-3 • L’heure fatidique
L’air parfaitement décontracté, Izaya tournait allègrement sur lui-même, perché sur l’une des chaises bleu foncé et blanche de son appartement. Il comprenait mieux pourquoi le loyer lui avait paru si économique : cet appartement n’en était pas un du tout… C’était un espace de travail rempli de bureaux. Ni cuisine, ni lit. Mais Izaya s’en moquait. Il avait posé un sac de couchage par terre et se nourrissait des plats tout faits. Ce n’était pas l’idéal, mais il savait que ce n’était que provisoire.
Il continua à tournoyer sur sa chaise pendant quelques secondes avant d’arrêter, car c’était désormais sa tête qui s’était mise à tourner. Mais ce qui lui faisait surtout tourner la tête, c’était son plan et la somme astronomique qu’il allait en tirer. Il se mit à fixer d’un air béat le meuble blanc qui lui faisait face. En réalité, il fixait plutôt le papier qu’il avait placardé dessus, et sur lequel il avait écrit : « Le Plan : 1) A vole le colis. 2) On va à l’hôtel. 3) On rend le colis. 4) ON EMPOCHE LE FRIC ! 5) Chacun part vivre sa vie ! ».
Un message suffisamment vague pour ne dénoncer aucun des protagonistes impliqués dans le plan, même si, très honnêtement, Izaya se moquait éperdument de ce qu’il adviendrait de ses complices une fois l’argent empoché. Il disparaîtrait sans laisser de traces, exactement comme il l’avait toujours fait : comme un fantôme. Il regarda sa montre : huit heures treize. Il savait que ces balourds du Gang des Allumés se rendaient le plus souvent à la gare vers huit heures trente. Ils devraient donc arriver ici vers huit heure quarante-cinq, le temps qu’ils découvrent le message et qu’ils se précipitent ici.
Izaya attendit donc religieusement leur arrivée, rêvant à tout ce qu’il pourrait faire une fois qu’il aurait mis la main sur la coquette somme qu’il projetait d’obtenir. À huit heures quarante-trois, l’ascenseur qui menait à son local s’ouvrit, et le Gang des Allumés sortit en trombe de la cage, visiblement prêt à en découdre. Quelle ne fut pas la surprise de ses membres lorsqu’ils aperçurent uniquement dans la pièce leur Boss autoproclamé, tranquillement assis sur une des chaises de bureau, les mains jointes.
– Tiens ! Vous êtes en avance, blagua-t-il en regardant sa montre.
Puis il se leva de son siège avec nonchalance et reprit avec un grand sourire :
– Merci d’être venus si vite.
Le regard du trio, abasourdi, passa bien vite de l’incrédulité à la colère. Hohneck serra les poings. Il semblait se retenir de hurler. Puis, n’y tenant plus, il s’écria :
– Attends, tu…!
Mais Roxie, qui avait au moins autant le sang chaud que lui, lui coupa immédiatement la parole :
– Tu nous as laissé ce message ultra inquiétant juste pour qu’on vienne le plus vite possible ?
– Alors qu’en fait, y’a aucune urgence ? renchérit Mitzi.
– Tu te fous de nous ? hurla Hohneck.
Izaya éclata de rire. Parfois il regrettait d’avoir donné au gang la clé magnétique qui lui permettait d’accéder à son appartement. Mais la plupart du temps – aujourd’hui inclus – il trouvait que c’était une formidable idée, car personne ne l’avait jamais fait autant rire que ces trois-là. Ils démarraient toujours au quart de tour, et pour une personne aussi calme qu’Izaya, c’était vraiment distrayant à regarder.
– Hmm, oui, c’est à peu près ça, confirma-t-il, hilare face à leurs visages déformés par la colère. Enfin, uniquement si vous considérez qu’un plan qui va nous rapporter 150 millions de Pokédollars n’est pas une urgence, précisa-t-il.
Hohneck, Mitzi et Roxie écarquillèrent les yeux, sous le choc. La simple mention d’une somme d’argent aussi colossale leur ôta tout sentiment de colère : ils brûlaient d’envie d’en savoir plus. Hohneck, bien que surexcité, fit semblant de ne rien laisser paraître, mais ses deux acolytes affichaient un air ouvertement intéressé.
– Bien, maintenant que j’ai votre attention, j’ai une heure et quart pour vous expliquer le plan génial que j’ai élaboré, alors écoutez bien.
Ainsi, Izaya exposa en détail le plan qu’il avait minutieusement échafaudé depuis de longs jours, avant même sa rencontre avec Anja : c’était justement la jeune fille qui lui avait apporté la pièce manquante du puzzle. Il avait déjà tout prévu, calculé et réfléchi à tout le reste. Personne ne pourrait l’arrêter. Si tout le monde jouait son rôle à la perfection – et il allait veiller de près à ce que ce soit le cas – alors l’argent était déjà à eux. Enfin, à lui. À mesure qu’il parlait, il voyait diverses expressions se peindre sur le visage de ses complices : l’étonnement, l’admiration, l’excitation… mais aussi un soupçon de culpabilité :
– Mais cette fille, là, Anja… On va lui faire courir un grand risque, non ? s’enquit Mitzi d’une voix mal assurée.
– Ouais, et d’ailleurs, on sait même pas d’où elle sort. Tu l’as rencontrée hier et tu veux déjà lui faire confiance pour un plan aussi important ? fit valoir Hohneck.
– Calmez-vous… Anja a des pouvoirs psychiques. Elle n’a juste pas vraiment confiance en elle, mais je sais qu’elle réussira. Je ferai en sorte qu’elle réussisse. J’ai vu ses pouvoirs en action de mes propres yeux : elle est celle qu’il nous faut. Il ne lui manque qu’un peu d’entraînement, et elle sera parfaite : et l’entraînement, c’est moi qui vais m’en charger. De plus, elle m’est entièrement dévouée. J’ai déjà largement gagné sa confiance. Je sais qu’elle ne nous trahira pas, affirma-t-il avec conviction.
« Enfin, elle ne me trahira pas moi, en tout cas. » rectifia-t-il en pensée, le sourire aux lèvres.
– Ouais, si tu le dis… céda Hohneck.
– De toute façon, l’occasion est trop belle… fit Roxie d’un ton rêveur.
– Exactement, et puis d’ailleurs je vous rappelle que seule Anja est capable d’accomplir cette mission. Sa présence est nécessaire au bon déroulement du plan, trancha-t-il d’un ton sans réplique.
Il regarda sa montre : neuf heures cinquante-trois.
– Elle ne devrait plus tarder, annonça Izaya au trio.
Les quelques minutes qui suivirent s’écoulèrent dans le silence le plus total. Chacun perché sur sa chaise de bureau, les quatre complices semblaient perdus dans leurs pensées. Sans doute réfléchissaient-ils à la manière dont ils allaient dépenser leur futur pactole. À dix heures deux, une sonnerie stridente se fit entendre et résonna dans tout le local : la sonnerie de l’Holokit d’Izaya. Le Gang des Allumés regarda d’un œil mauvais la machine verte, mais personne ne fit de commentaire.
Izaya joua le nouveau message avec empressement : l’hologramme bleu d’Anja apparut alors devant lui. La jeune fille affichait un air gêné. « B-bonjour Izaya… C’est moi, Anja… Euh, j-je… Je suis arrivée à la bonne adresse mais apparemment je ne peux pas accéder à ton étage… C-comment je fais…? Ah, et euh, aussi… Désolée de… de te déranger. »
Le Gang des Allumés n’avait rien raté du message. Ses trois membres s’échangèrent alors un regard qui signifiait sûrement : « et c’est cette fille-là qui va accomplir notre plan ? Eh bah ça promet… ». Une rare expression de colère passa rapidement sur le visage d’Izaya, mais elle fut bien vite effacée par son habituel sourire, qu’il adressa à ses collègues :
– Je vais la chercher, je reviens ! leur lança-t-il avant de s’élancer dans l’ascenseur.
À peine une minute plus tard, les portes de l’ascenseur s’ouvrirent à nouveau, révélant Izaya et une ténébreuse jeune fille à la tignasse bleu nuit.
– J’ai hâte de te présenter à mes amis, déclara Izaya à l’adresse d’Anja.
Celle-ci gardait la tête baissée, intimidée. Sa peau blanche paraissait presque translucide, et tranchait énormément avec sa tenue et ses cheveux sombres. Izaya fit les présentations avec enthousiasme, tentant ainsi d’animer un peu ses camarades et de réduire la tension presque palpable qui régnait entre eux. En vain. Personne ne pipa mot, et l’atmosphère était tout sauf détendue. Izaya était le seul à sourire, comme d’ordinaire. Après un lourd silence, le jeune homme, qui n’avait pas encore dit son dernier mot, décida de briser la glace :
– Bon, Anja, tu te demandes sûrement pourquoi je t’ai fait venir ici, et quelle est cette fameuse surprise que je t’ai préparée.
La jeune fille, qui s’était assise sur la dernière chaise de bureau disponible – elles avaient toutes les cinq été disposées au centre de la pièce – hocha timidement la tête sans oser le regarder dans les yeux, même si elle en mourait visiblement d’envie, à voir ses joues cramoisies.
Hohneck leva discrètement les yeux au ciel : c’est tout ce qu’Izaya avait trouvé pour accomplir un plan aussi important ? Une groupie amourachée de lui, dont la seule caractéristique intéressante était d’avoir des pouvoirs ? Enfin, il n’avait pas d’autre choix que de lui faire confiance… Car jamais il n’oserait s’opposer à celui qui était quasiment devenu leur Boss.
Il regarda Izaya attraper un sac plastique noir, posé à côté de la chaise sur laquelle il était assis. Dessus, il était écrit en lettres d’or : « Au Chic-à-Porter ». Ce fut au tour de Roxie de lever les yeux au ciel, puis d’adresser un regard indigné aux deux autres membres du trio : Izaya leur laissait un message alarmiste sur le panneau de la gare, alors qu’en fait il se payait le luxe de faires les boutiques ? Dans la boutique de vêtements la plus chère de la ville, qui plus est ! Izaya fit mine d’ignorer le Gang des Allumés et se dirigea vers Anja avec un grand sourire :
– Tiens, j’aimerais vraiment que tu enfiles ça, s’il te plaît, ma douce Anja, lui dit-il en lui tendant le sac noir.
Anja s’en saisit sans comprendre, mais avec une avidité certaine – probablement due à la simple vue du nom de la boutique sur le sac – et l’ouvrit avec précipitation. Elle sentit un tissu noir effleurer ses doigts, et elle sortit avec impatience le vêtement du sac. C’était un trench-coat noir muni d’un ruban à la ceinture et de gros boutons blancs. Au fond du sac, une grosse boîte blanc et doré contenait des mocassins à ruban noir. Anja fixait les habits comme s’il s’agissait d’un trésor inestimable – à raison, car tout ce qui provenait du Chic-à-Porter était par définition onéreux.
Anja était divisée entre la joie suprême et la reconnaissance dévouée. Elle reposa la tenue dans le sac et leva enfin les yeux vers Izaya :
– M-mais… Tu m’as déjà offert un séjour à l’hôtel… Je… je ne peux accepter…
Elle laissa sa phrase en suspens. Il était si difficile de refuser le cadeau qu’on avait toujours rêvé d’avoir !
– Bien sûr que si. Ça n’a rien à voir avec hier. Enfin si, ça a tout à voir en fait : c’est une preuve de l’affection que je te porte, Anja, affirma-t-il en lui prenant les mains. En plus, je suis sûre que cette tenue t’ira à ravir. Fais-moi plaisir, essaie-la au moins !
Anja fixait avec adoration le sac. Le manteau noir et les mocassins assortis lui faisaient terriblement envie. Elle hocha donc finalement la tête, ce qui ravit Izaya. Puis elle s’empressa de passer le trench-coat par-dessus sa robe au motif de toile d’araignée. Elle se débarrassa ensuite de ses ballerines à bride pour chausser les mocassins moelleux. Elle ne pouvait détacher le regard de sa silhouette, recouverte pour la toute première fois de jolis vêtements.
– Tu es splendide, lui assura Izaya. Pas vrai, vous autres ? demanda-t-il aux trois membres du gang, qui semblaient à la fois agacé par le côté niais de la scène qui se déroulait sous leurs yeux et en proie à l’incompréhension la plus totale.
Ils acquiescèrent mollement, complètement désintéressés. Ils ne comprenaient plus rien à rien. Anja les remercia doucement d’une voix émerveillée. Elle aurait aimé se voir dans un miroir. Elle était certaine que l’image qu’il lui renverrait ne serait plus celle d’une hideuse sorcière, mais bien celle d’une princesse des temps modernes. Comme il lisait en elle comme dans un livre ouvert, Izaya comprit immédiatement ce à quoi elle pensait et dit :
– Ne bouge pas, j’ai ce qu’il te faut !
Sans comprendre, Anja le regarda ouvrir une armoire blanche recouverte de papiers, de laquelle il sortit une glace de taille moyenne. Il la mit face à Anja afin qu’elle puisse se voir. La jeune fille était soufflée. Pour la première fois de sa vie, elle se sentait belle, ne serait-ce qu’un petit peu. Elle tournoya légèrement sur elle-même, faisant virevolter les pans de son nouveau manteau. Folle de joie, elle s’écria :
– Merci infiniment, Izaya !
– Mais de rien, ma belle. Prends-ça comme un cadeau de bienvenue, lui répondit-il.
Elle rougit à la mention du mot « belle » et se sentit toute chose. Mais l’allégresse laissa vite place à la curiosité :
– Un cadeau de bienvenue ? répéta-t-elle sans comprendre.
Le Gang des Allumés, lui, avait enfin relevé la tête, comprenant qu’on allait enfin parler de ce qui les intéressait : le plan aux 150 millions. Izaya hocha la tête en souriant :
– Oui, on aimerait que tu rejoignes notre gang, Anja.
– M-moi ? Mais pourquoi ?
– Déjà, parce que je t’adore, affirma avec force Izaya. Je veux t’avoir près de moi, toujours... Ensuite… parce que tes pouvoirs vont nous aider à accomplir le plan que je prépare depuis des jours, déclara-t-il avec encore plus de force. Un plan qui nous rendra tous riches. Avec tant d’argent, tu pourras acheter tout ce que tu voudras, tu pourras réaliser tous tes rêves ! On pourra tous les cinq réaliser tous nos rêves. Et toi et moi, on vivra tous les deux… Ce ne serait pas génial ? fit-il valoir.
– Si, bien sûr que ça le serait… M-mais je t’ai déjà dit que mes pouvoirs… voulut objecter Anja, qui avait les joues en feu suite à une telle déclaration.
– Il ne te manque qu’un peu d’entraînement, la coupa-t-il brusquement.
Il ne tenait pas à ce que le Gang des Allumés découvre qu’Anja ne maîtrisait en réalité pas du tout ses pouvoirs. Mais il n’était pas inquiet. Il avait déjà compris ce qui permettait de réveiller les pouvoirs d’Anja. Tout allait bien se passer. Son plan était infaillible.
– Je vais t’aider à maîtriser tes pouvoirs. Ensuite, nous accomplirons notre mission pour récupérer l’argent. Et alors, une nouvelle vie s’offrira à nous. Rien qu’à nous. Qu’en dis-tu ? Ce n’est pas si mal, non ? lui proposa-t-il avec son plus beau sourire.
Anja resta silencieuse une fraction de seconde, indécise. La perspective de passer du temps avec Izaya l’enchantait au plus haut point. Et quand bien même sa mère n’avait jamais réussi à l’aider avec ses pouvoirs… Peut-être serait-ce différent cette fois-ci, avec quelqu’un qui l’aimait vraiment. Et si prendre part à un plan conçu par Izaya était le prix à payer pour vivre avec lui pour toujours… Alors elle était plus que prête à s’acquitter de sa tâche.
– Oui, ce serait formidable… J’accepte. Et donc, euh… Qu’est-ce que… qu’est-ce que j’aurais à faire ? osa-t-elle enfin demander, tout de même légèrement inquiète.
Izaya n’avait pas encore précisé le montant de la somme qu’il comptait « récupérer » mais Anja se doutait bien que son fameux plan n’était pas des plus légaux… Mais elle s’en moquait. Telle une vraie princesse, elle vivait enfin sa propre aventure, avec son prince. Elle était aux anges. En entendant sa réponse, le visage d’Izaya afficha alors une expression qu’elle ne parvint pas à comprendre : un large sourire, teinté cependant d’une certaine noirceur… Une sorte de lueur machiavélique. Non, elle devait rêver. Izaya n’était pas comme ça.
– Merveilleux ! Je suis ravi que tu acceptes. Assieds-toi, je vais tout t’expliquer, en essayant d’être bref et concis.
Anja prit place sur la dernière des chaises et compléta ainsi le cercle du gang, entre Izaya et Mitzi, qui lui adressa un léger sourire. Izaya lui sourit lui aussi, d’un sourire bien plus large. Il se leva, prit une profonde inspiration et entreprit de décrire son plan :
– Je sais de source sûre que dans deux semaines, le richissime propriétaire du Palais Chaydeuvre va venir à Illumis afin de faire don au musée de la ville d’une œuvre d’art.
– Ah, tu veux qu’on… qu’on vole l’œuvre d’art ? s’enquit Anja, terrifiée à l’idée de commettre un vol d’une telle envergure. Sa belle confiance d’avant fondait comme neige au soleil.
Izaya réprima un soupir. C’était exactement ce que lui avaient demandé ces trois idiots du Gang des Allumés quand il leur en avait parlé une heure plus tôt… Décidément, il n’était pas aidé. Il continua tout de même à sourire et répondit posément :
– Non, ce serait beaucoup trop difficile. L’œuvre bénéficiera d’une protection totale et à toute épreuve. Tous les regards seront braqués sur elle. Et on va justement faire jouer ça en notre faveur : personne ne s’attendra à ce qu’on dérobe autre chose, expliqua-t-il.
– On va voler… autre chose ? répéta Anja, sans comprendre.
– Absolument. Car ma source m’a également révélé une info de la première importance : le propriétaire du Palais Chaydeuvre vient d’adopter un tout jeune Couafarel.
Anja ne dit rien ; elle attendait qu’Izaya lui révèle la suite, en espérant qu’elle y verrait ainsi plus clair. En effet, pour l’instant, elle ne voyait pas en quoi cette information d’une banalité affligeante était « de la première importance ».
– D’après ce que je sais, reprit le jeune homme, le proprio est absolument gaga de son nouveau Pokémon. Il y tient comme à la prunelle de ses yeux. Sachant cela…
– Tu veux qu’on enlève ce pauvre Pokémon pour demander une rançon ? devina Anja la gorge serrée : elle semblait bouleversée. M-mais… c’est horrible…
Voyant que des larmes commençaient à perler au coin des yeux argentés de la jeune fille, Izaya s’empressa de la rassurer. Il vint se placer à genoux devant elle et lui parla d’une voix douce :
– Mais non Anja… On ne lui fera aucun mal. On va juste voler sa Poké Ball pour que son propriétaire nous donne 150 millions en échange. Ensuite il récupère son Pokémon, et nous on le déleste d’une somme qui ne lui manquera pas. Tu ne trouves pas ça injuste qu’il ait autant d’argent ? Personne n’a besoin d’être aussi riche pour être heureux. Cet argent fera le bonheur de cinq autres personnes au lieu de croupir dans un coffre. Tu ne trouves pas ça mieux ?
Anja essuya ses larmes et réfléchit un instant. Présenté comme cela, oui, il lui semblait qu’Izaya avait raison. Elle plongea son regard dans le sien. Il avait toujours raison… Elle esquissa un léger sourire et hocha la tête. Izaya afficha une mine réjouie :
– Je suis heureux que tu voies les choses de la même façon que moi. Je savais que je pourrais compter sur toi. Qu’on pourrait tous compter sur toi, rectifia-t-il en adressant un mouvement de tête au Gang des Allumés, dont Anja avait quasiment oublié la présence.
Le regard plein d’espoir des trois Vauriens était rivé sur elle. Celui d’Izaya aussi. Anja se sentait fière et heureuse d’avoir la confiance d’un tel groupe.
– Chacun aura son rôle à jouer, déclara Izaya avec conviction. Et si chacun agit exactement comme je l’ai prévu, tout se passera bien.
Anja sentit son cœur s’accélérer suite à cette déclaration. Elle se mit à trembler légèrement. Elle n’osait pas poser la question qui lui brûlait pourtant le bout des lèvres. Après quelques secondes de silence qui lui parurent interminables, elle s’aventura enfin à demander :
– Et… et moi… c’est quoi mon rôle…?
Izaya fit un rictus et redressa ses lunettes, l’air plus déterminé que jamais. Il semblait jubiler. Enfin, il répondit :
– C’est toi qui vas voler le Couafarel du propriétaire.