Chapitre 391 : Les mensonges d'Erend
Les Gardiens de l'Harmonie étaient à Unys pour une mission, alors qu'à Johkan, au même moment, la FAL luttait contre une armée apocalyptique menaçant d'engloutir le monde. Adélie aurait donc apprécié un peu plus de sérieux et de gravité de la part de ses camarades, surtout de Kinan et Killian. Mais les néons multicolores, les grattes ciels variés et les attractions en tout genre de Méanville avaient eu raison du professionnalisme des deux jeunes hommes.
- J'ai toujours rêvé d'aller ici, fit Kinan avec des étoiles dans les yeux. Ad, il faut absolument que nous fassions un tour de la Grande Roue !
- Cette ville, c'est l'une des meilleures du monde pour se produire, ajouta le chanteur du Groupe Go-Rock. Son stade de base-ball peut accueillir 200.000 spectateurs. C'est le second plus grand du monde derrière le Stade G de Naya. Puis ils ont un Music-Hall ici, avec des compétitions de danse et de chant qui sont reconnues dans le monde entier !
- J'aimerai aussi faire un tour au Métro de Combat, reprit Kinan en caressant l'une de ses Pokeball. C'est un des passages obligés de tous dresseurs de passage qui se respectent !
- C'est ça, allez faire un tour de manège, un concert ou des combats Pokemon alors que le monde est dans une merde noire, les rabroua Kelifa.
La jeune femme aux longs cheveux violets avait toujours été la plus sérieuse des Gardiens de l'Harmonie, d'autant que cette mission, à savoir retrouver Lady Venamia si d'aventure elle était toujours en vie, revêtait un sens particulier pour l'ancienne Rocket qu'elle était.
- Oui, je croyais que vous ne vouliez pas venir à Unys, ajouta Faduc.
- C'est bon, les deux anciens fanas du R rouge, détendez-vous un peu, répliqua Kinan. On peut se permettre un ou deux petites heures de tourisme le temps que les « Gardiens sérieux » recoupent les infos du coin sur Ecleus.
Si les Gardiens de l'Harmonie, ainsi que Faduc, étaient venus ici, dans la deuxième plus grande ville de la région, c'était parce que les renseignements que Stratoreus et Latios avaient obtenus des Pokemon volants locaux confirmaient que le Dieu Guerrier de Foudre avait bien été aperçu plusieurs fois dans le coin durant les mois où Venamia avait disparu de Kanto.
- N’empêche, je ne vois pas ce que Venamia aurait été faire ici, fit remarquer Noémie. Y'a mieux comme endroit où rester discrète.
- Elle voulait peut-être se détendre un peu en jouant au casino ou en matant des matchs de baseball, théorisa Ad. C'est que c'est pas de tout repos, la conquête mondiale.
- Il n'y a aucune certitude qu'elle se soit arrêtée à Méanville, fit Narek, toujours sérieux et raisonnable. On sait juste qu'Ecleus a été vu dans le ciel par quelques Pokemon du secteur. Il venait ou se rendait peut-être ailleurs.
Adélie hocha la tête et donna ses ordres.
- Kinan et Faduc, vous faites le tour du secteur avec Stratoreus et Latios pour interroger le plus de Pokemon Vol possibles et affiner nos recherches. Nous autres, on va questionner la populace locale avec le Don. Je doute que l'un d'entre eux ait croisé une nana aux cheveux lavandes avec une cape il y a six mois sur le trottoir d'en face, mais qui ne tente rien n'a rien.
L'avantage du Don, outre les pouvoirs de matérialisation offensif qu'il offrait, était une force de persuasion et de confiance qui se dégageait de ses utilisateurs. Adélie et ses camarades pouvaient demander à peu près tout ce qu'ils voulaient, à des humains comme à la plupart des Pokemon, ils bénéficieront d'une bonne volonté de la part de leur interlocuteur. Bien sûr, il ne fallait pas en abuser, surtout pour son bénéfice personnel. Archangeos était assez insistant dessus. Il était très tentant par exemple de se rendre à un guichet de banque et de demander un retrait de quelque milliers de Pokédollars sur un compte qui n'était pas le nôtre. Enfin, si on n'avait pas de base un compte en banque aussi étoffé que celui d'Adélie Dialine, célèbre pour avoir fait fortune dans son adolescence grâce à son invention : l'involuteur.
Les deux jeunes hommes obéirent à Ad, bien que Kinan fasse un peu la tête du fait de voir sa demande de tour de Grande Roue avec son amie rejetée. Ils firent bien sûr en sorte d’appeler leurs Pokemon loin des grandes artères de la ville et de la foule qui y était constamment massée. Le but de cette mission était d'enquêter discrètement. Adélie, qui était devenue une figure publique internationale, avait d'ailleurs pris soin de se rhabiller façon dresseur de Pokemon mécano et de nouer ses cheveux roses en queue de cheval pour passer inaperçue. Pareil pour Killian, qui était une star du rock. Il avait abandonné ses habits flamboyants et avait fait en sorte de se peigner pour discipliner ses cheveux argentés à la coupe explosive.
- Nous autres, on se sépare, poursuivit Ad. Noémie, avec moi. Kelifa, Narek et Killian, ensemble. Rapport toutes les heures grâce au Don de Noémie. Et soyez subtils dans vos questions hein ?
- Je suis la subtilité incarnée, sis, affirma Killian.
Guère convaincue, Ad partit donc de son côté avec sa camarade aux cheveux roux. Elle aimait bien bosser avec Noémie, car cette dernière était encore plus taciturne qu'elle, et du coup, elle n'avait pas à beaucoup ouvrir la bouche. Ad avait encore un peu de mal à penser à elle sous le nom de Noémie Farron, alors qu'elle l'avait connue en tant que Spyware, commandante de la Team Malware, et qu'elle l'avait appelée comme ça durant plus d'un an. Mais depuis la fin de la guerre civile de Naya et la mort de leur défunt camarade, le Boss Spam, pour qui Spyware éprouvait une véritable vénération, cette dernière avait décidé de reprendre son véritable nom.
Autre avantage de l'avoir avec soi : le Don de Noémie se matérialisait en un casque immatériel qui lui permettait de communiquer mentalement avec les autres Gardiens de l'Harmonie et Archangeos lui-même, quelle que soit la distance. Ce pouvoir frustrait un peu Noémie, car contrairement aux autres, elle ne pouvait pas se battre avec, mais il était très précieux pour les Gardiens.
Les deux jeunes femmes commencèrent donc à poser des questions aux passants : s'ils avaient vu, l'année dernière, une femme qui avait la particularité d'avoir un œil rouge et un œil bleu, et qui aurait cherché à rester discrète. Évidemment, tout le monde aurait reconnu en cette description la tristement célèbre Lady Venamia, mais avec la petite touche de Don qu'Ad et Noémie ajoutait à leur question, les gens ne faisaient pas le rapprochement et oubliait la question tout de suite après.
- On perd notre temps, soupira Noémie après presque une heure de réponses négatives. Si quelqu'un à Unys avait aperçu Venamia sur le territoire, ça aurait fait les titres mondiaux. Si seuls quelques Pokemon Vol ont pu apercevoir Ecleus, c'est parce qu'il devait voler assez haut pour qu'aucun humain ne le remarque.
- Je sais, soupira Ad. Mais faut faire en sorte de patienter sérieusement le temps que Kinan et Faduc interrogent les Pokemon Vol du coin. À moins que tu ne préférais aller au Music-Hall faire un concours de chant avec Killian ?
- Plutôt ré-affronter Odion. Je me demandais... À quoi rime de chercher où et pourquoi Venamia est allée avant la bataille de Veframia maintenant ? C'est quasi-obligé qu'Igeus ait l'autre partie d'Horrorscor en lui. Et même si c'est pas le cas, on devrait plutôt s'inquiéter d'arrêter l'Armée des Ombres avant de chercher à détruire Horrorscor lui-même.
- Appelle ça une intuition. Mon instinct m'a toujours bien servi par le passé.
Noémie ne répliqua pas, mais pour l'ancienne membre de la Team Malware qu'elle était, qui plaçait la logique et le froid pragmatisme sur un piédestal, il était clair qu'elle n'approuvait pas. Ad était consciente que son choix de poursuivre la mission de la Reine Eryl maintenant était plus que discutable, alors que toute la FAL devait actuellement avoir débuté les hostilités contre l'armée d'Horrorscor. S'ils n'avaient pas avancé dans leur enquête d'ici une demi-journée, les Gardiens de l'Harmonie plieraient bagage pour revenir à Johkan au plus vite, et prêter main forte à leurs alliés.
Ce fut l'heure du rapport avec l'autre groupe, et Noémie invoqua donc son casque bleu immatériel sur sa tête, pour communiquer avec les autres et voir où ils en étaient. Ad n'entendit rien de leur conversation, vu que Noémie pouvait s'adresser qu'à une personne à la fois. Elle n'eut guère trop d'espoir sur le résultat du groupe de Kelifa, mais étrangement, les sourcils de Noémie se haussèrent d'un air surpris tandis qu'elle écoutait.
- Eh bien, faut croire qu'on « patientait sérieusement » pour quelque chose finalement, dit-elle enfin à Ad. Les autres ont trouvé un témoin intéressant. Ils nous attendent au pied de la Grande Roue.
Ad et Noémie retrouvèrent donc leurs camarades devant l'énorme attraction qui faisait la renommée de Méanville ; cette énorme roue de près de deux cents mètres de haut et d'une quarantaine de cabines, qui brillait de mille feux la nuit. Kelifa, Killian et Narek était accompagnée d'une vieille femme au teint mat, qui semblaient regarder les Gardiens de l'Harmonie comme des policiers venus l'embarquer.
- Voici Muriella, présenta Narek. Elle était jusqu'à peu une sans-papier, et travaillait bénévolement dans la Forêt Blanche, à l'Est d'ici.
Ad avait entendu parler de cette soi-disant forêt, au pied du Mont Renenvers, qui était en réalité une ville. C'était un regroupement d'indésirables pour la région Unys qui avaient choisi de vivre dans cette forêt d'arbres blancs en autarcie, sans les règles sociétales de la civilisation. Comme ces naturalistes et autres junkies ne faisaient rien de mal, et que la Forêt Blanche était connue dans le monde comme étant un lieu unique à préserver, le gouvernement d'Unys les laissait tranquille. Et évidemment, c'était un lieu béni pour tous les clandestins du pays, le seul où la sévère administration du président Tromps ne pouvait pas les attraper.
- Et qu'est-ce que Muriella a à nous dire ? demanda Ad.
- En fait, elle ne voulait pas vraiment parler, intervint Kelifa. On a dû user de notre Don persuasif à son maximum. Muriella, veuillez répéter à notre commandante ce que vous nous avez dit.
Le refus de la vieille femme était évident, mais pour résister à plusieurs Dons de Gardiens de l'Harmonie à la fois, il aurait fallu un mental exceptionnellement fort qu'elle était loin de posséder.
- La señorita que vous décrivez... Elle est venue à la Forêt Blanche, que si. Il y a des mois de cela.
- Lady Venamia ? Demanda Ad.
- Elle n'a pas dit son nom, et personne là-bas ne lui a demandé. La Forêt Blanche est un lieu de liberté et de discrétion. Mais beaucoup d'entre nous se doutaient de qui elle était.
- Et vous n'avez prévenu personne ? S'exclama Noémie. La plus grande des criminelles contre l'humanité était chez vous, et vous vous en fichiez ?
- Personne à la Forêt Blanche n'est une balance. La señorita a dit venir en paix et rechercher la quiétude. Elle a respecté toutes nos règles. Elle était des nôtres, que si !
Killian ricana dans sa barbe.
- Elle était donc venue prendre des vacances dans un coin tranquille alors ?
- Elle est revenue.
Ad cligna des yeux, surprise.
- Pardon ?
- La señorita. Elle est revenue avant que je ne parte, il y a environ deux mois. Elle était salement blessée.
Ad échangea un regard avec ses Gardiens, et tous avaient le même air ahuri.
- Lady Venamia est vivante ? Fit Kelifa. Elle est dans la Forêt Blanche, là, actuellement ?
- Comme je vous dis. Du moins elle y était quand je suis partie. Mais ne lui faite pas de mal, por el amor de Dios. C'est une jeune femme qui a vu trop d'horreurs, et qui a perdu trop de choses. Laissez-la vivre en paix là-bas, si tel est son désir.
Narek secoua la tête.
- Le nombre d'exactions qu'elle a commis est tel que le monde ne peut pas fermer les yeux. Elle devra rendre des comptes.
Ad renvoya la vieille femme après lui avoir embrumé l'esprit grâce au Don, pour qu'elle oublie vite cette conversation. Puis elle demanda à Noémie de contacter Kinan pour qu'ils reviennent, lui et Faduc.
- Ça veut dire quoi, tout ce merdier ? Demanda Killian. J'y comprends plus rien.
- Moi j'y comprends une chose, affirma Ad. Igeus s'est foutu de nous. Il n'a jamais tué Venamia. Et s'il a menti sur ça... on ne peut être sûr de rien sur ses intentions. Peut-être même qu'il est de mèche avec Venamia.
- Erend Igeus ? S'étonna Narek. Ça me semble difficilement possible...
- Réfléchis. Il est resté prisonnier de Venamia pendant des mois, subissant tortures sur tortures. Peut-être que Venamia a réussi à lui laver le cerveau, et le programmer pour qu'il mène un de ses plans tordus. Le retour de Julian, la refonte du Grand Empire, Igeus en vengeur noir... Tout ça a peut-être été prévu par Venamia elle-même. Elle lui a même peut-être passé son fragment d'Horrorscor volontairement.
- Eh bien, nous ne manquerons pas de lui demander avant de la faire prisonnière, renchérit Kelifa. Plan ou non, elle n'a plus Ecleus, donc on se le fait facilement. Et si jamais elle a toujours Horrorscor en elle, je suis partisane de la buter sur place, histoire d'affaiblir au plus vite notre véritable ennemi, que nos potes combattent en ce moment même.
Ad fit la moue, mais ne pouvait pas exclure cette possibilité.
- Nous verrons sur place, en fonction de son humeur et de ses réponses. Direction la Forêt Blanche.
***
Imperatus évoluait à travers les couloirs pleins de merveilles d'Atlantis, ne pouvant s’empêcher de poser ses yeux partout. Savoir que ces lieux dataient de plusieurs millénaires et qu'ils bénéficiaient pourtant déjà d'une technologie encore inégalée aujourd'hui, cela lui donnait le tournis. Même quand elle parlait à Nuelfa, qui pourtant était assez humble et accessible, elle avait l'impression d'être un bébé. C'était d'ailleurs plus qu'une impression, quand on comparait leurs âges respectifs. Mais grâce au Solerios enfoui en elle, Imperatus jouissait d'un infime aperçu de la plus grande des sagesses du Multivers, qui dépassait même celle des Primordiaux. Celle des Façonneurs, la race toute puissante dont Arceus était le représentant dans cet univers.
Là où on pouvait trouver un bel échantillon de toutes ces merveilles, c'était dans le laboratoire de Nuelfa, là où Imperatus avait laissé Erend dans l'espoir que la Primordiale puisse faire quelque chose pour son corps mutilé. Mais quand elle entra, Nuelfa était seule et la table d'opération – ou quoi que ce soit qui s'y approchait le plus – était vide.
- Nous avons terminé il y a quarante minutes environ, annonça la Primordiale qui était en train de travailler sur un appareil inconnu d'Imperatus.
- Déjà ? S'étonna la Pokemon. Ses blessures étaient pourtant telles que même en trois jours d'opérations intensives, les médecins du Grand Empire n'ont pas pu faire grand-chose.
- Comparer la médecine humaine et celle des Primordiaux est absurde. Mais je dois avouer que je n'ai pas pu lui rendre sa totale intégrité physique. J'ai pu rétablir ses muscles, ses tendons, ses dents et ses os endommagés, mais ses organes coupés ne peuvent pas repousser. Il me faudrait faire une culture de son ADN et cloner les organes en question, et étant donné leur nature, l'opération pour les remplacer serait des plus... désagréables, sans compter la rééducation.
- Bien sûr, je comprends, fit Imperatus, qui avait depuis le temps quelques connaissances sur l'anatomie humaine et ses points sensibles.
- Il m'a dit que ce n'était pas grave, qu'il n'avait que peu d'intérêt de toute façon à se reproduire. Quant à la perte de sa langue, je lui ai implanté un mini-vocalisateur dans la gorge, grâce auquel il pourra parler quasiment normalement, et sans tout cet attirail noir.
- Merci. Vous savez où il est allé ?
- Non, il m'a parlé de faire une petite promenade. Vous voulez que je le cherche sur le détecteur de forme de vie ?
- Non c'est bon, je le trouverai. J'apprécie moi aussi de marcher seule à travers ces coursives et ces bâtiments ancestraux et fantastiques. Juste, dîtes-moi, concernant le projet d'Erend... Vous pourrez vraiment cibler l'Armée des Ombres, et elle seulement, sans toucher les armées de la FAL qui luttent en ce moment contre elle ou endommager la planète ?
Nuelfa se tourna lentement vers elle, et même si Imperatus ne put voir ses yeux en raison de son exomasque, elle devina facilement son expression du fait de sa moue. C'était celle qui disait, en gros : « Tu prends les Primordiaux pour qui, être inférieur ? ».
- Le Lunaturion peut faire exploser une planète comme il peut viser une fleur et laisser tout intact autour d'elle, expliqua-t-elle. Je peux également réguler la composition du laser pour qu'il n'affecte que certaines matières. Il n'y aura aucun dommage collatéral. Le seul souci est la question du temps. Il nous en faudra pas mal pour rediriger le peu d'énergie qu'on utilisait pour les réparations jusqu'au canon central. Je suis en train de fabriquer à cet effet un moteur de dérivation auto-rechargeable à induction hyperbolique.
- Je vois, fit Imperatus qui ne voyait pas grand-chose. Je vous laisse travailler.
Elle partit donc en quête d'Erend, sachant très bien que vu la taille de la cité spatiale, elle pourrait errer dedans une semaine sans le retrouver. Par chance, elle avait un lieu précis en tête : l'extrême sommet de la pyramide centrale, là où était caché le plus grand trésor des Primordiaux. Quand Atlantis était sous protection de l'ancienne Alliance Libre, Erend avait fait garder cette pièce nuits et jours, selon les recommandations de Nuelfa, afin que personne ne puisse y pénétrer.
La salle en question contrastait avec le reste de la cité, par son aspect presque religieux, sans trace des technologies ultra-avancées du reste d'Atlantis. Au bout de plusieurs colonnes finement sculptées, il y avait un mur, sur lequel était gravé un huit horizontal doré, symbole de l'infini. C'était là le plus grand des trésors d'Atlantis, la plus incroyable création des Primordiaux : la Source de l'Infini, capable d'accorder l'immortalité à tout être humain la touchant, en scellant son âme dans son corps et en lui accordant un organisme auto-régénérateur. Et en effet, Erend était là, sa Dark Armor posée dans un coin.
C'était la première fois depuis qu'elle l'avait rejoint qu'elle le voyait sans son armure. Effectivement, entre l'image horrible qu'elle gardait de lui quand ils l'avaient libéré de la salle de torture de Venamia et maintenant, il y avait du mieux. Il se tenait parfaitement debout. Ses muscles et sa chair étaient de retours, de même que sa pilosité était de retour, et ses ongles avaient repoussé. Mais il conservait encore pas mal de cicatrices au niveau des bras et du visage. Et maintenant qu'elle le voyait sans son masque, elle pouvait contempler de visu son œil rouge, symbole de la présence d'une partie d'Horrorscor en lui. Elle frissonna en le voyant, pourtant le sourire d'Erend avait l'air sincère et amicale. Imperatus ne décelait aucune corruption en lui.
- Ça fait du bien de pouvoir respirer un peu. La Dark Armor est très légère, mais elle n'a pas de climatisation intégrée.
Il avait parlé sans bouger les lèvres, avec seulement sa gorge, et le vocalisateur de Nuelfa implanté dedans. En effet, c'était remarquable. On devinait à peine le côté artificiel de sa voix. Elle était redevenue humaine, à l'inverse de la voix grave et résonnante qui était la sienne quand il portait son masque noir.
- Tu te sens mieux ? Demanda Imperatus.
- Disons que j'arrive à bouger tout mon corps sans une armure de seigneur des ténèbres, ce qui est effectivement un mieux. Mais ma langue ne repoussera pas, de même que mon défunt engin entre mes jambes.
- Je suis passé voir Nuelfa, elle me l'a dit. J'aimerai compatir, mais en tant que Pokemon et femelle, je mesure mal les effets de l'absence d'organe génital pour un mâle, à part l'impossibilité de procréer.
- Il y a d'autres petits désagréments, sur lesquels je t'épargnerai les détails pour préserver ma sensibilité et mon honneur. Mais comme ce sadique de Naulos n'a fait le job qu'à moitié en me laissant mes bourses, j'ai demandé une sorte de... castration chimique à Nuelfa, afin d'éviter l'apparition de tout désir que je ne pourrais plus combler. Pour ce qui est de la reproduction, je survivrai à ça je pense. Si vraiment un jour j'éprouve un désir d'enfant, je pourrai toujours en adopter un ou deux. Ces guerres successives ont fait pléthore d'orphelins.
- Mais le sang des Igeus... Il était si important aux yeux de ton père.
- Mon père était un crétin. Je me contrefous du sang des Igeus. Ma lignée a les mains pleines de sang et d'avidité depuis le tout début. Nobles avides, bourgeois dépravés, dirigeants corrompus... Je crois que la famille Igeus est celle qui a produit le plus de tout cela. Oh, on a deux trois noms dignes de louanges si on fouille bien, mais globalement, ça pue. Ce ne sera pas un mal que ce sang vienne à disparaître. Et il reste Ithil, de toute façon.
Imperatus garda le silence, ne souhaitant pas qu'Erend poursuivre et s’assimile à son tour au sang prétendument pourri des Igeus. Ou plutôt, elle ne voulait pas l'envisager elle-même.
- Que fais-tu ici, Erend ?
Elle avait essayé de ne pas mettre de note soupçonneuse dans sa question, mais elle dut échouer car Erend sourit et dit :
- Ne t'inquiète pas. Je n'ai pas changé d'avis, bien au contraire. Devenir immortel avec ce corps rafistolé ne me dis rien. Je réfléchissais, c'est tout. Je me demandais quel était le but de ce pouvoir, de cette éternité. Est-ce qu'un simple être humain peut ne serait-ce qu'envisager une vie qui ne finira jamais ? D'ailleurs, une vie éternelle peut-elle être qualifiée de vie ? Car la définition de toute vie, c'est la finitude. Sans mort, il n'y a pas de vie.
- Je n'ai pas les réponses à ces questions. Je suis encore plus jeune que toi, ne l'oublie pas.
- C'est vrai, rigola l'humain. Excuse-moi. Ce n'est pas le bon moment pour se vouloir philosophe. Mais je vais devenir dingue à rester ici à attendre que le Lunaturion soit opérationnel, avec tout ce qui se passe en bas. Je vais revenir sur Terre, et prendre part à la bataille.
- Pourquoi risquer ta vie, alors que le canon d'Atlantis est assuré de nous débarrasser de tous nos ennemis ?
- Pas tous non. Nos ennemis ne se limitent pas à l'Armée des Ombres. Et puis, il faut que Julian se montre dans la bataille. Son courage et sa puissance démontrés lui assureront une meilleure légitimité à gouverner.
- Julian a l'esprit d'un enfant de cinq ans dans le corps d'un adolescent, répliqua Imperatus. C'est de la folie !
- Mais il a sous ses ordres deux Dieux Guerriers. C'est une puissante valeur ajoutée. Et il tient vraiment à aller combattre, je cite, les méchants qui ont rendu sa mère mauvaise. Ne t'inquiète pas. Il ne fera pas de folie. Je ne le quitterais pas des yeux.
Erend alla se passer autour du bras une partie de la Dark Armor, et le reste des pièces vola ensuite jusqu'à lui, reconstituant entièrement l'armure noire autour de son corps. Il dématérialisa seulement le masque, laissant son visage à découvert.
- Je te laisse gérer ici. Toi et nos gars, aidez Nuelfa autant que possible pour que le Lunaturion soit prêt au plus vite.
- Attends ! Que voulais-tu dire, au sujet de nos ennemis qui ne se limitaient pas à l'Armée des Ombres ? Demanda précipitamment Imperatus alors qu'Erend s'éloignait.
Le jeune homme se retourna lentement, ses lèvres s'étirant en un sourire malsain tandis que son masque noir revenait sur son visage, et que son œil rouge brillait plus vif que jamais sous le capteur optique.
- J'ai quelqu'un à éliminer, fit-il de sa voix à nouveau résonnante et terrifiante. Pour le bien de mon plan, le Requiem de l'Innocence.
Erend quitta la salle, en laissant son amie Pokemon perplexe et inquiète. Ce n'était pas la première fois qu'Erend citait ce fameux Requiem de l'Innocence, et Imperatus se rendit compte qu'elle ne lui avait pas encore demandé ce que c'était.