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Calendrier de l'Avent 2020 de Comité de lecture



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Informations

» Auteur : Comité de lecture - Voir le profil
» Créé le 10/12/2020 à 13:21
» Dernière mise à jour le 10/12/2020 à 13:21

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Jour 10 : Larmes de vie, par MissDibule
Un élégant manteau de neige se posait délicatement sur la noble ville aux teintes violettes. Çà et là, de vifs ornements rouges et dorés scintillaient aux coins des rues. La ville flamboyait tel un vaste champ de lavandes recouvert d’un chaleureux coucher de soleil. Lavanville s’était parée de ses plus beaux atours et avait revêtu ses plus belles couleurs pour accueillir dignement la saison des fêtes. La majesté sombre de la ville spectrale avait fait place, pour un éphémère instant, à une chatoyante lumière.

Le pavé mauve poudré de blanc était foulé aux pieds par de nombreux passants dont l’excitation ne cessait jamais de brûler. Le visage radieux et les bras chargés de présents, la plupart d’entre eux étaient pressés de rentrer chez eux afin de retrouver la douce chaleur de leur foyer. Le soleil s’évanouissait déjà, et il ne restait que très peu de temps avant que la nuit noire n’engloutisse à nouveau la vacillante flammèche festive de cette faible bougie.

Étrangère à toute cette agitation, une silhouette venait de surgir des ténèbres au nord de la ville. Arrivée à l’orée de la ville, elle marqua une pause. Le visage caché par un capuchon livide d’où dépassaient de longues boucles rousses, la nouvelle venue se tenait tête basse. Les flocons de neige se perdaient dans le blanc immaculé de son épais manteau tandis qu’elle demeurait immobile, à la frontière de la ville. Lorsqu’elle éleva le regard vers Lavanville, ses yeux verts s’emplirent presque immédiatement de larmes, qui roulèrent le long de ses joues recouvertes de taches de rousseur.

Elle porta ses mains gantées à ses lèvres, comme pour essayer de contenir l’émotion. Un frisson de joie lui parcourut l’échine. « Je suis enfin de retour… Après toutes ces années… C’est un miracle ! » exulta-t-elle en pensée. Transportée de bonheur, la jeune femme tomba à genoux dans la neige. Elle ressentit à peine le contact glacial de la neige contre ses collants noirs. Pendant quelques secondes, elle déversa un torrent de larmes sur le sol enneigé. Chacune de ses larmes scintillantes se brisa sur la neige en une multitude de minuscules fragments.

Alors qu’elle pleurait, sa sacoche de laine glissa de son épaule. Le bruit pourtant feutré de la chute de son sac sur le lit de neige suffit cependant à la ramener à la réalité. Elle cessa brusquement de pleurer, et elle contempla à nouveau l’horizon : un magnifique crépuscule baignait la ville violette de sa chaleur orangée. Un doux sourire illumina alors son visage encapuchonné. « Qu’est-ce que la ville est belle… Comme elle m’a manqué… » songea-t-elle avec tendresse.

Les larmes lui montèrent de nouveau aux yeux. Elle avisa sa sacoche tombée dans la neige et s’en saisit. « Mais pas autant que lui… » murmura-t-elle en étouffant un sanglot, les yeux rivés sur son sac. Elle contempla intensément l’objet durant un interminable instant. De prime abord, il s’agissait pourtant d’une sacoche tout à fait banale : tissée en laine de Wattouat, elle était pourvue d’une bordure cotonneuse tout autour du rabat.

Mais pour elle, elle n’était pas ordinaire. Car c’était lui qui la lui avait offerte. Et, juste au-dessus de la moelleuse bordure de coton… Il avait fait broder son surnom d’enfant : Lilie. La jeune fille passa doucement ses doigts gantés sur les jolies lettres cousues, défraîchies par le temps, le sourire aux lèvres. « Papa… » chuchota-t-elle en pressant la sacoche contre son cœur. « J’arrive, Papa… Désolée d’avoir autant tardé à revenir… J’espère que tu pourras me pardonner. »

À cette pensée, Lilie se rendit enfin compte du temps qu’elle venait de passer à pleurer à l’orée de Lavanville. « Ça fait si longtemps que je ne suis plus revenue… Et plutôt que de me précipiter dans la ville pour aller voir Papa, je m’écroule devant pour sangloter. C’est tout moi, ça… » se moqua-t-elle gentiment d’elle-même. « Allez, assez perdu de temps. Ça fait déjà bien trop longtemps que Papa m’attend. » se dit-elle tout en se relevant. Elle chassa la poudreuse de ses vêtements, remit son précieux sac sur son épaule et continua finalement sa route.

Entendre ses bottes noires crisser sur la neige qui recouvrait les pavés mauves de sa ville natale était le son le plus merveilleux que Lilie n’avait jamais entendu. Les mots pouvaient difficilement décrire le sentiment de félicité que la jeune femme ressentait à cet instant. Lavanville lui semblait plus belle que jamais. Et elle allait enfin pouvoir rendre visite à son père, pour la première fois depuis des années. « Je vais enfin pouvoir lui offrir le cadeau dont il rêve depuis si longtemps… » songea-t-elle avec bonheur, le regard rivé sur sa sacoche.

Lilie traversa la rue principale de Lavanville d’un pas tranquille et solennel. Elle était fascinée par cette ville qui lui semblait familière et étrangère à la fois : bien plus moderne, et pourtant, toujours aussi mystérieuse. L’ancienne Tour Pokémon était désormais une Tour Radio. Heureusement, le bâtiment que Lilie cherchait était toujours le même, et il n’avait rien perdu sa splendeur.

La Maison des Souvenirs, autrefois appelée Maison des Âmes.

Un petit sanctuaire de pierre beige qui renfermait les tombes des humains et des Pokémon qui se trouvaient anciennement dans la Tour Pokémon. La vision des derniers rayons du soleil illuminant son immense coupole enneigée donna des frissons à Lilie. Comment un si petit bâtiment pouvait-il provoquer en elle des sentiments si puissants ? « Ce n’est pas le bâtiment… C’est ce qui est à l’intérieur qui te trouble tant… » se rappela-t-elle en pensée.

Lilie ferma les yeux et inspira profondément l’air glacial de l’hiver. Les rues étaient à présent désertes en ce soir du 24 décembre. Tous les villageois étaient rentrés auprès de leur famille pour fêter Noël et s’offrir leurs cadeaux. « Je compte bien en faire de même ! » se résolut Lilie avec force, rouvrant d’un coup ses yeux verts, au creux desquels brûlait une nouvelle flamme de détermination. « J’arrive, Papa… Je vais enfin pouvoir t’offrir ce cadeau dont tu rêves tant. »

Sans plus réfléchir, Lilie franchit la porte turquoise de la Maison des Souvenirs. L’endroit portait bien son nom. Il ne semblait pas vieillir : il était tel que dans ses souvenirs. Sombre. Un sol pierreux. Des rangées de tombes. Au fond, des tables sur lesquelles brûlaient de faibles bougies, accompagnées de quelques fleurs. Des couronnes de fleurs ornaient certaines des pierres tombales.

Lilie se dirigea tout droit vers une tombes lourdement décorée, située tout au fond du bâtiment. Elle débordait de bouquets de fleurs et d’offrandes en tous genres. Il s’agissait de l’unique tombe où quelqu’un était venu se recueillir en cette soirée de Noël. En effet, un homme d’un certain âge, tout de noir vêtu, était en train de prier, agenouillé devant la tombe. En entendant les bruits de pas de Lilie, il se releva subitement pour faire face à la personne qui venait d’arriver.

-- Qui êtes-vous ? Que faites-vous ici ?

Sa voix mêlait tristesse, colère et curiosité. Lilie baissa la tête, gardant le silence. Les larmes se remirent à couler le long de ses joues. Elle ne savait pas à quoi elle s’attendait.

-- Répondez-moi ! Qu’êtes-vous venue faire ici ? Et comment osez-vous m’interrompre pendant que je me recueillis sur…

-- La tombe de votre fille, n’est-ce pas ? devina-t-elle d’une voix grave.

L’homme ne parvint même pas à masquer sa surprise.

-- Comment… Comment êtes-vous au courant de cela ? vociféra l’homme avec colère.

Des larmes commençaient à perler au coin de ses yeux. Lilie pouvait apercevoir toute la détresse de cet homme dans son regard d’encre. Ses propres larmes redoublèrent d’intensité. N’y tenant plus, la jeune femme retira son capuchon blanc et se révéla à son interlocuteur :

-- C’est moi, Papa... Je suis revenue. Pardonne-moi d’avoir mis si longtemps…

L’homme qui s’avérait être son père la fixa sans comprendre, le regard vide. Il semblait figé dans le temps. Seules ses larmes continuaient à rouler le long de ses joues creusées. Enfin, au bout d’une éternité, il parut reprendre conscience. Il prit également conscience de ce que la jeune femme qui lui faisait face venait de lui annoncer. Les yeux brillants de larmes, il s’écria de toutes ses forces :

-- Lilith ?

Extatique, Lilie hocha doucement la tête. Entendre son père prononcer son prénom pour la première fois depuis si longtemps la rendait si heureuse qu’elle n’arrivait même à articuler le moindre son. Avant même qu’elle n’ait pu esquisser le moindre mouvement, son père se précipita sur elle pour la prendre dans ses bras.

Père et fille étaient enfin réunis dans une embrassade larmoyante, pour l’éternité.

-- Joyeux Noël, Papa… chuchota Lilith à l’oreille de son père.

En ce soir de Noël, un père avait reçu le plus extraordinaire des cadeaux : la résurrection de sa fille.