Jour 7 : La valse des Hexagel, par Praxy
Recroquevillée sur le canapé, Charlotte fixait l’écran de la télévision d’un regard vide. Seule, dans sa maison déserte, avec une assiette de pâtes vide et un film médiocre, belle façon de fêter Noël. Ses parents lui avait demandé de se coucher tôt, mais elle voulait attendre leur retour. Comme pour répondre à ses anxiétés, la porte s’ouvrit brusquement.
« Charlotte ? Tu es encore debout ?
- Coucou Papa… Je voulais vous attendre pour qu’on puisse…
- Il faut que tu aille te coucher, tu seras trop fatiguée demain sinon.
- Mais …
- Soit raisonnable ma chérie. Tu sais qu’il va falloir donner le meilleur de nous même…
- D’accord Maman… »
Dépitée, la petite fille monta dans sa chambre et s’effondra dans son lit. Ses parents firent de même à peine quelques minutes plus tard. Malgré le noir total, Charlotte ne parvenait pas à s’endormir. Elle fixait son réveil, regardant les heures défiler.
En ce moment, les autres enfants de son âge célébraient Noël avec leur famille et le lendemain, ils ouvriraient leurs cadeaux aux pieds du sapin. Elle ne fêterai rien du tout. Demain, elle irait, avec sa mère à l’opéra. Sa mère serait la douce Odette, le Lakmécygne immaculé, et la sublime Ondine le Lakmécygne noir, l’étoile brillante de son ballet. Et elle, elle ne serait qu’une danseuse parmi les autres, une figurante, un extra oubliable. Pourquoi devait-elle suivre les traces de sa mère ? Elle croyait aimer la danse, mais plus le temps passait, plus elle se demandait si cela en valait réellement la peine…
Elle fixait le cadran de son réveil sans rien faire.
Dix heures.
Onze heures.
Le sommeil ne lui venait toujours pas.
Onze heures et quart.
Onze heures et demie.
Elle se prit à rêver d’une véritable soirée de Noël, digne de ce nom.
Minuit moins de quart.
Minuit moins dix.
Qu’attendait-elle exactement ? Elle savait qu’il n’allait rien se passer. Elle ne réussirai qu’à s’épuiser pour le lendemain.
Minuit moins cinq.
Minuit moins quarte.
Minuit moins trois.
Minuit moins deux.
Minuit moins une.
Elle ferma les yeux et se murmura à elle-même :
« Joyeux Noël Charlotte…
- Pourquoi cette tête dépitée ? »
Sursautant, la fillette écarquilla les yeux. Planant au dessus de son lit se tenait une majestueuse Gardevoir. Elle semblait irréelle, presque fantomatique, et portait une écharpe brune flottant dans les airs. L’être lumineux s’assit à ses côtés.
« Personne ne devrait être si triste ce soir…
- Qui … qui êtes vous ?
- Tu peux m’appeler Gardevoir, si tu veux, répondit le Pokémon en souriant.
- Juste Gardevoir ? »
Charlotte ne savait plus quoi dire. Elle ne s’attendait pas à une telle visite.
« Mais… qu’est ce que vous faîtes là ?
- Et bien, je suis à la recherche de quelqu’un. Une danseuse remplaçante en fait.
- Je ne… je ne suis pas vraiment une bonne danseuse en fait… Ma mère est plus…
- Oh ! Ne t’inquiète pas pour ça. Je veux juste quelqu’un qui prenne un moment de plaisir avec nous.
- Nous ?
- J’ai plein d’amis qui nous attendent. Si tu acceptes de venir évidemment. »
La petite fille hésita, puis hocha la tête. La Gardevoir lui prit la main et la pièce commença à s’illuminer. Éblouie, Charlotte ferma les yeux. Elle sentit son matelas se dérober en dessous d’elle, elle tombait en chute libre. Enfin, ses pieds touchèrent à nouveau le sol et elle frissonna. Elle se rendit compte qu’elle était dans une forêt enneigée. Même si elle aurait dû être gelée, pieds nus sur la glace, elle n’avait pas si froid.
« Bienvenue chez moi !
- Où… où sommes-nous ? »
Gardevoir semblait aux anges. Divers Pokémon s’approchèrent. Un Laporeille, un Farfuret, un Frissonille, un couple d’Azurill, une famille de Fouinette et de Fouinar, un Grahyèna, un Togetic et une dizaine d’Hexagel. L’un des deux Azurill s’approcha :
« Hé, hé ! Gardevoir ! Qui c’est ?
- Bonjour à tous ! Je vous demande de souhaiter la bienvenue à Charlotte, elle va rester avec nous pour ce soir. »
Ensuivit un déluge de salut pour la fillette. Elle en était presque gênée. Gardevoir lui proposa alors qu’ils dansent tous ensemble. À ces mots, quelques notes de musique distantes se firent entendre. Charlotte allait accepter juste avant de se rendre compte qu’elle était encore dans son pyjama.
« Oh oh ! Ne t’inquiète pas pour ça. Il suffit que tu t’amuses avec nous.
- Vraiment ?
- Oui. C’est tout ce qui compte.
- D’a… D’accord. »
Avec appréhension, elle commença à danser, suivie par les autres Pokémon. D’abord hésitante et maladroite, elle réussit ensuite à prendre le rythme. Elle se laissa emporter par la musique sans réfléchir. Elle sautait, virevoltait, tournoyait tel un tourbillon de flocons. Qu’ils soient bipèdes ou à quatre pattes, avec ou sans bras, volant ou au sol, tout les danseurs se mouvaient en harmonie. Libérée de la pression du regard du public ou de ses parents, elle ne craignait plus de se tromper, de ne pas être parfaite. Pour la première fois depuis longtemps, elle prenait un réel plaisir à danser.
Quand la valse prit fin, Charlotte remercia tout ses partenaires. Elle se rendit compte avec surprise qu’elle était désormais vêtue d’un magnifique tutu blanc, décoré de minuscules cristaux de glace scintillants.
« C’est…
- C’est un cadeau pour te remercier d’avoir participer. Tu as été superbe, Charlotte.
- Merci Gardevoir… »
Cependant, une question lui brûlait les lèvres. Il lui avait semblé connaître chacun des pas qu’elle avait exécuté.
« Cette danse… C’était la valse des Hexagels ?
- Oh oh ! Je suis contente que tu t’en sois rendue compte.
- C’est … c’est la partie dans laquelle je danse… dans le ballet Casse-Noigrume…
- Oui… Oh !… Pourquoi cet air déçu ?
- C’est juste que… je n’aime pas cette danse normalement ?
- Vraiment ?
- J’ai toujours l’impression d’être perdue dans la masse… De ne pas être à la hauteur de ma mère…
- Tu n’as pas à avoir honte. Dans un ballet, les petite ballerines sont aussi importantes que les danseuses étoiles. »
Hochant la tête sans grande conviction, Charlotte se remémora toute les fois où ses parents l’avaient poussée au bout alors qu’elle ne pouvait pas être à la hauteur de leurs attentes. Elle avait passé un bon moment avec ces Pokémon, mais elle n’avait sans doute toujours pas le niveau. Tête baissée, elle s’en alla dans les bois.
Alors qu’elle marchait depuis un moment, elle arriva hors de la forêt. Là, une vingtaine de Pokémon étaient en train de préparer un immense banquet. Charlotte resta bouche bée pendant quelques secondes, avant que soudainement, tout les Pokémon se mettent à paniquer et s’enfuirent dans tout les sens.
« Fuyez ! C’est lui !
- Oh non ! Je ne veux pas rester là !
- Au secours !
- Toute la nourriture sera à moi ! »
Sur la table, se dressait un imposant Rattatac aux poils noirs, les bajoues gonflées, entouré de Rattata à l’air méchant.
« Emportez toute le buffet ! Celui qui m’en vole une miette finira aux oubliettes !
- Chef, oui chef ! »
Exécutant immédiatement l’ordre de leur maîtres, ils débordèrent chacun des plats qui avaient été préparés. Charlotte était tétanisée, elle n’osait pas bouger. Elle se souvenait de ce rôle dans le ballet Casse-Noigrume. C’était le Roi Rattatac, l’ennemi que Clara, l’héroïne du conte, avait dû affronter avec l’aide de son jouet en bois en forme de Gallame ayant pris vie. Ce dernier l’emmena ensuite dans le royaume de la fée Rubombelle.
Sauf qu’elle n’était pas Clara. Elle n’était qu’une moins que rien, incapable de se battre pour elle-même. Autour d’elle tout le monde appelait à l’aide. Mais elle était paralysée. Au loin elle entendit une voix l’appeler. Celle de Gardevoir.
« Charlotte ! Charlotte, où est-tu ? »
Sa voix était remplie d’inquiétude. Encore une personne qu’elle avait déçue. Charlotte ne voulait pas voir ce qu’il se passait sous ses yeux, mais elle ne parvenait pas à détourner le regard. Tout les Pokémon, y compris Gardevoir, étaient pris d’assaut par des hordes de Rattata. Enorgueilli, le Roi Rattatac se moquait du haut d’un trône de nourriture. Prenant une grande inspiration, Charlotte parvint à se relever. Osant l’un de ses chaussons, elle l’envoya sur le Pokémon glouton.
« Vient par là, grosse tâche !
- Une humaine ? Qu’est-ce qu’elle fait là ?
- T’as peur de moi ? T’es nul !
- Vous tous !Attrapez la ! »
Bonne nouvelle : l’attention des Rattata n’était plus concentrée sur leurs victimes.
Mauvaise nouvelle : elle était désormais portée sur elle. Et son courage était surtout une façade.
Sans prendre le temps de réfléchir, elle prit ses jambes à son cou, les rongeurs à ses trousses.
Elle s’enfonça à nouveau dans la forêt, tentant de semer ses poursuivants, en vain. Les petits Pokémon étaient plus agiles et se rapprochaient dangereusement d’elle.
Dans sa précipitation, elle trébucha sur une racine et s’effondra dans la neige. Alors qu’elle croyait être perdue, un flash de lumière fit fuir les hordes d’un seul coup. Charlotte releva le regard pour découvrir un Gallame en position de combat. Ce dernier lui tendit la main.
« Tout va bien petite ?
- Ou… Oui…
- Gardevoir m’a demandé de t’aider. Heureusement, il semble que je sois arrivé juste à temps.
- Oui… Merci beaucoup…
- Je peux te raccompagner si tu le désires.
- Je veux bien… »
Accompagnée de son nouveau protecteur, Charlotte rejoint Gardevoir et ses compagnons. Celle-ci fut rassurée de voir la petite fille saine et sauve. Gallame porta une attaque sur Rattatac avant qu’il ne s’enfuit en geignant. Ils passèrent tous le reste la soirée à festoyer ensemble. Enfin, vint l’heure pour Charlotte de rentrer chez elle.
Gardevoir la ramena dans sa chambre et elles firent leurs adieux. Avant de se quitter, la fillette posa une dernière question.
« Dites Gardevoir, votre rôle … c’est celui de la fée Rubombelle ?
- En effet, hihi. Comment as-tu deviné ?
- Votre écharpe m’a mise sur la piste… Mais pourquoi une Gardevoir joue le rôle d’un Rubombelle ?
- C’est la beauté de la danse. Un humain peut devenir un Pokémon, un Pokémon peut devenir un humain, un Gardevoir peut devenir une fée. Toi aussi, Charlotte tu peux devenir ce que tu veux.
- Vraiment ?
- Si tu y crois, tu en seras capable, j’en suis sûre…
- Merci… Merci pour tout…
- De rien… C’était un plaisir… »
Charlotte s’endormit avant même de s’en rendre compte.
Le lendemain matin, le bruit strident de son réveil la réveilla en sursaut. Elle se leva précipitamment pour rejoindre ses parents.
« Tu as l’air en forme ma chérie. Bien dormi ?
- Oui … J’ai … J’ai fait un très beau rêve…
- Tant mieux ! Prête pour la journée ?
- Oui … »
Balayant la pièce du regard, elle se rendit compte qu’un cadeau lui était destiné au pieds du sapin. Un peu surprise, elle l’ouvrit sous le regard tout aussi étonné de ses parents. À l’intérieur se trouvait un magnifique tutu blanc, décoré de minuscules gemme tels des cristaux scintillants.