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Calendrier de l'Avent 2020 de Comité de lecture



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Informations

» Auteur : Comité de lecture - Voir le profil
» Créé le 02/12/2020 à 18:14
» Dernière mise à jour le 02/12/2020 à 18:14

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Jour 2 : Plaisir d'offrir, joie de recevoir, par Flageolaid
Connaissez-vous cet instant très spécial où l’on s’échange des présents sans autre raison que celle de passer un bon moment ensemble ? Cela commence par le choix du cadeau alors qu’on ne connaît pas trop, voire pas du tout les goûts de la personne à qui on va l’offrir. Puis il y a l’attente, parfois longue, jusqu’au moment magique où chacun tend vers l’autre l’objet de sa générosité. Ensuite, les deux découvrent simultanément le présent qu’on leur fait, avant de l’observer plus en détail chacun de son côté.

Cette minute festive se nomme l’Échange Miracle.

Le cas classique, en bon éleveur que je suis, je propose à l’échange certains des meilleurs nouveaux-nés de la Pension. Pas le top niveau non plus, il faut bien que les affaires tournent, mais pas non plus les erreurs de la génétique, car je respecte un tantinet les utilisateurs de ce concept insolite qui prouve une fois de plus que la frontière entre le génie et la bêtise est bien poreuse. Je suis d’avis que Noël, c’est un peu tous les jours et que l’on peut faire la joie de quelqu’un avec pas grand-chose et sans forcément le vouloir. Ni payer trop cher.

Donc quand j’ai réuni une demi-douzaine de jeunes et robustes Pokémon capable de faire plaisir à la plupart des dresseurs – parce qu’il y aura toujours des chieurs qui n’aiment que les Pokémon mignons, ou rapides, ou de type Sol, ou juste de cette telle espèce et pas d’autres – je me rends au Relais Miracle le plus proche pour procéder à mes échanges. Les locaux ressemblent un peu à ceux de la GTS, avec des tubes, des dématérialiseurs et des écrans de partout, mais en plus petit parce qu’il y a moins d’argent pour financer derrière. En revanche, les toilettes y sont plus propres.

J’y vais plutôt aux horaires où il n’y a personne et je me trouve une borne à l’écart. On ne va pas se mentir, c’est lourdingue d’entendre un dresseur qui s’impatiente derrière soi quand il reste encore quatre Pokémon à envoyer. Rien que d’y penser, ça m’énerve, j’ai envie de tout casser ! Et puis quand on reçoit un Dracolosse ou un Muplodocus qui a fière allure, ça attire les convoitises. Qui a dit que la Team Rocket était démantelée… ?

Vous savez comment ça fonctionne ensuite, on scanne sa carte de dresseur avec la vérification qui dure dix plombes pour s’assurer que ce n’est pas une fausse ou que votre immatriculation n’est pas périmée, comme à la GTS en somme. Puis vous dites un dernier adieu au Pokémon. Ou pas. Je comprends qu’on n’ait pas forcément l’envie de faire un dernier câlin quand son Pokémon est recouvert de pointes, de flammes, d’écailles acérées, d’une substance urticante ou même toxique, voire quand la créature en question pue. Ce n’est pas simple la vie de dresseur.

Après les larmes ou l’indifférence, vous insérez la Pokéball dans le tube placé à cet effet et vous appuyez sur le bouton. À cet instant, la machine se connecte à l’unité centrale qui gère tous les Échanges Miracles dans le monde pour trouver LA personne avec qui ça va marcher. C’est un peu comme un site de rencontre, en fait. Je me demande si des couples se sont formés grâce à ce type d’échange… Comment racontent-ils leur rencontre dans les soirées mondaines ? « Je voulais me débarrasser de mon Rondoudou qui tape pas fort, Stacy ne supportait plus la tronche lubrique de son Tritonde depuis qu’il avait évolué en Batracné, alors nous avons sauté le pas et échangé nos Pokémon. Ce fut le coup de cœur direct, et je ne parle pas que du Batracné, si vous voyez ce que je veux dire. Cela fait bientôt dix ans que nous sommes mariés à présent. »

Oups, je m’écarte du sujet. Une fois que l’ordinateur a repéré un dresseur avec lequel échanger, toute la tuyauterie high-tech se met en branle, comme à la GTS. Bien entendu, les informations de l’autre apparaissent à l’écran avec la région d’origine, une brève présentation et bien sûr la photo. Parfois je reste bouche bée quand je vois le minois de certaines dresseuses. D’où ma question sur les couples. On peut toujours rêver. Mais la plupart du temps, quand le visage de l’autre dresseur apparaît à l’écran, je me dis que certains n’ont honte de rien. D’ailleurs j’ai un pote qui bosse dans le service qui délivre les cartes de dresseurs, il paraît que ses collègues font tous les mois le concours de la photo la plus ridicule. Un beau moment de malaise, paraît-il.

Ensuite, l’image à l’écran change pour vous montrer une représentation en image de synthèse de votre Pokéball en train de flotter dans le vide vers sa destination. C’est souvent à ce moment-là que je m’imagine ce que bien attendre l’autre dresseur, en me basant sur les informations de son profil que l’ai lues quelques secondes plus tôt. Et je me fais des films. Celui du dresseur coincé dans sa quête des badges d’arène à qui j’offre le Pokémon au type parfait pour en venir à bout du champion qui le bloque. Celui de la pauvre gamine orpheline et martyrisée par ses camarades de classe, à qui j’envoie le compagnon qui restera à ses côtés et lui donnera le courage de croquer la vie à pleines dents. Celui du dresseur expérimenté en quête de nouveaux défis à qui je fournis une créature fiable avec laquelle il pourra inventer des stratégies que je n’imagine même pas. Celui de…

Et là, une partie de moi tire la gueule. Ou sursaute d’excitation, mais la plupart du temps elle tire la gueule. Sur l’écran, les deux Pokémon échangés en image de synthèse (il y en a peu qui rendent bien) amorcent un mouvement rotatif pour montrer que l’opération a fonctionné. Et je vois le putain d’insecte de rongeur de piaf ultra commun de mes deux qui ne fait que bouffer et batifoler de ces journées sur une route de province tranquille, et que je vais obtenir contre mon cador excelsior plus plus né à la Pension ! Franchement, pourquoi je voudrais un Chenipan qui vient du bout du monde, quand je peux avoir le même en me promenant deux minutes dans les bois ? Je sais bien que certains Pokémon sont moins rares que d’autres, mais un peu d’exotisme que diable, vendez-moi du rêve !

Les mecs qui ont fait les animations sur les écrans ayant été inspirés, on se tape évidemment la cinématique de la Pokéball qui revient vers nous. Et là, je me prends une seconde déception, souvent à la hauteur de la première. D’habitude quand je dis Pokéball, c’est générique. Je ne pense pas à LA Pokéball. Certains puristes ne jurent que par elle. C’est au-delà de toute compréhension : la Pokéball est insipide. Mes petits bébés fraîchement éclos, je les capture dans des Balls bleues, vertes, blanches, noires, roses, grises, parce qu’ils méritent d’avoir du style. La Pokéball rouge et blanche n’en a hélas aucun. Mais pour le coup, c’est bien une Pokéball, la vraie, qui revient honteusement vers moi sur l’écran. Ou parfois c’est une Hyperball, mais je commence à en avoir ma claque de son design.

Enfin, la Ball sort du tuyau après avoir traversé la moitié du globe sous une forme dématérialisée. Un ticket est imprimé, comme un reçu, et je retrouve avec les deux entre les mains tel un enfant triste qui n’a pas obtenu le cadeau de ses rêves à Noël. Par chance, il me reste cinq autres essais ! Pas de chance, il restait cinq autres enfoirés.

Le plus triste dans l’histoire, véritablement, c’est que je ne saurai jamais si mes Pokémon ont fait plaisir à celles et ceux qui les ont récupéré. Je les ai envoyé tels des cadeaux avec pour but d’apporter de la joie et peut-être qu’ils passeront dans de nombreuses mains avant de trouver quelqu’un qui les aimera. Ils savent ce qu’ils perdent, mais pas ce qu’ils gagnent. Pour eux aussi, c’est un Échange Miracle.