane n’est plus à prouver, et qu’elle soit une fille n’a aucun rapport avec ses compétences. Mais peut-être que tu es juste trop limité pour comprendre ça ?

Arthur s’interrompit, soufflé par la violence de ses propres paroles. Il n’avait jamais rien dit d’aussi méchant de sa vie. Mais en même temps, Dany l’avait véritablement poussé à bout. Et il ne regrettait aucun de ses mots. Il était même fier d’avoir réussi à dire ce qu’il avait sur le cœur. Et les applaudissements du public, qui suivirent sa déclaration, renforcèrent ce sentiment. Il s’était rarement senti aussi bien.

— Pff, n’importe quoi, répondit Dany avec un sourire moqueur, sans se démonter. En attendant, elle a quand même perdu, à cause de votre type de tafiole. Quel type de merde, le type Fée !

Suite à cet échange, une vague d’émotion intense submergea Viviane. Elle n’aurait jamais cru un jour voir Arthur tenir tête à Dany. Alors, si en plus, c’était pour la défendre, elle… Un tel geste la touchait et l’émouvait au plus haut point. Pour la deuxième fois de la journée, Viviane sentit les larmes perler derrière le verre de ses lunettes. Elle les chassa bien vite.

Il était temps de rendre la pareille à son ami. Elle avait enfin compris. Elle avait enfin compris ce qu’il essayait de lui dire depuis tout ce temps. En combattant ses propres démons, Arthur avait également exorcisé ceux de Viviane.

Maintenant, ils étaient de nouveau en harmonie :

— Alors oui Dany, intervint-elle brusquement, je n’ai que des Pokémon de type Fée. Et ce type fait partie de moi, que je le veuille ou non. Mais je n’ai pas… commença-t-elle avant de rectifier, enfin, je n’ai plus de problème avec ça. Le type Fée est fascinant, on en sait encore très peu sur lui. Mais il n’est pas à sous-estimer. Et Arthur va te le prouver !

­— Ah vous m’faites bien rire, tous les deux ! souffla Dany, hilare.

— C’est toi qui es risible, Dany, reprit Arthur avec force. Tu es très doué en combat, et pourtant ta stupidité t’empêche de voir toute la force du type Fée. C’est un type extraordinaire, et toute sa puissance est encore méconnue. Mais tu sais quoi ? Viviane a raison. Cette force, plutôt que d’en parler… Je vais te la montrer ! déclara Arthur avec une assurance qu’il ne se connaissait pas.

Désormais, il ne laisserait plus jamais personne se moquer de ses amis, ou de son type favori. Il comptait bien les défendre de toute son âme. Et cela commençait par prendre sa revanche sur celui qui avait trop longtemps fait souffrir sa meilleure amie.

Viviane avait enfin surmonté le carcan de haine qui la rongeait depuis si longtemps. Arthur avait enfin osé affirmer haut et fort ses convictions. Maintenant, plus rien ne saurait l’arrêter. Surtout pas Dany. Bien déterminé à décrocher la victoire pour venger Viviane et Irony, Arthur se plongea corps et âme dans le combat. Il ne faisait plus qu’un avec Chacha, qui lui obéissait au doigt et à l’œil.

Winner et Dany non plus n’étaient pas à sous-estimer. Mais Arthur disposait d’un avantage décisif : les dégâts dévastateurs que la Câlinerie d’Irony avaient causés. De plus, Winner avait encaissé bien trop de coups depuis le début du tournoi. Et comme Dany refusait obstinément l’aide de Bertrand-François, il finit par perdre face à la Nymphali d’Arthur. Il finit par perdre face au type Fée.

Naturellement, Dany ne glissa pas un seul mot suite à sa défaite. Il se contenta de toiser d’un air mauvais Arthur, qui lui, jubilait intérieurement. Son cœur avait rarement été aussi gonflé de fierté qu’en cet instant précis.

En fin de compte, l’esprit d’équipe de Viviane et Arthur l’avait emporté sur l’égoïsme patenté de Dany. Mais il restait encore un adversaire de taille : Bertrand-François, dont le Pokémon était encore en bonne forme, puisqu’il n’avait quasiment pas participé au combat. Le duel s’annonçait rude. Mais Arthur était déterminé. Il se tourna vers son adversaire, bien décidé à en découdre, mais contre toute attente, celui-ci secoua la tête :

— Je vous félicite. Vous avez gagné.

— Quoi ? Mais… commença Viviane, ne masquant pas sa surprise.

— Et notre combat ? termina Arthur.

— Je déclare forfait, annonça Bertrand-François de but en blanc. C’est mieux comme ça. Je n’ai aucune chance de gagner le tournoi, de toute façon, puisque ça signifierait affronter les deux finalistes tout seul. Et puis, gagner avec une telle équipe… déplora-t-il en jetant un regard en coin à Dany, qui fulminait en entendant un tel discours.

Son partenaire, lui, semblait très amusé : il devait être heureux d’avoir enfin une occasion de se venger du mauvais traitement que Dany lui avait accordé.

— Non, j’aimerais plutôt vous voir gagner, reprit Bertrand-François. J’ai été impressionné par le soutien dont vous avez fait preuve l’un envers l’autre. Vous méritez la victoire. Je m’incline, conclut-il finalement.

Après un léger moment de flottement, l’arbitre annonça subitement :

— L’équipe monocombat de Dany et Bertrand-François déclare forfait ! La victoire revient à l’équipe monofée de Viviane et Arthur, qui se qualifient pour la finale du tournoi !

Bertrand-François se mit alors à applaudir ses adversaires ; il fut rapidement rejoint par l’intégralité du public. La foule en délire félicitait Viviane et Arthur pour leur victoire. Les deux concernés s’entreregardèrent, et sourirent. Ils pouvaient être fiers d’eux : ils avaient atteint la finale du tournoi ! Tout cela grâce à leurs efforts.

Finalement, les combats les plus rudes ne s’étaient pas livrés sur le terrain, mais en eux-mêmes. Ce tournoi leur avait permis de sonder les recoins les plus reculés de leur conscience. Maintenant, chacun avait fait la paix avec soi-même. Mais encore fallait-il faire la paix avec l’autre.

­— Arthur… chuchota doucement Viviane à son ami, penaude.

Ce dernier se tourna vers elle et planta ses yeux dans les siens, cachés par les verres de ses lunettes. Son ami ne semblait plus en colère. Il était enfin redevenu le gentil Arthur qu’elle connaissait. Du moins l’espérait-elle.

— Je suis vraiment désolée pour tout ce que je t’ai dit. Est-ce que tu penses que tu pourras me pardonner un jour ? demanda-t-elle avec appréhension, la voix nouée.

Arthur esquissa un sourire :

— Bien sûr. On était tous les deux très en colère… Et puis, tu n’avais pas tellement tort… déplora-t-il d’une voix teintée de honte.

— Si, j’avais tort, répliqua son amie avec force. Tu as été incroyable tout à l’heure. Te voir prendre ma défense face à Dany, ça… ça m’a beaucoup émue, ajouta-t-elle en étouffant un sanglot. Merci infiniment…

— De rien. Mais, en fait, je crois que je l’ai fait autant pour toi que pour moi… réfléchit Arthur à voix haute. J’avais besoin que ça sorte. Et puis… toi aussi tu as été incroyable, affirma-t-il avec assurance.

L’échange ne se poursuivit pas. Ils n’avaient pas besoin d’en dire plus. Le silence en disait plus que tous les mots du monde. Ils avaient enfin fait la paix avec eux-mêmes. Leur duo avait retrouvé toute sa synergie. Ils étaient fin prêts pour la finale.

**
Le terrain n°1, écrasé sous la chaleur et la foule, semblait au bord de l’étouffement. La tension était palpable. Pour Viviane et Arthur, tout avait commencé ici. Il semblait donc adéquat que tout se finisse également ici. Les deux amis s’avancèrent sur le terrain sableux avec appréhension, le cœur battant. Leurs adversaires, une fille et un garçon, les attendaient déjà sur le terrain, main dans la main.

Il s’agissait d’un couple, que Viviane et Arthur connaissait bien. En effet, Ted, le garçon, un beau jeune homme aux cheveux blond vénitien, était dans la classe de Viviane. Tandis que sa petite amie, Ann, une jeune fille aux longs cheveux du même blond vénitien, était dans la classe d’Arthur. Ils formaient l’un des couples les plus unis du lycée. Ils arboraient tous les deux des vêtements bleus, – Ann avait même mis une fleur bleue dans ses cheveux – probablement en l’honneur du type qu’ils défendaient : le type Eau.

Les voir en finale ne surprenait personne : en effet, les deux tourtereaux avaient l’habitude de combattre ensemble, et ils se connaissaient mieux que personne. Un tel lien constituait un avantage décisif lors de ce genre de tournoi. Ceux qui avaient assisté à leurs matchs pouvaient en témoigner : une complicité à toute épreuve unissait ces deux-là. « Pas comme nous, qui avons réussi à nous disputer en plein milieu du tournoi… » songea Viviane avec honte.

Viviane et Arthur pensaient la même chose : Ted et Ann allaient être très difficiles à battre. Viviane lança à son meilleur ami un regard qui signifiait probablement : « mais on peut y arriver, pas vrai ? ». Ce à quoi le jeune homme répondit par un hochement de tête déterminé.

Les quatre participants étaient si concentrés qu’ils entendaient à peine leur professeur – et arbitre – rappeler les règles de la finale, ni la foule qui piaillait. Chacun ne voyait que l’adversaire, prêt à bondir au moment du signal.

Enfin, lorsque le départ fut donné, quatre Poké Balls s’ouvrirent précisément en même temps. Arthur avait décidé de disputer la finale avec Etchebest, son Cupcanaille, car il n’avait quasiment pas combattu. En face, Ann envoya au combat son impressionnante Mégapagos. Quant à Ted et Viviane…

— Ah bah tiens, si je m’attendais à ça ! s’exclama Ted dans un rire.

Viviane, surprise, finit par sourire elle aussi. Sur le terrain, son Marill, Aquaris, faisait face à… l’Azumarill de Ted. Sa forme évoluée. Aquaris tenta de prendre un air imposant, mais l’Azumarill de Ted, qui le dépassait d’une tête, ne le remarqua même pas. Il se tourna plutôt vers sa partenaire, la Mégapagos d’Ann, contre qui il se frotta affectueusement.

« Ne me dis pas que… Leurs Pokémon aussi sont en couple ? C’est une vraie famille, à ce niveau-là ! » s’étonna Arthur en pensée. Étant donné les liens très forts qui unissaient leurs adversaires, le combat s’annonçait encore plus dur que prévu.

— Écoute, Viviane, chuchota Arthur à son amie. Pour avoir une chance de gagner, il faut qu’on concentre d’abord toutes nos attaques sur un seul de leurs Pokémon. Ensuite, on pourra gérer l’autre.

— Compris, acquiesça Viviane. On prend Azumarill, alors. Mégapagos a une neutralité Eau, donc Aquaris a plus de chances.

Arthur hocha la tête et se tourna vers le combat. Il comptait entamer les hostilités, mais Ted ne le laissa pas faire :

— Azur, utilise Cascade sur Cupcanaille !

— Esquive ! ordonna Arthur à Etchebest, avant de se tourner vers Viviane. Tu peux faire en sorte qu’Aquaris protège Etchebest un instant ? lui demanda-t-il bien plus bas, pour que leurs adversaires n’entendent pas.

Viviane, qui avait compris les intentions d’Arthur, opina du chef et intima à son Marill d’utiliser Hydroqueue sur Azur. Les deux frappes aquatiques s’entrechoquèrent avec fracas, répandant un véritable raz-de-marée sur le terrain. Le choc avait fait reculer les deux Pokémon, mais Azur l’avait assurément mieux vécu qu’Aquaris, qui peinait à tenir debout. Même s’il s’était un peu reposé dans sa Poké Ball depuis le match contre Silvia et Aurelia, Aquaris était toujours épuisé.

« Tiens bon, Aquaris… » songea sa dresseuse avec inquiétude. Mais le risque pris par son Marill s’avéra néanmoins payant. En effet, tandis que Viviane et son Pokémon faisaient diversion, le Cupcanaille d’Arthur avait eu le temps d’effectuer l’attaque Cognobidon, qui avait pour effet de décupler sa puissance au maximum, au prix d’une grande partie de son énergie. Mais grâce à la baie Sitrus qu’il tenait, Etchebest n’était finalement pas si affaibli, d’autant plus que son talent Délestage lui permettait désormais de jouir d’une vélocité sans pareille.

— C’est le moment ! Etchebest ! Utilise Câlinerie sur Azumarill !

Le petit Pokémon en forme de cupcake ne se fit pas prier, et fonça si rapidement sur le Pokémon Aqualapin que personne n’eut le temps de le voir bouger. Il roua de coups l’Azumarill de Ted, si bien que celui-ci s’effondra net, terrassé par la violence de l’attaque.

— On a réussi, Viviane ! On va gagner ! exulta Arthur.

Pourtant, lorsqu’il se retourna vers Viviane, il vit que le visage de celle-ci était pâle comme la mort. Ses yeux fixaient un point devant elle. Sans comprendre, il suivit son regard, jusqu’à apercevoir la raison de son état : la Mégapagos d’Ann venait de balayer Aquaris sans la moindre difficulté, et elle se dirigeait désormais à toute vitesse vers Etchebest. Inquiète, Viviane se précipita au chevet de son Pokémon.

Arthur remarqua immédiatement ce qui n’allait pas : la carapace de la tortue bleue avait disparu. Mais elle n’avait pas disparu que de son dos. Même les écailles habituellement présentes sur son ventre s’étaient volatilisées.

— Exuviation…! s’écria Arthur avec désespoir.

— Oui, on s’est fait avoir ! déplora Viviane. Pendant qu’Etchebest utilisait Cognobidon, sa Mégapagos a eu le temps de faire non pas une, mais deux Exuviations ! Maintenant, elle est plus rapide qu’Etchebest… se lamenta-t-elle.

— Ce n’est pas encore perdu ! C’est du un contre un, maintenant, déclara Arthur avec force.

La bataille finale commençait maintenant. C’était une véritable mort subite : le premier Pokémon qui parvenait à toucher l’autre remportait la victoire. Seulement, Arthur avait tort : ce n’était pas du un contre un. Car même si l’Azumarill de Ted avait été mis hors-combat, son dresseur, lui, était plus alerte que jamais. Grâce à son œil averti, il décelait le moindre danger et s’empressait de le signaler à sa partenaire. Il ne laissait aucune opportunité à Arthur pour attaquer.

Arthur était donc sur la défensive. C’était comme s’il continuait à affronter Ted en même temps que Ann. Et, même si Viviane essayait également de l’aider, leur cohésion ne hissait pas à la hauteur de celle de ce couple fusionnel. Ainsi, l’issue du match fut décidée en une fraction de seconde. Etchebest, sur ordre de son dresseur, s’élança à toute vitesse sur son opposant, avec la volonté d’en finir.

Cependant, Ann réagit au quart de tour :

— Meg ! Attaque Hydrocanon sur le sol !

Avant qu’Arthur ne puisse même se demander quelle était la raison d’une telle action, Meg la Mégapagos obéit à sa dresseuse, et cracha un volumineux jet d’eau vers le sol. Cela eut pour effet de faire perdre l’équilibre au Cupcanaille, qui glissa sur le sol.

— Non, Etchebest, relève-toi ! s’écria Arthur, catastrophé.

Mais il était déjà trop tard. Ann avait déjà ordonné à Meg d’utiliser Lame de Roc sur le Pokémon Mousseline qui gisait au sol. Avant que ce dernier n’ait pu esquisser le moindre geste, une gigantesque colonne de pierre émergea sous son petit corps blanc et rose, le frappant de plein fouet. Etchebest retomba alors lourdement sur le sol, hors-combat. Arthur s’empressa d’aller voir son Pokémon, de la même manière que l’avait fait Viviane un peu plus tôt.

L’arbitre sonna leur défaite.

Arthur et Viviane avaient perdu la finale.

Et pourtant, ils ressentaient une immense fierté. C’était étrange, au fond. Ils se sentaient encore plus fiers au moment de perdre la finale qu’au moment de gagner la demi-finale. C’était étrange, mais logique : pour la première fois depuis le début de ce tournoi, ils venaient d’affronter des adversaires respectueux. Respectueux, et redoutables. Ils étaient fiers d’être arrivés jusqu’ici, face à un duo aussi talentueux. Cela prouvait tout ce qu’ils étaient capables d’accomplir.

— Finalement, ce n’est pas l’arrivée qui compte, c’est le chemin, déclara fièrement Viviane à Arthur en le rejoignant au chevet du Cupcanaille, que son dresseur rappela dans sa Poké Ball une fois s’être assuré qu’il allait bien.

— Oui, et vous en avez parcouru, du chemin, j’ai l’impression, intervint soudainement une autre voix.

Il s’agissait de celle d’Ann, qui s’avançait vers eux, aux côtés de son petit ami. La jeune fille arborait un sourire éclatant, tout comme Ted. Avec déférence, le couple leur tendit la main :

— C’était un beau combat, reprit Ann.

— Ça c’est sûr ! Personne n’a jamais mis Azur K.O. aussi vite ! affirma Ted en riant.

Le sourire aux lèvres, Arthur et Viviane serrèrent allègrement la main d’Ann et de Ted.

La défaite ne leur avait jamais semblé aussi belle.

— Dites, ça vous dit de fêter la fin du tournoi avec nous ? proposa joyeusement Ann.

— On peut aller pique-niquer dans le parc ! ajouta Ted.

Viviane et Arthur s’entreregardèrent, le sourire aux lèvres. Arthur demanda alors à Viviane, euphorique :

— Dis, t’as gardé ce que t’as acheté ce midi ?

Viviane hocha la tête et sourit de plus belle.

**
Dans le joli parc situé à l’ouest d’Ogoesse, cinq jeunes gens discutaient joyeusement en picorant leur pique-nique. En effet, les finalistes avaient invité les demi-finalistes à se joindre à eux pour manger, avec l’espoir non dissimulé que Dany refuserait, ce qui heureusement fut le cas. Cependant, Bertrand-François avait accepté avec joie. Ainsi, les cinq dresseurs mangeaient tous ensemble, assis dans l’herbe – on avait aidé Bertrand-François à descendre de son fauteuil.

Viviane était allée récupérer la nourriture du midi, qu’elle avait entreposée dans son casier au sein du lycée suite au brutal refus d’Arthur. Elle était donc d’autant plus heureuse de pouvoir, en fin de compte, partager ce repas avec Arthur, dans une ambiance sereine et apaisée.

Les yeux fermés derrière ses lunettes, Viviane huma l’air tiède de la fin d’après-midi. Elle ne s’était pas sentie aussi bien depuis des années. Elle se sentait enfin elle-même. Comme si elle avait été libérée d’un grand poids. Ce qui était le cas.

— On peut être fiers de nous, dit soudainement Arthur, qui l’observait.

Viviane rouvrit les yeux et les planta dans ceux d’Arthur :

— C’est sûr. On a géré. On a perdu, mais je suis contente qu’on ait participé. Je suis contente… d’avoir défendu le type Fée, admit-elle enfin, le visage radieux.

— Si j’avais su qu’un jour je t’entendrai dire ça… commença Arthur, à la fois moqueur et profondément heureux.

Voir Viviane enfin en paix avec elle-même et avec le type qu’il aimait tant lui faisait infiniment plaisir. Sa meilleure amie acceptait enfin qui elle était. Quant à lui, il avait découvert en lui une force qu’il ne soupçonnait même pas. Tout comme il n’aurait jamais cru entendre de tels mots de la bouche de Viviane, il n’aurait jamais cru, lui non plus, prononcer les mots qu’il avait assenés à Dany devant tout le monde, un peu plus tôt dans la journée.

C’était le début d’une nouvelle ère pour eux. Arthur en était persuadé. Pour preuve, bon nombre d’élèves étaient venus les féliciter pour leur parcours lors du tournoi. Ils avaient gagné le respect et l’admiration de leurs camarades. Ils pouvaient réellement être fiers d’eux. Ils avaient grandi, et mûri. Viviane et lui avaient réellement réussi à prouver à tous la vraie valeur du type Fée, ainsi que leur valeur en tant que dresseurs. Mais aussi et surtout, ils avaient prouvé leur valeur en tant que personnes.

Arthur jeta un nouveau regard à Viviane.

Elle souriait.

***
Arthur regarda une deuxième fois sa montre. « Cinq minutes de retard... J’espère que tout va bien… » songea-t-il, inquiet. Il regarda tout autour de lui : le café était quasiment rempli. Ce n’était pas vraiment étonnant. Volucité était la plus grande ville d’Unys, après tout. Pas étonnant que Viviane ait voulu faire ses études ici. Avec nervosité, Arthur rajusta le col de sa chemise blanche et vérifia rapidement que rien ne clochait dans sa tenue : pas de pli sur le pantalon, pas de tache...


Cela faisait un mois qu’il n’avait pas vu Viviane. Il tenait donc à faire bonne figure. Bon, il était vrai que, de son côté, elle était en retard, mais Arthur ne lui en voulait pas. Il savait qu’elle était très prise, et qu’elle faisait au mieux.

« Quand j’y pense… J’arrive pas à croire qu’elle est devenue… »

— Bouh ! s’exclama soudain une voix sortie de nulle part.

Arthur sursauta brusquement sur sa chaise.

— Haha ! Tu verrais ta tête ! s’esclaffa la nouvelle venue, qui n’était autre que Viviane.

Physiquement, la jeune fille n’avait pas changé. Ses vêtements, en revanche, étaient légèrement différents. En effet, elle portait…

— Une blouse blanche ? fit à son tour Arthur en riant. Manque plus que les lunettes colorées et tu feras une parfaite scientifique, la taquina-t-il.

— C’est ça, moque-toi ! le railla-t-elle en prenant place sur la chaise face à lui. Enfin, je suis quand même super contente de voir, avoua-t-elle.

Tout en parlant, elle déposa son sac de cours par terre, et ôta la fameuse blouse blanche pour la poser sur le dossier de la chaise en bois.

— Moi aussi, répondit-il dans un sourire.

— Désolée du retard, au fait. J’ai fait aussi que j’ai pu, mais j’avais un contrôle de chimie. D’où la blouse, expliqua-t-elle en s’affalant à moitié sur la table, épuisée.

— Oh, je vois. Et ça s’est bien passé ? s’enquit-il.

— Plus ou moins. Mais bon, les gènes, tout ça, c’est pas trop mon truc. Je préfère largement l’histoire, déclara-t-elle. Ça me rappelle l’année dernière, quand on était encore au lycée tous les deux. Tu te souviens ? Grâce à toi, j’avais eu la meilleure note au contrôle sur le Grand Coup de Baguette, lui rappela-t-elle.

— Bien sûr que je me souviens. Ah, qu’est-ce que tu ferais sans moi, hein… plaisanta son ami.

­­— Mouais, fais pas trop le malin, je suis presque sûre qu’aujourd’hui, j’en sais plus que toi sur le sujet ! Je te rappelle que c’est un peu le sujet de mon futur mémoire.

— Haha, c’est pas faux, concéda Arthur. N’empêche, qui aurait pu deviner, il y a un an, que tu finirais par faire des études pour devenir chercheuse dans le type Fée ?

Viviane éclata de rire :

— Certainement pas moi, ça c’est sûr !

— Moi non plus ! affirma à son tour son meilleur ami.

Viviane rajusta ses lunettes sur son nez, pensive. Au bout de quelques secondes, elle déclara :

— Ce tournoi nous a vraiment changés, pas vrai ?

Arthur hocha la tête :

— Je suis vraiment content qu’on l’ait fait. Si on n’avait pas participé, je crois que je n’aurais jamais eu le courage de m’inscrire aux examens pour devenir Champion d’arène de type Fée.

En entendant cela, Viviane écarquilla soudain les yeux :

— Oh mais oui c’est vrai ! J’ai failli oublier de te demander ! Tu as eu les résultats ? demanda-t-elle avec impatience.

Arthur détourna alors le regard et annonça de but en blanc :

— Je n’ai pas été retenu.

Viviane entendit alors toute la déception dans la voix de son ami.

— Oh non, je suis vraiment désolée pour toi… J’aurais tellement voulu que tu réussisses… Tu le méritais amplement, déclara-t-elle d’une voix compatissante.

— T’en fais pas, je m’en suis remis, affirma-t-il en esquissant un sourire. Et puis bon, ils m’ont quand même dit que j’étais le candidat le plus jeune à avoir jamais été aussi loin dans ce concours lors d’une première tentative. C’est déjà ça.

— Oui, mais… C’était si important pour toi… voulut objecter Viviane.

À ces mots, Arthur reporta son attention sur amie et plongea son regard dans le sien :

— Oui, c’est vrai que c’était très important pour moi, de la même façon que l’était le tournoi Duo-Type de l’année dernière. Et à ce moment-là aussi, on a échoué. Pourtant, on vient juste de se rappeler à quel point ce tournoi avait été un tournant décisif de nos vies.

— C’est vrai… admit Viviane.

Elle n’avait pas vu les choses sous cet angle. Elle observa attentivement son meilleur ami. Physiquement, c’était toujours le même blondinet maigrichon. Mais son esprit avait atteint une maturité rare. Et elle osait espérer qu’il en allait de même pour elle-même.

Suite à cet échange, un court silence s’installa entre eux. Un silence qui fut rapidement brisé par l’arrivée du serveur du café, venu prendre leur commande. Ils choisirent tous les deux un cocktail à base de Baies Selro. Une fois le serveur parti, les deux amis reprirent leur discussion avec entrain, comme s’ils ne s’étaient jamais quittés. Quelques minutes plus tard, on leur amena leurs cocktails.


Arthur leva alors son verre rempli de liquide rouge rosé :

— On porte un toast ? proposa-t-il à son amie de toujours.

— Avec joie ! approuva celle-ci, en levant son verre à son tour.

— À ton futur emploi de chercheuse ! commença Arthur.

— À ton futur poste de Champion d’arène ! renchérit Viviane. Mais surtout…

Arthur avait compris où Viviane voulait en venir.

Avec un grand sourire, ils entrechoquèrent finalement leurs verres tout en s’exclamant en chœur :

— Au type Fée !


Scénario : Cryo
Rédaction : MissDibule