Chapitre 30 : Question de génétique
Dan avait fini par faire des cauchemars dans lequel il trouvait la mort, noyé par des tonnes de dossiers. Même avec toute la bonne volonté du monde, il n'avançait pas dans la lecture des divers rapports réservés aux Apôtres d'Erubin. Il lui fallait concilier son travail de Ranger à Kanto, et faire à chaque fois le trajet jusqu'à Sinnoh, car évidemment, les dossiers des Apôtres étaient des informations top secrète qui ne devaient en aucun cas quitter le manoir. De plus, si on lui demandait de résumer ce qu'il avait lu jusqu'à présent, il n'aurait pu ressortir qu'environ 30%. Ça lui prenait la tête, et la tentative d'assassinat qui avait ciblé son ami Oswald à Unys n'avait rien arrangé.
Arceus merci, Oswald était tiré d'affaire et allait mieux ; Dan avait pu l'avoir au téléphone récemment. Reconnaissant envers Erubin si c'était là son œuvre, Dan s'était donc replongé dans la lecture de toute cette paperasse retraçant des siècles d'existence des Gardiens. Il s'était réservé tout un pan de la bibliothèque du manoir juste pour lui, avec interdiction aux simples Gardiens de s'y approcher, histoire qu'il puisse étudier tout ça en silence. Mais au bout d'une heure, alors qu'il survolait un dossier important sur les divers agents des Gardiens dans différentes organisations du globe, il fut toutefois dérangé, et par une personne qu'il ne pouvait pas renvoyer sèchement : la maîtresse des lieux en personne, la comtesse Divalina.
- Vous êtes encore là Dan ? Ne faite pas trop de zèle non plus. On ne vous a jamais demandé d'apprendre tout ça par cœur jusqu'à la moindre virgule.
- Même si j'en avais l'intention, je n'y arriverai pas... Nom d'un Capstick, je ne me souviens même plus du nom du Premier Apôtre précédent !
- Gilbert Meyertom. Il fut le maire de la ville de Mérouville à Hoenn de...
- 1937 à 1962, acheva Dan. Il rencontra le professeur Erable lors d'une exposition pokémonologique en 1958, et le recruta peu après. L'Histoire, c'est bon je gère. Ce sont les noms que je ne retiens jamais. Et donc ce que je suis en train de lire là, la liste de nos contacts infiltrés un peu partout, même si c'est important, je crains de ne plus m'en souvenir demain.
- De simples noms sur un papier peuvent paraître abstraits, en effet. Mais ça ira mieux une fois que vous aurez rencontré tous ces Gardiens en personne... même si la plupart viennent rarement ici, du fait justement de leur couverture.
- En parlant de nom... Il y a une question que j'aurai voulu vous poser, si ce n'est pas trop indiscret. En fait, je ne connais même pas votre prénom. Pourtant je squatte chez vous la moitié de la semaine et je sors plus ou moins avec votre fille. Et je n'ai jamais entendu personne le prononcer.
Divalina lui fit un sourire amusé.
- C'est normal. Je n'ai plus de prénom.
- Pardon ?
- C'est une tradition de notre famille. Quant un Divalina devient comte ou comtesse, il doit renoncer à son prénom, et se faire appeler par son seul titre et nom de famille jusqu'à qu'il passe le flambeau à un autre. Mais si ça vous intéresse vraiment, je suis née en tant que Héloïse Divalina, et je ne retrouverai ce nom que lorsque Leslia deviendra comtesse à ma place.
- Et alors, faudra que je lui donne du « comtesse » à tout bout de champs avec interdiction de prononcer son prénom ?
- C'est l'idée, oui. Mais ne vous inquiétez pas. Nous ne décapitons pas quelqu'un car il a laissé échappé notre prénom par inadvertance.
- Et à propos de votre famille... J'ai survolé les registres qui datent un peu, depuis que votre grand-père a rejoint les Gardiens et mis ce manoir à leur disposition... Et j'ai remarqué qu'il était le seul homme Divalina de sang depuis un bon moment et jusqu'à aujourd'hui encore. Sa mère était la comtesse avant lui, et lui-même a eu trois filles, qui à leur tour n'ont eu que des filles aussi, et vous également. C'est un hasard, ou votre famille est une sorte d'aberration statistique ?
- C'est vrai. Si vous naissez chez les Divalina, vous avez 90% de chance d'être une fille, et 70% de chance d'avoir les cheveux blancs. C'est comme ça depuis le fondateur de notre lignée, il y a huit cents ans. Ça a vraisemblablement un rapport avec nos Doppelganger, ou le gène qui nous permet de les incarner.
Dan haussa les épaules, décidant de ne pas être si étonné que ça.
- Bah, il y a plein de trucs mystérieux qu'on ne comprend pas encore dans notre monde. Tenez, une fois, quand j'étais encore un apprenti Ranger à Almia, mon superviseur et moi avons croisé un mec qui arrivait à faire léviter le sable et le façonner comme il voulait. Il disait être le Sandmod, bien que j'ignore ce que ça voulait dire...
- « Sand Modeler », expliqua la comtesse. Le Modeleur de Sable.
- Vous le connaissez ? S'étonna Dan.
- Du tout. J'ai juste connaissance de ses pairs. Les Modeleurs sont des personnes très rares capables de contrôler un atome en particulier. Et en effet, c'est un exemple bien choisit. Tout comme on ignore d'où viennent les Doppelganger et pourquoi les membres de ma famille peuvent les maîtriser, on ignore de quoi les Modeleurs tirent-ils leurs pouvoirs. Nous sommes loin de tout savoir sur les mystères de ce monde, effectivement...
Dan médita là-dessus un court instant avant d'attraper au hasard un des dossiers des Gardiens infiltrés.
- En tant que Ranger, j'aime à savoir ce genre de choses, dit-il. La plupart des trucs paranormaux qu'on peut croiser proviennent des Pokemon. Tout comme cette fameuse Pierre des Larmes qu'on est censé trouver. Je serai plus utile aux Gardiens d'ailleurs en faisant le tour du monde pour tenter de la dénicher que rester ici pour lire les dossiers de mecs dont j'aurai oublié le nom demain, comme ce... Vaslot Worm là... nom de nom ! La Team Rocket ?!
Dan pensa avoir mal lu, mais en effet, il y avait bien la mention « agent de la Team Rocket à Céladopole, Kanto » juste en dessous du nom de ce Gardien de l'Innocence. Il étudia le court dossier avec attention, les sourcils froncés.
- Ah, il n'est chez nous que depuis un an celui-là, fit la comtesse Divalina. Mais il nous a déjà été pas mal utile. C'est lui qui a envoyé ce courrier anonyme à votre ami Funerol lors du procès contre N.W.C.
- C'est un Gardien qui a été infiltré, ou bien un Rocket qui s'est rallié à nous ?
- C'est bien un Rocket, loyal à son organisation, mais qui nous transmet des renseignements quand il peut, notamment sur les agissements qui pourraient être liés aux Agents de la Corruption. C'est qu'il a eu à faire à Verelosius apparemment. Vous conviendrez qu'une rencontre avec cet énergumène suffit amplement à ce qu'on éprouve de la sympathie pour les Gardiens de l'Innocence.
Dan ne pouvait pas arguer du contraire, mais savoir qu'un membre de la Team Rocket travaillait pour eux le dérangeait.
- Oswald Brenwark est le seul simple Gardien au courant concernant ce jeune homme, continua Divalina. C'est lui son principal interlocuteur. Ils s'échangent des services de temps en temps.
Dan aurait bien éclaté de rire, si la situation ne lui était pas aussi désagréable.
- Ah ! Le chevalier blanc défenseur des causes justes a des contacts dans la première organisation criminelle de Johkan alors ? Et moi qui gardais encore un peu d'espoir pour ce monde...
- Vous n'appréciez guère la Team Rocket, si j'ai bien compris, sourit la comtesse.
- Je les méprise même de toute mon âme. D'une part parce que je suis natif de Kanto, et d'autre part parce que leurs activités avec les Pokemon rentrent quelque peu en conflit avec mes tâches de Ranger. Je n'ai jamais compris comment les Dignitaires, et plus encore le reste de la population pouvaient s’accommoder de leur existence.
- Sans doute pensent-ils qu'il vaut mieux avoir un crime organisé et encadré qu'une flopée de criminels sans aucun contrôle. Tout le monde peut traiter avec la Team Rocket, du moment qu'on a une valise de billets avec nous. Et elle a l'avantage de maintenir l'ordre dans le monde de la délinquance.
- Je ne gobe pas ça, répliqua Dan. On ne peut pas trouver des excuses à ce genre de détritus de l'humanité.
- Ce ne sont pas des excuses, mais la vision pragmatique de la plupart des gens. Comme nous même. Nous autres Gardiens n'avons aucune raison d'apprécier ce genre d'organisation qui suinte la corruption de tous les côtés, mais nous sommes assez intelligents pour ne pas dédaigner les avantages d'avoir des personnes à nous à l'intérieur. J'ose donc espérer que si vous veniez à rencontrer ce jeune Worm, vous oublierez vos préjugés sur la Team Rocket pour lui parler de façon des plus courtoises, d'Apôtre à Gardien.
- Je ne suis pas un rustre, comtesse, même si je suis né dans un village des plus reculés de la civilisation. Je serrerai volontiers la main de ce Rocket... même si ensuite j'utiliserai un savon entier pour me désinfecter.
Worm... Worm... Ce nom lui disait quelque chose. Il l'avait déjà entendu quelque part il n'y a pas longtemps. Mais ça ne lui venait pas. Ah, lui et les noms...
***
Togesplit voletait seul et sans but dans les jardins du Manoir Divalina, perdu dans ses pensées maussades. Il y avait toujours quelques Gardiens sur place, principalement des jeunes. Des humains pas encore adultes, dont leurs parents Gardiens avaient trouvé la mort face aux Agents de la Corruption, et que la comtesse accueillait volontiers chez elle. Des enfants qui, pour la majorité, suivaient l'enseignement d'un maître, un Gardien confirmé dont la tâche était de les former pour qu'ils en deviennent à leur tour.
Cette perpétuation de la foi d'Erubin, Togesplit la trouvait des plus stupides. L'attachement envers une divinité, fut-elle réelle, devait être un acte individuel, pas quelque chose que l'on enseigne. Togesplit ne pouvait certes pas accuser les Gardiens de formatage de l'esprit, mais ils ne laissaient pas vraiment le choix à ces jeunes. Ils avaient souffert d'une façon ou d'une autre du fait d'Horrorscor, et sous couvert d'un pieu attachement envers l'innocence, ils désiraient se venger. Tout comme Togesplit lui-même. Sauf que lui n'avait pas besoin d'un professeur pour le guider sur les voies d'Erubin. Pour ainsi dire, il se fichait pas mal de la Déesse de l'Innocence.
Il regardait d'un air circonspect deux enfants écouter les conseils d'un Gardien plus âgé, un bambin de seulement cinq ans jouer avec un Mélokrik en rigolant, et un couple d'adolescents qui folâtraient assis sur le bord de la fontaine centrale, main dans la main. Le tableau parfait de la joie et de l’innocence. Un tableau dans lequel Togesplit n'avait rien à faire. Il avait beau être un des Apôtres, personne ne venait lui parler ou même le saluer. Et à raison ; il avait ici une réputation de Pokemon irascible qui n'aimait personne. Une réputation méritée, certes. Mais les Gardiens l'évitaient aussi du fait de ce qu'il était : une création distordue et probablement corrompue de base de Vaalzemon, le Marquis des Ombres.
Togesplit n'en voulait pas aux Gardiens pour cela. Il n'avait jamais tenté de rapprochement lui-même, de toute façon. Il n'appréciait guère les humains, et la naïveté touchante avec laquelle la plupart des Gardiens envisageaient la vie lui donner envie de hurler. Aujourd'hui encore, il ne comprenait pas qu'il ait pu accepter de devenir l'un des six Apôtres, alors qu'il était à des lieues de partager la vision onirique de l'Innocence. Il l'avait fait uniquement par pragmatisme, pensant qu'il aurait plus de chance de se venger du Marquis des Ombres en étant avec eux. Et ça avait été le cas, en un sens. Les Gardiens avaient réussi deux trois avancés dernièrement, en capturant Zestiria et en éliminant Verelosius. Mais ça n'allait pas assez vite pour Togesplit. Et plus il restait ici, parmi les Gardiens, plus il se sentait comme un pestiféré.
Du coup, il avait pris sa décision. Il était temps de mettre les voiles. Temps d'abandonner cette innocence hypocrite qu'il ne pourrait jamais appliquer. Temps de rendosser sa véritable nature de Pokemon distordu et accro à la violence. Temps de retrouver son créateur, et de se confronter à lui, sans compagnons Gardiens derrière lui, et advienne que pourra !
Ça ne servait à rien d'enquêter avec des méthodes traditionnelles et légales pour remonter jusqu'à Vaalzemon. Pour le trouver, il suffisait de le faire venir à lui. Lui, ou ses sbires. En tant qu'ancienne création de scientifique fou, Togesplit partageait une espèce de lien avec lui. Quelque chose de ténu, mais qui était bien réel. Dans sa démesure égocentrique, Vaalzemon avait toujours ajouté un peu de sa propre ADN dans chacune de ses créations, de façon à toujours les marquer comme lui appartenant, comme si elles étaient ses enfants. C'était à Kaorie, son Agent de la Corruption qu'il avait créé en modifiant un Kaorine jusqu'à en faire une pâle copie d'être humain, que ce lien servait le plus. Avec ses pouvoirs psychiques, elle était capable de remonter ce lien pour savoir en permanence où se trouvait Vaalzemon, et même communiquer avec lui à un certain niveau mental.
N'étant pas un Pokemon Psy, Togesplit n'était pas capable de choses pareilles. Néanmoins, il pouvait se plonger profondément dans ce lien, pour que justement Kaorie puisse le localiser, et le conduire au Marquis. Le Savant Noir voudrait sûrement l'éliminer lui-même. Arrogant comme il l'était, il ne déléguerait pas cette tâche, en laissant donc sous-entendre qu'il n'était pas assez puissant pour le faire lui-même. Bien sûr, Togesplit n'était nullement certain de l'emporter. Vaalzemon avait hérité des pouvoirs spectraux et ténébreux d'Horrorscor ; pouvoirs qui étaient démultipliés par son fameux Gantelet des Ombres. Mais même si Togesplit devait mourir en essayant, il était prêt. Il en avait assez de cette vie où il était incapable de trouver sa place.
Il n'avait prévenu personne de son départ, et ne comptait pas le faire. Mais aussi insensible soit-il, il ne pouvait pas quitter les Gardiens de l'Innocence sans un seul mot d'adieu ou de remerciement envers le seul humain pour qui il éprouvait un tant soi peu de respect et d'attachement : ce grand nigaud d'Henrich. C'était lui qui l'avait libéré du laboratoire de Vaalzemon, lui qui l'avait fait rentrer chez les Gardiens, et lui seul qui avait tenté de le comprendre et de se rapprocher de lui. Peut-être parce que lui aussi étant mis à l'écart de la société humaine normale, il s'était retrouvé en Togesplit ?
Sa décision prise, il se mit en quête d'Henrich. Il n'allait pas lui avouer ses intentions ; l'humain allait forcément tenter de l'arrêter. Il voulait juste lui dire un mot gentil avant de partir. Le seul qu'il ne lui dirait jamais. Il le trouva dans un des grands salons du manoir, mais il n'était pas seul. Il était en train de parler à Musmelian, la fille aînée de la comtesse. Se faisant discret, Togesplit les écouta sans se montrer. Les deux humains discutaient joyeusement, et la timidité maladive d'Henrich quand il était en présence de la jeune femme, faute de s'être totalement évaporée, semblait moins forte qu'autrefois.
- Vous vous moquez de moi ! Rigola Musmelian.
- Nan je vous jure ! C'était un Donphan rose géant avec des oreilles grosses comme ça ! Et je suis sûr que je n'étais pas défoncé à ce moment ! Enfin, quasiment sûr...
- Et qu'avez-vous fait alors ?
- Ce que j'ai fait ? Mais ma chère demoiselle, j'ai pris mes jambes à mon coût, par Arceus ! Je ne suis pas Dan moi, qui aurait sans doute tenté de le capturer avec son disque.
- Vous êtes tout autant un aventurier que lui, Henrich. Vous avez tant voyagé, tant vu de choses extraordinaires... Ah, que je vous envie !
- Vous ne devriez pas. Ce n'est pas une vie, l'existence que je mène. Et encore maintenant, grâce aux Gardiens, je me suis relativement posé. Avant, je dormais toujours à la belle étoile, changeant de lieu chaque jour.
- Mais c'est ça qui est formidable ! Insista Musmelian. La vie sauvage, sans artifice ! Dîtes, Henrich ? Vous m'amèneriez avec vous ? Tout de suite ?
- Euh... Mais pour aller où ?
- Quelque part ! Peu importe. Partout loin de ce manoir. Je me satisferais de n'importe quel lieu, et tant pis si je dois dormir sous un arbre. Tant que je suis avec vous...
Henrich rougit fortement, et Togesplit ne put retenir un sourire. Il semblait que son seul ami humain finisse par se ranger, après tout ? Bah, c'était tant mieux. Togesplit ne souhaitait pas qu'il finisse comme lui. Il est vrai qu'il avait toujours eu un faible pour la fille aînée Divalina depuis qu'il était ici, et Musmelian avait toujours trouvé fascinant le mode de vie solitaire et proche de la nature d'Henrich, tandis que l'homme en question la faisait rire.
Du coup, Togesplit n'alla même pas lui dire adieu, préférant le laisser dans son nouveau bonheur. Il sortit du manoir et s'envola avec ses petites ailes, quittant l'Aire de Détente à jamais. Et ce ne fut que lorsqu'il se trouva assez loin de Sinnoh qu'il se plongea dans le lien mental que partageaient les créations de Vaalzemon. Une plongée qui le dégoûtât profondément. Il y cria en pensées un message plus ou moins équivalent à :
- Je suis ici ! Venez me chercher. Je veux présenter mes respects au Marquis !
***
- Fantastux te le dis, et il a toujours raison. C'est l'une des premières règles pour réussir chez les Agents de la Corruption : écouter Fantastux.
Slender retint un soupir : une mimique qu'il avait appris de sa fréquentation des humains, même si chez lui elle n'avait aucune raison d'être, vu qu'il n'avait ni bouche ni nez pour soupirer. Depuis qu'ils avaient débuté cette mission de recherche dans la région de Rhode, Slender avait dû supporter le verbiage sans fin de Fantastux, qui se vantait de tout et n'importe quoi. Et le fait que Slender reste silencieux ne l'avait pas découragé pour autant.
- Fantastux a la confiance du Seigneur Horrorscor, vois-tu ? Il était son confident et son bras droit, puis il a conseillé les Marquis successifs en son nom. Quand Fantastux parle, c'est presque comme si la voix d'Horrorscor résonnait !
Slender se retint de dire que si le Seigneur Horrorscor souhaitait s'exprimer, il pouvait le faire directement via le le Seigneur Vaalzemon lui-même. Certes, Fantastux était le plus ancien de tous les Agents, et Slender était le dernier arrivé. Certes, Fantastux était âgé de plusieurs siècles, et Slender d'un an seulement. Mais il avait beaucoup appris, en un an. Assez pour deviner que Fantastux, malgré son âge et son expérience, était un idiot. Sa façon de parler de lui à la troisième personne était tout aussi idiote, de même que son haut de forme blanc qui recouvrait son corps distordu et spectral.
Slender n'avait passé que peu de temps avec sa première partenaire, Zestira, mais la regrettait âprement, même si elle avait passé le plus clair de son temps à l'insulter. À l'époque, Slender venait tout juste de sortir de l'éprouvette géante du Seigneur Vaalzemon, et savait à peine prononcer quelques mots. Aujourd'hui, il avait emmagasiné assez d'expérience et d'interaction avec les autres pour savoir tenir une conversation intelligente. Même si ce qualificatif n'était pas bien à propos quand votre interlocuteur était Fantastux.
- Eh bien, toi qui as une si grande expérience et connaissance du Seigneur Horrorscor, peut-être pourrais-tu dire si ce fameux fragment de son Cœur se trouve ici, lui dit le mutant génétique. Je ne me sens pas de fouiller tout ce damné désert.
Si la principale mission des Agents de la Corruption était très logiquement d'apporter la corruption dans le monde, une de leur tâche essentielle était de réunir les fragments de l'âme et du cœur d'Horrorscor. Le Marquis avait un fragment de son âme en lui. Un autre était dans le corps du 13ème, le Pokemon du Zodiaque déchu, scellé dans l'Elysium. Quant au dernier, il se trouvait encore dans la Pierre d'Obscurité qu'il n'avait jamais quitté.
Les trois Pierres d'Obscurité formaient le Cœur d'Horrorscor, la roche maudite qui lui faisait office de corps et d'incarnation terrestre quand il était encore vivant. Ce Cœur avait été brisé en trois morceaux par Erubin et sa Pierre des Larmes. Normalement, les Agents de la Corruption auraient dû en avoir au moins un, vu que la partie d'âme qui y était issue était celle que les Marquis se passait de génération en génération. Mais l'un d'entre eux, le 6ème, avait perdu cette Pierre d'Obscurité. La seconde, celle d'où était issue la part d'âme qui avait corrompu le 13ème, était gardée quelque part par un autre Zodiaque.
Quant à la troisième, celle qui conservait encore la dernière partie d'âme d'Horrorscor, personne ne l'avait jamais trouvée. Et c'était elle, principalement, que Slender et Fantastux recherchaient, même s'ils n'auraient évidemment pas craché sur l'une des deux autres qui étaient vides. À terme, il fallait les trois pour reconstituer le Coeur d'Horrorscor, et ainsi rendre possible sa résurrection. Chaque mois, un duo d'Agent se rendait donc dans un coin reculé du monde pour faire des recherches. Cette fois, c'était tombé sur Slender et Fantastux, dans la petite région désertique de Rhode.
- Horrorscor lui-même ignore où se trouvent ces parties de lui, répondit Fantastux d'un air sombre. S'il était si simple à Fantastux de les localiser, ça ferait longtemps que le Maître de la Corruption serait de retour et régenterait ce monde.
- Alors... on retourne le désert entier ?
- On se trouve plutôt des esclaves pour le faire à notre place. Des Pokemon, pas des humains. Ils sont trop peu nombreux dans cette région pour que ça passe inaperçu. Et toi, il semble à Fantastux que tu peux t'enfoncer dans le sol comme des racines ?
- Le sol, pas le sable, précisa Slender.
Mais effectivement, son corps avait quelques particularités propres aux végétaux. Il pouvait se diviser au niveau cellulaire pour infiltrer les sols, afin de se cacher ou de se déplacer rapidement.
- Alors commençons, soupira Fantastux. Trouve tous les Pokemon que tu peux, de préférence les Sol, et je les hypnotiserai. Si on peut faire ça en...
Mais Slender n'écoutait plus. Il sentait quelque chose d'anormal qui résonnait dans sa tête. Comme un appel, avec un partage étrange d'émotions et de sensations. Depuis sa création, Slender avait toujours eu un partage de pensée avec le Seigneur Vaalzemon, et également avec Kaorie, ce Pokemon humanisé incapable de parler. Mais là, ce n'était ni l'un ni l'autre. C'était un étranger qui n'avait rien à faire ici, dont les pensées étaient très clairement hostiles. Mais étrangement, il s'exposait tellement dans ce réseau mental que Slender pouvait en quelques secondes déterminer sa position.
- Désolé, Fantastux, dit-il à son partenaire. Tu devras t'occuper des Pokemon à hypnotiser tout seul. Je dois y aller.
- Y aller ? Où ça ? Que racontes-tu là ?
Le mutant n'en expliqua pas plus, et subdivisa son corps en minces filaments, une forme qu'il prenait pour voyager rapidement. En effet, de cette façon, il pouvait avoisiner les 500 kilomètres heures et ce de façon discrète en se mêlant au sol. Il se laissa guider par ce lien externe pour remonter la piste de cet être étranger, et en deux heures environ, il le trouva. Il étaient quelque part près de la frontière entre Fiore et le Royaume de Duttel, et devant lui, il y avait un Pokemon des plus singuliers, mauve, le cou allongée, qui voletait tranquillement un mètre au dessus du sol, en toisant Slender qui reconstitua son corps devant lui.
- J'attendais plutôt Kaorie, dit le Pokemon. Nous n'avons pas encore eu le déplaisir de nous rencontrer, créature, mais tu dois être le fameux Slender, cet entrelacs de tentacules façon spaghetti avec un cerveau si limité qu'il ne comprend que le sens du mot destruction ?
- Et toi, le Pokemon traître qui s'est échappé du laboratoire du Marquis. Ce Togekiss corrompu et modifié avec un pouvoir de modification de la masse et capable de parole ?
- Oui... Vaalzemon a décidément un sens artistique incompris pour créer des créatures aussi gracieuses que nous autres, hein ? Mais ne m'appelle pas Togekiss. Ce Pokemon n'est que paix et amour, alors que je ne suis qu'agression et mépris. Je suis Togesplit.
- Et que veux-tu ?
- La même chose que tous les enfants perdus en ce bas monde : retrouver son géniteur.