CHAPITRE 7 : Rédemption
« Il fallait réfléchir avant de faire un tel échange. Tant pis pour toi ! »
La réponse sèche et impolie de Hiro me laissa dépitée. Au fond de moi, ces phrases résonnaient à l'unisson. Je les avais déjà répétées une multitude de fois dans mes regrets insatiables, mais leur impact sur mon moral ne perdait pas en intensité.
Cependant, la seule option qui s'offrait à moi était de le relancer, à la limite de l'harcèlement. Je me résolus à lui parler de mon passé, de ma vie privée, de Takeshi. Livrer mon histoire tragique à un inconnu m'était insupportable, je le faisais vraiment pour une bonne cause ! Je jouais la victime. Oui. La victime. Je prenais fallacieusement la position de ce pauvre Cradopaud qui n'avait pas eu son mot à dire. Je ne lâcherais rien tant que je n'aurais pas la certitude du choix du crapaud.
Avoir sorti le grand jeux n'avait même pas effleuré la sensibilité de ce fichu Pokemaniac. Il n'acceptait pas non plus un rendez-vous pour simplement revoir Cradopaud, sans parler d'échange. Ses réponses brèves et vulgaires ne dépeignaient aucune trace d'empathie. Etait-il vraiment humain ? J'avais déjà rencontré des personnes égoïstes ou antipathiques, mais lui se démarquait par un côté vraiment malsain. Il ne se contentait pas de me donner une leçon, il jubilait de mon état. Selon ses dires, je faisais partie des déchets qui représenterait la majorité de la population actuelle. L'incompréhension totale face à son monologue propagandiste me bloqua. Je compris à cet instant que Cradopaud se trouvait entre les mains d'un vrai psychopathe. Tous les moyens, autant légaux que non, seraient bons pour le récupérer.
La manipulation et le mensonge constituaient mes seules armes face à ce fou. Avec mon expérience médiocre en terme de combat et ma condition physique pas top, engager la bagarre fut rapidement banni de mon plan. J'allais devoir me creuser les méninges pour organiser une rencontre coûte que coûte, et j'aviserais ensuite en conséquence.
Mon discours de victime se transformait peu à peu en une requête de remplacer le manque de Cradopaud en procédant à un autre échange. Vortente représentait un atout indéniable ! Pour un Pokemaniac collectionnant les espèces du Grand Marais de Verchamps, ma plante carnivore était l'objet de sa convoitise. Il s'arrêta subitement dans son délire pour réfléchir à mes propositions. Je jouai cartes sur table en organisant un potentiel rendez-vous en fin d'après-midi sur la route 209. Apparemment, il pourrait se procurer un Nosferapti, pokemon chauve-souris bleu foncé. Hiro semblait donc emballé par mon marché.
Finalement, il s'était laissé fait avoir en deux-deux. Malgré cette nouvelle réjouissante engendrée par la réussite éclair de la manipulation, une part de moi demeurait inquiète. La rencontre planifiée avec le Pokemaniac étant le lendemain après le travail, je me couchai immédiatement pour être en forme. « Encore un peu de patience, Cradopaud ! » chuchotai-je allongée dans mon lit, poings serrés vers le plafond.
Cette nuit là, j'avais pu revoir le sourire de mon frère au milieu de toutes les réflexions sur mon plan d'action. Certes, je rencontrerais Hiro en fin d'après-midi, mais je ne savais pas comment procéder pour récupérer Cradopaud. Les recherches internet sur l'annulation d'un échange n'allaient pas en ma faveur. Il existait des cas particuliers où la loi intervenait, mais les procédures étaient longues et occasionnelles. Dans cette histoire, on ne m'avait pas forcé la main, j'étais la seule coupable. Si mes supplications demeuraient inefficaces lors de ce face à face réel, je me résoudrais à franchir certaines limites de la légalité.
Les messages du Pokemaniac n'avaient aucune valeur pour la loi, il n'était pas condamnable pour si peu. Seulement, un terrible pressentiment m'habitait depuis hier à son sujet, une angoisse si profonde qui donnait une nausée persistante. A cela y était mélangé ma culpabilité. Moi qui, par fierté, refusait la moindre sortie avec les pokemon de Takeshi, mes pokemon ! Je courrais maintenant après Cradopaud, comme quoi, tout pouvait arriver dans la vie ! J'avais compris bien trop tard la valeur de cet héritage, j'étais prête à tout pour le regagner !
Face au miroir de la salle de bain, j'effleurais la marque de la griffure sur mon visage. L'humiliation publique du samedi dernier s'estompait dans ma volonté de récupérer mon amphibien. L'eau froide sur ma peau provoquait une légère détente, plus musculaire qu'émotionnelle, mais elle n'était pas négligeable.
Ma journée de travail passa à une allure folle, j'avais réussi à rester concentrée jusqu'au bout. Madame Miyazaki s'aperçut que je cachais mon angoisse à l'idée de rencontrer ce psychopathe sur une route peu fréquentée à cette heure tardive. Je ne souhaitais pas lui faire part de mon projet, elle serait certainement, d'une manière ou d'une autre, intervenue dans cette histoire. Le danger n'était pas exclus, je ne voulais pas la mêler à tout ça. L'excuse de la fatigue était suffisamment crédible, sachant les événements du week-end passé. Elle me donna un petit panier de baies que l'on n'avait pas pu utiliser aujourd'hui. Il restait entre autres quelques baies Maron bien fermes et une magnifique baie Papaya. Etant pressée, je les rangeai dans mon petit sac à dos et je fis un crochet au Centre Pokemon pour récupérer Chaglam. Je partis directement pour la route 209, plus aucune trace de sérénité ne peignait mon esprit .
L'air frais du crépuscule du soir balayait mes cheveux bruns. Les battements rapides de mon cœur résonnaient dans tout mon corps. J'avançai sur ce chemin calme et herbu, traversé par des petits ruisseaux qui émettaient un léger clapotis, seul son perceptible dans cet atmosphère assombrissant. Je ne m'amusais pas à regarder ce paysage inconnu. Ce retour dans la nature me faisait fortement penser à Verchamps, à Takeshi, à Cradopaud. Ma priorité était le rendez-vous durement obtenu avec Hiro, dans le virage de cette route dépourvue de vie. Apparemment, la Tour Perdue se trouvait pas loin d'ici. L'imagination de ce sanctuaire, où reposait l'âme de pokemon défunts, me fit frissonnait un instant.
Au loin, le chemin disparaissait sur la gauche, je vis donc le fameux virage. J'accélérai le pas jusqu'à ce qu'un bruit effrayant retentit dans la nuit grandissante. Il semblait provenir d'un étrange édifice en ruine sur le côté de la chaussée. Mes jambes se mirent à trembler. Le paranormal et les histoires de peur avaient toujours su m'affecter, je n'aimais pas ça du tout. Comment pouvait-on ressentir du plaisir à éprouver une terreur profonde ? Un mouvement sur mon angle gauche me fit subitement tourner la tête. Au loin, la silhouette grande et svelte d'un homme s'avançait dans l'ombre. Je pus reconnaître ce tordu d'Hiro entre mille. Bizarrement, sa présence ne me rassura pas plus, mais je ne ferrais pas machine arrière.
Le Pokemaniac était vêtu une fois de plus d'un accoutrement très étrange. Avec son déguisement de pokemon, il portait de longues bottes blanches salies de boue. Je n'eus même pas le temps de le saluer pour m'élancer dans un discours émotionnel qu'il brandit une Ball. Une petite chauve-souris bleu foncé, dépourvue d'œil, battait frénétiquement des ailes face à moi, surement Nosférapti. Il me demanda de sortir directement mon Vortente. Un sourire machiavélique se dessinait sur son visage. Je ne devais pas le laisser maître de la situation ! Je lui quémandais de me montrer Cradopaud pour savoir s'il allait bien, en tenant tête à la créature nocturne. Hiro demeura muet, il me pointa sévèrement du doigt et la créature de la nuit me fonça dessus, ailes déployées. Un coup tranchant me toucha à l'épaule gauche. Il me fit tomber à la renverse sur le sol terreux.
J'eus à peine le temps de vérifier ma blessure qu'une main se glissa sur mon cou. Le Pokemaniac m'immobilisait fermement au sol d'une main tout en fouillant dans mon sac de l'autre. Il ne paraissait pas tellement lourd, mais je restais figée. Ses yeux me mitraillaient du regard et son sourire démoniaque me paralysait. Cette position inconfortable de soumission fit sortir mon esprit de mon corps, je n'avais même pas eu l'idée de me débattre. Il saisit la Ball de mon sac en ricanant, lâchant son étreinte.
A la perte de son contact, je repris directement mes esprits en toussant sur le côté. Ni une ni deux, je reculais en le dévisageant. La parole ne servirait à rien, le pire des cas que j'avais envisagé se produisait : le combat était inévitable. Cet abruti avait récupéré la Ball de son ancien matou aigri. Je n'étais pas assez stupide pour ranger la Safari Ball de Vortente dans un endroit aussi évident. Il s'aperçut assez vite de son erreur, son air de satisfaction se transforma en rage éclatante.
Pour l'heure, je pris mes jambes à mon coup afin de réfléchir à un plan. De toute évidence, le bougre n'avait pas pris le risque de prendre le Cradopaud sur lui. De plus, dans un corps à corps, mes chances tendaient vers zéro. Nosférapti et Chaglam me traquaient, je me dirigeais donc vers la forêt pour tenter de les semer.
Sans hésitation, je traversais les ronces. L'obscurité plus intense dans le bosquet ne me permettait pas de distinguer grand chose. Mes vêtements se déchiraient petit à petit, des picotements assaillaient mon corps entier. Seulement, l'instinct de survie primait sur la douleur, car oui, Hiro n'avait pas l'intention de me laisser partir tranquillement, même s'il arrivait à mettre la main sur Vortente, j'en étais persuadée. Et puis, Chaglam m'avait déjà infligé une griffure au visage. Mon corps avait peut-être acquis une certaine résistance à ce type de blessure ? Pas tellement, les douleurs se lançaient périodiquement, mais elles restaient tout de même supportable.
Vortente serait certainement plus efficace en combat dans la forêt dense qui bordait la route 209 et la célérité des deux pokemon ennemis se réduirait. Sans plus attendre, je le libérai de sa Ball pour contre-attaquer. Malgré son air niais constant, il comprit la situation et commença à se balancer d'arbres en arbres. Nosférapti devrait être géré en premier, le fait de voler représentait un atout considérable pour le camp adverse. Sans lui, Hiro aurait du mal à me localiser dans ce bosquet épais. Je demandais à Vortente de se mettre en hauteur pour répandre son "doux parfum". En effet, au Centre Pokemon, j'avais pris un instant pour me renseigner sur ses capacités. Malheureusement, ma plante carnivore maîtrisait plus des capacités de soutien, mais si nous travaillions ensemble, nous pourrions nous en sortir !
L'utilisation du "doux parfum" était à double tranchant : certes il attirait les pokemon adverses, mais il menait aussi à la confrontation, domaine dans lequel nous n'avions aucune expérience. Après, mon équipe avait réussi à terrasser sans moi le Maraiste sur la route 212. Je n'avais pas pu voir comment ils y étaient parvenus, mais les pokemon possédaient néanmoins des prédisposition pour pouvoir se défendre un minimum, bien plus efficacement que les humains.
A la cime de l'arbre au-dessus de moi, Vortente se figea, subissant les coups d'ailes du Nosférapti ennemi. Il n'avait pas coopéré longtemps, je ne comprenais pas cette attitude fixe qu'il avait aussi tenu contre le gros amphibien. Mais cette fois, j'étudierais ce comportement, j'essaierais de l'aider, de l'appréhender. De le comprendre. Cependant, un bruit dans les feuillages environnants m'interpela. Mon sens visuel était quasiment nul dans ce noir effrayant, je me concentrais pleinement à mon ouïe. Moi aussi je devais rester sur mes gardes. Conventionnellement, dans un combat de dresseurs, les pokemon s'affrontaient un à un, ou parfois deux à deux. Les humains ne devaient pas intervenir physiquement, mais face à Hiro, rien n'était ordinaire. Je m'étais engagé dans une confrontation violente et inédite ...
Un craquement de branche sur ma droite me permit que sentir le traître de Chaglam me bondir dessus. Je le repoussai net avec un grand coup de sac en pleine tête. Je lui rendais la monnaie de sa pièce ! Il retourna dans les feuillages pour se remettre du coup, me laissant un moment de répit. Vortente continuait d'encaisser douloureusement les attaques aériennes, dans le nuage encore rosé du parfum expulsé dans l'atmosphère ambiant, éclairé par la lueur douce de la lune. Cependant, il avait énormément gonflé. Je soupçonnais alors sa capacité "stockage", il devait certainement se tenir immobile pour la réaliser. Nosférapti se plaça derrière lui pour lui asséner le coup de grâce. Je criai à toute voix pour alerter mon Vortente, pour l'encourager.
Du haut de l'arbre, la plante carnivore se tourna vigoureusement vers la chauve-souris en relâchant une puissante onde de choc. Le courant d'air engendré me fit reculer. Le Nosférapti ennemi fut touché de plein fouet, il tomba plus loin dans la forêt, raide. Vortente me fixait statiquement avec sa figure meurtrie. J'étais fière de lui, je lui rendis pour la première fois un vrai regard de tendresse et d'affection. L'avait-il discerné malgré l'obscurité ?
Il s'écroula tout d'un coup de l'arbre. Je m'empressai d'amortir sa chute en me jetant au sol. Il dormait. Ainsi, il n'était plus en état de se battre, je le rappelai dans sa Ball pour le protéger. Des miaulements sadiques résonnèrent dans le bosquet. Chaglam se tenait sur la cime de l'arbre d'en face. Son regard hypnotique luisant dans la nuit me déboussola plus qu'il ne m'effraya. Je connaissais aussi ses capacités, et l'attaque "hypnose" avait du toucher mon Vortente. Il prévenait certainement Hiro de ma position tout en me narguant et essayant de me déstabiliser. Je ne pouvais pas cacher ma peur permanente. Oui, j'étais terrorisée, me battre seule pour ma survie, dans un lieu inconnu la nuit ... le genre de scène typique de grands film. Mais là il s'agissait de la réalité, de MA réalité. Jamais je n'aurais imaginé une seconde me retrouver dans une situation pareille.
Cependant, je profitais de cette montée d'adrénaline pour agir constamment, rester figée signerait mon arrêt de mort. Le psychopathe pourrait surgir de n'importe quel buisson. Je prenais tout ce que j'avais sous la main pour les lancer sur ce félin sournois. Des pierres, des branches, des pommes de pin. Chaglam se tut pour essayer d'esquiver les projectiles, mais sa position sur la cime, bien qu'avantageuse dans son rôle d'éclaireur, restreignait drastiquement son habileté. Il lâcha ainsi quelques miaulements de douleur et sauta de l'arbre.
Plus loin, dans le ciel nébuleux, la silhouette d'Hiro s'avança prudemment, porté par son petit Nosférapti. Il devait user de ses dernières forces pour le soulever, et il ne pourrait pas le faire combattre. Hystérique, il hurlait de rage sur le Chaglam qui refuser de m'attaquer. Mes mains encore remplies de munitions devaient le dissuader. Pokemon ou humain, un coup un pomme de pin n'était pas agréable. Le Pokémaniac m'insulta et me jura de me faire payer. Je répondais seulement en lui envoyant ce qu'il me restait. A mon plus grand soulagement, il choisit de se replier, reprenant Chaglam dans la Ball qu'il m'avait volée.
Pour le moment, je n'avais encore rien commis d'illégal, j'avais seulement répliqué. Néanmoins, il n'était pas question de faire marche arrière. Rien ne garantissait que la police pût retrouver Hiro ou mon Cradopaud, d'autant plus que ce bandit avait de bonnes raisons de fuir. Et puis, ma situation actuelle était le fruit de mes actes, je les réparerais seule ! Avec le sang-froid et la haine qu'il contenait pour m'attaquer directement, il ne devait pas être à son premier coup d'essai. Hiro devait même être un pseudonyme qu'il utilisait pour se couvrir, il devait avoir de faux papiers. J'avais d'ailleurs longuement forcé pour l'échange au Centre Pokemon, au début il voulait me rencontrer ici même. Pour prendre le risque d'accepter ma contrainte, c'était qu'il le voulait vraiment le Cradopaud. Mais pour quoi faire ? Je ne pouvais plus croire que ce sale type était un simple collectionneur.
Mon cœur s'emballa à l'idée des potentielles conditions dans lesquelles Cradopaud pouvait se trouver. Cependant, je dus m'assoir un peu contre un tronc d'arbre pour reprendre mon souffle et panser aussi bien que possible mes plaies. Je profitais des baies données par Mme Miyazaki pour soigner mon Vortente. La baie Maron permettait de lever le sommeil des pokemon, quelle chance ! Ma patronne était vraiment mon ange gardien à Unionpolis, tout comme Keiko l'était à Verchamps.
Cet instant de répit devait être écourté pour partir à la poursuite de ce voyou. Je comptais la jouer plus fine en cherchant sa planque. Eviter la confrontation avait plus de chance de réussite. J'essaierais de m'introduire discrètement chez lui pour récupérer mon pauvre Cradopaud, et repartir en vitesse.
Le Nosférapti ennemi était resté suffisamment longtemps dans le "doux parfum" de Vortente, l'odeur avait imprégné son corps. En se déplaçant, il laissait une trace olfactive détectable par ma plante carnivore. Nous nous avancions donc dans la forêt, vers le Nord, s'éloignant toujours plus d'Unionpolis. Je fis comprendre à Vortente de se déplacer discrètement. Devant moi, il débroussaillait le chemin pour éviter de me blesser davantage. Il voulait tout autant que moi retrouver Cradopaud.
Après une vingtaine de minutes de traque dans les bois sombres, l'éclat de la lune allumait une petite clairière bien cachée. Personne ne fouillerait par ici, même pas la police : c'était la planque parfaite. Une grande cabane en bois se trouvait sur le côté. Une antenne clignotait sur le toit. A l'étage, j'apercevais de la lumière, Hiro se trouvait là-haut. Malgré la fraicheur nocturne, la peur chauffait désagréablement mon corps. J'allais m'introduire chez quelqu'un, et surtout, je n'avais pas le droit à l'erreur.
Doucement, je m'avançai vers l'arrière de la bâtisse. J'entendais en fond la voix angoissante du psychopathe, mais personne d'autres. Soit ce fou parlait seul, soit il communiquait avec quelqu'un par appel. Dans tous les cas, c'était le moment idéal pour s'introduire par la fenêtre entre-ouverte. Le moindre contact avec les volets provoquait des craquements inquiétants susceptibles de me faire repérer à tout moment. Je me contorsionnais pour passer ma main en évitant le plus possible de les bouger afin de retirer le crochet intérieur qui les tenait ainsi. Le bruit du métal contre le mur me fit sursauter. Je restais immobile un instant pour voir s'il l'avait entendu.
Après deux bonnes minutes angoissantes, je me faufilai silencieusement dans la pièce, contrôlant l'atterrissage sur ce vieux parquet sinistre qui tapissait le sol intérieur. Sa voix résonnait encore plus dans le sombre rez-de-chaussée. Je me trouvais dans une petite salle remplie de cartons empoussiérés. Un coup d'œil rapide suffisait pour comprendre que la Ball de Cradopaud ne pouvait pas être cachée ici.
Je surveillais attentivement les alentours tout en me concentrant sur la voix du Pokemaniac. Elle me permettait de le localiser, l'entendre à l'étage était paradoxalement effrayant et rassurant. La pièce donnait sur un long couloir. Les escaliers étaient au fond, et de la lumière jaillissante me permettait d'observer un peu plus l'intérieur. Des toiles d'araignée logeaient les angles, une fine couche de poussière couvrait le parquet abîmé et des fissures saillantes marquaient les cloisons. Le décor idéal des maisons flippantes de films d'horreur. L'endroit typique de mes cauchemars. Les battements de mon cœur vibraient dans la moindre de mes veines. Ma respiration s'accélérait. Je ne pouvais même pas prendre appui contre les murs pour me calmer, le moindre grincement trahirait ma présence.
Une grande inspiration permis de me ressaisir. Mon état d'anxiété était toujours actif, mais je pouvais bouger. Je n'avais pas non plus un temps illimité, j'inspectais rapidement les pièces les plus proches sans faire de bruit. Je regardais dans les placards, dans les caisses et sur les étagères qui paraissaient utilisés. Cette cabane était un vrai entrepôt, il y avait des objets en tout genre. Autant de vieux livres que de lourdes pièces mécaniques rouillées, en passant par des produits chimiques ou des provisions de nourritures. Rien n'était organisé.
Il ne manquait plus que la pièce en-dessous des escaliers. Je priais grandement pour que Cradopaud fût là-dedans. Par chance, Hiro continuait sa discussion à l'étage, je percevais autant de l'énervement que de la tranquillité dans sa voix. Son caractère lunatique me faisait penser à celui du chat perfide.
La dernière pièce ressemblait à un laboratoire. Les murs étaient plus épais, je distinguais moins bien le Pokemaniac. Une odeur de poudre envahit mes narines et manqua de me faire éternuer. Des câbles et des pièces métalliques formaient un amas désordonné sur la grande table centrale. Sur les murs, de nombreux outils étaient suspendus, et de nombreux papiers étaient scotchés. Le manque de lumière m'empêchait de les lire. Je distinguais seulement des schémas grossiers incompréhensibles.
Un énorme placard couvrait le fond de la pièce. Je l'ouvris lentement, toute en sueur, pour fouiller son contenu. Une lourde pression à la poitrine me raidit. Une rangée de tenues claires toutes identiques pendait dans le compartiment de droite. Elles étaient encore plus étranges que les déguisements pokemon qu'il portait habituellement. Après, je ne l'avais vu que deux fois ... De grands G jaunes étaient cousus sur chacun des hauts des combinaisons extravagantes.
A mesure que je poussais la porte coulissante du placard, la peur montait. J'aperçus dans le compartiment suivant des perruques turquoises de très mauvais goût. Et là, le choc. Je n'en avais jamais vu en vrai, mais les appareils posés sur la dernière étagère avaient tous les traits de bombes. Je reculai instinctivement du placard, le souffle coupé. Le traumatisme de la détonation du Grand Marais ressurgit. Mon corps se bloqua, une larme coula sur ma joue.
Soudainement, je sentis une douleur à l'arrière du crane, tellement forte qu'elle me fit perdre connaissance.