Jour 5 : Flamme d'amitié, par Scorbunn
Debout sur mes deux pattes, je regardais autour de moi. Les flocons de neige tourbillonnaient et, dès que l'une de ces petites choses froides tombaient sur moi, elles fondaient. Serrant mes petites mâchoires, je grelottais un peu dans le froid de l'hiver, malgré le fait que je sois, d'après ce qu'on m'a toujours dit, un "type Feu". Ce soir, c'était la nuit de Noël, où selon la légende, un Cadoizo viendrait apporter un petit cadeau à chaque Pokémon et à chaque humain. Mon dresseur m'avait promis qu'il m'offrirait quelque chose de grandiose, que je n'oublierai jamais. Mes yeux pétillaient d'impatience et de bonheur, je n'avais qu'une seule hâte : savoir ce qu'il m'avait préparé. Moi, j'ai bien essayé de lui réaliser quelque chose, à savoir une bougie, mais mes petites pattes et minuscules griffes avec lesquelles il m'a un jour demandé d'attaquer un ennemi m'ont empêchées de réussir. Je n'avais rien à lui offrir en échange de ce qu'il allait me donner.
Après un long moment de contemplation, je fixai mon dresseur. Le pompon blanc de son bonnet rouge tombait sur l'une de ses joues rougies par le froid. Sa doudoune bleue et noire lui permettait de ne pas être mouillé par les gros flocons qui tombaient. Cependant, il n'avait pas échangé son habituel jean bleu contre un quelconque autre pantalon, malgré le fait que celui-ci semblait déjà bien humide. De grosses bottes noires complétaient la tenue et remplaçaient les baskets qu'il portait depuis l'été, lorsque nous nous sommes rencontrés. Aujourd'hui, je me plaisais à penser que notre amitié brûlait comme une flamme.
Je me souviens que j'avais été désigné par un grand homme portant une blouse blanche pour être le compagnon de voyage de Luky. Ce jour-là, j'étais à la fois enthousiaste et anxieux. Du haut de mes deux mois, j'avais envie de partir à la découverte du vaste monde, puisque je n'avais jamais vu que le jardin du laboratoire et le labo en lui-même, mais j'avais un peu peur que le dresseur ne soit pas gentil avec moi et m'oblige à mener des combats qui seraient déjà perdus d'avance, ou encore qu'il me fasse faire des choses impossibles pour moi et que je finisse blessé. Cependant, cela n'est jamais arrivé. Je n'ai d'ailleurs combattu que très peu, mais cela ne me dérangeait pas, je n'étais pas une vraie machine de combat comme celles que l'on peut voir à la Ligue, par exemple.
La zone du laboratoire dans laquelle je vivais, avec une espèce de grenouille avec un bulbe sur le dos et une tortue bleue, était plutôt petite et ne me semblait que très peu aménagée.
"Salamèche ? Tu es prêt à voir quel est ton cadeau de Noël, mon grand ?" demanda Luky afin de me tirer de mes pensées. Je me tournai vers lui, plongeant mon regard brillant d'excitation dans ses yeux marron comme la bûche au chocolat que nous avons mangée hier. Évidemment que je suis prêt, je n'attends que ça ! J'agitai un peu la queue, laissant la flamme à l'extrémité danser sous les flocons, sans me soucier de ce qu'il pourrait se passer. Je lançai d'une voix enthousiaste :
"Sala Salamèche !"
Sans que je ne puisse comprendre, son visage s'assombrit un peu. Je lui montrai mes petits crocs pour le faire sourire, mais sans succès. Les quelques larmes qui pointaient au coin de ses yeux les faisaient briller. Il s'accroupit devant moi avant de péniblement montrer du bout du doigt ce qui se trouvait derrière moi. Je ne voulais pas me retourner, et approchais l'une de mes pattes avant de mon visage pour sécher les petites gouttes d'eau qui finiraient par geler. Je fixais avec mes petits yeux oranges son regard presque triste.
"Salamèche, ne sois pas idiot, ton cadeau est derrière toi, retourne-toi donc…"
J'avais clairement entendu sa voix monter dans les aigus vers la fin de la phrase, mais je ne pouvais lui demander pourquoi, n'ayant pas encore vu sa surprise. Je me forçai à regarder derrière moi et à détourner le regard de Luky par la même occasion. En me retournant, je ne vis rien. Rien qui ne me fait réellement penser à un cadeau de Noël, ou en tous cas à l'image que je m'en faisais. Je voyais juste de grands arbres comme celui qui était décoré à la maison, mais ceux-ci semblaient bien plus hauts et n'étaient pas décorés. D'un air interrogatif, je replonge mon regard dans celui de mon dresseur, mais il baisse les yeux. Je ne comprenais pas vraiment ce qu'il se passait. Pourquoi Luky semblait-il si triste ? C'était Noël, on était ensemble, il n'y avait pas de raison d'être triste !
Le jeune dresseur plongea soudain sa main dans l'une de ces poches. Je fixais le moindre de ces mouvements, à la fois interrogatif et sentant comme un sentiment de panique m'envahir. Le temps qu'il attrape ce qu'il cherchait au fond de sa poche me parut durer une éternité. Il finit par en tirer la sphère à moitié rouge et à moitié blanche que je connaissais si bien. Ma Pokéball… Luky n'allait tout de même pas m'y faire rentrer, si ? D'un geste maladroit, il ouvrit l'objet de capture, cherchant s'il y avait comme un bouton pour ce qu'il allait faire. Je pense qu'il y en avait effectivement un, mais je ne le connaissais pas, et lui non plus visiblement…
Il jeta sans un mot la Pokéball contre un rocher. Celle-ci laissa ses deux moitiés se séparer et se fendre. Je me sentais comme plus léger, libre comme l'air, que cet objet soit cassé, sans même pouvoir l'expliquer.
"Salamèche, il faut que je t'explique quelque chose… J'ai jamais vraiment voulu être dresseur, je l'ai fait pour être comme tout le monde. Je ne suis pas trop fan des combats, et je n'ai pas envie de t'envoyer te battre contre des plus forts que toi. Mais, ça, je ne peux pas l'expliquer à ma famille, et je préfère te permettre de partir plutôt que d'avoir å subir des combats.
Salamèche, je t'offre ta liberté."
Dès qu'il eut fini de parler, Luky s'éloigna, la tête basse, les mains dans les poches, traînant les pieds dans la neige. De mon côté, j'avais du mal à réaliser ce qui venait de se passer. Il m'avait… abandonné ? Non, il m'avait offert ma liberté, même si ça me faisait mal de l'admettre. Je n'avais envie d'aller nulle part, en cette nuit censée être si spéciale. Alors, je me contentai d'aller m'asseoir contre un arbre. Je ne voulais pas me laisser abattre, mais je n'avais pas vraiment le moral pour faire quelque chose d'autre.
J'aurais dû.
Comment ça vous dîtes ? Eh bien, disons qu'une véritable flamme s'est éteinte avec les dernières lueurs du jour...