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L'Archange de MissDibule



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» Auteur : MissDibule - Voir le profil
» Créé le 29/12/2020 à 00:44
» Dernière mise à jour le 03/04/2021 à 13:23

» Mots-clés :   Aventure   Famille   Mythologie   Sinnoh   Suspense

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Chapitre 5 – Cœurs noircis
12 février 2019, ville de Joliberges, région de Sinnoh
Assise à son bureau très tard le soir, une jeune femme se prend la tête dans les mains, désespérée.

Il a suffi d’une seule et unique découverte pour faire voler en éclats toutes ses convictions, toutes ses connaissances, toute sa confiance en elle. Il est bien sûr toujours difficile pour l’humain d’admettre qu’il ne sait pas tout. Il se rassure alors en accumulant le plus de savoir possible sur les sujets qui l’intriguent ou l’intéressent, ce qui lui donne une illusion de connaissance. Malheureusement, il devient par la suite encore plus difficile pour lui d’admettre que ce qu’il sait – ou croit savoir – ne représente en réalité qu’une infime partie du connaissable. Une telle réalité rend fou l’être humain, car elle met au grand jour son insignifiance et sa vulnérabilité.

C’est cette même réalité à laquelle s’est heurtée de plein fouet la pauvre Leyenda au moment de lire le journal tout juste exhumé. Ou plutôt, de sa copie, l’original reposant déjà en sûreté dans les locaux de l’IRHM. De ces vétustes pages se sont glissés les germes de l’ignorance, de l’incompréhension et de la frustration, pour venir ensuite sournoisement s’insinuer dans son cerveau, où ils n’ont pas tardé à fleurir. Finalement, le fruit de cette énergie négative a mûri au sein de la jeune femme, et a nourri ses doutes et ses angoisses déjà fort oppressantes. Toutes ces années passées à étudier les mythes de Sinnoh, l’histoire de Sinnoh, les monuments de Sinnoh… Tout ça pour se rendre compte que, depuis tout ce temps, elle n’avait fait que gratter la surface plutôt que de fouiller en profondeur ? Tout ça… pour rien ?

Non.

« Non. »

Après des nuits et des jours interminables passés à lire et à relire inlassablement la même photocopie de parchemin d’un air découragé, Leyenda, en cette nuit fatidique, prend enfin conscience de ce qui compte vraiment. L’archéologue se redresse subitement sur sa chaise au bois fatigué, secouée par une vérité soudaine.

« Non. Tout ça n’a pas servi à rien. Durant toute ma vie, je n’ai fait qu’apprendre le savoir qui me serait nécessaire pour comprendre ce que recèle ce journal. Toutes les connaissances que j’ai accumulées et tous les choix que j’ai faits jusqu’ici m’ont en fait guidée vers la découverte de ce journal. C’est pour ça que je ne peux pas reculer devant la difficulté. Tout le monde compte sur moi. Je ne peux pas abandonner alors que j’ai un tel trésor dans les mains ! Secoue-toi, Leyenda ! Oui, tu n’as fait que gratter la surface de l’histoire de Sinnoh. Et alors ? Tu as exploré les ruines visibles, maintenant il te faut creuser dans les galeries. C’est bien plus excitant ! »

Cette révélation est un véritable exorcisme pour Leyenda : tout à coup, l’énergie négative se voit consumée par le feu sacré qui n’a jamais vraiment cessé de brûler en elle – cet être au corps frêle, mais à l’esprit bouillonnant. L’ignorance laisse place à la curiosité. L’incompréhension, à l’étonnement. Et la frustration… à la soif de découverte. Malgré la gravité de la situation, l’archéologue ne peut s’empêcher de ressentir une pointe d’excitation lui parcourir l’échine. Enfin, enfin elle retrouve cette passion dévorante qu’elle n’a plus ressentie depuis des années : celle de la découverte imminente d’une vérité enfouie.

Elle se lève d’un coup sec et allume toutes les lumières du bureau malgré l’heure tardive. Portée par une détermination nouvelle, la jeune femme commence à noircir les pages de son carnet de notes sans s’arrêter, et ce pendant tout le reste de la nuit. Elle reprend ses notes, les affine, les étoffe : plus rien ne semble pouvoir l’arrêter. Elle consigne scrupuleusement le déluge d’informations inédites que lui a apporté ce journal intime – daté de 1819.

« Encore cette même date. Ça doit vouloir dire quelque chose. Ça ne peut pas juste être une coïncidence. Ce journal renferme la clé du mystère, j’en suis sûre. C’est pour ça que je ne dois rien oublier. » songe-t-elle avec détermination tandis qu’elle note frénétiquement tout ce qui lui passe par la tête. « M. Komoss attend de moi un rapport détaillé. Après tout, ce journal est une découverte inestimable. Je dois lui prouver qu’il a eu raison de me faire confiance ! »

*
15 février 2019, ville de Féli-Cité, région de Sinnoh
Au dernier étage de l’Institut Régional d’Histoire et de Mythologie de Sinnoh, une jeune femme à la chevelure rousse ressort du bureau du directeur la tête basse et les sourcils froncés. « Il ne lâche rien, celui-là ! » peste-t-elle en son for intérieur. Cette journaliste novice se nomme Callie Misty, et ne reculerait devant rien pour récolter une information intéressante. Malheureusement pour elle, M. Komoss ne se laisse pas amadouer si facilement, surtout quand l’information en question est aussi cruciale.

Cette interview, obtenue à la sueur de son front, au prix de nombreux efforts, ne lui a pourtant rien donné d’intéressant à se mettre sous la dent, d’autant plus que Komoss l’a quasiment chassée de son bureau : « Veuillez m’excuser, Mlle Misty, mais j’ai un autre rendez-vous très important après celui-ci, je vais donc devoir vous libérer. »

La mort dans l’âme, Callie se dirige vers l’ascenseur afin de quitter le bâtiment, vaincue. Au moment où elle s’apprête à appuyer sur le bouton, cependant, les portes d’ascenseur s’ouvrent devant elle pour révéler une jeune femme de son âge, extrêmement maigre. Elle semble tétanisée, et serre de toutes ses forces sa besace contre son cœur.

« Excusez-moi… » dit-elle d’une voix mal assurée, afin que Callie la laisse passer. La journaliste s’écarte alors aussitôt en lui adressant un sourire et se retourne pour la suivre du regard. Elle se dirige vers le bureau de M. Komoss. Elle la voit frapper timidement à la porte du bureau du directeur. « C’est donc elle, le fameux rendez-vous si important… Intéressant… Je crois que je vais rester un peu plus longtemps finalement. » songe Callie, les yeux brillants de curiosité.

*
Un silence de mort règne dans le bureau du directeur de l’IRHM, situé au dernier étage. Sans piper mot, de part et d’autre du bureau, Leyenda et son supérieur contemplent fixement un document posé sur le meuble. Une des nombreuses photocopies du journal d’une dénommée Malicia.

Malicia Yasakani.

L’aïeule d’Ange Yasakani, doyenne du village de Bonaugure, selon toute probabilité. Un journal daté de l’année 1819. La même année au cours de laquelle Bonaugure a prétendument été fondée, et ce par des membres de cette même famille. Cependant, Ange possède la preuve tangible que cette date a été falsifiée. En effet, la lettre qu’elle a remise à Leyenda a été rapidement certifiée comme authentique, ce qui prouve que Bonaugure existait déjà en 1803. De plus, selon les dires de Malicia elle-même, la jeune fille est née à Bonaugure, ce qui constitue une preuve supplémentaire : Bonaugure est un village bien plus ancien que n’a bien voulu le faire croire la famille Yasakani.

Mais la véritable question est : pourquoi avoir voulu falsifier la date de création du village ? Y a-t-il un lien entre Bonaugure et la chute de l’Empire de Sinnoh, advenue précisément la même année ? Quel est donc le véritable lien entre Bonaugure, la famille Yasakani, et le passé religieux de Sinnoh ? Leyenda n’a pas encore toutes les réponses, mais elle compte bien les trouver.

Son supérieur, lui, affiche un air grave. Après une énième seconde de silence, il se décide enfin à briser la glace :

— Qui aurait cru que le journal d’une adolescente bouleverserait à ce point tout ce que nous croyions savoir de l’histoire de Sinnoh…

— À qui le dites-vous… Je suis tombée des nues en lisant ces lignes. Un culte entièrement dédié aux dieux de la création a autrefois existé, sans que je n’en sache rien. Je n’arrive pas à croire que j’ignorais tout de ce pan de l’histoire mythologique de Sinnoh. Moi ! C’est risible… s’exclame Leyenda, dépitée.

— Ne soyez pas trop dure avec vous-même, Mlle Myst-Eerie, la réconforte M. Komoss. Si même vous ignoriez tout de ces pratiques, alors il est évident que personne n’en savait rien. Cette découverte en est une pour tout le monde, même les plus érudits d’entre nous. Nous tombons tous des nues.

— Si vous le dites… répond Leyenda d’une voix blanche, peu convaincue.

— Ne dites pas de sottises. Vous devez bien savoir pourquoi je vous ai choisie vous, plutôt qu’une autre personne, pour mener à bien les recherches du lac Vérité, et ce malgré votre inexpérience.

Oui, Leyenda croit bien savoir pourquoi. Mais elle continue à se demander si le directeur n’a pas, malgré tout, fait une monumentale erreur. Car elle ne sent pas du tout à la hauteur de la tâche. Elle ne s’est jamais sentie à la hauteur de la tâche. Elle sent qu’elle risque de fondre en larmes à tout moment.

« Vous savez, je n’exagérais pas l’autre jour, lorsque je vous ai convoquée dans mon bureau dans le but de vous confier ce projet. Ces dernières années, l’intérêt de la population pour les mythes et l’histoire de Sinnoh est descendu en flèche. La cause, vous la connaissez : ce sont les événements d’il y a dix ans, bien sûr. Après ce drame, les habitants de Sinnoh n’ont plus jamais voulu entendre parler des mythes de leur région. C’est devenu un sujet tabou.

La création de l’IRHM avait pour but d’enrayer cette paralysie. Je pensais qu’en réunissant des experts en la matière, je pourrai réussir à maintenir en vie l’histoire de Sinnoh, pour qu’elle ne sombre pas dans l’oubli. Le problème résidait dans le fait que ce tabou, qui encore aujourd’hui maintient les habitants dans la peur, n’a pas épargné le milieu scolaire. Faute de demandes, les départements d’histoire et de mythologie des universités de la région fermaient les uns après les autres, malgré l’aide financière que j’essayais de leur apporter. »

Leyenda hoche la tête, sans rien ajouter. C’est précisément la raison pour laquelle elle a elle-même eu tant de mal à trouver un établissement qui veuille bien l’accepter pour suivre des cours d’archéologie.

« Réunir mon équipe d’experts s’est alors révélé plus compliqué que prévu. Les historiens de longue date m’ont volontiers rejoint, mais ils n’étaient plus du tout dans l’ère du temps. Aucun d’entre eux n’avait révisé ses travaux suite aux événements – pourtant majeurs – advenus il y a dix ans. Ils étaient comme le reste du peuple : enfermés dans un profond déni de réalité. Une telle attitude était opposée à l’essence même de ce que devait devenir l’IRHM : un institut créé pour répondre à une situation d’urgence. Mais peu importait. J’avais besoin de toute l’aide possible.

Je n’ai cependant pas renoncé à mon idée de créer un cercle d’experts en mythologie, tous spécialisés dans un domaine particulier de l’histoire de Sinnoh. Avec eux, j’étais persuadé que je pourrai percer les mystères de notre région. Aujourd’hui, cette ambition est d’une importance encore plus capitale : elle ne consiste plus simplement à élucider des mystères pour le plaisir d’élucider des mystères. Elle consiste à fouiller le passé pour préserver l’avenir.

Il m’a donc fallu de la patience pour trouver les plus brillants étudiants d’histoire au sein de cette époque si particulière. Car, si les étudiants en histoire se faisaient rares, les étudiants brillants dans ce domaine se faisaient encore plus rares. Et vous, Leyenda, vous faites partie de cette sélection. Vous êtes ma toute dernière recrue, celle qui manquait à mon cercle d’initiés : une spécialiste du trio de la Création : Créhelf, Créfollet, et Créfadet.

C’est pour cette raison que je vous ai acceptée au sein de l’IRHM, et que je vous ai ensuite confié le site de fouilles du lac Vérité. Je vous ai donné cette chance sans hésiter, car je savais que si l’on découvrait quoi que ce soit aux abords de ce lac, vous seriez la plus à même de comprendre le sens de cette découverte. Aujourd’hui, cette conviction n’a pas changé. Je suis toujours convaincu que vous pouvez y arriver, Leyenda. »

— Merci, Monsieur, répond finalement Leyenda après un moment de flottement, le cœur au bord des larmes, les yeux rivés sur son jean noir. Mais plus je réfléchis à cette situation… Plus je redoute que nous fassions fausse route. Et si les événements survenus récemment n’étaient rien de plus qu’une coïncidence ? Ou alors, s’ils sont effectivement liés, pourquoi leur cause ne serait-elle pas différente de celle que nous envisageons ? Pourquoi forcément envisager le pire des scénarios ? demande-t-elle d’une voix désespérée.

Désemparée, la jeune femme se prend la tête dans les mains. Elle sent alors ses propres larmes lui humidifier les mains. Des larmes qu’elle chasse bien vite du revers de la main, mais qui reviennent aussitôt, toujours plus nombreuses.

« Je comprends ce que vous ressentez, Leyenda. Il ne se passe pas un jour sans que je ressente ce même abattement qui vous accable en ce moment. Cependant… Votre réaction prouve également qu’au fond de vous-même, vous connaissez déjà la réponse à ces questions. C’est précisément parce que nous savons au fond de nous-mêmes que le désespoir nous guette que nous nous mettons à douter. Car douter nous permet d’envisager la possibilité que nous ayons tort, et que le mal n’est peut-être pas si grand, finalement.

Mais il ne faut pas céder à cette tentation, car elle risque de nous détourner de notre objectif. Et si finalement, par un heureux hasard, il s’avère que le danger n’était pas si grand que nous l’avions prévu, alors nous serions plus que préparés à l’affronter. C’est pour cette raison que nous devons envisager le pire. D’autant plus que, malheureusement, dans le cas présent, le doute n’est désormais plus permis. »

Leyenda relève la tête, intriguée. Les larmes ont laissé place à l’étonnement dans ses yeux rougis. Elle ravale sa salive et demande, penaude :

— Vraiment ? Qu’est-ce qui vous fait dire ça ?

C’est la première fois depuis le début de cette crise que son patron est aussi catégorique. « Nos soupçons se sont révélés être justes ? Non… C’est une catastrophe… ». Tandis qu’elle se lamente intérieurement, M. Komoss se lève d’un coup, l’air grave, et commence à faire les cent pas dans son bureau.

— Je vous l’accorde : les petits événements que nous avions remarqués çà et là n’étaient effectivement pas suffisants pour tirer des conclusions définitives, finit-il par déclarer après avoir fait quelques pas. Mais un récent événement, beaucoup plus retentissant, a su écarter le moindre doute. Une sorte d’élément décisif, si vous voulez. Il s’agit, sans surprise, de l’abandon de Leo Ferox face à votre sœur, Cynthia, lors de la finale de la Ligue Pokémon. En effet, les derniers éléments de l’enquête viennent de me parvenir, et ils sont malheureusement édifiants. Notons que, même sans connaître l’individu, cet abandon pouvait paraître étrange : alors que l’issue du duel était loin d’être déterminée, le jeune homme a déclaré forfait.

« Oui, Thia m’a raconté qu’elle avait été stupéfaite par son changement brutal d’attitude. Son regard, empli d’une détermination qu’elle a pourtant rarement observée chez ses adversaires, s’est éteint d’un coup, et c’est à ce moment-là qu’il a abandonné. Elle n’en revenait pas. C’est la première fois qu’un truc pareil lui arrive en dix ans de carrière de Maître !» se remémore la sœur cadette de Cynthia.

— Mais pour qui connaît personnellement le jeune challenger, cet abandon n’est pas simplement étrange : il est tout bonnement inexplicable, poursuit Komoss. En effet, Leo Ferox est un jeune homme qui n’a jamais reculé face à la difficulté. D’après nos recherches, il s’agissait de l’un des dresseurs Pokémon les plus puissants de la région, d’une puissance équivalente à celle de la dresseuse qui a autrefois battu votre sœur Cynthia.

« Ah oui, il parle d’Aurore. C’est vrai qu’elle était coriace, celle-là. Mais pas assez pour vaincre Thia deux fois de suite. Je me souviens que Thia n’a pas tardé à lui reprendre le titre de Maître, et elle a réussi à le conserver jusqu’ici ! » se rappelle Leyenda avec fierté, un léger sourire au coin des lèvres.

— Leo possède une très forte personnalité. Ses proches nous l’ont décrit comme une véritable « tête brûlée », que rien n’arrête : ni l’échec, ni la difficulté. Quand nous leur avons demandé quelle était la qualité la plus remarquable de Leo, tous ont été unanimes : c’est un jeune homme doté – et je cite – d’une « volonté inébranlable ».

À ces mots, un profond frisson parcourt Leyenda de la tête aux pieds. Elle pâlit soudainement, comme si la vie venait de quitter son corps. « C’est impossible… » se morfond l’archéologue, qui se refuse à croire ce qu’elle vient d’entendre.

— Leo lui-même se décrit également ainsi, ajoute son supérieur. Lorsqu’il a été interrogé sur son abandon, sa réaction a été on ne peut plus révélatrice. Tenez, je vais vous faire lire sa déposition, lui propose-t-il.

Tétanisée, Leyenda hoche la tête. Son regard perdu dans le vide capte à peine les mouvements de son patron qui farfouille dans ses documents. Le blanc de la feuille de déposition envahissant soudain son champ de vision la fait revenir à elle. Elle s’empare de la déposition d’un bras tremblant, et s’empresse d’en lire le contenu. Le haut du document précise le nom, l’âge et la profession de l’interrogé. Le sceau de l’IRHM est apposé dans le coin supérieur droit, à côté de la date à laquelle la déposition a été effectuée. Au centre se trouve le titre : « Déposition de Leo Ferox concernant son abandon face au Maître de la Ligue Pokémon, Cynthia Myst-Eerie ».

Voici ce que stipule le document :

« Je… Je ne sais pas quoi vous dire. Encore aujourd’hui, je ne comprends toujours pas ce qu’il s’est passé. J’avais la victoire à portée de main. J’étais certain que je pouvais l’emporter. Je n’avais jamais été aussi sûr de gagner de toute ma vie. J’étais prêt à tout donner pour devenir Maître ! J’avais mis tout mon courage dans ce combat. Et puis, tout à coup… Toute cette énergie a disparu. J’ai ressenti comme un grand vide au fond de moi. Je n’avais plus la moindre envie de me battre, et mon Pokémon non plus. Notre volonté légendaire s’est comme volatilisée en un instant.

Je suis tombé à genoux. Je tremblais de tous mes membres. J’ai relevé la tête vers le Maître. Elle ne m’a jamais parue aussi impressionnante qu’à ce moment-là. Et c’est à cet instant que je me suis dit que je ne pourrai jamais la battre. Pour la première fois de ma vie, une tâche m’a semblé insurmontable, et j’ai reculé face à la difficulté. C’était l’expérience la plus horrible de toute ma vie. Lâchement abandonner, sans même livrer le dernier combat qui m’aurait sacré Maître !

Cette défaite me hantera jusqu’à la fin de mes jours. J’hésite même à poursuivre ma carrière de dresseur suite à cet échec. À quoi bon continuer à me battre, si je ne parviens même plus à affronter le danger sans chanceler ? J’ai l’impression que ma chance est passée, et que tout ce que j’entreprendrai à l’avenir est voué à l’échec. Alors, autant ne plus rien faire du tout. Je crois… Je crois que quelque chose… s’est brisé en moi.

Maintenant, si vous voulez bien m’excuser, j’aimerais être seul. Je ne veux plus jamais parler de cette défaite. Elle a ruiné tout ce que je suis. »

À mesure que ses yeux parcourent les mots dactylographiés sur le papier, le regard de Leyenda s’assombrit. Oui, M. Komoss a raison. Il n’y a plus de doute possible.

— Alors, c’est bien réel… Nous avions raison… se désole la jeune archéologue d’une voix éteinte.

Son supérieur plante son regard dans le sien et lui répond d’une voix éminemment grave :

— Hélas, oui, Leyenda, nous avions raison. Nous avions raison, pour le pire. Désormais, c’est une réalité : la volonté se meurt. Elle est en train de disparaître du cœur des hommes. Ce qui signifie…

— Ce qui signifie que le dieu Créfadet est également en train de mourir, complète Leyenda, mortifiée.