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Crocodiliens de Arzonhydre



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Informations

» Auteur : Arzonhydre - Voir le profil
» Créé le 31/08/2020 à 21:26
» Dernière mise à jour le 31/08/2020 à 21:26

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VI - Epilogue
La cannette n'a pas bougé.
Je manque de la rater, à cause du sable qui la recouvre presque entièrement après la tempête d'il y a quelques jours, mais je finis par buter dedans en repassant pour la cinquième fois au même endroit, de plus en plus agacé. Je me remercie intérieurement d'avoir mis des baskets à la place de mes sandales d'il y a quelques jours.
Me pencher est une torture au milieu des blessures pas vraiment guéries de ma chute, et probablement ferait hurler au moins trois docteurs différents à l'hôpital où ma mère m'a lâché quand je suis rentré, mais hey, c'est important. Je la rattrape du bout des doigts, me redresse en geignant et jurant beaucoup, et boitille sur ma béquille pas du tout faite pour le sable jusqu'aux toilettes à l'entrée des ruines.
Monter sur le dos de ce monstre et lui faire confiance pour me mener jusqu'à chez moi a un certain palmarès dans les trucs les plus flippants que j'ai faits de ma vie, mais Jasper ne mentait pas en disant qu'il gérait la situation. A les voir ensemble, avec son Pokémon, je suis seulement étonné que le Crocorible ai accepté de se séparer de lui. En tous cas, ça risque d'être la dernière fois que ça arrive.
Je peste un peu devant l'organisation foireuse de cet endroit construit à la hâte, erre un peu, regarde aux alentours en gonflant beaucoup les joues, et je finis par trouver. Le bout de la béquille claquant bruyamment sur le sol malgré le brouhaha des touristes aux alentours. Evidemment, la chaleur n'était plus écrasante et aucune tempête de sable ne s'annonçant à l'horizon, y'a de nouveau un monde scandaleux. Et j'allais pas attendre la fin de la saison touristique pour réparer ma bêtise.
Mascaïman ouvrant la voie dans la foule devant moi, je sautille sur mon pied valide jusqu'à la poubelle la plus proche, et jette théâtralement la cannette à l'intérieur.
C'est con, mais qu'est-ce que ça fait du bien.
Je m'éloigne un peu, fuyant l'odeur des déchets, avant de m'asseoir par terre. Les gens me contournent, continuant leur vie comme si de rien n'était, et que je n'avais pas l'impression de révolutionner la mienne en jetant un bout de métal dans un sac en plastique bientôt emporté par un camion-poubelle pour qui ça ne fera aucune différence. Mais ça en fait une pour moi. Je me sens un peu ridicule. Ok, pas qu'un peu. Mais personne n'est là pour me regarder de travers aujourd'hui.
Je fixe quelques instants le mouvement devant moi, pensif. Odeurs de frites et d'huile, de sueur malgré la température plus supportable, rires, quelqu'un qui crie sur quelqu'un d'autre, et un câlin à quelques mètres de moi.
J'ai même eu droit à un, de câlin. Le câlin le plus douloureux de ma vie, assurément. Je suis resté ahuri et divisé entre couiner de douleur et le lui rendre tout le long, avant qu'il finisse par me lâcher et disparaître. Si il s'était pas enfui aussi vite, j'aurais bien voulu lui en faire un deuxième. Et pourtant, je déteste les câlins - et je n'en ai fait aucun avec des côtes fêlées et des bleus partout avant ça.
L'interne qui m'a accueilli à l'hôpital de Volucité est lentement passé de perfusé sous café pour rester éveillé à une paire d'yeux écarquillés pendant que je lui racontais comment je me suis retrouvé là. J'ai tout raconté. Bon, sauf le nom du propriétaire du Crocorible, quand même.
Puis j'ai passé la nuit à me faire traîner de radio en radio et d'attentes interminables en attentes interminables, un Mascaïman à mes pieds et rien d'autre que l'écho de ma propre respiration pour me tenir compagnie. Finalement, un château en ruines et un couloir d'hôpital, la seule différence, c'est la présence d'un criminel en fuite assis à côté de toi. Je me suis endormi à peu près cinq fois avant qu'on finisse par m'autoriser à rejoindre mon lit que j'attendais avec autant d'impatience. J'ai pas eu droit à mon chocolat chaud avant le lendemain, mais je l'ai bien dégusté, quand je l'ai eu. Si j'avais été un être sentimental, ému et poétique, j'aurais fait une tisane juste pour la poser en face de moi, mais je suis un sombre petit con qui sait principalement hurler sur les gens du haut de son ego blessé, alors je l'ai pas fait.
Je me suis même pas excusé, en plus.
Mais je compte bien le faire.
Ils m'ont même pas laissé mon nouveau sweater Plasma exclusif super authentique, ces enflures. J'aurais peut-être pas dû dire que c'en était un ancien membre en fuite. J'étais fatigué, j'avais mal partout, et je venais de me taper trente minutes à dos de Crocorible à travers le désert en pleine nuit avec bonus tempête de sable. Et cet abruti m'a abandonné après le quasiment seul câlin que j'ai apprécié de ma vie. J'avais pas les idées claires. En tous cas, je l'ai amèrement regretté. Presque sûr qu'à partir de ça, ils seront capables de retrouver qui était l'ancien sbire dont j'ai parlé. Peut-être. J'en sais rien. J'ai une tête à m'y connaître sur le système légal de mon propre pays? Je ne sais même pas pourquoi est-ce qu'on lui en veut. "Participation à la Team Plasma" c'est un crime en soit? Oh, j'en sais tellement rien.
En tous cas, je compte bien ne pas le laisser s'en tirer comme ça. Eh, c'est trop facile de m'abandonner devant mon immeuble après un petit câlin d'adieu et son uniforme en cadeau (quel cadeau, quand même - à part le laisser moisir dans mon placard ou le sortir en guise de costume...). Trop facile d'espérer disparaître dans la nature après une dernière remarque pensive et dramatique sur ce qu'il va faire de son avenir. Il se trouve que je suis un sombre petit con avec un ego facilement blessé, et capricieux par dessus le marché, et je refuse de le laisser s'en tirer sans qu'il monte jamais dans la grande roue de Méanville. Parce qu'il serai capable de jamais le faire si je le laisse seul, cet idiot.
Je suis aussi terriblement possessif et cet uniforme étant désormais officiellement à moi, il est hors de question qu'ils le gardent. Même si c'est pour qu'il moisisse dans mon placard déjà bien encombré.
Je me demande si c'était celui-là qu'il portait il y a quelques années, quand il s'est subitement retrouvé seul dans le désert avec un Crocorible assommé, après "la trouille de sa vie" face à un dresseur venu arrêter Glaucus sous ses yeux, vraisemblablement aussi indifférent à sa présence qu'à celle de tous les sbires qu'il a vaincus avant lui. L'idée a un côté épique.