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Le jardin de la mémoire de Branlo



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Informations

» Auteur : Branlo - Voir le profil
» Créé le 31/08/2020 à 20:09
» Dernière mise à jour le 31/08/2020 à 20:09

» Mots-clés :   Famille   Johto   One-shot   Sinnoh   Slice of life

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Renaissance et réveil
Lila s'éveilla enfin, et dirigea sa mine endormie vers son grand-père, toujours assis sur son tabouret de travail, perdu dans un dédale de reflets or et argent. Avisant son réveil, il lui présenta du pain toasté au beurre d'Ecremeuh, dernier rescapé du petit-déjeuner de Fargas, et la fillette l'englouti avant de sortir faire une « expédition du détective Lila ! » à l'autel du Bois aux Chênes. De fait, ses rêves avaient été peuplés de « grands monstres verts qui hurlaient », et Lila était persuadée qu'elle trouverait les traces du Tyranocif du Maître devant l'autel. Fargas n'avait pas le moindre doute sur la question étant donné la carrure du spécimen, mais la laissa vaquer à ses occupations.

Il se saisit d'une poignée de Noigrums et commença son ouvrage. Il avait cette idée en tête depuis longtemps, mais n'avait jamais osé la mettre en pratique : il vida d'abord les Noigrums, puis incisa chaque carapace en quartiers, qu'il divisa de nouveau en deux. Il assembla ensuite les divers parties ainsi obtenues avec de la colle à bois, afin de former une nouvelle sphère. Quand la colle fut sèche, il se mit à vernir l'ensemble pour le consolider. Il espérait ainsi obtenir une Ball aux effets multiples, un Ball plus polyvalente que ses anciennes créations. Il laissa son ouvrage sécher au soleil. Le résultat était vraiment satisfaisant : Fargas savait exactement comment travailler ces coques, et la nouvelle noix ainsi obtenu ressemblait vraiment à un petit arc-en-ciel. Mais l'artisan n'était pas totalement convaincu par son ouvrage. L'idée lui semblait trop grossière pour vraiment fonctionner, et rien ne disait que la colle et le vernis survivraient à la transformation en Ball. Il sortit de sa poche la GS Ball et soupira. Il avait déjà fait des miracles une fois en suivant ses instincts. Pourquoi pas deux ?

Au cœur du Bois aux Chênes, Lila s'amusait à creuser les empreintes du Tyranocif pour les rendre plus terrifiantes encore que ce qu'elle n'était déjà. Son Ramolosse était couché sur le toit de l'autel et son ventre repu de baies pointait orgueilleusement vers le ciel. Fargas les y rejoignit, un panier de provision au bras et ils pique-niquèrent ensemble au pied de l'autel.

- Au fait Papy... Comment tu savais que ta Ball était faite pour l'autel ?
- Eh bien je le savais sans le savoir.
- Ça veut rien dire ça ! Tuuuuuut, mauvaise réponse, candidat éliminé !
- Haha, tu ne peux pas éliminer ton Papy voyons ! Et bien pour être plus juste, quelqu'un m'a un jour dit qu'un dresseur très puissant viendrait me voir avec cette Ball, et m'a donné des instructions à suivre lorsque ce jour viendrait. Je me doutais que le Gardien apparaîtrait à ce moment là, mais j'ignorais ce qu'il se passerait ensuite.
- Mais du coup, c'est qui qui t'as dit tout ça ? Et au final, elle capture quoi ta Ball ?
- Je ne sais pas, mais je suis déjà chanceux d'avoir vu un de ses effets de mon vivant.
- Tu savais pas grand chose !
- En effet, sourit Fargas, mais tu t’apercevras qu'on ignore beaucoup de choses même lorsque l'on devient adulte. Ensuite, en ce qui concerne la personne qui m'a dit tout ça...



Au sein de l'éden d'Alice, le temps semblait perpétuellement en suspension. Fargas y coulait des jours heureux en compagnie d'Alice et des Pokémons du jardin. Il n'avait pas revu Shaymin depuis son arrivée, mais il sentait parfois sa présence lorsqu'il passait à côté d'un parterre de fleurs. Une agréable routine rythmait ses journées. Au matin, il puisait l'eau du puits du jardin, et arrosait généreusement les plantations. Puis il déjeunait brièvement avec Alice lorsque le soleil était au zénith, puis la suivait à l'extérieur du jardin pour bêcher la terre. Ce travail était plus contraignant que le premier car il n'avait pas plu depuis des semaines et tout était desséché. De plus, loin de l'ombre du pommier et de la fraîcheur des plantes il faisait plus chaud. Heureusement, il aimait le climat délicat de cette région qui refroidissait sa transpiration lorsqu'il était à l'ouvrage. Alice, elle, plantait derrière lui, et murmurait à l'oreille des bourgeons quelques encouragements et autres secrets. Fargas n'avait pas été surpris de la voir parler aux plantes. De fait, en arrivant ici, il avait très vite accepté l'idée qu'il était ignorant des merveilles de ce monde, et il se laissait saisir par le plaisir des découvertes.


Enfin, quand le soleil déclinait, tous deux s'en retournaient à l'abri du paradis fleuri. Fargas chérissait ces instants, puisque c'était uniquement à ce moment de la journée qu'Alice se prêtait à la conversation. Sous le regard fatigué mais néanmoins concupiscent de Ramolosse, les deux jeunes gens devisaient des choses du monde, philosophes de la bonne chère. Les assiettes encaissaient les coups de fourchettes, leurs braves cliquetis couverts par les éclats de rire. Ainsi, doucement s'écoulait la vie dans cette retraite florale, à l'abri du monde, où chaque jour était consacré à l'expansion de la beauté. Cependant, lorsqu'il se reposait, Fargas ne pouvait s'empêcher de penser à la GS Ball.

Un jour, l'artisan constata que les premiers grains qu'ils avaient plantés s'étaient transformés en de jeunes pousses vertes. Il éructa de joie à la vue de ces petits organismes qui se révoltaient contre leur environnement inhospitalier. Alice le rejoignit avec un sourire ravi :

- Eh bien ! Voilà nos efforts enfin récompensés !
- C'est incroyable ! Ce n'est pas que j'en doutais, mais voir ces petits bouts de rien surgir de cette désolation...

Ils se remirent au travail le cœur léger. Peu avant de rentrer, alors que Fargas ouvrageait depuis déjà quelques heures, il heurta une grosse pierre avec sa bêche. L'impact de son outil sur la caillasse émit un son étrangement cristallin. Fargas tenta alors de se saisir à main nue de cet encombrant minéral, mais il fut incapable de le soulever. Agacé, il tenta de nouveau sa chance avec la bêche, mais en utilisant toute sa force cette fois. Il prit ses appuis, ramena la bêche derrière sa tête. L'impatience et la frustration mêlées produirent une formidable frappe en demi-lune, et la tête de la pioche s'enfonça dans la pierre. Fargas n'eut guère le temps de se réjouir. De fait, il opta pour la stupéfaction et l'effroi lorsque la pierre exprima sa douleur d'une voix d'outre-tombe, d'un murmure qui se superposait à une centaine d'autres râles. La voix agonisante s'exprima ainsi :

« Profanateur ! Destructeur de sépultures! Ces terres sont les nôtres car nous avons péri pour elles. Entends-tu l'agonie de mes frères ? Que sais-tu de la boue, de la vermine, de la peur, de la mort ? C'est ainsi que nous sommes tombés et c'est ainsi qu'il sera jusqu'à la fin des temps. Vois ton œuvre se dissoudre dans le néant ! Des cendres de ce jardin naîtra l'argile qui comblera notre béance ! »

Toujours sous le choc, Fargas tomba en arrière et commença à battre en retraite, sans jamais quitter la pierre des yeux. Celle-ci s'était mise à flotter et Fargas distingua des petits spectres informes s'échapper de la fissure qu'il avait fait avec sa bêche. Ils tournoyèrent autour de la pierre, et très vite ils s'unirent pour former un masque mauve. Des yeux d'un vert pâle s'imprimèrent sur le voile violâtre, et Fargas retrouva le contrôle de ses jambes. Il fit enfin volte-face et courut à toutes jambes à la recherche d'Alice. Elle était de toute évidence rentrée avant lui, aussi, il fila en direction de l'arche florale. Une fois franchie, elle se ferma derrière lui et il se retrouva face à une Alice dont la bonhomie naturelle avait complètement disparu. Elle avait l'air résignée, mais tenait une Pokéball dans sa main, étrangement prête au combat.

- Alice ! Tu vas bien, je suis soulagé ! Mais enfin qu'est ce que c'était que cette chose ?
- C'est un Spiritomb, enfin d'après ce que je pouvais voir d'ici. J'étais déjà rentrée lorsque j'ai entendu ta bêche frapper sa Clé de Voûte. Le temps que je fasse demi-tour pour te prévenir, le mal était fait.

Fargas déglutit. Il n'y avait pas de reproche dans la voix d'Alice, mais il sentit la culpabilité le submerger.

- Si c'est un Pokémon, alors Ramolosse et moi on...
- Non. Ton Ramolosse n'est pas vraiment un combattant. Je vous protégerai. Le problème, c'est qu'un Spiritomb qui n'est qu'un agrégat d'âme fauchée par la guerre... Très peu de ces esprits sont morts rapidement. Il doit être chargé de leurs souffrances, et par conséquent surpuissant.
- Mais... et si tu échoues ?
- Il n'y aura pas de deuxième chance. Je protégerai ce jardin, ou je mourrai en essayant.
- Mais enfin, il n'est toujours pas là ! On a encore le temps de fuir !
- J'ai entendu ce qu'il disait. Je protégerai mon œuvre, comme toi tu protégerai la tienne.

Elle tourna les talons et s'avança en direction du Spiritomb qui n'avait toujours pas bougé. Fargas, défait par le poids de ses remords, regarda autour de lui. Le jardin était aussi splendide que ce matin. Il eut un soupire de soulagement lorsqu'il remarqua que plus aucun Pokémon ne semblait s'y trouver. Alice les avait mis en sûreté ou ils avaient fui, peu lui importait tant qu'ils étaient saufs. Ramolosse vint le trouver, mais Fargas le replaça aussitôt dans son AppâtBall. Il savait que son compagnon préférait le grand-air au confort de sa Ball, mais de cette façon il était certain que Ramolosse survivrait à quoi qu'il puisse se produire.

Lentement, il sortit rejoindre Alice.

- Peut-être était-il plus judicieux de rester en sécurité à l'intérieur ?
- C'est moi qui ait réveillé ce truc, marmonna Fargas alors qu'il tentait de ne pas faire claquer ses genoux devant Alice.

Elle ne répondit rien. Un rictus nerveux sur le visage, elle regardait les damnés achever leur résurrection. Lorsque la dernière âme s'unit à cette macabre anthologie, le Spiritomb arborait une gueule ouverte du même vert pâle que ses yeux. Il poussa un hurlement qui détonna dans toute la plaine, et disparu. Alice lança son unique PokéBall. Il en sortit un Roserade qui se mit instantanément en position de combat. « Roserade, vite utilise tes racines ! Il arrive ! » commanda Alice à son Pokémon qui s'exécuta dans l'instant. Spiritomb surgit de derrière Roserade et hurla de nouveau. Les violentes bourrasques qui surgirent de sa gueule ne firent guère vaciller le Pokémon plante, mais le Spiritomb se mit à luire un peu plus fort avant de disparaître de nouveau.

- Le voilà plus fort encore... Bon sang !
- La nuit n'avantage pas vraiment ton Roserade...
- Non. Et sans la vie qui circule dans le jardin, les racines ne serviraient à rien. Tant que Roserade se recharge, je pense pouvoir le repousser, un temps du moins. - - Mais la nuit est encore jeune... Spiritomb sera avantagé quoi qu'on fasse, jusqu'à l'aube du moins.
- Il faudrait tenir une dizaine d'heures avant de voir le soleil se lever.

A nouveau, Alice resta silencieuse. A son air, Fargas sut qu'elle tenterait tout pour produire ce miracle.