Jour 12 : Départ imminent, par Dagyne
« Quoi ?! Vous non plus vous ne l'avez plus en stock ? »
Le vendeur balança sa tête de gauche à droite, un air dépité sur le visage. Miyabe prit une profonde inspiration et se laissa tomber sur le sol, dos au comptoir. Il prit son visage dans ses mains, complètement abattu. Oda se posa à côté de lui, triste pour son dresseur.
« J'ai fait toutes les boutiques de tous les étages de tous les magasins, alors d'accord c'est Noël, mais tu te rends compte Oda ? Y a une foutue rupture de stock où que j'aille !
-Hm Monsieur...
-Qu'est-ce que je vais devenir si je la trouve pas avant son départ ? (Miyabe prit Oda sous ses bras et le posa sur ses genoux) Si Haruno quitte la ville avant que... que...
-Monsieur s'il-vous-plaît, réitéra le vendeur en se raclant la gorge.
-Quoi ? Vous voyez pas que j'ai un breakdown ?
-Si, c'est... difficile à rater, mais d'autres clients attendent leur tour. »
Miyabe leva enfin les yeux vers la personne qui se tenait debout face à lui. Elle avait les mains sur les hanches, son visage ridé et déformé par une certaine colère, même si sa dégaine ne permettait pas de la prendre vraiment au sérieux. Affublée d'un chapeau ridicule – quoique mignon – à l'effigie d'une certaine mascotte électrique et son pull couvert de tortues contrastaient un peu avec son âge avancé. En d'autres termes, Miyabe aurait été moins surpris de voir une jeune fille dans la même tranche que lui vêtue de la sorte qu'une personne qui aurait pu être son arrière-grand-mère. Oda sortit ses poings, prêt à défendre son dresseur, mais celui-ci le calma d'une petite tape sur la tête.
« Toutes mes excuses, j'ai... je me suis perdu dans mes pensées. Je vais partir et vous laisser faire vos courses. Je suis désolé pour le dérangement occasionné » lança-t-il accompagné d'une petite courbette, histoire de se rattraper un minimum après la scène risible qu'il venait de faire. La vieille dame voulu le réprimander mais il n'écoutait déjà plus.
Miyabe fit alors les étages en sens inverse d'un pas lent tout en évitant les familles dans leur quête de cadeaux et quitta le Centre commercial de Céladopole. Il fit quelques pas dans la neige, éclairer par les nombreuses décorations qui brillaient ça et là. Il resta planté devant le bâtiment un moment et finit par aller s'asseoir sur un banc, complètement abattu. Son postérieur se retrouva vite mouillé à cause de la neige qui fondait à vue d'œil. Oda sauta sur ses genoux et l'observa, silencieux. Il émit un petit bruit joyeux quand Miyabe vint lui ébouriffer les poils.
« Oda à ton avis, devrais-je abandonner ? Je n'ai pas eu le temps d'aller chercher cette chaîne avant avec toutes les collectes et autres missions qu'on m'a données, mais j'aimerai... j'aimerai qu'il parte avec pour Johto et qu'il pense à moi chaque fois qu'il la voit, qu'elle lui porte chance, qu'il... »
Miyabe lâcha un profond soupir. Il ramena ensuite quelques longues mèches noires derrière son oreille et leva les yeux vers le ciel. On ne voyait presque pas les étoiles avec toutes les lumières de la ville. Un nuage passa devant la Lune.
« Je peux toujours tenter du côté des quartiers mal famés. Ça ne m'étonnerait pas que j'arrive à trouver une contrefaçon par là-bas... (il secoua la tête) Non ! Haruno mérite mieux qu'une contrefaçon, c'est pas avec ça que je vais le conq... le... lui montrer que je tiens à lui. »
Miyabe se laissa glisser par terre, désemparé. Il n'avait plus nulle part où chercher cette chaîne maintenant. Si même le grand centre commercial ne l'avait plus en stock, où diable allait-il pouvoir en trouver une ? Sa tristesse se transforma vite en frustration puis colère. Son Pokémon le sentit et se laissa aller à ses émotions aussi. Il beugla et se jeta sur le premier lampadaire à sa portée qu'il fracassa d'un coup de poing. Miyabe sursauta et se rua sur lui pour tenter de l'apaiser.
« Oda non ! Prend cette profiterole ça ira mieux, mais ne casse pas plus les décorations de la ville c'est moi qui paye après. »
L'intéressé grommela et finit par s'emparer de la friandise après un moment d'hésitation. Il mordilla dedans et porta son attention vers son dresseur qui venait de se relever. Miyabe s'étira, souffla et invita Oda à venir s'installer sur ses épaules. Il jeta un coup d'œil sur sa montre. D'après les informations qu'il possédait, le taxi pour Safrania de Haruno partait dans un peu moins d'une heure. Un nouveau soupir s'échappa de sa gorge. Il avait à peine le temps d'arriver au lieu du rendez-vous pour lui dire au revoir, mais venir les mains vides ne lui donnait pas vraiment envie.
Des cris résonnèrent alors jusqu'à ses oreilles. Miyabe tourna la tête et aperçu ce qui semblait être un jeune couple en pleine dispute. La jeune femme s'énervait et criait alors que son compagnon tentait de calmer le jeu du mieux qu'il pouvait. Il s'apprêta à poser une main sur le bras de la jeune femme mais celle-ci le gifla avant, accompagnant son geste d'un ''ne me touche pas !''. Le sang de Miyabe ne fit alors qu'un tour. L'homme venait de sortir un petit couteau de sa poche. Des insultes fusèrent entre eux deux. Miyabe savait pertinemment que s'il intervenait il risquait d'arriver en retard, pourtant, son sens de la justice prit le dessus sur ses sentiments. Il ne pouvait pas se résoudre à laisser une femme en danger sans rien faire. Oda et lui se ressemblaient peut-être sur ce point-là, quoique Oda lui n'avait pas besoin de bonne raison pour se battre.
« Hey, laisse-la tranquille ! »
Certes, le monde avait connu mieux comme approche, mais ce fut la seule chose qu'il lui vint en tête à ce moment-là. L'inconnu pivota alors vers lui, toujours son couteau bien en évidence et prêt à s'en servir.
« Qui t'es toi ? On t'a pas sonné, va jouer les héros ailleurs ! »
Miyabe eut un rictus. C'était quelque chose qu'il entendait souvent ça, beaucoup l'avait comparé à un héros. Oda quitta son perchoir et dégaina ses poings, prêt à en découdre lui aussi.
« Et toi, t'as pas honte de pointer une arme sur une jeune femme sans défense ?
-Et qu'est-ce que ça peut t'faire, hm ? Tu veux y passer en premier c'est ça ?
-Parce que tu penses vraiment avoir une chance face à moi ? Désolé de briser tes rêves, mais je plus doué que toi au combat. »
L'inconnu perdit son sang-froid pour de bon. Il se propulsa en avant pour faire un coup d'estoc mais Miyabe eu juste à faire un petit mouvement sur le côté pour éviter son attaque. Il lui asséna dans la foulée un coup de coude entre les omoplates, faisant tituber son assaillant ; un coup dans les genoux le mit à terre. Miyabe ne s'attendait à rien pour ce combat mais voilà qu'il était quand même déçu. Il se tourna vers la jeune femme et s'approcha.
« Vous allez bien ? »
Son regard alternait entre l'agresseur et son sauveur. Elle enfouit une main dans sa poche et en sortit une petite boîte.
« Tenez, c'est pour vous remercier de m'avoir sauvée. »
Miyabe s'apprêtait à refuser mais changea rapidement d'avis en voyant le contenu de ladite boîte : la chaîne qu'il avait cherchée partout. Son cœur rata un battement.
« Je comptais la lui donner mais j'ai appris qu'il me trompait et... la suite vous la connaissez. »
Il écoutait à peine. Les moyens d'obtention étaient certes peu orthodoxes mais au moins il avait finalement réussi à s'en procurer une. Miyabe bégaya un vague ''merci beaucoup'', fit une courbette et vérifia l'heure sur sa montre. Son sang ne fit qu'un tour. Il n'avait presque plus le temps d'arriver à l'heure, s'il ne se dépêchait pas il allait rater son départ. Nouvelle courbette puis il partit en courant. Il frôla la mort à plusieurs reprises, empruntant des ruelles sombres et étroites, coupant la route à des voitures et bousculant plus d'un passant. Des voyous de bas étage l'interpellèrent mais il courrait tellement vite qu'ils n'eurent même pas le temps de commencer à l'insulter. Miyabe avait mal aux jambes et le souffle court mais il continuait d'aller de l'avant, son envie de le voir une dernière fois plus forte que tout. Il trébucha dans la neige à une dizaine de mètres seulement du taxi. Il leva les yeux vers le véhicule et reconnu la silhouette de Haruno. Celui-ci ouvrait la porte, a priori prêt à quitter la ville. Miyabe se releva avec difficulté et fit quelques pas vers lui.
« Attends ! » s'écria-t-il, et Haruno se tourna dans sa direction. Miyabe était exténué mais parvint tout de même à s'approcher.
« Miyabe ! Bah alors mon vieux, qu'est-ce qu'il t'arrive ? » et l'intéressé leva son index devant son visage comme pour lui demander de lui laisser une minute de plus avant de répondre.
« Haruno je... j'ai fait toutes les boutiques de cette ville pour te trouver un cadeau et... et bref les détails. C'est... c'est pour toi. »
Sur ces mots, il tendit la petite boîte à Haruno. Il la prit, l'ouvrit délicatement et ricana. Il posa ensuite une main sur l'épaule de Miyabe, un peu gêné.
« Merci beaucoup Miyabe, je-
-Comme ça tu penseras à moi et ça te portera chance. Joyeux Noël Haruno. »
Ils s'échangèrent un sourire et Haruno finit par prendre Miyabe dans ses bras pour le serrer fort contre lui. Ce dernier sentit ses joues et son dos chauffer alors que les battements de son cœur – qui allait enfin se calmer un peu – reprirent de plus belle, si bien qu'il put les sentir jusque dans ses oreilles. Il lui rendit son étreinte, aux anges. Haruno se décolla enfin et n'attendit pas plus longtemps pour attacher la chaîne autour de son cou.
« Alors ?
-Je trouve que... que ça te va bien, répondit Miyabe, toujours un peu ailleurs.
-Eh, t'as toujours été doué pour ce genre de choses Miyabe. »
Haruno pivota alors vers le taxi. Il était temps pour lui d'y aller, son compagnon de voyage commençait à s'impatienter sur la banquette arrière, et une petite goupix s'amusait à lui piétiner les genoux.
« Junji. »
Il tressaillit et tourna la tête vers Miyabe, surprit d'être appelé par son prénom comme ça.
« Euh tu... fais attention à toi et... et revient en un morceau.
-Promis. Toi aussi fais attention à toi Keita. »
Il s'engouffra ensuite à l'intérieur du véhicule après un dernier sourire à Miyabe, Miyabe qui les regarda partir, un peu triste par cette séparation mais heureux d'avoir réussi la mission qu'il s'était confié. Il devina aisément que ses joues avaient rougies quand son ami l’avait appelé par son prénom et fit une petite caresse à Oda avant de prendre la direction opposée, sa silhouette se mêlant vite à la foule.