Chapitre 13 : Le Sang des morts... (première partie)
- À la question, l’accusée est-elle coupable d’avoir tué la victime, les jurés ont répondu…
Le ou les prochains mots, que le Président du Tribunal tardait à prononcer, allaient définir l’avenir de la jeune femme. Elle retenait son souffle, les doigts crispés sur sa chaise. Ses yeux bleus brillaient de larmes qu’elle contenait à peine. Elle était livide, la peur lui tenaillait les entrailles. Être condamnée pour meurtre au premier degré signifierait qu’elle devrait passer le reste de ses jours en prison.
Son avocat ne l’avait pas crue et avait tenté sans conviction de défendre sa cause. La jeune femme blonde n’avait aucun alibi, aucun souvenir de cette journée funeste qui déciderait de son futur, aucune preuve de son innocence. C’est comme si elle s’était endormie la veille pour se réveiller le surlendemain… Le ministère public, quant à lui, en avait des dizaines pour prouver sa culpabilité. Ses empreintes étaient sur l’arme du crime et des dizaines de témoins pouvaient affirmer de sa présence sur les lieux du meurtre.
- Coupable ! annonça le juge.
- Non ! hurla-t-elle, désemparée.
Son avocat tenta de la faire taire, mais elle ne put s’empêcher de crier plus vivement son innocence :
- Je n’ai pas tué la victime ! Je suis innocente. Ce n’est… c’est…
- Mademoiselle, coupa le juge, sans se laisser démonter par les larmes de l’accusée. Vous n’avez pas su présenter la moindre preuve de la machination dont vous affirmez avoir fait l’objet. Votre coupable supposée a un alibi en béton pour le jour du meurtre, ce qui n’est pas votre cas.
- C’est pourtant elle qui l’a fait, chuchota-t-elle, mais personne ne put l’entendre.
- Ce jury populaire vous a donc reconnue coupable de meurtre au premier degré. Vous allez retourner en prison jusqu’à votre jugement définitif.
Cinq ans plus tard
- Vous avez donc été reconnue coupable de meurtre et purgez actuellement une peine de prison de quarante-cinq ans sans possibilité de conditionnelle. Vous en avez déjà purgé six depuis votre arrestation, il vous en reste donc trente-neuf.
- C’est ça, grogna la jeune femme. C’est pour me rappeler ça qu’vous m’avez fait v’nir ?
- July, soupira l’homme. J’ai ici l’intégralité de votre dossier. Je ne vous ferais pas quitter votre cellule pour le simple plaisir de vous rappeler de mauvais souvenirs.
July étudia un instant son interlocuteur. Il ne payait pas de mine avec son long manteau noir, son chapeau ébène miteux et sa barbe grisonnante. Cependant, aucune émotion négative ne semblait se dégager de son interlocuteur. Elle voyait bien que cet homme étrange n’était pas venu pour l’embêter.
- Qu’est-ce que vous m’voulez alors ?
- Vous proposer un travail, répondit-il. Ou plutôt… une offre que vous ne pouvez pas refuser.
- Mais pourquoi moi ? Vous n’avez pas assez d’agents à Pokéagent pour engager une détenue ?
The Hunter sourit avant de reprendre d’un ton calme :
- Vous n’êtes pas sans savoir que votre cousine a disparu, n’est-ce pas ?
Son interlocutrice se contenta de répondre d’un haussement d’épaule.
- Suite à la mort du Bloody Night Killer, Emma Blood et notre organisation avons cessé notre collaboration, pensant que cette dernière serait en sécurité.
July ne put s’empêcher de s’esclaffer à cette annonce. Ils s’étaient bien trompés.
- Nous avons lu votre dossier sous toutes les coutures. Que vous soyez innocente ou non du crime dont on vous a accusée ne nous intéresse guère, toutefois nous pensons que vous pourriez nous être utile pour notre enquête.
- Quel rapport avec ma cousine ? soupira-t-elle.
- Nous enquêtons depuis plus de vingt ans sur une… organisation.
La jeune blonde ne put s’empêcher de sourire. Pokéagent était connu pour enquêter sur des organisations sans vraiment réussir à faire quoi que ce soit pour les arrêter. La Team Galaxie, qui opérait une vingtaine d’années auparavant, avait cessé toute activité depuis qu’un gamin de dix ans avait stoppé leur chef. Tout cela faisait passer la police internationale pour une bande de guignols.
- Vous devez en avoir entendu parler. Elle se fait appeler sous le doux nom de « Fondation Galaxie », mais à une certaine époque elle s’appelait la…
- Team Galaxie. Vous êtes en train de me faire croire que ces criminels opèrent toujours et qu’en vingt ans – 20 ans ! – vous n’avez jamais réussi à les arrêter ?
- Leur chef…
- Un gamin de 10 ans a réussi à le battre, leur chef, l’interrompit-elle.
- N’a jamais cessé ses activités, poursuivit Hunter sans tenir compte de l’interruption. Nous pensons que depuis quelques années ils ont pour objectif l’Arène Ultime et le parlement Pokémon. Votre cousine a probablement été tuée, ou enlevée, dans ce but.
- Grand bien leur fasse, répliqua la jeune femme. Je n’ai pas l’intention d’aider la police à enquêter sur une soi-disant organisation toujours en activité, alors que celle-ci m’a jetée en prison alors que j’étais innocente.
D’un geste rageur, elle se leva et s’éloigna de quelques pas de la table. Ils se trouvaient depuis un bon quart d’heure dans une salle de la prison dédiée aux interrogatoires. Elle n’était pas bien grande, mais personne ne pouvait les entendre du fait qu’on l’avait insonorisée.
- Je pensais que vous accepteriez mon offre, reprit l’agent.
- Vous ne semblez pas surpris que je la rejette, commenta-t-elle.
- Non, en effet. Je dirais plutôt… déçu.
- « Déçu » ? répéta-t-elle.
- Je crois en votre innocence Mademoiselle Blood. J’espérais que vous auriez saisi cette opportunité pour retrouver le vrai coupable…
- La vraie, coupa-t-elle.
- La vraie coupable, concéda Hunter, un sourire aux lèvres. Et ainsi vous innocenter.
Il tendit alors un autre dossier sur la table avant de reprendre :
- Si vous acceptez mon offre, vous serez libérée immédiatement et placée sous mon commandement.
Calmée, July se rassit. Elle voulait connaître son offre et se déciderait plus tard.
- On va vous transformer en la parfaite secrétaire de la nouvelle Championne Ultime. Votre objectif sera de vérifier tous ses comptes, tous ses dossiers de l’intérieur et…
- Attendez, vous me prenez pour une magicienne ? Je n’ai fait aucune étude dans ma vie.
- Et de transmettre tous les documents que vous jugeriez suspects à notre agent de liaison.
- Comme quoi par exemple ?
- Par exemple des virements douteux sur le compte en banque de l’arène, des suspicions de fraudes, etc. Nous demandons également que vous teniez à jour un journal des appels et de la correspondance pour savoir qui l’a contactée et pourquoi.
July se sentit mal à l’aise devant ce flot d’exigences. Elle aurait seulement trois mois pour entrer dans la peau d’une secrétaire. Pourquoi investirait-il autant de temps ?
- Vous pourriez demander ça à n’importe qui… soupira-t-elle.
- Pas à n’importe qui. Vous êtes en prison et prétendez être innocente. La fille que vous accusez être coupable du meurtre est dans la nature.
- Elle a un alibi, répliqua-t-elle, désappointé. J’ai revérifié tous les détails du procès et il n’y a aucune preuve tangible contre elle.
- Alors, sortez de prison et faites vos recherches vous-même, l’encouragea-t-il. L’opportunité que l’on vous donne vous permettra peut-être de prouver votre innocence. Qui plus est, d’après l’enquête préliminaire que j’ai menée sur votre dossier, je peux vous affirmer que le ou la coupable est à 100 % liée à mon affaire.
- Qui est la nouvelle championne ? demanda July, sans s’attendre à une grande révélation
- Clara Galano.
La surprise s’afficha sur le visage de July en entendant ce nom. Elle se renfrogna en repensant à toute son histoire liée à ce seul nom. Les joues livides, le cœur plein de palpitations, July releva la tête et, le regard déterminé, elle annonça :
- J’accepte.
Trois mois plus tard
- Demain c’est ton premier jour en tant que secrétaire. C’est incroyable, tu n’es toujours pas prête !
- Lâche-moi un peu tu veux ? répliqua July. T’es constamment sur mon dos depuis un mois, je fais de mon mieux !
- Le mieux n’est pas suffisant. Donne plus !
Dégoûtée, elle jeta les feuilles sur lesquelles elle travaillait depuis le début de la matinée. Elle avait pourtant prévenu Hunter qu’elle n’avait aucune compétence. Ce dernier lui avait assuré que son collègue parviendrait à la former, mais le jour J approchant, ça devenait sans espoir. Décidée à ne pas se laisser abattre, elle alla récupérer ses dossiers. Quand elle revint, son formateur la fusillait d’un regard noir… bien que ses yeux d’un marron tellement foncé n’auraient pas été différent s’il l’avait regardée normalement.
- Comment tu vas faire demain ? l’interrogea-t-elle.
- Je vais jouer la cruche, répondit-elle, espiègle.
- T’es sérieuse ? Si tu es découverte, tu seras…
- Renvoyée en prison je sais. Mais en jouant les cruches écervelées, c’est peut-être le seul moyen que j’ai pour entrer en contact avec cette… fille sans être trop suspecte d’entrer.
Son compagnon d’infortune soupira de dépit. Mais July voyait bien qu’il n’avait guère de meilleures idées à proposer.
- Je poursuivrai ma formation de secrétaire avec toi quand je rentrerai tous les soirs et je t’appellerai si j’ai un problème, ça te va ?
- D’accord, d’accord. Julie, nous…
- July, s’il te plaît, le reprit-elle en prononçant le « y » à l’anglaise.
- Julie, Julie est ton prénom. Tu dois t’y habituer et ne pas te tromper sinon…
- Oui je sais, je retourne en prison.
Le jeune homme aux cheveux bruns et au look de rockeur, ayant à peu près son âge, l’énervait au plus au point. Elle se demandait sans cesse comment elle avait pu être un jour en bonne relation avec lui avant qu’elle ne partît en prison. Alors qu’il était un vrai casse-pied avec elle depuis trois mois. Ce dernier reprit d’un ton un peu plus posé :
- Tu t’habitues à ta nouvelle apparence ?
- Pas vraiment, soupira-t-elle.
D’ordinaire elle qui ressemblait comme une jumelle à sa cousine Emma, on l’avait obligé à se teindre les cheveux en roux et à faire une sorte de maquillage expérimental.
- Mes yeux me brûlent à force de porter des lentilles de contact toute la journée. Le pire c’est mon impression que mon reflet appartient à quelqu’un d’autre. J’ai pas l’habitude d’avoir les yeux bruns et le visage constellé de taches de rousseur, confia-t-elle. Ça me donne une furieuse envie de frotter pour les enlever, comme si c’était des boutons, mais…
Son formateur ne put s’empêcher d’en rire aux éclats, avant de reprendre :
- Dès qu’elle te verrait avec ton ancienne apparence, Clara penserait voir Emma. Avec celle-ci on peut plus facilement la tromper.
- Cela dit j’espère que cette mission se terminera avant la fin de l’hiver, confia Julie. Au moins, ça m’empêcherait de refaire un tour chez le « maquilleur ».
Les deux s’esclaffèrent une nouvelle fois. Détendus, ils purent continuer la formation :
- Bien revoyons les Pokémon de la Championne, proposa le jeune homme.
- Encore ?
- Oui, encore. Tu dois exploiter la moindre ouverture qui te permettrait de créer un lien de confiance avec elle. Tu dois t’intéresser à tout ce qui pourrait l’intéresser. Vêtements, cuisine, mode, études, Pokémon...
- Des trucs de filles quoi.
Il ne fit guère attention à l’interruption avant de poursuivre :
- Si elle te demande ton avis sur un match, tu dois pouvoir y répondre. Si un jour elle te demande de l’aide pour un entraînement, tu devras être capable de l’aider.
- D’accord… soupira-t-elle, exagérément. Même si honnêtement, je l’imagine mal me demander quoi que ce soit en matière de combat. D’après ce que tu m’as dit, ses Pokémon peuvent créer un orage.
Il posa alors les photos sur la table. Mais elle ne connaissait pas ces photos-là. Il lui avait déjà montré à plusieurs reprises les Pokémon de son équipe principale – Draco, Démolosse et Xatu – mais elle n’avait jamais vu ceux-là.
- Qui sont-ils ? lui demanda-t-elle.
- D’anciens Pokémon à elle. Prends le temps de connaître chacune de leurs caractéristiques.
- J’avais déjà remarqué que son Démolosse était bien plus gros que la normale, se souvint-elle. Mais pourquoi dois-je les étudier ?
- Hunter pense que ça peut être utile.
Toujours cette réponse, quand il ne voulait pas en parler… ou qu’il n’avait aucune réponse à donner. Sans laisser paraître sa frustration, elle jeta un œil attentif aux différents clichés. Ils représentaient un Dimoret, un Scorvol, un Azumarill, un Métamorph, un Colhomard, un Ectoplasma et un Tryoxhydre.
- Elle avait une belle collection de Pokémon particulièrement terrifiants, constata-t-elle. Un fantôme, des types Ténèbres…
- Son père voulait qu’elle devienne la nouvelle championne de Voilaroc à une époque, l’informa son compagnon, en haussant les épaules.
- Son père, hein ? chuchota-t-elle.
Toute à l’étude des différents Pokémon, elle ne s’aperçut pas tout de suite que le jeune homme l’observait.
- Tu penses à quelque chose ?
- Hein ? Non, non, désolée.
Il l’étudia un instant avant de sortir deux Poké Balls de sa ceinture et de les lui tendre.
- Je sais que tu as déjà un Roigada, mais je te laisse également ces deux Pokémon… au cas où.
- Pourquoi cette marque de charité ?
- Emma avait… démoli son ancienne secrétaire lors de son arrivée à l’arène, répondit-il avec un clin d’œil.
- Je sais… répliqua-t-elle, amère. Et t’espères qu’avec deux Pokémon en plus j’aurais moins de chance de me faire humilier, c’est ça ?
Amusé, le jeune homme s’éloigna pour qu’elle pût faire connaissance avec ses deux nouveaux compagnons.
Le lendemain
En fermant la porte de l’appartement où elle avait emménagé à Rivamar, elle ne put s’empêcher de pousser un soupir de soulagement. Sans prendre le temps le temps d’enlever son manteau, elle s’effondra sur le canapé. Son formateur, pianotant sur son ordinateur portable, ne put s’empêcher de pouffer en voyant son épuisement.
- Comment ça s’est passé ?
- C’aurait pu être mieux, répondit-elle. Je n’ai pas trouvé la clé de l’arène, j’ai dû sonner.
Le jeune homme grogna de dépit en entendant la nouvelle.
- Je te l’avais pourtant posée bien en évidence sur ta commode à côté des clés de l’appartement, lui rappela-t-il. Comment tu as pu l’oublier ?
- Je ne l’ai pas oubliée, elle avait disparu.
Suspicieux, il se leva et entra dans sa chambre. Il ne se passa que quelques secondes avant qu’il ne l’appelât. Julie ne put s’empêcher de tressaillir en l’entendant crier son prénom. Elle le rejoignit dans la chambre et elle ne put que constater la raison de sa colère.
- Les clés sont là ! Comment t’expliques ça ? s’indignait-il.
- Ce matin, elles n’y étaient pas, répliqua-t-elle.
Elle ne chercha même pas à s’expliquer. Elle retourna à l’entrée, ôta son manteau qu’elle jeta rageusement sur la patère qui s’écroula. Elle n’y prêta aucune attention. Elle se dirigea immédiatement à la cuisine où elle se servit à boire. Un bon verre de bourbon lui ferait oublier cette désastreuse première journée. Du moins, c’est ce qu’elle espérait.
- Un alcool fort ne te privera pas de t’expliquer.
Surprise, elle se tourna vers le jeune homme. Sa colère s’était calmée. Il avait dû se rendre compte qu’hurler ne serait pas une bonne méthode pour discuter de cette journée. Elle s’accouda au comptoir de la cuisine, sirota un instant son verre et lui répondit calmement :
- Une femme lui avait déjà ouvert hier. Elle s’était visiblement faite passer pour sa secrétaire.
- Qui donc ?
La jeune femme releva les yeux de son verre. Son formateur semblait inquiet.
- Une certaine Annie Mourne d’après Clara.
- Annie Mourne ? répéta-t-il.
- Ça te dit quelque chose ?
- Ça sonne comme Sophie Dourme. C’est peut-être une simple coïncidence.
Julie se souvint alors que Sophie Dourme était la secrétaire de sa cousine à l’époque où elle était la Championne.
- Je pourrais me renseigner auprès de Clara. Voir si elle en sait plus ?
- Non, ne t’occupes pas de ça. Je vais m’en occuper. Raconte-moi le reste de cette journée.
Julie résuma alors le déjeuner où elle avait rencontré Élodie, la petite sœur de Clara. Elle détailla également tous les détails administratifs sur la gestion des combats dont elles avaient parlé.
- Ses Pokémon ont l’air bien entraînés. J’ai bien peur que mes Pokémon ne fassent pas le poids en cas de confrontation directe.
- Ça tombe bien, c’est pas ce qu’on te demande, répliqua son colocataire.
Elle acquiesça à sa remarque. Mais ça l’embêtait de se savoir à ce point inférieure à la jeune championne. Un pincement de jalousie lui étreignit un instant la poitrine en songeant aux cinq années qu’elle avait perdues en prison à cause d’elle. Elle aurait tout donné pour être à sa place.
Julie, ressentant la fatigue accumulée de la journée, rejoignit les fauteuils du salon et s’y effondra, sn formateur sur les talons. Elle termina son verre avant de poursuivre la conversation. Elle décrivit rapidement la conversation qu’elle avait surprise.
- Clara aurait passé ses nerfs sur une personne au téléphone ? Qui donc ?
- Aucune idée. Mais elle exigeait qu’une commande lui soit livrée et que tous les papiers avaient été signés.
- Signés… ? Par elle ?
- Non, par le Maître.
- Je vois… autre chose ?
- À part que Clara doit être prise avec des pincettes pour ne pas subir ses Fatal-Foudres ? Non, rien.
- Très bien. Je vais me renseigner.
Il retourna à son ordinateur et pianota sur son clavier. Julie supposa qu’il écrivait un rapport pour Pokéagent. La jeune femme ferma les yeux un instant. Clara Galano lui paraissait être une gamine pourri-gâtée par ses parents. Elle s’emportait dès que quelqu’un, ou quelque chose, la contrariait. Cette mission ne faisait que commencer, mais elle acceptait de prendre tous les coups. Elle devait retrouver sa cousine et l’arène ultime était le meilleur moyen pour y arriver.
Et plus que tout encore : elle voulait rendre la monnaie de sa pièce à la meurtrière.
Après le premier match de Clara
Après avoir ramené tous les journalistes à la porte d’entrée, Julie put enfin souffler un peu. Le tout premier combat d’arène de Clara avait eu lieu quelques heures plus tôt. Sa jeune patronne avait affronté Marc, un Dresseur très sûr de lui… même beaucoup trop. Il avait pris le temps de répondre à quelques questions du journaliste avant de s’éclipser.
Clara, quant à elle, eut la désagréable surprise de voir arriver la police quelques minutes après son match. Elle n’avait eu d’autre choix que de lui laisser tous les rangements et le plaisir de se débarrasser des vautours qui voulaient savoir où elle était passée.
Julie s’écroula sur l’un des sofas de l’entrée dans un profond soupir. Elle avait dû apprendre sur le tas les règles d’arbitrage des matches et dans l’ensemble, pensait-elle, elle s’était bien débrouillée. Draco et sa plaisanterie, qu’elle jugeait de mauvais goût, lui avait fait comprendre qu’elle n’avait pas encore toutes les compétences pour arbitrer des matches. Un bien meilleur juge aurait tout de suite compris que le Dragon avait bluffé, pensait-elle.
La fausse rousse sortit une feuille de papier et un crayon de sa poche et entreprit de dessiner l’objet que Clara avait reçu le matin même. Elle n’était pas une très bonne dessinatrice, mais elle pouvait essayer de recréer la forme de l’objet de mémoire, en essayant de reproduire la taille aussi fidèlement que possible. Sa patronne ne lui avait pas laissé l’occasion de voir l’objet de sa commande, soigneusement enfermé dans une boîte en bois. Elle pourrait le croquis à son formateur plus tard pour qu’il se renseignât.
Un aboiement de dépit l’interrompit dans son travail. En tournant la tête, elle remarqua Démolosse qui grondait. Il s’approcha et posa sa gueule sur ses genoux, les yeux suppliants.
- Tu as faim c’est ça ? soupira Julie, le chien acquiesça d’un mouvement de tête.
Juste avant de partir, Clara lui avait demandé si elle pouvait nourrir ses Pokémon en son absence. Plusieurs heures s’étaient écoulées depuis et ça lui était sorti de la tête.
« Clara pourrait dresser ses Pokémon à se nourrir tous seuls, puisqu’elle est si douée. » grommela-t-elle pour elle-même.
La jeune femme emprunta alors l’ascenseur menant à la chambre de sa patronne, le molosse sur ses talons. Elle se doutait que Xatu était retourné sur son perchoir pour se reposer et voulait le récupérer en allant à la cuisine. Elle n’avait pas vu Évoli de la journée, elle supposait qu’ils étaient ensembles.
Un peu épuisée, elle s’accouda sur le mur et ferma les yeux un instant. La journée n’était pas finie et elle avait déjà du mal à suivre le rythme. Elle espérait que, le temps passant, elle s’y habituerait. Mieux encore : que ce fût la dernière fois qu’elle dût gérer une horde de journalistes.
Lorsque la lourde porte s’ouvrit, Démolosse gronda à nouveau. Julie rouvrit les paupières et voulut le réprimander… avant de se rappeler que ce n’était pas son Pokémon et que ce n’était pas son travail d’éduquer celui d’une autre.
« Clara a entraîné son Pokémon à devenir aussi fort, mais ne lui a pas appris les bonnes manières. » pensa-t-elle amèrement.
Lorsque la porte métallique se rouvrit, il sauta de l’ascenseur la truffe en l’air, vraisemblablement en train de pister une odeur. En s’avançant dans la chambre, Julie ne put que noter un certain bazar, comme si un ouragan avait passé par là. Un peu étonnée, elle trouva Xatu sur son perchoir, la tête sous l’aile. Évoli dormait à poings fermés juste en-dessous, une balle caoutchouteuse devant les pattes.
Elle se souvenait que le Pokémon Évolutif n’avait pas participé au match et le Pokémon Mystique n’avait été présent que quelques instants. La jeune chatte avait probablement poussé son compagnon à lui jeter la balle avec ses pouvoirs psychiques.
« Évoli a dû s’amuser avec Xatu pendant un moment pour qu’ils dorment ainsi. » songea Julie.
Un grognement suivi d’un cri de douleur interrompit ses pensées. Les deux Pokémon assoupis ne se rendirent compte de rien et continuèrent leur sieste. En voyant Démlosse revenir, elle comprit immédiatement pour quoi le chien ténébreux avait agi ainsi : il y avait quelqu’un ici qui n’aurait pas dû être là.
- Qui êtes-vous ? Et que faites-vous ici ? s’indigna-t-elle.
- Je vous retourne la question, répliqua l’intrus.
Le ton du jeune homme était froid et ses yeux brillaient de colère. Sans laisser paraître sa colère, Julie lui répondit :
- Julie Blo… Rouillon, se rattrapa-t-elle de justesse. Je travaille ici en tant que secrétaire.
- Enchanté, Julie Blorouillon, ironisa le jeune homme. Je suis Lucien, un ami de Clara et de Marc.
- Et que faites-vous là, Lucien « l’ami de Clara » ? l’interrogea-t-elle, avec un sarcasme non fin.
- Je voulais lui parler… répondit-il, mystérieusement.
- Et bien, faites. Je lui transmettrai votre message.
- Je voulais lui parler en personne, précisa-t-il.
Démolosse grogna de plus belle. En jetant un œil au Pokémon, Julie pensa qu’elle avait raison de se méfier de lui. Quelle personne attendrait dans la chambre d’une « amie », sans annoncer sa présence à quiconque ? Clara avait été emmenée tout de suite après le match et elle ne lui avait pas mentionné que le jeune homme l’attendrait dans sa chambre. Et l’attitude du chien lui confirmait qu’il n’était pas clair.
- Soit, vous me dites ce que vous voulez à Clara, soit vous partez immédiatement.
Lucien lâcha alors son ton désinvolte pour une supplication que Julie trouva feinte :
- C’est important.
- Très bien, vous reviendrez ce soir. Clara devrait être rentrée à ce moment-là.
- Mais…
- Non, l’interrompit-elle. Vous n’avez rien à faire dans la chambre d’une adolescente. Alors partez avant que je n’appelle la police !
Déçu, les épaules basses, le jeune homme s’en alla par l’ascenseur. Julie eut un doute en le voyant ainsi partir, mais elle savait en son for intérieur qu’elle avait eu raison.
Et les évènements qui se dérouleraient le mois suivant lui donnerait raison de s’être méfiée de lui.
*_*_*_*_*_*_*_*_*
Une pluie artificielle tombait dans l’arène, réduisant la visibilité de ce qui se passait sur le terrain. Julie arbitrait le match du jour, un combat qui touchait à sa fin. L’adversaire de Clara avait déjà perdu son premier Pokémon et son Tartard commençait à fatiguer. Il avait invoqué la pluie pour profiter de son talent Glissade et prendre Draco de vitesse.
- Attaque Poing-Glace, ordonna son Dresseur.
La main du Pokémon Têtard se ferma et s’illumina d’une lueur blanche glacée. Les éclats qui s’en échappaient lui paraissaient jolis à voir, mais Julie se rappela que les combats d’arène n’étaient pas des concours. La beauté n’avait aucun intérêt ; seule l’efficacité importait.
Vif comme l’éclair, il se jeta sur Draco, son adversaire, mais sauta de côté au dernier moment, fit mine de l’attaquer avant de changer de direction. La jeune secrétaire supposa qu’il souhaitait surprendre le Dragon. Ce dernier tournait la tête pour tenter de le suivre du regard. Julie se demanda un instant s’il n’était pas plus lent que son adversaire avant de se rappeler qu’un mois plus tôt il avait esquivé avec une grande aisance l’attaque Colère d’un Dracolosse.
- Charge de Foudre, ordonna Clara.
Les trois perles du serpent cyan s’illuminèrent d’un jaune citron. Alors que le Tartard se jetait sur lui, son corps entier s’entourait d’électricité.
« Cette attaque… c’est celle qu’il a utilisée lorsque le Galopa nous avait interrompus ! » s’aperçut la secrétaire, impressionnée.
Le bouclier d’énergie rejeta des éclairs dans toutes les directions, la pluie conduisit l’attaque sur le catcheur aquatique qui se fit foudroyer en un instant. L’un d’eux fonça à toute vitesse sur la fausse rousse. Dans une tentative de se protéger, elle leva ses bras et ferma les yeux. Mais aucune douleur ne vint, surprise, elle souleva les paupières et s’aperçut que l’attaque s’était stoppée net très près de son visage.
Draco mit fin à son attaque, alors que son adversaire tombait au sol, vaincu aisément. Julie observa son propriétaire un instant. Il avait la tête baissée, visiblement déçu de sa défaite. En tournant la sienne pour annoncer la victoire de sa patronne, la jeune arbitre s’aperçut que Clara avait le visage dur, pas du tout celui que devrait avoir une gagnante. Au contraire c'était celui de quelqu’un de fâché et mécontent de la prestation de son Pokémon.
…
Après avoir raccompagné le malheureux vaincu à la porte d’entrée de l’arène, Julie s’apprêtait à retourner à son bureau pour continuer son travail quotidien, lorsqu’elle s’aperçut que Clara les avait suivis.
Elle se trouvait au milieu de la pièce, la main droite portée à sa tempe, visiblement en profonde réflexion. Elle tenait dans l’autre une Poké Ball qu’elle fit mine à plusieurs reprises de jeter en l’air avant de se raviser à chaque fois. Quelque chose la contrariait, mais la jeune secrétaire ne voyait pas de quoi il pouvait s’agir.
Après s’être remise à son bureau, Julie ne put s’empêcher de continuer à observer le comportement étrange de la Championne. Celle-ci s’était assise dans un des fauteuils de l’entrée et semblait marmonner à sa main droite. Pourtant, Clara, droitière, si elle discutait avec quelqu’un au téléphone devrait parler à son poignet gauche via sa Pokémontre, non ? Mais le bras correspondant trainait le long de son corps, visiblement détendu.
Intriguée par ce qu’elle fabriquait, Julie se leva de sa chaise et la rejoignit discrètement. En s’avançant, elle s’aperçut que Clara ne discutait pas avec quelqu’un, elle récitait des suites de mots sans aucun sens, comme : « haut », « stationnaire », « ciblage », « piquée »…
Concentrée pour tenter de donner un sens à ses propos incohérents, Julie se cogna contre l’un des fauteuils. Sa patronne sursauta en l’entendant et mit précipitamment sa main droite dans la poche de son pantalon. La fausse rousse eut tout juste le temps de voir un objet noir et brillant.
« On aurait dit… une Pokémontre ? Qu’est-ce qu’elle fabrique avec ça ? »
- Qu’est-ce que tu veux ? cracha Clara, furieuse qu’elle l’interrompît.
- J’étais inquiète, répondit Julie, du tac au tac.
- Inquiète ? répéta sa patronne, surprise.
Elle n’avait pas eu le temps de préparer une histoire valable pour s’expliquer, elle s’expliqua en repensant au match :
- Tu semblais énervée après la fin du match. Je pensais que tu serais heureuse d’avoir gagné ce combat.
- Ah, ça… soupira-t-elle.
Elle resta silencieuse. Julie ne tenta pas de la pousser à parler, de peur de subir ses foudres une nouvelle fois.
- C’est Draco, reprit-elle, calmement.
- Il est malade ? supposa-t-elle.
Peut-être était-ce pour ça qu’elle était déçue de sa prestation aujourd’hui, elle attendait peut-être qu’il se donnât à fond quelle que soit son état de santé ?
- Non non, rien de tel.
Clara s’interrompit à nouveau. Julie prit conscience qu’elle ne devait pas être habituée à confier ses problèmes aux gens.
- Alors ? la relança-t-elle, l’attente devenant intenable. Quel est le problème ?
Sa patronne expira de l’air un instant avant de reprendre :
- Es-tu au courant pour les attaques des Dresseurs ? lui demanda-t-elle, poliment.
Question rhétorique de sa part, c’était dans tous les journaux. Mais Julie acquiesça tout de même.
- Tu entraînes Draco pour y mettre un terme ? devina-t-elle.
- En effet. Je connais les capacités de l’un des agresseurs… pour en avoir été témoin.
- Tu l’as déjà affronté ?
- Pas exactement.
Elle garda le silence un instant avant de sortir une Poké Ball qu’elle tint fermement dans sa main, tout en l’observant pensivement. Sans avoir la possibilité de la reconnaître par rapport à une autre – elles étaient toutes identiques – Julie se douta qu’il s’agissait de celle de Draco.
- Quand j’ai rencontré Draco il y a cinq ans, il ne savait pratiquement rien faire. Oh bien sûr il pouvait déjà utiliser quelques attaques élémentaires, mais il avait vraisemblablement passé toute son enfance à s’entraîner à utiliser une unique attaque.
- Redoutable j’imagine.
- En effet, à tel point qu’elle met sa santé en danger. J’ai été obligé de lui interdire de s’en servir.
- Il a dû mal le prendre, devina la jeune secrétaire.
Elle avait un peu de mal à se représenter le jeune Dragon comme un Pokémon qui ne savait rien faire. Clara avait dû passer des années à l’entraîner pour qu’il atteignît son niveau actuel. Voir tous ses efforts réduits à néant par la seule volonté d’une jeune fille capricieuse avait dû l’énerver.
- Il l’a mal pris au début, mais c’est à ce moment-là que j’ai fait la rencontre d’un homme qui… euh…
Julie se rendit alors compte qu’en plus de bégayer, sa patronne était devenue rouge comme une pivoine. Qu’est-ce qui s’est passé entre ces deux-là ? Et qui était-il ? Un maître secret ? Un amant ?
« Raconte pas n’importe quoi July ! Elle avait 11 ans à l’époque. » se reprit-elle intérieurement.
- Il a pris en charge notre entraînement à tous les trois, reprit-elle.
Elle insista un peu trop à son goût sur le chiffre « trois ». Clara ne semblait pas vouloir continuer, alors elle s’en chargea :
- Et c’est lui qui a montré à Draco comment devenir aussi fort avec ses attaques élémentaires. Mais je ne comprends pas quel est le problème : Draco est déjà bien plus fort que tous les Pokémon que tes adversaires amènent pour t’affronter, il l’a encore prouvé aujourd’hui.
Elle tenta de la couper, mais Julie poursuivit :
- Il peut déclencher un violent Blizzard, esquiver très facilement des attaques, se protéger avec un bouclier d’électricité, le CK…
- Qui t’a parlé du CK ? l’interrompit-elle, furieuse.
La boulette… c’était son formateur qui lui en avait parlé, mais elle ignorait complètement comment il avait obtenu l’information. Par des recherches ? Par des interviews ? Parce qu’il le lui aurait demandé directement ?
- Oh euh… j’avais demandé à Élodie une fois qu’elle était la plus puissante attaque de tes Pokémon, elle m’avait parlé de ça.
C’était tout à fait possible après tout que sa sœur eût déjà vu cette attaque.
- Elle peut pas s’empêcher de tout déballer, grommela Clara. ‘fin c’est pas très important, elle n’en connaît que le nom après tout. Entends-moi bien, Julie, le CK n’est qu’une étape pour une attaque encore plus puissante, plus impressionnante que tout ce que tu as jamais vu dans ta vie.
N’exagérait-elle pas un peu ? Non, en étudiant son expression, Julie s’aperçut qu’elle ne bluffait pas.
- Comment s’appelle-t-elle ? lui demanda-t-elle, un peu curieuse.
Son visage perdit toutes ses couleurs en un instant. Elle bredouilla :
- Je n’sais pas. J’ai pas encore décidé.
Hébétée, Julie ne put s’empêcher de rire. Une telle emphase dans ses explications pour une attaque sans nom…
- Moque-toi, tiens. C’est pas vraiment ma préoccupation première. Draco ne contrôle toujours pas sa Charge de Foudre.
La fausse rousse reprit son sérieux avant de répondre :
- J’imagine que tous ses éclairs qui ont volé dans toutes les directions n’étaient pas volontaires. L’un d’eux a failli me toucher d’ailleurs.
Elle le disait sur le ton du reproche, mais elle ne lui en tenait pas rigueur.
- Désolée pour ça, mais heureusement que j’ai un bon gardien.
Un bon gardien ? Quelqu’un l’aurait protégée ?
- Bon… il faut que je trouve une solution à mon problème, je te remercie de m’avoir fait la conversation, ça m’a permis de me détendre un peu.
- Avec plaisir et…
Julie hésita un instant avant de formuler sa suggestion.
- Oui ? l’encouragea son interlocutrice, visiblement de bonne humeur.
- Si tu veux, je peux me charger de trouver un nom pour ta nouvelle attaque.
- Si ça peut te faire plaisir, répondit-elle amusée.
Une marque de confiance ? Elle n’appréciait guère sa patronne, mais pour se rapprocher de son but, c’était bon à prendre.
- Est-ce que tu peux me décrire le résultat que tu aimerais ? suggéra Julie.
- Mieux que ça, j’peux te la montrer. J’avais pris une photo il y a quelques années quand on m’en avait fait la démonstration.
- Très bien.
Clara tapota un instant sur sa Pokémontre pour rechercher ses images. Depuis combien d’années l’avait-elle ? Elle paraissait neuve, peut-être en prenait-elle grand soin ? Ou alors elle l’avait changée récemment et elle transférait toutes ses données à chaque changement ?
- Voilà. J’te l’ai envoyée par courriel.
- J’ai hâte de voir ça, s’enjoua-t-elle faussement.
L’aider dans son entraînement ne l'intéressait guère. Mais elle lui avait proposé son aide alors autant aller jusqu’au bout.
- Excuse-moi, mais je vais te laisser… je vais profiter du reste de l’après-midi pour accélérer l’entraînement de mes Pokémon.
- Ça marche.
Julie regarda sa patronne partir avant de rejoindre lentement son bureau pour regarder « l’incroyable attaque qu’elle n’avait jamais vue auparavant ». Une fois à son bureau, elle ouvrit ses emails et jeta un œil rapide à la photo qu’elle lui avait envoyée.
- Mouais, effectivement, ça fera un joli spectacle son et lumière, ironisa Julie.
Elle devait toutefois admettre que l’attaque électrique était bel et bien impressionnante. La photographie avait été prise en plan large et visiblement d’assez loin pour que tout fût dans le cadre. Julie se demanda un instant, comment Clara avait l’intention d’entraîner Draco à projeter une puissance pareille.
- Attends, une minute, c’est quoi ça ?
Il y avait quelque chose d'étrange dans l'éclair. Quelque chose qui n'avait rien à faire là.
Sur le retour
Profitant de l’absence de Clara, partie entraîner ses Pokémon – probablement pour compenser le départ de sa sœur – Julie avait décidé de rentrer plus tôt chez elle, histoire d'étudier sa découverte de plus près. Son formateur ayant quelques compétences en informatique, il saurait l’aider… et en plus c’était un fanatique de combats Pokémon. Jamais il ne manquerait une occasion pareille d’admirer la toute-puissance d’une championne invincible.
Elle se promenait avec une bouteille de Max Repousse à la main. La Grotte Retour était un endroit dangereux avec des Pokémon très puissants. Elle pouvait se défendre avec les Pokémon qu’elle avait sur elle, mais il valait mieux éviter les ennuis… en plus elle était pressée.
La lampe-torche de sa Pokémontre lui permettait d’avancer rapidement dans le dédale. À force de le parcourir, elle connaissait le chemin par cœur. Le Repousse plus la violence de l’éclairage lui assuraient d’avancer tranquillement sans être dérangée par les Pokémon Sauvages.
En repensant à cette journée, Julie songea à quel point sa patronne lui cachait des choses. Un homme mystérieux lui avait montré une attaque inconnue qu’elle souhaitait voir reproduite par son Pokémon, peut-être au péril de sa vie, qui sait ? Et qu’importait que son Pokémon fût très puissant déjà aujourd’hui, être invincible, intouchable, invaincue semblait l’emporter sur toutes autres considérations, comme la santé de ses Pokémon.
Perdue dans ses pensées, Julie avançait sans se rendre compte de rien. Mais de plus en plus, elle se rendit compte qu’elle entendait des bruits… des bruits qui ressemblaient à des cris. Des cris… furieux… énervés. Comme si deux personnes étaient en train de se disputer violemment.
Qu’elle ne fût pas sa surprise quand la lumière de sa Pokémontre éclaira le spectacle insolite de deux Métamorph en train de se battre au milieu de la caverne. Leurs petits corps gélatineux étaient emmêlés l’un en l’autre comme deux chewing-gums qu’on n’arrivait pas à séparer.
Julie ne put s’empêcher d’éclater de rire en les voyant. Bien qu’il n’y eût rien de drôle à ce phénomène commun. Il était de notoriété que le Pokémon Morphing détestait rencontrer ses congénères. D’après les études effectuées par de nombreux chercheurs, en mettre deux à la pension se terminaient dans neuf cas sur dix sur une bagarre, Malgré des décennies passées à étudier ces étranges créatures, personne n’avait jamais découvert comment elles se reproduisaient.
Les deux pâtes-à-modeler vivantes roulaient jusqu’à ses pieds dans des cris de fureurs incompréhensibles pour l’oreille humaine. C’est à ce moment-là que Julie se rendit compte que, si elle avait réussi à identifier deux Métamorph aussi facilement et non un seul qui se serait empêtré tout seul dans son propre corps, c’est parce que l’un des deux était de couleur bleue.
- Quelle chance ! lança Julie, toute contente.
Un chromatique ! Le rêve de toute une vie pour les Dresseurs qui n’en ont jamais vu ! Une chance sur des milliers d’en trouver un dans la nature. Certains passaient leur vie à faire reproduire des Pokémon dans l’espoir parfois vain d’en faire un œuf, quitte à faire venir d’une toute autre région du monde. Julie trouvait cela barbare, les Pokémon n’étaient pas de la chair à pondre pour le plaisir des collectionneurs !
Profitant qu’ils soient tous deux occupés, Julie sortit une Poké Ball vide. Dès qu’elle trouva l’opportunité, elle la lâcha sur le chewing-gum cyan. Il entra très facilement dans la Poké Ball dans un cri de surprise. Le second se calma aussitôt, leva des yeux apeurés vers elle avant de se carapater dans les profondeurs de la Grotte Retour.
Julie ne dédaigna pas le poursuivre, elle avait trouvé un Chromatique, pourquoi s’embêterait-elle à en capturer un deuxième ? La boule rouge et blanche gigotait, s’agitait en tous sens, la créature à l’intérieur tentait de s’en échapper à tout prix.
« J’aurais peut-être dû l’affaiblir avant de lancer la Poké Ball… Mais l’occasion était trop belle pour la manquer. »
La balle bougea encore une fois… Julie s’attendait à ce que cela fût terminé, mais la boule s’agita une deuxième fois. Elle se souvint alors qu’il devait y avoir trois coups avant qu’une lumière rouge et un bruit caractéristique n’indiquassent que le Pokémon était définitivement capturé. Un troisième coup arriva, c’était presque…
Le temps semblait arrêté, Julie avait le souffle coupé dans l’expectation de sa réussite, de sa victoire sur la vie malchanceuse qui l’avait amenée dans cette situation. Obligée à changer de nom et d’apparence pour qu’on ne la reconnût pas. Renier son ancienne identité, rechercher l’impossible pour prouver son innocence. Cette simple capture sonnerait comme une revanche sur son destin malheureux. La Poké Ball s’arrêta de bouger, alors qu’un sourire s’élargissait sur le visage de l’ex-détenue, le clic caractéristique s’entendit. Elle pencha sa main et…
Une explosion de lumière jaillit de la Poké Ball, projetant la secrétaire sur les fesses. La boule magenta et blanche semblait avoir sauté de l’intérieur, comme sous l’effet d’une bombe au plastique. Il ne restait plus que des milliers de débris.
Aveuglée quelques instants, Julie ne put voir le Métamorph Chromatique qui s’en était échappé. La main devant les yeux pour se protéger de la lumière, elle se releva. Lorsque la luminosité s’estompa, ne laissant plus que celle de sa Pokémontre, Julie se rendit compte de l’erreur qu’elle venait de commettre.
Le Pokémon qu’elle avait tenté de capturer était dans une fureur noire. Sa peau bleue virait sur le violet, une haine pure se dégageait des yeux du chewing-gum. Julie recula, apeurée, et tenta de dégainer la Poké Ball de son Roigada pour se défendre. Elle n’en eut guère le temps, le Métamorph s’était jeté sur elle pour lui donner un violent coup dans le ventre qui lui coupa le souffle.
Les yeux écarquillés par l’incompréhension de ce qu’il venait de se passer, Julie s’effondra sur le côté. Sa vision s’enveloppa de ténèbres alors qu’elle perdait conscience.
À SUIVRE