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Calendrier de l'Avent 2020 de Comité de lecture



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Informations

» Auteur : Comité de lecture - Voir le profil
» Créé le 20/12/2020 à 18:52
» Dernière mise à jour le 20/12/2020 à 18:52

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Jour 20 : Soeurs Etranges, par Murphy L
Hoenn, quelque part, 24 décembre.

Le grincement du vent dans les poutres de fer ; le balancement des câbles au-dessus de la mer ; l'odeur d'embrun et de métal qui flottait dans l'air et ce bruit, ce bruit de vagues venant lécher les piliers de fer en grinçant étaient proprement exaltant.

Si la perspective d'une chasse au trésor en pleine mer n'avait rien de réjouissant, et encore moins en plein hiver, alors que le givre décorait les dalles et que la neige fondait sur les caisses en flaque glacées qui se déversaient dans l'océan salé, il fallait bien admettre que c'était presque magique.

Après des heures passées à errer de salle en salle, à se perdre dans les couloirs étroits et à recevoir des gouttes glacées dans la nuque, l'aboutissement de tant de recherches avait quelque chose de miraculeux. Et encore plus en une soirée aussi magique que celle de Noël, quand les rayons lunaires venaient danser sur le fer rouillé et faire scintiller la mangrove gelée et que les lumières des Lanturn brillaient sous l'océan comme des guirlandes.

Quelques pas retentirent sur le fer bosselé, secouant les dalles et faisait rebondir leurs échos sur les murs. Un rire secoua l'air, léger, accompagné par le raclement de semelles trainantes.

-Calme-toi, Gina, commanda une voix basse et sèche comme un grondement d'orage.

La petite n'écouta pas et continua de pirouetter dans le couloir en une tornade de rubans et de nœuds, ses pieds chaussés de ballerines touchant à peine le sol. Ses grands yeux brillaient dans la pénombre et elle tressautait d'impatience.

-Dépêche-toi !

-Le trésor ne va pas s'enfuir…

-Mais il est presque minuit ?

-Et alors…?

-On avait promis de l'offrir en cadeau à Maman !

-D'aller le déposer sur sa tombe, tu veux dire… ?

-Dépêche-toi, Gally, euh ! On va manquer Noël !

La grande soupira, ses yeux sombres roulant dans leurs orbites. Elle tendit une main décharnée vers sa sœur et l'attrapa par le col.

-Toi, tu bouges pas. J'ai pas envie que tu te blesses, et surtout pas ce soir.

-Maieuh ! Maman…

-Maman ne sauras rien, si nous ne lui offrons pas de cadeau, assura Gally. Maman ne sauras plus rien.

-Mais on lui avait promis !

-Tu avais promis à une pierre, Gina… une pierre avec un steak en dessous, c'est pas ce que j'appelle une promesse…

-Et des fleurs !

-Et des fleurs…

La grande soupira et ramena ses longues mèches sombres devant son regard terne. La main toujours autour du col de sa sœur, elle se laissa entrainer vers la Salle qui aurait normalement du contenir le trésor.

Quand elles étaient petites, leur mère leur parlait souvent de Lavandia Sea. Elle parlait de leur père et de son travail, des choses formidables qu'il aurait à raconter quand il reviendrait. Elle leur parlait de la mélodie du vent dans le grillage, de la berceuse des vagues léchant le fer, des carillons mystiques qui agitaient les flots, et du trésor. Du trésor qui, disait-elle, dormait entre deux armoires et une clé de voute. Elle leur parlait d'une gemme scintillante à l'éclat pur et irisé qui rendait heureux qui posait son regard dessus, décrivait ses courbes lisses et sa pureté, le scintillement des reflets sur son orient et les lances de lumière qu'elle dispensait.

Et puis, le projet avait été abandonné et Papa était revenu. Il avait ramené des souvenirs : de très belles choses. Des éclats de nacre, des algues sèches dans des cahiers, des perles biscornues qui brillaient sous le givre d'hiver et des écailles. Il avait aussi ramené un beau collier à leur mère, très ancien, qu'il disait avoir trouvé en plongeant aux alentours de la plateforme. Il avait la forme d'un petit Balbuto de fer aux yeux fait de petites billes noire, tout rouillé et tout bleu. Un jour, alors qu'elle faisait la cuisine, leur mère s'était piqué le bout du doigt sur la pointe. Une jolie perle rouge avait coulé par terre et s'était répandue dans son verre d'eau comme une fleur mouvante. Elle avait sorti un mouchoir, et essuyé la blessure avant de reprendre la cuisine.

Quelques jours plus tard, elle était morte.

-Allez, Gally, quoi ! Ouvre ! c'est toi qui a la clé ! Demanda Gina en farfouillant dans la besace de sa sœur, qui la repoussa d'une petite gifle sur le front avant d'extirper un long objet métallique tubulaire de sa poche avant.

Elle l'inséra dans le trou prévu à cet effet, tourna, et le panneau de fer gondolé pivota avec un petit claquement satisfaisant. Gina s'engouffra dans la pièce en chantonnant comme une Leuphorie, ses notes se perdant entre les embruns et s'envolant par la fenêtre. Gally referma la porte derrière elles. Elle contempla la pièce. A part une grande armoire fracassée au milieu, rien de bien anormal. Les sempiternels casiers défoncés, les habituelles couchettes et leurs magazines douteux. La pièce était penchée vers la gauche par l'enfoncement de la plateforme dans la mangrove et plusieurs carrés d'océan se voyaient à travers le sol éclaté.

-Gina, fait attention au verre. Et aux trous.

Gally dut réprimer une furieuse envie de tirer sa sœur en arrière quand elle se pencha par la fenêtre, ses petites mains enserrant les bris de verre du défunt carreau.

-Viens voir, Gally !

La grande ne se fit pas prier. Elle enjamba l'armoire, prenant garde à ne pas se blesser, et colla ses épaules osseuses à celle de la petite.

-C'est joli, hein ?

La Mystimaniac ne répondit pas, le regard embué perdu sur l'océan. Les colonies de pokémon qui nageaient sous l'eau faisaient briller l'onde du reflet de leurs écailles nacrées, quelques balles de lumière dérivant ici et là dans un formidable ballet qui éclairait l'eau, la rendait transparente et pure. Les algues sombres qui tendaient leurs tentacules fourmillaient de vie, d'agitation, les courants semblaient fait de fils de cristal tandis que les rayons de la lune venaient caresser les roches marines et disperser leurs diamants sur les vagues. Par-dessus, une fine couche de givre, précieuse et éphémère, qui se voyait broyer par les courants et éclatée par le vent en plaque de plus en plus fines jusque à ce qu'il n'en reste rien. Une neige douce tombait mollement sur le tout, ses flocons venant pirouetter au nez des Sœurs Étranges avant de doucement se dissoudre dans la mer en un rien de temps. C'étaient leurs lumières de Noël.

Gally en avait les larmes aux yeux. Elle serra sa sœur contre elle et les deux jeunes femme restèrent longtemps face à cet océan qui s'était confiée à elle le soir de leur peine, qui leur ouvrait ses mystères et sa beauté le temps d'un instant qui se dissipa dès les larmes passées.

-On va le trouver, ce trésor, Gina. Et on va l'offrir à Maman.

Elle serra sa petite main dans la sienne, osseuse et tordue avant de se tourner vers la pièce. Oh que oui, leur mère aurait son cadeau. Leur père ne savait rien de leur escapade, et c'était aussi ce gout d'interdit qui rendait l'excursion si mystique. Seules sur la plateforme, les deux femme s'assirent chacune d'un coté de l'armoire.

-Et maintenant ?

Gally se saisit d'un bout de verre et imprima une profonde entaille dans le bois avant de le lancer par terre pour le regarder se pulvériser sur le sol tordu.

-Maintenant, on cherche le trésor, avant qu'il ne soit Noël.

C'est ce qu'elles firent. Gina ouvrit chaque placard, souleva chaque magazine, secoua chaque drap envahi par des larves de pokémon, tandis que Gally tentait de relever l'armoire. Elle avait amassé les bris de verre en un petit tas scintillant et s'écorchait les ongles à relever le meuble, qui raclait lourdement le sol creux. Finalement, ce fut avec un levier et un coup de pied qu'elle parvint à l'adosser plutôt bancalement à un mur tout aussi instable. Gina se rapprocha :

-Le trésor est forcément dedans…
Gally tendit sa main, évitant soigneusement les morceaux de vitre, et saisit la doublure bleue de la vitrine. Rien. Elle tâtonna encore dans le meuble, son autre main sur la tête de Gina, jusque à ce que :

-J'ai !

Les yeux de la petite se remplirent d'étoiles et elle poussa un petit cri de triomphe. Ce que Gally tenait avait tout l'air d'être la gemme décrite par leur mère : c'était assez gros, lisse, et quelque chose pulsait doucement à l'intérieur de manière chaude et rassurante. Elle l'extirpa du meuble…

-C'est quoi, ce…

Au lieu de la gemme, la Mystimaniac avait trouvé une drôle de pierre, avec d'épaisses lignes noires et une forme en trapèze plutôt étrange, qui lui semblait soudain très lourde. Elle la laissa tomber par terre sans pouvoir la retenir. Quelque chose s'en échappa alors, quelque chose de terriblement beau, comme une aurore boréale. Il tournoya dans l'air.

***

-Ha là là, j'espère que je vais le choper, cette fois, ça commence à me casser les…

Marchant d'un pas assuré dans les couloirs penchés, Brice consulta sa montre. Bon, il avait encore une heure avant le matin, ça devrait aller. Il avait promis à cette adorable abrutie de lui capturer Spiritomb -soi-disant qu'elle était malade, mais oui, bien sûr – et il était un homme d'honneur. "T'as quatorze ans, abruti, t'es pas un homme" le réprimanda elle en esprit.

Quoi qu'il en soit, le dresseur soupesa la Master Ball. Il allait le choper, ce caillou. Ca ferait un joli cadeau de Noël pour la chialeuse. Il donna un grand coup de semelle dans la porte – pas le temps de trouver la clé – et entra.

Les embruns agressifs, les lumières des Lanturn, le picotement du fer et le vent marin le frappèrent de plein fouet. Il n'avait jamais aimé la mer – un comble pour un Hoennide – aussi était-il pressé d'en finir. Quand les relents de poisson mort et d'algues se furent dissipés, il recula.

Une fille était assise au fond de la salle.

Dos au mur, ses longes cheveux lui masquaient le visage et plongeant ses yeux fous dans un triangle d'ombre. Elle avait de longs doigts blancs, fins et osseux, qui peignaient doucement la chevelure dorée de la petite fille dont la tête reposait sur ses genoux, son visage de porcelaine pâle figé et ses paupières closes comme une marionnette aux fils coupés. Brice recula d'un pas, sentant la porte se claquer dans son dos. La fille releva la tête.

-Elle est à moi... Je ne l'abandonnerai à personne... Personne...