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Le bout du tunnel de Makami



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Informations

» Auteur : Makami - Voir le profil
» Créé le 26/07/2020 à 23:29
» Dernière mise à jour le 26/07/2020 à 23:29

» Mots-clés :   Aventure   Famille   Présence de personnages du jeu vidéo   Unys

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2-Métro, boulot, dodo
Cela faisait deux semaines qu’Ingo squattait l’appartement de son frère. Prostré dans son coin, les jambes repliées contre son torse, il réfléchissait. Ses recherches d’emploi s’avéraient infructueuses. Dans la journée écoulée, il venait même de recevoir deux réponses négatives. Ces nouveaux échecs lui avaient porté un coup fatal au moral. Il ne s’alimentait plus comme il le devrait et avait beaucoup maigri en peu de temps, ses joues se creusant plus profondément, d’une manière peu flatteuse pour le regard. Pour un changement de vie, c’était réussi. Il en avait aussi plus qu’assez de son frère qui passait son temps libre à astiquer sa collection en parlant tout seul ou en fredonnant. Même quand il n’était pas présent, Ingo avait l’impression d’entendre sa voix dans sa tête.

Depuis quelques jours, lorsque qu’Emmet franchissait le seuil de sa demeure, sa joie s’échappait dès qu’il voyait son ainé. Il semblait à Ingo que sa présence le gênait, mais qu’il n’osait pas lui faire remarquer. Quand il croisait son regard, celui-ci exprimait une certaine lassitude, inhabituelle pour un gars comme Emmet, avant qu’il ne détourne précipitamment la tête et reparte dans une de ses discussions à sens unique avec ses précieuses miniatures.

Une sensation de malaise se faisait de plus en plus ressentir. Ingo savait très bien que cela venait du fait que son petit frère n'était pas sociable, même avec sa propre famille. Il regarda sa chambre de fortune, dans la cuisine. Il avait réussi à aménager ses affaires comme il le pouvait autour de son sac de couchage, mais jamais Emmet ne lui avait fait remarquer ni l'inconfort de cette situation, et ni de proposition pour y remédier.

-Il m’ignore complétement…. Bientôt il me donnera une gamelle d’eau et des croquettes pour le repas…, grogna pour lui-même Ingo.

Il ne l’avouerait pas, mais il était quand même content d’avoir un toit, à défaut d’un travail.

Un soir, Emmet rentra de meilleure humeur que d’habitude, si c’était possible. Etrangement cet élan de positivité ne fut même pas balayé par la vue de son frère. Il se rendit directement auprès de lui, ce qui était… anormal.

-Alors, Ingo, toujours boudeur dans ton coin ? Je suppose que tes recherches n’ont rien donné. Mais rassure-toi, je vais mettre des paillettes dans ta vie !

Encore une fois, il appuyait là où ça faisait mal. Sans s’en rendre compte, évidemment.

-Qu’est-que tu m’veux ? grommela Ingo sans même daigner se tourner vers lui.
-Tu vas être content ! Je t’ai trouvé du travail ! déclara le cadet
-Ah oui ? Donne-moi l’offre d’emploi, je verrai pour contacter l’employeur demain
-Euh non, en fait, tu commences demain ! sourit-il

Ingo ne savait pas s’il devait pleurer ou rire de cette attention inopinée d’Emmet. Il choisit donc une troisième option.

-Pardon ?! s’écria-t-il en se retournant pour dévisager son frère. Et… on peut savoir où je vais avoir le plaisir de travailler ?
-Bah, avec moi pardi ! Tu remplaceras mon collègue en arrêt maladie. Donc on sera ensemble sur la même ligne, aux mêmes horaires !

Emmet venait de déclarer cela avec un sourire éclatant. Ingo pouvait même ses yeux briller. Mais cet état de gaieté insouciante n’était pas partagé.

-Tu plaisantes, j’espère ? Je ne sais même pas comment on fait pour être contrôleur ! dit l'aîné en se recouchant.
-Ha ! Ne t’en fait pas, s’exclama Emmet en lui tapant sur l’épaule, ton petit frère est là pour te sauver la mise ! Mais… ça ne sera pas gratuit…

Ingo nota un léger changement de ton dans la fin de ses paroles, mais avant d’avoir pu réagir, le cadet reprit de plus belle.

-Et puis, vu comment tu m’as sauvé la mise la dernière fois, tu t’en sortiras très bien. Voyons, je dois avoir des uniformes de rechange. Ils devraient t’aller, même si tu es plus maigre que moi…

Se redressant sur un coude, Ingo observa son jumeau courir à son armoire, en plein monologue. Il ne trouva pas la force de parlementer. De toute façon, une fois la locomotive lancée, plus rien n’arrêtait Emmet.

-Bah, je peux toujours essayer, dit-il en se recouchant.

******

En fait, on pouvait dire qu’Ingo s’intégrait bien, et Emmet se félicita de l’avoir si bien prédit. Il avait rapidement compris les ficelles du métier et son caractère aidait dans les situations difficiles. Son uniforme, en effet trop grand pour lui, le gênait un peu, et sa couleur grise était des plus banales, mais semblait en accord avec son état d’esprit.

Emmet s’était fait un plaisir de tout lui apprendre sur le fonctionnement de la ligne Lilas et ses horaires. Ingo l’avait écouté patiemment, et même si son optimiste cadet s’emportait facilement, il lui avait avoué que certaines de ses anecdotes étaient intéressantes. La plus remarquable fut celle sur l’utilisation de couleurs pour désigner les différentes lignes que comportait Volucité. En effet, c’était un fait assez étonnant quand on s’y attardait dessus, ce que, en général, les passagers ne faisaient pas, toujours à courir après le temps… ou bien le métro. Dans toutes les autres régions, des lettres ou des chiffres remplissaient ce rôle.

En service, Ingo était souvent accompagné par un de ses Pokémons, et il lui arrivait de discuter avec des passagers, échangeant des anecdotes de dressage et de voyage. Sans l’avoir remarqué, il avait retrouvé du poil de la bête et semblait de meilleure humeur, même si son expression maussade qui le caractérise subsistait envers et contre tout.

Parfois dans la journée, Emmet le regardait de loin. En bientôt deux ans sur cette ligne, jamais il n’avait parlé avec des passagers, en dehors du cadre de son métier. Il admirait Ingo pour cela, qui s’était bien intégré à ce nouveau cadre en quelques jours à peine. Aussi loin qu’il s’en souvenait, son frère avait toujours su sympathiser avec les gens. Ce qui semblait si facile pour Ingo était un véritable calvaire pour Emmet. Avec lui les conversations tournaient vite au malaise, aussi préférait-il la solitude et esquivait toute compagnie indésirable, même familiale. Emmet concentra son regard sur son frère sans essayer de le dissimuler. Ingo était là, à travailler sans broncher. Avait-il vraiment abandonné son rêve de devenir dresseur pour vivre ici ? Cette idée fit frissonner Emmet.

Il prit une décision le soir même. En vérité, il y avait déjà réfléchi, mais n’avait pas eu le courage de lui en parler. Sur le chemin du retour, Emmet jeta un regard en coin à son grand frère, silencieux.

- Alors, ce travail, ça se passe plutôt bien, non ?
-Oui, c’est vrai, concéda Ingo. C'est plus simple que je le pensais.
-Tu vois, j’avais raison de t’embaucher, toi qui me faisait pas confiance ! (Emmet affichait son sourire benêt.) Maintenant, avec tout ce que je fais pour toi, et si nous parlions de ce fameux paiement ?
- J’aime pas ce sourire, enchaîna Ingo avec méfiance, quoi comme service ?

Emmet s’arrêta, baissa la tête, tandis qu’Ingo se retournait pour lui faire face. Puis le cadet relava la tête, un immense sourire fendant son visage et le doigt pointé vers la poitrine d’Ingo, qui eut un mouvement de recul devant cet excès de zèle.

-Je voudrais que tu m’aides à avoir des Pokémons ! déclara-t-il théâtralement.

Ingo cligna des yeux plusieurs fois. Puis il éclata de rire. Voir son frère si sérieux était inimaginable et incongru.

-Maaaaiiiis ! Je suis sérieux ! Tu as consenti un sacrifice en t’intéressant à mes trains, alors à mon tour de faire de même. Tu as voué toute ta vie une passion brûlante à tes Pokémons, ils sont toujours là auprès de toi, même après tous les échecs que tu a vécu !
-Aie, grimaça Ingo, touché dans sa fierté.
-J’aimerais pouvoir vivre ça aussi, comme tout le monde autour de moi !
-Emmet, dit-il en reprenant contrôle de ses émotions. Les Pokémons demandent du temps et de l’attention et honnêtement… je ne pense pas que tu aies les qualités requises.

Le cadet ne réagit pas à cette remarque désobligeante, qui glissa sur lui, comme tout le reste en fait.

-Justement. Apprends-moi !
-Emmet, soupira Ingo
-Alllllleeeeeeez, dis oui !
-Mais quel gamin !

Mais face à cette détermination soudaine, Ingo ne pouvait que s’avouer impressionné par son jumeau, qu’il n’avait jamais vu ainsi, à part avec ses trains bien entendu. Aucun des arguments qu’il avancerait ne pouvant dissuader Emmet, il était forcé d’accepter. De plus, il avait là une opportunité de clouer le bec de son cadet, qui avait tendance à remuer le couteau dans la plaie, certes involontairement la plupart du temps.

-Soit, tu auras des Pokémons, mais je serai intransigeant, le prévint-il.

Le sourire d’Emmet s’élargit davantage, tandis qu’il le remerciait avec son excès d’enthousiasme naturel tout en lui agrippant le bras. Ingo grimaça de ce déluge de joie

*****

Ils se levèrent très tôt le matin suivant, pour aller à la chasse aux créatures avant leurs heures de travail. Emmet, dont l’idée de devenir dresseur ne s’était pas estompée dans la nuit, avait dû tirer son aîné du lit malgré ses protestations.

Ingo avait commencé par offrir gracieusement son Rototaupe à son frère, il l’avait attrapé peu avant son retour au bercail, c’était donc un Pokémon idéal pour débuter. Mais le plus jeune en voulait davantage. Malheureusement, les Pokémons sauvages étaient rares en ville. Malgré les conseils d’Ingo de mener leurs recherches sur la route 5, Emmet, comme à son habitude, n’en fit qu’à sa tête et se mit en quête de coéquipiers dans cette jungle urbaine.

Leur traque les mena vers un chantier à l'arrêt. Quelques Pokémons y avaient trouvé refuge pour la nuit. Très vite Emmet jeta son dévolu sur un Anchwatt qui flottait lamentablement dans une flaque d’eau.et plus loin, un groupe de Fermite plutôt hargneux lui avait fait de l’œil. Ingo ne se risqua pas à contester ses choix, après tout ce n’étaient pas ses compagnons. Tant pis pour l'intransigeance, il pourrait se rattraper sur leur méthode de dressage. De toute façon, cette sortie fut prolifique, car lui-même avait trouvé un nouvel ami, un Crabicoque sur lequel il avait malencontreusement trébuché. Peut-être aurait-il le courage de l'entraîner comme il se doit ?

Il ne fallut que quelques semaines pour voir la bonne humeur d’Emmet revenir à la normale, elle avait presque manqué à Ingo, d’autant plus que son jumeau ne le regardait plus de travers. Celui-ci n’aurait jamais cru que des Pokémons pouvait avoir un effet aussi marqué sur son frère lunatique. Cela lui semblait tellement invraisemblable, sachant qu’il n’avait pas l’air de se préoccuper d’eux.

-Emmet, souffla Ingo en se pinçant l’arête du nez entre le pouce et l’index. Tu n’as pas nourri tes Pokémons ce matin.
-Oups, pardon.
-Ca passerait… si ce n’était pas le troisième jour d’affilé...

Cela confortait ses craintes et sa patience était mise à rude épreuve, et prenait beaucoup sur lui. Mais en contrepartie, il pouvait se défouler en entraînant son équipe, montrant l’exemple à son jumeau. Ses Pokémons étaient heureux de pouvoir à nouveau dégourdir leurs pattes. Malheureusement, la cour intérieure de leur immeuble n’était pas suffisamment grande pour les accueillir. Du fait de l’inexpérience du cadet en la matière, ils avaient littéralement dévasté la cour, éventrant les poubelles et saccageant les parterres de fleurs, non sans s’attirer la foudre des voisins.

D’un commun accord, ils se mirent en quête d’un autre endroit. Emmet, enthousiaste à cette idée, apprit à son frère qu’une galerie partant du terminus de la ligne Lilas menait à une ancienne gare, dont l’accès extérieur était condamné à cause de sa vétusté.

Ils s’y rendirent dès que possible. Emmet leur avait déjà fait franchir plusieurs tunnels de services autour du terminus des Lilas avant de trouver le fameux passage. Ils ouvrirent difficilement la porte rouillée et firent face une galerie sombre et étroite. Ingo déglutit. Les poutres basses et le sol inégal semblaient assez dangereux, surtout sans lumière. S’ils avaient su, ils auraient mieux préparé leur excursions Mais Emmet s’y était déjà engagé la tête la première. En soupirant face à cette insouciance, Ingo le suivit.

Ils durent bien marcher une demi-heure, éclairés seulement de leur lampe torche. Ingo en vint à se dire qu’ils s’éloignaient de leur destination. La gare en question n’était pas très éloignée du terminus. Il commença à s’impatienter et semblait prêt à faire demi-tour.

-Bon… C’est quand qu’on arrive ?

Il eut à peine fini sa phrase qu’il percuta quelque chose de plein fouet. Apparemment, c’était le dos de son frère, qui s’était arrêté net.

-Maintenant ! répondit celui -ci d’un ton amusé.

Ingo regarda par-dessus son épaule. Son frère se tenait devant une seconde porte, dans un état similaire à la première. Ils se mirent à deux pour l’ouvrir, et ses gonds finirent par lâcher. Elle tomba à la renverse sur le sol, dans un fracas qui se répercuta en écho dans la vaste salle sur laquelle elle donnait. Les jumeaux passèrent prudemment leur tête.

L’endroit était large et circulaire. Les maigres rayons de soleil, qui parvenaient à traverser les vitres crasseuses, étaient la seule source lumineuse. Les deux frères apercevaient néanmoins huit ouvertures menant à autant de quais, ainsi que des escaliers remontant vraisemblablement à la surface. Tout le mobilier autour d’eux était recouvert de poussière de charbon et de toiles de Statitik. L’atmosphère était étouffante, remplie de minuscules particules de charbon en suspension qui irritaient la gorge et les yeux des jumeaux. Sans doute de nombreux Pokémons sauvages avaient élu domicile ici, car des bruissements étaient perceptibles au loin, et des traces de passage étaient visibles dans la poussière du sol.

-Parfait, déclara Ingo. L’endroit semble assez grand pour l'entraînement, bien joué, frérot.

Mais Emmet ne l’entendit pas, il s’était mis à courir autour de la salle, pour en observer ses moindres détails en s’extasiant. Il était vrai que cette ancienne gare avait un certain charme, avec son mobilier ancien et son atmosphère, même pour les néophytes. Ingo soupira de plus belle, et entreprit à son tour d’explorer l’endroit. Des idées de stratégies fusèrent dans sa tête. Il s’imagina les mettre en œuvre et les apprendre à son cadet.

Ils se trouvaient à l’opposé l’un de l’autre, quand Emmet l’interpella, en agitant inutilement les bras.

-C’est vraiment trop génial ! Il y a même une voie directe pour aller à Rotombourg et une autre qui mène à l’ile Liberté en passant sous la mer ! Wow, on peut même emprunter le pont Sagiciel ave…

Mais Emmet s’interrompit. Alerté par ce brusque changement, Ingo tourna précipitamment la tête pour tenter de l’apercevoir. Son cœur eut un raté.

Son frère était suspendu à trois bons mètres du sol, la tête en bas. De l’ombre d’un tunnel, derrière lui, sortait un long bras mécanique, relié à une main dont les doigts étaient resserrés autour de sa taille. Ingo ne prit pas le temps de réfléchir. Il lança Insisache et Cliticlic à l’attaque. Mais un membre similaire sortit de l’ombre et les repoussa sans ménagement.

-Emmet ! cria Ingo en accourant.

-C’est haut dit-donc ! Je crois que je vais vomir, attention en dessous !

Maintenant qu’il s’était rapproché, l’aîné distinguait mieux leur adversaire. Un de ses grands bras bleu levait Emmet au-dessus de sa tête mécanique, et des yeux jaunes luisaient dans l’obscurité. Ingo recula d’un pas devant l’imposante créature.

-Un Golemastoc, souffla-t-il.