Team Rocket X-Squad de Malak

Eryl... Non, la Pierre de l'Innocence était en route. Le Marquis des Ombres pouvait le sentir. Et elle allait arriver avec tout ce qu'elle aura pu trouver à placer entre lui et le but final de l'Armée des Ombres : la corruption totale de ce monde, à l'image de ce qu'était Kanto désormais. Cette dernière se trouvait à Jadielle, et avait fait son sort à la ville, qui bien sûr avait été totalement désertée avant l'arrivée de l'Armée des Ombres, à part deux trois inconscients qui étaient restés. Elle s'apprêtait désormais à se mettre en route encore plus vers l'Ouest, vers le Plateau Indigo, dernière étape avant Johto.

Mais le Marquis avait bien envie d'attendre l'armée d'Eryl ici. Il ne pourrait pas éviter cet ultime affrontement. Il ne le voulait pas, de toute façon. Cette bataille finale entre la Corruption et l'Innocence était prévue depuis le tout début. Toutes les actions que le Seigneur Horrorscor avait entrepris via ses différents Marquis menait à cela. Il aurait bien aimé prendre des précautions avant, comme la neutralisation des Pokemon du Zodiaque. Un seul aurait suffit. Mais ça n'avait pas été possible, ces damnés Pokemon étant rapides et intelligents.

Mais ça ne faisait rien. Le Marquis avait suffisamment de quoi s'occuper de tout ce que l'Innocence pourrait lui opposer pour ce dernier round d'honneur. Il descendit du toit de son carrosse volant pour se rendre à l'intérieur, et se mit en quête de Lyre. Il comptait lui dire de faire stopper la marche des zombis et de les mettre en ordre de bataille en prévision de l'arrivée de l'ennemi.

Il trouva la jeune femme dans la petite pièce qui lui était attitrée. Il n'y avait rien à part un lit. C'était juste pour se reposer. Le carrosse du Marquis avait beau être grand, il était un moyen de déplacement, pas une maison volante. Il fut étonné de la trouver en train de caresser ce qui semblait être un Flamiaou, un Pokemon chat de type Feu assez rare qu'on ne trouvait pas à Johkan. Lyre, plongée dans des pensées visiblement pesantes, ne remarqua le Marquis que lorsqu'il se racla la gorge pour se signaler. Elle se leva aussitôt.

- Monseigneur...

- D'où il sort lui ? Demanda le Marquis en désignant le petit Pokemon.

- J'ai demandé à Silas de me le créer.

Le Marquis haussa les sourcils sous son masque. Lyre n'était pas vraiment du genre à éprouver le besoin d'un Pokemon de compagnie mignon. Mais allez comprendre les lubies d'une Enfant de la Corruption...

- En fait, je lui ai demandé de m'imaginer pleins de Pokemon de différents types, poursuivit Lyre. Il m'en avait fait une dizaine. C'est le seul qui reste.

- Pourquoi ? Où sont passés les autres ?

Lyre secoua la tête, comme si elle refusait d'avouer une bêtise terrible. Les avait-elle mangés, ou un truc du genre ? Avait-elle enfin perdu le peu de raison qui lui restait ?

- Ils étaient... des expériences, fit finalement Lyre. Il m'est arrivé quelque chose quand je suis sortie en reconnaissance hier. Ma main gauche a retrouvé son pouvoir. Du moins, c'était ce que je pensais.

- Que veux-tu dire ? Elle a été coupée par cet Izizi. Celle que Silas t'a imaginée en remplacement était censée être inoffensive.

- Mais elle ne l'est plus. J'ai tué avec un des Pokemon qui m'a attaqué. Mais elle fait plus que tuer, désormais. Regardez...

Alors qu'elle caressait jusqu'à présent le Flamiaou de sa main droite, elle changea de main. Le Marquis s'attendait à ce que le Pokemon meure en quelque secondes, prouvant ainsi le retour du pouvoir de Lyre. Mais il se passa autre chose. Le corps du chat fut comme aspirée par la main de Lyre, jusqu'à qu'il n'en reste rien, si ce n'était une étrange lueur rouge enveloppant la main en question. Voyant là quelque chose de nouveau, un pouvoir qu'il ne comprenait pas, le Marquis fronça les sourcils, et quand Lyre se retourna pour lui faire face, il recula instinctivement.

Les yeux de Lyre avaient momentanément perdu le blanc de leur globe et le marron de leur iris habituels. À la place, toute la partie blanche était devenue noire, et en guise d'iris et de pupille, elle n'avait plus qu'une sphère rouge flamboyante. Les mêmes yeux que lors des premiers mois de sa vie. Les yeux des Enfants de la Corruption. Ils venaient au monde avec, mais s'en débarrassaient progressivement au bout de quelques mois pour retrouver des yeux normaux. Ce phénomène ne dura qu'une demi seconde avant que Lyre se recouvre ses beaux yeux noisettes habituels, mais le Marquis était sûr de ce qu'il avait vu, d'autant qu'il sentit le Seigneur Horrorscor s'agiter nerveusement en lui, comme s'il avait soudainement des raisons de craindre Lyre.

- C'est là que sont partis tous les autres Pokemon que Silas m'avait fait, dit la jeune femme. Dans ma main gauche. Au début, je croyais que je pouvais seulement aspirer de façon temporaire les pouvoirs de mes victimes. Mais c'est bien plus que ça, Marquis. C'est comme si je sentais leurs existences se fondre en moi. Je les entends presque crier à l'intérieur de moi, leurs âmes, ou quoi que ce soit d'autre. Et je conserve leurs pouvoirs.

Pour preuve, elle fit apparaître une flamme entre sa main. Puis elle lança une bulle d'eau. Puis elle attira un objet jusqu'à elle. Elle avait désormais accès à tout un panel d'attaques de types différents, signe des Pokemon qu'elle avait aspirés jusque-là. Puis elle regarda le Marquis avec un air presque désespéré.

- Qu'est-ce qu'il m'arrive, Monseigneur ? En quoi suis-je en train de me transformer ? Aidez-moi, je vous en prie !

- Ce n'est pas bon, fit la voix du Seigneur Horrorscor en lui. La fille est en train de muter. Ses pouvoirs de base ont atteint un nouveau stade, et sans doute pas définitif. Ses yeux en sont la preuve. Quand ils resteront noirs et rouges, ça signifiera qu'elle aura atteint le stade ultime de ce qu'elle est censée devenir.

- Comment cela est-il possible ? Demanda mentalement le Marquis.

- Je ne comprends pas moi-même les Enfants de la Corruption. Ils échappent à toute logique. Leur ADN est hautement instable, de même que leur âme. Et aucun n'a vécu aussi longtemps que Lyre. Peut-être cette mutation est normale passé un certain temps. Dans tous les cas, cette humaine est devenue bien trop dangereuse, si elle en est au stade où elle peut absorber les êtres vivants. Et pas seulement leurs corps et leurs pouvoirs. Elle a parlé d'âmes. Un humain n'est pas constitué pour supporter cela, surtout quand ils sont aussi instables mentalement. Elle va perdre l'esprit et devenir incontrôlable. Tu dois l'éliminer.

- Mais si elle meurt, nous perdrons toute notre armée de morts-vivants, qui constitue le gros de nos forces. Nous ne pouvons pas nous le permettre maintenant, n'est-ce pas ?

Horrorscor garda le silence, visiblement embêté.

- Je vais demander à Silas de la surveiller de très prêt, fit le Marquis, et si nécessaire, de lui supprimer ce nouveau pouvoir en même temps que sa main, même si j'imagine que ça ne l'arrêtera pas longtemps. Mais nous devrons nous accommoder d'elle encore un petit moment, le temps que l'armée de la FAL soit anéantie.

- Soit, concéda Horrorscor. Mais après ça, plus d'excuse, plus de délai. Tu aurais dû te débarrasser de cette abomination des années plus tôt déjà. Ces humains contrefaits possèdent des pouvoirs qui surpassent les miens. Ça ne devrait pas exister !

Le Marquis en était conscient. Et il savait aussi qu'il aurait été bien plus sage de se débarrasser de Lyre dès le début. Mais quelque chose en lui s'y était toujours opposé. Non, ce n'était même pas en lui en fait. C'était comme si quelqu'un, une personne qu'il connaissait depuis toujours, lui avait crié à l'autre bout du monde ne pas le faire, et qu'il n'en ait entendu qu'un murmure. Mal à l'aise à l'idée d'éliminer la fille sans qu'il puisse comprendre pourquoi, il avait toujours trouvé des arguments censés pour la conserver, afin de convaincre Horrorscor, mais également de se convaincre lui-même.

- Monseigneur ? Insista Lyre, qui attendait toujours sa réponse.

Il ne semblait y avoir aucune malice ni folie dans la voix de la jeune femme, si dans ses yeux suppliants. Seulement la confiance et loyauté habituelle qu'elle ressentait envers le Marquis, son sauveur, la personne qui l'avait élevée et tirée de la folie où elle aurait immanquablement sombré. Elle s'attendait à ce qu'il la rassure et qu'il la sauve, comme d'habitude. Sauf qu'il ne pourrait pas. Pas cette fois.

- Silas est-il au courant de ces... changements en toi ? Voulut-il savoir.

- Non... Ce crétin aurait juste trouvé ça amusant. Il ne prend rien au sérieux.

Et pourtant, si... Il est sérieux à chaque fois qu'il s'agit de toi, songea le Marquis. Silas a toujours été immensément protecteur envers Lyre, sans doute le seul être dans ce monde qui lui importait. Le Marquis avait toujours pensé que la seule raison pour que ce doux dingue n'ait pas encore mis la terre entière sans dessus-dessous avec ses pouvoirs imaginatifs quasi-illimités était que Lyre vivait dessus. Et en dépit de son air de petit rigolo inoffensif qui faisait apparaître des peluches géantes pour se battre, le Marquis savait que Silas cachait un esprit affûté et manipulateur, ainsi qu'une très vaste connaissance des choses. Il avait forcément dut sentir ou deviner cette mutation de Lyre, peut-être même bien avant qu'elle n'apparaisse. Et s'il n'avait pas prévenu le Marquis ou tenté d’empêcher son apparition, alors ça ne voulait dire qu'une chose : il souhaitait que Lyre se transforme.

- Nos ennemis vont arriver sous peu, dit le Marquis à son Agent. Ta situation nécessite un temps d'étude que je n'ai pas pour le moment. Ordonne à l'armée des morts de s'arrêter. Nous attendrons qu'Eryl arrive et nous l'écraserons ici. Une fois que cela sera fait, je m'occuperai de toi. Je te sauverai, je te le promets.

Un faible sourire de soulagement et de reconnaissance éclaira le visage de la jeune femme. Elle faisait confiance au Marquis, comme toujours. Elle n'avait aucune raison de douter de lui. D'ailleurs, le Marquis ne lui avait pas menti. Pas vraiment. Une fois la bataille terminée, il allait bel et bien la sauver... de la seule manière qui soit : par un repos éternel. Alors qu'il quittait la pièce pour revenir sur le toit du carrosse et donner ses ordres de placement des troupes à Maxwell et Baron deShadow, le Maître de la Corruption murmura dans sa tête :

- Tu devras te débarrasser de Silas également, car il ne sera pas très content si on supprime cette fille dont il est fou amoureux. Et ce ne sera pas un mal, car lui aussi est potentiellement dingue et possède des pouvoirs qu'on ne peut appréhender. De plus, il n'a pas vraiment sa place parmi nous. Il ressemble bien plus aux malades mentaux qui vénèrent Diavil qu'à un Agent de la Corruption.

- Il n'aura pas attendu jusqu'à qu'on tue Lyre, soupira le Marquis à voix haute. Je crois que Silas nous a déjà trahi, mon seigneur. Ou, plus précisément, qu'il n'a jamais été des nôtres, et que ses véritables projets commencent maintenant.


***


La majorité des choses de cet univers étaient invisibles au commun des mortels. Ils ne pouvaient ni les appréhender, ni les imaginer. Ils avaient déjà assez de mal à appréhender les choses basiques du monde matériel. Dès lors, il était extrêmement facile pour un être divin comme Arceus de dissimuler un des plus grand secret de cet univers et du fonctionnement du cosmos en général. Il suffisait de le placer à un endroit où personne ne pourrait se rendre, ou personne ne pourrait n'en imaginer ne serait-ce qu'un début d'existence.

Mais naturellement, dans son plan cosmique, Arceus le Créateur n'avait pas prévu nombre de choses. L'évolution suivait son cours inarrêtable. Des êtres qu'Arceus lui-même n'aurait pu imaginer apparaissaient de plus en plus. Exemple tout bête : le Créateur avait créé les Pokemon, puis les humains, mais n'avait jamais imaginé que les deux puissent se reproduire entre eux et donner naissance à une nouvelle race. C'est pourtant ce que fit Mew, le premier des Pokemon qui a germé de l'esprit du Créateur, en se transformant en humain grâce à la simple attaque Morphing, et en imprégnant une reine humaine. Le résultat, tout le monde le connaissait à présent : le mi-humain mi-Pokemon Sparda, ancêtre des G-Man.

Il y eut d'autres évolutions de l'humanité, et même des Pokemon. La Méga-évolution, les Loinvoyant, le Gigamax, les Modeleurs... Tout cela, ça n'existait pas à l'origine. Ce n'est pas le fait d'Arceus, et probablement qu'il en ignore la moitié, tout comme il ignore les possibilités nouvelles que tout cela pouvait offrir. Il s'en fichait, car il avait pris ses précautions pour que ces évolutions incontrôlées ne puissent pas menacer son univers bien ordonné. Il avait fixé des limites, via un mécanisme complexe et cosmique qui empêchait ces « mutations » d'accéder à un niveau qui serait trop dangereux pour la Création.

Mais malgré tout, Arceus lui-même n'était pas infaillible. Tout comme il n'avait pas imaginé la possibilité que ses créations de base puissent muter, il n'avait pas non plus imaginé que certaines de ces mutations auraient assez de potentiel pour passer outre les limites qu'il avait fixées par mesure de sécurité. Une mutation comme celle de Silas Brenwark et ceux qui partageaient ses pouvoirs : les Imaginatus.

Ainsi se nommaient les humains capables de créer des choses à partir de leur imagination. Ils pouvaient façonner l'immatériel en matériel, la pensée en solide, les rêves en réalité. Ils n'étaient pas venus au monde par hasard, fruits de la chance de la génétique. Non. Ils avaient été choisis. Par un être qui était aussi né de l'esprit d'Arceus, et qui était resté dissimulé. Les légendes parlaient bien du fameux Trio de la Création, ces trois Pokemon Légendaires sorti du même œuf et qui avaient donné naissance à l'Esprit, tandis que Palkia, Dialga et Giratina avaient créé la Matière. Ces trois Pokemon étaient Crehelf, Crefadet et Crefollet, représentant respectivement le Savoir, la Volonté et les Émotions.

Mais, et très peu de gens le savait, il existait un quatrième Pokemon de ce type. Car effet, après avoir commencé à créer des êtres vivants, Arceus s'est rendu compte qui leur manquait quelque chose au niveau de l'Esprit. Ils pouvaient ressentir, ils pouvaient se projeter vers l'avenir et étaient capables d’emmagasiner des connaissances pour cela. Mais ils ne pouvaient pas rêver. Ils ne pouvaient pas dépasser le réel et le matériel dans lesquels ils étaient englués, ce qui les rendait mornes et limités créativement. Aussi Arceus, pour y remédier, donna naissance à Crepixie, le Pokemon de l'Imagination, quatrième et dernière facette du prisme de l'Esprit.

Bien sûr, la capacité d'imaginer devait être donnée avec parcimonie comparée aux autres concepts de l'Esprit, car plus on se perdait dans l'imaginaire, moins on pouvait influencer sur le réel. Ce fut la raison pour laquelle Crepixie, contrairement à ses frères, vit son existence dissimulée, et fut interdit de la moindre interaction avec les êtres vivants. Mais Arceus avait sous-estimé les capacités de sa propre création. Crepixie ne quitta pas sa cachette, comme convenu, et n'entra pas en contact avec les habitants de ce monde. Du moins, pas directement...

Crepixie se créa une autre réalité. Un monde à lui, immatériel, dans lequel il pouvait inviter l'esprit des autres êtres vivants et donc communiquer avec eux. Ce monde porta bien des noms au fil des époques, mais de nos jours, on l'appelle communément le Monde des Rêves. Il est dit que les Pokemon capables de s'y rendre durant leurs songes pouvaient acquérir un nouveau Talent. Des humains particulièrement imaginatifs et prompts aux rêves pouvaient s'y rendre de temps en temps aussi. Et il arrivait, très rarement, qu'ils puissent rencontrer le maître des lieux, Crepixie en personne. Quand ils se réveillaient, ces humains là étaient alors devenus des Imaginatus, du fait de la soudaine proximité de leur esprit avec le Pokemon de l'Imagination.

Bien sûr, il n'existait pas deux Imaginatus semblables. La nature de leurs pouvoirs créatifs et leur intensité dépendait des individus, du temps qu'ils ont passé à côtoyer Crepixie dans le Monde des Rêves, et aussi sans doute un peu du hasard. La plupart des Imaginatus n'avaient eu que des capacités limitées et n'avaient même pas été répertoriés comme tels. Les rares Imaginatus qui avaient pris conscience de leurs pouvoirs et qui s'en étaient servis volontairement pouvaient se compter sur les doigts de la main. Et aucun d'entre eux ne pouvaient rivaliser avec le potentiel de Silas. Il était l'Imaginatus ultime, le chef-d’œuvre de Crepixie.

La plupart des Imaginatus qui ont existé ne pouvaient créer de choses qu'à l'intérieur du Monde des Rêves, et donc ne pouvaient pas influencer le monde réel. Certains étaient capables de se rendre matériellement dans le Monde des Rêves quand il le voulait. D'autres encore pouvait se créer un monde imaginatif à eux tout seul, mais sans qu'il puisse interagir avec le nôtre. Certains enfin, les plus rares, pouvaient créer des choses à l'intérieur du monde réel, mais des choses très limités, et sûrement pas des êtres vivants.

Silas, lui, était au-delà de tout ça. Il pouvait tout faire. Il ne souffrait de quasiment aucune limite. Et si son pouvoir de création était le plus puissant jamais vu, ce qui le rendait si terrible, c'était au contraire son pouvoir de défaire la création. Il lui suffisait d'imaginer que quelque chose n'avait jamais existé en le touchant, et ce quelque chose disparaissait dans le néant, tout simplement.

Les capacités de Silas lui permettaient également de voyager à travers les dimensions, en s'imaginant des portes, utilisables de lui seul. C'était grâce à ça que Fantastux et lui avaient pu rencontrer Giratina dans le Monde Distorsion pour passer l'accord sur les âmes avec lui. Si l'envie lui en prenait, Silas pouvait même aller dire bonjour à Arceus dans sa dimension originelle. Mais il existait une dimension encore plus cachée que celle du Créateur. Une dimension où Arceus avait caché les deux seules choses pouvant annihiler l'univers qu'il avait conçu.

Ce monde se nommait Aerigin, selon une des légendes de l'Elysium. C'est ici qu'Arceus a emprisonné l'être nommé Endless, ou Roi de l'Oubli, ou encore Celui-qui-n'a-pas-de-fin. L'incarnation même du néant, qui n'a d'autre but que la destruction de l'existence. Mais il y avait aussi autre chose dans cette dimension. Non pas un être, mais un mécanisme. La fameuse « sécurité » qu'Arceus avait créé pour ne pas que des êtres vivants puisse évoluer jusqu'à un niveau trop dangereux.

Ce mécanisme était l'objectif de Silas, et ce pourquoi il utilisa une bonne partie de ses pouvoirs pour se rendre jusqu'à Aerigin. Même pour quelqu'un comme lui, qui n'avait de limite que dans ce qu'il pouvait imaginer, ce voyage fut difficile. Aegirin était dissimulée au-delà du Temps et de l'Espace. Même au-delà de l'Esprit. Il passa près de deux heures à errer à travers les multiples couches de dimension du Multivers, et quand il atteignit sa destination, il tenait à peine sur ses jambes.

Silas avait été dans le Monde Distorsion, où pas grand-chose n'avait de sens dans le relief et la géographie, et où les règles basiques de la nature et de la gravité étaient aux abonnés absentes. Ici à l'inverse, tout n'était qu'une vaste et infinie plaine sans relief, sans végétation, sans rien. Le vide absolue. Le sol n'était ni fertile ni terreux, mais en une espèce de matière organique sans doute inconnue du monde réel. Quant au ciel, il était d'une curieuse couleur violette, sans aucun nuage.

Silas ne pouvait rien dire à propos de l'air ou de la chaleur, car il s'était « imaginé » autour de lui un champ de force impénétrable qui lui permettait de respirer autant d'oxygène qu'il le voulait. Peut-être que ce monde n'était pas viable pour les humains, que l'air y était toxique, ou encore qu'il y faisait près de 1000 degrés ? Ses informations sur Aerigin ne répondaient pas à cela, car il n'en avait pas besoin. Silas pouvait survivre dans n'importe quel environnement, du moment qu'il était capable d'imaginer une protection suffisante.

Un simple regard autour de lui suffit à lui indiquer les deux choses importantes de ce monde prison. À droite, très loin d'ici, il y avait le seul relief de toute la dimension : un édifice qui ressemblait à deux pyramides allongées et croisées entre elles. Cet endroit était encerclé de chaînes immenses et probablement magique, ainsi que d'une couche de champs de force qui allait jusqu'à la fin de l’atmosphère de ce monde. Et alors que le ciel était uniforme et calme partout, là-bas, il était agité d'éclairs et recouvert d'une brume sombre de mauvaise augure.

C'était sûrement l'endroit où était scellé l'Endless. Si Silas trouva le spectacle impressionnant, il s'en désintéressa vite. Lui-même n'était pas aussi fou pour tenter de libérer cet être cosmique et apocalyptique. Que tout revienne au Néant n'avait aucun sens pour lui. Un univers fait de vide et de mort ne serait pas marrant, pas marrant du tout. Et puis de toute façon, d'après ses informations, l'Endless ne resterait pas éternellement prisonnier ici. Il allait laisser le cours des choses suivre son chemin.

En revanche, à gauche, il y avait ce qui l'intéressait. Une superposition de murs holographiques tous remplis de symboles inconnus, qui se croisaient et s'entrecroisaient, donnant un petit aspect de circuit électrique géant et multicolore au tout. Et au centre de tout ça, un cercle, dont les ramifications invisibles s'étendaient à tous les mondes et dimensions de l'univers, ainsi qu'à tous ses êtres vivants.

C'était là le Verrou de la Divinité, même si ça ne ressemblait en rien à un verrou. Et c'était cette chose qui devait disparaître, pour que le monde de Silas devienne encore plus amusant. Fort de son imagination destructive, il avança en touchant chacun des murs, bannissant leurs existences. Silas savait, selon ses informations, que même les Sept Démons Majeurs réunis n'étaient pas capable de briser les protections du Verrou, alors que lui, il lui suffisait de les toucher. Arceus avait vraiment été négligeant. Il avait manqué cruellement... d'imagination.

Pour le Verrou lui-même, c'était en revanche une autre histoire. C'était un mécanisme cosmique relié à la Réalité même de l'Univers. Et la Réalité n'était pas seulement un vague concept. Elle savait se défendre quand elle était attaquée. Dès lors, c'était une épreuve de volonté entre l'Imagination de Silas et la Réalité de l'existence. Si le jeune homme avait mené ce combat sans information, il aurait été laminé. Son esprit aurait été détruit et son corps transformé en légume. Mais heureusement, il savait comment vaincre le Verrou. Et il tenait ce savoir de son vrai maître, un individu, qui, comme lui, savait apprécier à sa juste valeur l'amusement de voir le monde sens dessus dessous, avec toutes les souffrances individuelles et collectives que cela infligeait.

Finalement, le Verrou céda peu à peu, jusqu'à être totalement annihilé. Et sa disparition fut sentie dans tous les recoins de l'Univers. Bien sûr, les êtres vivants normaux ignoraient son existence. Ils ne pouvaient pas mettre de nom sur cet étrange et soudain malaise, mais chacun d'entre eux se sentaient bizarre, comme si une part essentielle d'eux-mêmes avaient soudain disparu. Plus rien ne se tenait entre eux et la possible recherche du divin grâce au miracle de l'évolution. Sur Terre, dans le monde réel, le Marquis, qui était en train de donner ses ordres, frissonna d'un coup quand le Verrou de la Divinité eut sauté. Il savait que quelque chose venait de se passer, et n'avait que peu de doute sur l'identité du coupable.

- Qu'as-tu fait, Silas ?

Sur le Giovanni, croiseur Rocket, Mercutio Crust se réveilla en sursaut sans raison, couvert de sueur. Galatea, au self, manqua renverser le verre qu'elle était en train de boire, tandis qu'Anna et Solaris qui étaient avec elle, se pensant attaquées, se mirent sur leur garde en regardant partout autour d'elle. Bertsbrand, dans sa cabine, jura après s'être coupé en se rasant. Eryl, la Reine de l'Innocence sur le croiseur Justice d'Erubin, qui avait une perception plus aiguisée que les autres du domaine cosmique, manqua s'évanouir.

Naturellement, cela fut aussi ressenti par Arceus. Alors qu'il s'était plongé dans une demi-conscience, laissant son esprit omniscient vagabonder entre les différentes couches de sa Création pour vérifier que tout allait bien, la disparition du Verrou de la Divinité le frappa de plein fouet, à tel point qu'après avoir retrouvé son corps physique, il dut prendre une dizaine de secondes pour récupérer du choc.

- C-Comment cela est-il possible ?! Gronda-t-il, abasourdi et furieux. Qui a osé ?!

Bien sûr, personne ne lui répondit dans son Monde Originel, où il était le seul être vivant. C'était une catastrophe. Arceus n'avait pas créé le Verrou de la Divinité pour rien. Dans son premier jet de création de la vie, il avait implanté une possibilité pour chacun de s'élever au stade divin, si plusieurs critères étaient remplis. La puissance bien sûr, mais également la dévotion, la foi, ou encore la connaissance. Un individu qui recevait les prières sincères de plusieurs autre pouvaient devenir un dieu. Un autre qui avait accumulé une puissance sans pareille pouvait se transformer en un Démon de Guerre. Ou encore, quelqu'un qui s'était accaparé toutes les connaissances de ce monde pouvait devenir un Éternel Érudit. Ce n'était que des exemples, mais ça fonctionnait comme cela à l'origine.

Ça avait très bien fonctionné quand avec les Pokemon et les Célestials. Mais bien sûr, quand les humains étaient arrivés, tout avait disjoncté. Durant mille ans, nommés aujourd'hui comme le Millénaire des Dieux, des êtres divins étaient nés à tout bout de champs, sans contrôle de soi ni morale, se combattant entre eux, et menaçant la structure même de la Réalité. L'un d'entre eux avait été si puissant qu'Arceus avait dû s'en occuper lui-même. Après ça, il avait jugé que c'en était assez, et avait monté le Verrou de la Divinité, rendant impossible cette possibilité d'évolution divine chez les êtres vivants de cet univers. Et il avait bien fait. Il n'osait pas penser aux conséquences si le Verrou n'avait pas été actif quand des monstres comme Méphilia, Bahageddon ou Vistarte avaient fait leur apparition.

Arceus devait réagir. Il devait créer un second Verrou au plus vite (ce qui allait prendre un certain temps), mais avant, il voulait savoir. Savoir qui avait pu, et qui avait su, briser son mécanisme cosmique, et surtout pourquoi. Son esprit se rendit à Aerigin aussi vite qu'il le put, pour voir justement l'intrus disparaître dans un portail. Un humain. Et un de la planète Terre, à en juger par sa tenue.

Le Créateur fut pris d'un mélange de fureur et de résignation. Encore cette fichue planète ! Elle avait été la première qu'Arceus avait créée lors de la Genèse, une parmi des milliards d'autres, mais jamais aucune autre ne lui avait posé autant de souci que celle-ci. Il ne comptait plus le nombre de fois où il avait dû intervenir là-bas pour éviter il ne savait quel catastrophe. Pire : certains de ses habitants avaient tenté de le tuer ou de le capturer, lui, dieu ! Parfois, il regrettait de ne pas avoir laissé Bahageddon mettre en morceau ce monde, ou de l'avoir sauvée, des millénaires après, quand cette météorite aurait dû la détruire. Mais il s'était retenu, car il savait que l’Élu de la Lumière et l’Élu des Ténèbres étaient censés voir le jour là-bas. Et sans l'un des deux, l'Endless allait à nouveau se déchaîner.

Il allait donc devoir se rendre sur Terre, pour punir les responsables, et sans doute résoudre une énième apocalypse. Et il ne manquerait pas au passage de tancer ceux qui étaient censés surveiller ce monde pour lui. Mew en premier lieu, mais aussi ces deux Cavaliers de l'Apocalypse qui étaient natifs de là-bas. Ça faisait depuis trop longtemps qu'ils laissaient des catastrophes arriver alors qu'ils auraient pu largement les éviter, tout cela pour le grand plan cosmique de ce Façonneur !






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Note de l'auteur : Je prends deux semaines de vacance dès demain. Donc pas de chapitre dimanche prochain, ni celui d'après. Je pense en avoir écrit suffisamment pour dans les deux derniers chapitres d'X-S pour que la hype soit là. Et quand la hype est là, il faut la laisser murir :D