Calendrier de l'Avent 2020 de Comité de lecture

— Un peu plus haut, mon croco ! J’atteins pas le sommet !

Leatherhead leva ses puissantes pattes couvertes d’écailles pour porter Michelangelo à bout de bras au-dessus de sa tête. Le ninja tenait entre ses doigts une étoile dorée couverte de paillettes avec laquelle il était sur le point de couronner un gigantesque sapin. Donnie avait passé les dernières semaines à l’alimenter avec un engrais de sa composition afin de le rendre aussi immense.

Pour la plaisanterie, des armes avaient été suspendues à la plupart de ses branches, notamment des shurikens qui renvoyaient sur les murs défraîchis des égouts des éclats de lumière pareils à des dizaines de lucioles. Michelangelo sauta à terre et se réceptionna souplement en poussant son cri de guerre :

— Booyakasha ! Ça rend drôlement bien, non ?
— C’est... original, admit Casey en cessant de projeter des palets de hockey contre le mannequin en tissu qui faisait office de punching ball. De toute façon, il faut bien que nos armes servent à quelque chose. Qu’est-ce qu’on s’ennuie ! Même les criminels ont l’air d’avoir pris des vacances.
— Faut dire qu’on leur a mené la vie dure depuis que Shredder et les Kraangs ont été vaincus, commenta Raphaël. On avait plus qu’eux sur qui s’acharner. Et les pauvres, je pourrais presque les plaindre. Face à nous, ils avaient aucune chance. Je comprends qu’ils en aient eu marre de se faire botter les fesses. Aaaah, pouvoir casser du méchant... Je crois que ce serait mon plus beau cadeau de Noël.
— Et si tu m’aidais plutôt à finir d’emballer ceux-là ? suggéra Donatello, qui disparaissait presque entièrement au milieu d’une montagne de papier.

Le ninja au bandeau rouge soupira. Ils étaient tombés bien bas, depuis que les menaces s’étaient raréfiées dans les rues de New York. Non sans grommeler qu’il était un guerrier, et pas un lutin, il consentit à donner un coup de main à son frère.

— Mikey ! cria April depuis la cuisine, où elle était partie préparer l’apéritif. Je ne comprends rien au menu que tu as épinglé sur le frigo. La pizza, c’est en amuse-gueule, en entrée, en plat de résistance ou en dessert ?
— Pourquoi ? s’affola la tortue. Tu penses qu’il n’y en a pas assez pour tout ?

L’adolescente, qui s’était entre-temps postée dans l’encadrement de la porte, secoua la tête en levant les yeux au ciel. Quelle question idiote elle avait posée !

Elle allait tourner les talons pour préparer la première fournée de la trentaine de pizzas surgelées dont Minette Glacée avait la garde quand l’accès au dojo coulissa, révélant Léonardo et Karai. Ils avaient la mine grave et triste, en adéquation avec les préparatifs auxquels ils venaient de procéder.

Pendant que Mikey se chargeait de décorer la salle principale avec l’aide de Leatherhead, eux-mêmes avaient disposé des bougies dans le dojo et les anciens quartiers de Splinter, pour honorer la mémoire de leur défunt maître. Ils étaient convenus de tous s’y réunir à minuit, afin de lui rendre hommage et de souhaiter un joyeux Noël à son esprit qu’ils espéraient en paix.

— Personne n’a allumé la télévision ? s’étonna Léo. Je vous rappelle qu’il y a une rediffusion de l’intégrale des Héros de l’espace à partir de vingt heures !
— Personne n’a surtout envie de se farcir ta série débile, riposta Raph.
— Tu plaisantes ? C’est la meilleure série de toute l’histoire de... de... De toute l’histoire !
— Ton frère n’a pas tort, objecta Karai en faisant courir un doigt le long de sa nuque. Maintenant que tu es un héros toi-même, pourquoi est-ce que tu irais perdre du temps avec de vulgaires personnages ?
— Pourquoi que je quoi ? Je... Je... Eh, eh...

Léonardo, incapable d’articuler et même de respirer à cause de l’index de la kunoichi qui continuait à chatouiller son cou, passa du vert au rouge. Raphaël et Donatello ne purent s’empêcher de lui adresser un regard moqueur.

— De toute façon, ce soir, c’est Crognard le Barbare, trancha Mikey. Je vous ai sauvé la mise en dimension X, alors je mérite de choisir le programme !
— Et combien de fois on t’a sauvé la mise depuis que tu es né ? rappela Raph.
— Le passé, c’est le passé. Moi, je vous parle d’évènements récents.
— La défaite des Kraangs, ça remonte à un an. Tu allais te faire capturer par les Dragons Pourpres il y a six mois si je ne t’avais pas libérée à temps.
— Et je t’ai défendu face au Pulvériseur ! renchérit Donnie.
— Il s’était échappé de ton labo. Encore.
— Euh... Oui, mais c’est pas la question ! Tu...
— Quelqu’un veut de la pizza ?

April mit immédiatement un terme aux querelles en apparaissant avec trois boîtes empilées, desquelles s’échappaient un délicieux fumet. Mikey se précipita sur sa préférée, celle à base de dragée, et en engloutit trois parts avant que les autres aient eu l’occasion d’esquisser un geste pour se servir.

— Tu as l’intention de nous en laisser, ou il faut qu’on aille commander des gyoza chez monsieur Murakami ? interrogea Casey, les bras croisés, un sourcil arqué par la perplexité.
— Hmm, gyoza, gémit Mikey, des étoiles dans les yeux et un filet de bave à la commissure des lèvres.

April réussit à soustraire une pizza à son appétit d’ogre et s’empressa de la tendre à Donnie pour qu’il la mette hors de portée de son cadet. Il s’apprêtait à s’en saisir quand l’adolescente vacilla. Son visage perdit ses couleurs, et ses jambes se dérobèrent sous elle. La boîte tomba à terre pendant que Donatello parvenait de justesse à éviter le même sort à son amie.

— Eh, April, ça ne va pas ?

Celle-ci secoua la tête en signe de dénégation. Une pulsation à l’intérieur de son crâne, qu’elle devait à ses pouvoirs, l’avertissait d’un danger immédiat. Prise d’une intuition, elle conseilla à ses amis d’allumer la télévision sur une chaîne d’information. Karai, qui était la plus proche de la télécommande, s’exécuta. Carlos Chang O’Brien Gambé apparut aussitôt à l’écran.

— L’objet volant non identifié repéré par nos satellites atteindra la terre d’ici quelques minutes. Tout ce que les experts s’accordent à dire pour l’instant, c’est qu’il s’agit d’une forme de vie extraterrestre...
— Encore les Kraangs ? s’exclama Casey.
— ... qui ne ressemble en rien à celle qui a envahie New York il y a quelques mois de cela.

Le groupe se massa autour de la télévision, dans l’attente de plus d’informations. Une photo de la mystérieuse créature fut dévoilée. Elle était un peu floue, mais ils distinguèrent une sorte d’humanoïde orange et turquoise, doté de longues jambes effilées et de bras qui ressemblaient à deux cordelettes entrelacées.

Une seconde image suivit la première. C’était vraisemblablement le même alien, à ceci près que sa forme était différente. Son corps paraissait s’être partiellement recouvert d’une armure métallique, ses membres supérieurs ne se composaient plus que d’un seul segment et son crâne était pourvu de trois excroissances, contre deux sur le précédent cliché.

Dans les deux cas, l’extraterrestre avait l’air particulièrement hostile.

— Raph ? souffla Léo. Je crois que ton cadeau de Noël vient de tomber du ciel.