Chapitre 390 : Brimas Atilus
Les habitants de Doublonville suivaient, autant que faire se peut, l'avancée de la flotte coalisée de la FAL. Fébriles, ils ne quittaient pas leurs portables des yeux, guettant la moindre information. Il fallait dire qu'avec l'Armée des Ombres aux portes de Johto, Eryl et ses troupes étaient le seul rempart entre eux et Horrorscor. Certain affichait leur patriotisme de façon ostentatoire dans les rues, se drapant du symbole de la FAL. D'autres priaient Arceus, Erubin ou quantité d'autres dieux pour la victoire de la Reine Eryl, ou pour que leurs proches, envoyés là-bas au front, reviennent en vie.
Pour Cosmunia, ce moment était autant historique qu'il était ironique. Elle avait toujours rêvé de ce jour où l'Innocence serait enfin honorée au grand jour, et où tout le monde se réunirait en priant pour sa victoire face à la Corruption. Mais maintenant qu'elle le vivait, elle se sentait insatisfaite. Car toutes ces prières étaient dévoyées. Des Blancs Manteaux circulaient partout en ville, haranguant la population pour qu'elle fasse encore plus preuve de dévotion envers Eryl, qu'elle prie de toute son âme pour sa victoire. Ce n'étaient pas des prières d'adhésions, mais de peur. Peur envers l'Armée des Ombres qui s'approchait. Peur envers la répression des Blancs Manteaux...
Cosmunia n'était pas partie avec la flotte au front. Elle qui avait vécu si longtemps au service de l'Innocence, alors que la dernière bataille contre la Corruption allait avoir lieu, elle choisissait de rester ici, à Doublonville. Parce qu'elle avait la sensation qu'elle serait plus à sa place ici qu'au combat. Ses pouvoirs pourtant, digne du Pokemon Fée et Cosmique qu'elle était, auraient été d'une grande aide contre les sbires d'Horrorscor. Elle en avait conscience. Mais son intuition lui disait qu'il fallait qu'elle demeure ici.
La Reine Eryl était partie au front en laissant le soin à Brimas Atilus de parler en son nom. Une sorte de souverain de l'Innocence suppléant. Et ça, ça inquiétait grandement Cosmunia. Le fanatique était déjà bien assez égocentrique quand il s'agit de répandre les préceptes d'une Innocence dure et intolérante. Alors en plus si Eryl lui donnait les clés du pouvoir, Cosmunia ne pouvait elle-même prédire jusqu'où irait ce malade. Bien sûr, il restait des membres du Haut Conseils de la FAL et des Chefs d’État pour diriger le pays, mais en l'absence de l'ensemble des forces armées et de la Team Rocket, les Défenseurs de l'Innocence étaient actuellement le groupe le plus nombreux et le mieux armé de la FAL. Et d'après ce qu'avait vu Cosmunia, Atilus était bien assez dingue et sûr de son bon droit pour tenter un putsch en l'absence d'Eryl. Cela en son nom et en celui de l'Innocence, bien sûr...
Cosmunia avait essayé d'avertir les autorités du danger, en tentant de rencontrer son ancien camarade des Apôtres d'Erubin, Silvestre Wasdens, désormais membre du Haut Conseil. Il était un humain honnête et raisonnable que Cosmunia avait toujours apprécié. Mais ses demandes s'étaient heurtées à un mur. Cosmunia n'était pas la bienvenue dans les hautes sphères de la FAL. Eryl avait quitté les Gardiens de l'Innocence en assez mauvais termes, et ne leur avait jamais pardonné d'avoir laissé Vaslot Worm prendre le pouvoir, et ne pas l'avoir soutenu elle en lieu et place du traître. Et après l'aveu même de Cosmunia qui avait affirmé que Worm était sans le moindre doute le Marquis des Ombres actuel, ça n'avait fait que conforter Eryl dans son idée que les Gardiens de l'Innocence avaient été depuis le début des incompétents.
Certes, les Apôtres avaient fait des erreurs, et ce depuis la génération de Dan Sybel, qui avait dissimulé pas mal de choses. Ils s'étaient laissés infiltrer par l'ennemi plus d'une fois, et avaient été décimés par ceux qu'ils avaient accueillis en leur sein. Toutefois, Cosmunia ne pouvait pas laisser cette... femme, faute d'un meilleur terme, jeter le discrédit sur des siècles de luttes contre les Agents de la Corruption. Sans les Gardiens, Horrorscor aurait eu le temps de revenir dix fois et de conquérir le monde dans la foulée.
Mais c'était ainsi. La Reine Eryl avait bien fait comprendre que Cosmunia n'avait aucun titre ni passe-droit. Elle avait tout juste accepté d'écouter son rapport sur les évènements du Mont Argenté, qui avaient coûté la vie à Izizi, et sur le plan de la comtesse Divalina pour pister et vaincre Worm. Mais comme le Marquis était toujours là, il était très probable que Divalina et son Doppelganger Jivalumi avaient trouvé la mort. Eryl avait alors déclaré qu'elle ferait de Worm son affaire, et que Cosmunia n'avait plus à s'ingérer dans ce qui était désormais du domaine de l’État. Wasdens n'avait rien pu faire pour la faire changer d'avis. Si Eryl écoutait ses conseils, c'était en tant que Haut Conseiller de la FAL et ancien bras droit d'Igeus, non en tant qu'Apôtre.
Quelle déchéance, pour elle qui avait combattu aux côtés de son père Dan Sybel, et qui l'avait pris sous son aile à elle quand elles s'étaient rendues à Kalos. Eryl lui donnait alors du « Dame Cosmunia » et lui parlait avec le plus grand respect. Aujourd'hui, elle l'avait jetée comme une moins que rien en refusant même de la prendre à son service. Mais ça ne faisait rien. Cosmunia avait toujours suivi sa conscience, et ce n'était pas aujourd'hui qu'elle allait arrêter. Elle ferait ce qu'elle pensait être juste, et en l’occurrence, c'était de surveiller Brimas Atilus et ses fanatiques, qui ne cessaient de dévoyer la vraie Innocence.
Bien sûr, aller tabasser les Blancs Manteaux un par un en ville n'était pas la bonne solution, et certainement pas dans ses habitudes. Essayer de raisonner ces fanatiques ne donnerait rien non plus. Elle comptait mener un travail de surveillance et de recherche de l'information, si possible au plus près d'Atilus lui-même. Il allait forcément se trahir, laisser échapper de sinistres projets ou faire usage de méthodes inacceptables. Sauf que le leader des Défenseurs de l'Innocence ne sortait plus du siège de la FAL, tout enorgueilli de ses nouvelles responsabilités, et laissait le soin à ses bras droits – les Blancs Manteaux les plus zélés et dingues – de continuer l'inquisition en ville et partout ailleurs dans Johto.
En plein milieu du centre-ville et de tous ces gens qui priaient, Cosmunia leva son regard vers l'énorme tour qui était le siège provisoire du gouvernement fédéral. Atilus était quelque part en haut, avec bien trop de pouvoirs pour un homme comme lui. Si elle pouvait se servir de son Talent Vérité sur lui, et lui arrachait des aveux sur ses réelles intentions... Mais Cosmunia ne pouvait pas l'atteindre d'ici. Même si l'armée de la FAL était partie, cet immeuble était tout de même fortement gardé.
- Dame Cosmunia ?
La Pokemon se tourna avec méfiance vers un individu drapé d'un manteau à capuchon qui venait de l'aborder.
- Elle-même.
- Mon maître désire vous parler. Si vous voulez bien me suivre ?
- Ce serait avec joie, si toutefois je savais qui était votre maître et ce qu'il me veut.
- Il vous révélera lui-même son identité s'il le juge approprié. Quant à ce qu'il veut... c'est la même chose que vous, ma dame.
Il sortit imperceptiblement la main de sous son manteau, révélant une bague avec un symbole bien connu de Cosmunia. Celui d'une flèche ailée, symbole historique des Gardiens de l'Innocence. Il cacha vite cet anneau. Évidement, ce n'était pas quelque chose à exhiber dans une ville contrôlée par les Blancs Manteaux, qui considéraient aux mieux les Gardiens de l'Innocence comme des indésirables, au pire comme des traîtres.
- Vous êtes de ceux qui ont survécu à la destruction du manoir Brenwark ? Demanda Cosmunia.
- En effet. Nous sommes une dizaine. Nous avons été réunis par notre maître.
Le Gardien releva la tête, et Cosmunia put apercevoir son visage. C'était celui d'un jeune homme aux cheveux verts qui n'était pas étranger à Cosmunia. Même si elle ne se souvenait plus de son nom, elle l'avait en effet déjà vu au manoir Brenwark. C'était triste pour l'un des Apôtres de ne pas connaître le nom d'un des Gardiens de l'Innocence, mais sous le règne d'Oswald Brenwark, ils avaient recruté à tour de bras, et ce partout dans le monde.
- Très bien, je vous suis. Monsieur...?
- Mak. Florian Mak, Dame Cosmunia. Notre maître avait prévu que vous resteriez ici. Avec vous à nos côtés, nous pourrons enfin rendre la monnaie de leur pièce à ces fous de Blancs Manteaux.
Cosmunia lut de la haine dans les yeux du jeune Gardien, et s'en inquiéta.
- Ce n'est pas une histoire de vengeance, Florian.
- Pour vous peut-être. Mais ces chiens sont passés dans plusieurs villages avant d'arriver au manoir. Ils ont déclaré que leurs habitants étaient des complices des Gardiens de l'Innocence, pour avoir eu connaissance de leur existence non loin et les avoir dissimulés. Ils ont tout brûlé. La maison de mes parents... Ils ont violenté ma mère, qui a eu un malaise, puis l'ont laissé brûler, sous les yeux de mon père qu'ils ont passé à tabac dehors. Je sais que la colère est un péché... mais je ne peux m’empêcher d'en éprouver quand je pense à ces fanatiques, qui osent profaner la voie d'Erubin.
Cosmunia hocha la tête, compréhensive.
- La colère, avant d'être un Péché Capital, est une émotion naturelle. Erubin ne l'a jamais niée. Son credo était que nous devons mener un combat constant contre ces émotions négatives et autres péchés, pour maintenir un équilibre en nous et nous améliorer. Il n'a jamais été question de les interdire, comme le prétendent les Blancs Manteaux.
Cosmunia suivit Florian à travers la ville jusqu'à un vieil entrepôt déserté. Il tira une plaque de fer qui dissimulé un escalier.
- Ce sont les souterrains de la ville, fit Florian. Ils servaient autrefois à la pègre et à leur marché noir, avant d'être condamnés. C'est là que nous nous dissimulons.
- À quelle fin ? Voulut savoir Cosmunia.
- Espionner les Blancs Manteaux. L'un d'entre nous a pu se faire passer pour l'un d'entre eux, et nous transmet des infos dès qu'il peut. Généralement, il s'agit des descentes qu'ils ont prévues, et on peut prévenir les concernés à l'avance. Mais il y a quelques jours, notre espion nous a fait part de quelque chose d'inquiétant. Atilus prépare quelque chose. Quelque chose de très grave...
Florian n'en dit pas plus, et Cosmunia ne l'interrogea pas davantage. Sans doute que leur fameux maître allait en informer Cosmunia en temps et en heure. Elle trouva bien plus de monde dans ces souterrains qu'elle ne l'avait escompté. Florian ne lui avait parlé que d'une dizaine de Gardiens de l'Innocence, or ça ressemblait à un squat géant, avec des familles entières pressées les unes sur les autres, dans des conditions d'hygiènes assez déplorables.
- Qui sont tous ces gens ?
- Des habitants qui fuient les Blancs Manteaux. Ils sont recherchés pour avoir commis je ne sais quel péché, très souvent pour pas grand-chose. Il en faut peu pour être la cible des Blancs Manteaux.
Cosmunia acquiesça, se souvenant de cette pauvre éleveuse de Pokemon de Rosalia, condamnée juste parce qu'elle tirait profit de son métier. Si on laissait faire Atilus et sa bande, tous ceux qui n'étaient pas habillés de pagnes et qui ne se nourrissaient pas exclusivement de pain et d'eau seraient considérés comme des pécheurs souhaitant accumuler et étaler leurs richesses.
- Nous essayons de tous les accueillir, mais ils se font de plus en plus nombreux, comme vous le voyez, poursuivit Florian.
- Faite attention à ce que de vrais criminels ne se glissent dans le tas.
- Nous ne sommes pas juges, Dame Cosmunia, rétorqua le Gardien. Nous aidons juste ceux qui fuient la répression. Et même si certains d'entre eux ont commis de vrais crimes, il est plus juste de leur laisser le bénéfice d'une seconde chance que de les soumettre à la parodie de justice des Blancs Manteaux.
Florian la fit rentrer dans une salle, où visiblement, les réfugiés n'avaient pas accès. Dedans, il y avait bien une dizaine de personnes qui discutaient autour de divers plans, dont un que Cosmunia reconnut comme étant celui du siège du gouvernement. Le symbole des Gardiens de l'Innocence était gravé contre le mur... où étaient adossés plusieurs armes à feu.
Ainsi donc, les Gardiens de l'Innocence ont fini par devenir une espèce de milice armée révolutionnaire ? Songea Cosmunia avec ironie. Parmi les Gardiens présents, elle en reconnut certains, dont Wilda, la vieille domestique d'Oswald Brenwark au manoir. Tous la saluèrent en s'inclinant quand elle s'approcha, laissant un espace libre entre elle et l'homme qui semblait mener les discussions.
- Premier Apôtre, je vous ai ramené Dame Cosmunia, fit Florian.
Ce titre laissa la Pokemon coi un bref instant, elle qui avait tant respecté et fait respecter les règles parmi les différents Apôtres au cours des siècles. Avant qu'elle n'ait pu s'en empêcher, elle déclara d'un ton froid :
- J'ignore qui vous êtes, mais que vous ayez pris la tête d'un petit groupe de Gardiens ne peut faire de vous le Premier Apôtre. Ce dernier est choisi parmi les seuls Apôtres en lice au terme d'un vote, et uniquement comme ça.
Bien sûr, désormais, c'était assez compliqué, car il ne restait plus que deux Apôtres en vie. L'homme pourtant sourit sous son capuchon.
- Je le sais bien. J'ai déjà été élu par les autres Apôtres, y'a quelques années. Même si ce titre ne me revient plus, ils ont tous décidé de m’appeler comme ça, même si je savais que ça vous hérisserait le poil... ou plutôt les rubans.
Cosmunia avait vécu des siècles, et avait vu quantité de choses stupéfiantes ou horribles. Rares sont celles qui avaient pu la bouleverser autant qu'elle le fut aujourd'hui en reconnaissant la voix de l'homme en face d'elle.
- Vous... Mais... Comment est-ce possible ?
L'individu retira son capuchon, dévoilant un visage dont toute la partie droite était entourée de rubans et de pansements, signe d'une grosse blessure. Mais sa partie gauche elle était tout à fait reconnaissable. Un visage franc et décidé, des yeux rieurs, des cheveux violets coiffés en arrière...
- Content de vous revoir en forme, Dame Cosmunia, dit Dan Sybel. Je sais que ça ne se fait pas, mais je me permets de revenir d'entre les morts un petit moment. C'est que c'est devenu un sacré bordel, en mon absence...
***
Aime ton prochain.
Sois bon avec les pauvres.
Pense aux autres avant de penser à toi.
Toutes ces consignes avaient été marquées sur le corps de Brimas Atilus. Littéralement. Son père était un prêtre déchu d'Arceus, qui avait été excommunié en raison de son attrait pour les femmes et pour l'alcool, qui lui avait valu de faire tomber la jeune fille qu'il avait violé enceinte. Et, attaché qu'il était aux préceptes sacrés du Créateur, Eloïc Atilus il avait ensuite séquestré la fille en question pour l’empêcher de pratiquer un IVG. C'était qu'Arceus ne tolérait pas ce genre de choses. Toute vie en devenir était sacrée.
À la naissance de Brimas, le père Eloïc avait pris l'enfant avec lui, sans manquer bien sûr de tuer sa mère, en vile pécheresse qu'elle avait été pour avoir tentée l'homme de Dieu qu'il était et avoir voulu supprimer son enfant à naître. Brimas n'avait rien connu d'autre avec ce père violent et un peu fou que la souffrance et la privation. Il le battait couramment, pour des motifs aussi divers que variés, principalement parce que Brimas n'avait pas ou pas assez respecté les préceptes du Créateur, comme quand il ne lui rapportait pas assez de pièces dans la journée pour qu'il puisse s’acheter son vin. Père Eloïc se plaisait à prêcher la charité et l'amour tout en fouettant son fils, une bouteille à la main.
Au terme de cette enfance mêlant peur, brutalité et recherche du divin, le jeune Brimas avait fini par acquérir une certitude : son père était corrompu. Il avait été tenté par un démon quelconque, puis avait passé sa vie à détourner la religion pour son profit. Tout ne devait être qu'amour et bienveillance, oui. Mais ceux qui s'écartaient de ces préceptes devaient être rapidement éliminés, de crainte qu'ils ne salissent et ne corrompent le monde autour d'eux, comme Père Eloïc. C'était une mission sacrée que de se débarrasser des perturbateurs, des corrompus et des mécréants, ceux qui mettaient en danger l'innocence.
Brimas avait donc tué son père, au cours d'une nuit où ce dernier était particulièrement saoul. Avant de mourir, le prêtre avait pu lui cracher ces quelques mots au visage : « Tu es l'enfant du démon. Je n'aurai jamais dû t'élever. Arceus me pardonne... ». Certes, donner la mort était un péché. Mais si par ce péché on protégeait d'autres personnes, et plus généralement l'innocence dans sa globalité, alors ce péché était non seulement pardonné, mais le commettre était aussi un devoir. C'était du moins ce que Brimas s'était alors dit, pour alléger sa conscience.
Ayant perdu foi aux préceptes d'Arceus qui ne l'avaient jamais protégé de son père violent, le jeune homme se mit à rechercher désespérément des réponses dans d'autres croyances. Mais elles étaient aussi nombreuses que diverses, et toutes prétendaient détenir la vérité. Déboussolé, en manque de repaire, Brimas avait erré sans but des années durant, tentant de faire le bien autour de lui tout en éradiquant le mal.
Puis alors, elle était apparue. La Reine Eryl, proclamant la primauté de l'Innocence et la nécessité de combattre les péchés. Dans ce monde qui se corrompait de jours en jours, elle avait été la lumière qui avait éclairé Brimas et avait donné un sens à sa vie. Tous ses discours étaient ce à quoi il aspirait. Tout avait pris un sens. La Corruption était du fait d'Horrorscor, ce Pokemon démoniaque qui tentait les humains et les attirait dans le péché. Ces mêmes péchés qui avaient pris la forme de Sept Démons Majeurs, œuvrant pour Horrorscor et étendant plus que jamais leur influence néfaste à travers le monde.
Brimas avait alors eu tout ce qu'il recherchait : un coupable à sa triste enfance : Horrorscor et sa Corruption, qui avaient fait de son père un homme mauvais. Un ennemi absolu à combattre : les péchés capitaux, qui renforçaient les Sept Démons Majeurs. Une déesse à vénérer : Erubin, qui n'était qu'amour et bienveillance. Et une reine-déesse à adorer et à servir : Sa Majesté Eryl, seule et unique incarnation de l'Innocence.
La Reine Eryl avait bien compris que les pseudos Gardiens de l'Innocence, qui combattaient jusque-là Horrorscor et ses sbires, étaient d'une rare incompétence, et qu'il fallait un groupe avec des actions plus directes, et une foi plus perceptible. C'était bien bon de prôner la bonté et le pardon, mais la corruption se servait justement de cette bienveillance pour croître. Sans châtiment, pas de pardon. Pour combattre le péché, il fallait être sans pitié. La modération, dans ce domaine-là était une faiblesse. Pire ; c'était un sacrilège.
Brimas Atilus n'aurait de cesse de combattre le péché sous toutes ses formes, partout et en tout temps. Ce n'est que lorsqu'il aura été totalement éradiqué qu'un monde de pure innocence pourrait voir le jour. Et pour cela, il était prêt à se salir les mains, à les tremper dans des litres de sang. La Reine Eryl devait forcément mettre de l'eau dans son vin, et présenter un visage respectable devant la communauté internationale. Brimas n'avait pas cette obligation.
Et maintenant que Sa Majesté était partie combattre Horrorscor, il était temps pour les Défenseurs de l'Innnocence d'entrer en action. Pour qu'à son retour triomphant, la reine puisse trouver un pays purgé de tous péchés. C'était une guerre à mener sur deux fronts. Brimas la mènerait ici, à Johto, face aux impurs et aux mécréants. Si ça choquait trop les élites de la FAL, tant pis. La Reine pourrait toujours rejeter toute la responsabilité sur lui, affirmant qu'elle n'avait jamais voulu ça. Qu'importe. Brimas était prêt à tout sacrifier pour elle, sa vie comme sa réputation.
Dans ses quartiers alloués dans la tour du siège du gouvernement, à Doublonville, il était agenouillé dans la pénombre, les fenêtres fermées, priant et méditant. C'étaient des quartiers simples, austères, sans fioritures qui auraient pu le rapprocher de l'Avarice. Il avait fermé les fenêtres à dessein, car quand il se rapprochait du divin dans ses prières, il préférait toujours le faire dans l'obscurité. Il savait qu'un de ses hommes attendait sur le pan de la porte, patientant le temps qu'il ait terminé ses prières. Brimas le laissa attendre le temps qu'il fallut. Quand il fut enfin en paix avec son âme et la Sainte Innocence, il se leva.
- Votre Excellence, tout est prêt pour la première étape, lui dit le Défenseur.
- Bien. Alors allons-y, et que la volonté d'Erubin nous guide.
- Nous avons fait sécuriser la salle, mais le Haut Conseiller Silvestre Wasdens a déjà remarqué notre présence, et exige de savoir ce que nous tramons.
- Ignorez-le. Nous n'avons pas de compte à rendre aux civils baignés dans leur douce naïveté, surtout un qui était l'un des chefs de ces prétendus Gardiens de l'Innocence et de leurs manquements criminels.
La salle en question, gardée par tout un escadron de Défenseurs armés, avait également sa porte bloquée par un double champ de force psychique, qui venait à la fois de l'extérieur et de l'intérieur. On ordonna aux Pokemon qui les lançaient de les lever le temps qu'Atilus n'entre. Cette pièce, qui faisait office de caserne des Défenseurs de l'Innocence, avait été réaménagée pour le projet. Tout le mobilier avait été poussé contre les murs, pour laisser au centre le plus vaste espace.
Il y avait quatre Neitram disposé en losange autour d'une seule et unique chaise. Les Neitram étaient protégés par un autre champs de force psychique, tenu par deux Alakazam. Une vingtaine de Défenseurs se tenaient tout autour, les mains croisées en symbole de prière. Atilus pénétra le champ de force pour s'asseoir sur la chaise au centre de la pièce. Ce serait lui qui piloterait le tout, bien sûr. Pour arriver à supporter l'emprise psychique de quatre Neitram à la fois, il fallait posséder une discipline mentale de fer... et une foi tout aussi grande.
- Mes frères et sœurs, vaillants Défenseurs de l'Innocence, commença Brimas. La Reine Eryl nous a chargé de représenter l'Innocence au sein de la FAL en son absence. Et nous allons la représenter. L'innocence inflexible, qui ne recule devant rien pour éradiquer le péché. Nous allons purifier Doublonville des infidèles, des mécréants et des indésirables. Et si, par la grâce d'Erubin, cela fonctionne, alors nous l'étendront ensuite au reste de la région, puis au monde entier ! Car, en vérité, terrasser le Marquis des Ombres et son armée ne suffira pas à faire régner l'Innocence. Nos ennemis sont aussi intérieurs, parmi nous, et leurs simples présences met en péril tout ce que nous voulons bâtir. Pendant les deux jours qui vont suivre, personne ne devra pénétrer ici. Personne ne devra me déranger, tandis que j'éradiquerai le Mal. Que mon esprit pur soit le glaive qui pourfendra les pécheurs. Nos mots sont vérités. Nos actes sont justice. Louée soit Erubin !
- Nos mots sont vérités. Nos actes sont justice. Louée soit Erubin ! Reprirent en chœur tous les Défenseurs.
Sur ordre d'Atilus, les Neitram activèrent leurs pouvoirs psychiques pour créer un lien entre eux et l'esprit du leader des Blancs Manteaux. En même temps, tous les autres Pokemon Psy que les Défenseurs avaient positionnés tout autour de Doublonville pénétrèrent ce lien mental. Assommé par cette immense pression qu'il était, Atilus eut néanmoins l'impression de devenir un dieu. Son esprit résonnait à travers toute la capitale, et il pouvait capter toutes les ondes mentales de ses habitants. Car si la menace par la force physique avaient ses limites pour soumettre la populace à une juste religion, le plus efficace restait de s'en prendre à leurs esprits. Conscience, libre-arbitre, volonté... Tout cela était criminel si ça ne servait pas la seule et unique pensée : celle de la pureté de l'Innocence !