Chapitre 1 : Le monde fou
Rien n’avait changé, constata Aurore en émergeant du portail. Le tintement qui marquait le passage d’un monde à l’autre semblait aussi incongru que les deux premières fois, le sol était de la même couleur ocre, les îlots flottants aux formes biscornues restaient invisibles au-delà d’une centaine de mètres, et le grand tourbillon bleuté qui englobait le tout lui présentait toujours le même fond hypnotisant, où qu’elle tourne le regard. Impossible de saisir directement les nuages plus sombres qui dérivaient dans sa périphérie.
Et il faisait aussi terriblement froid que dans ses souvenirs. Elle s’écarta de l’entrée du tunnel, libérant le passage pour les policiers.
Le premier à passer fut Beladonis. Aurore ne fut guère surprise de le voir passer devant ses troupes ; elle se dit, un peu tard, qu’il aurait probablement voulu passer aussi devant elle, alors qu’il n’avait ni Pokémon ni expérience du Monde Distorsion. Parce qu’il estimait qu’il devait prendre les risques pour les autres, quels qu’ils soient. Elle réprima un sourire à cette pensée ; elle l’avait probablement froissé.
Les agents franchissaient le portail, les uns après les autres. Certains lâchaient un cri de surprise en arrivant ; d’autres rabattaient spontanément leurs bras sur leur poitrine. À peine arrivés, ils sentaient l’atmosphère glaciale du Monde Distorsion les mordre jusqu’aux os et frigorifier l’ensemble de leurs corps, sans se soucier de leurs longs blazers marron. Aurore elle-même ne put empêcher ses dents de claquer, alors qu’elle savait qu’elle ne tarderait pas à le regretter.
« C’est qu’un courant d’air frisquet ! les héla Beladonis. Allez, restez pas devant le portail, les autres arrivent !
— Oui chef !
— Stanley, Ophélia, montez l’appareil au lieu de bailler aux Cornèbre !
— Oui chef ! »
Une fois de plus, il venait de mettre la moitié du groupe en mouvement en quelques mots. À côté de cet inspecteur quasiment légendaire, Aurore se sentait parfois inutile ; trop jeune… Et puis elle se rappela qu’il y avait bien quelque chose qu’elle pouvait faire. Partager ce qu’elle savait de cet endroit.
« Vous êtes tous là ? demanda-t-elle. Bon, alors vous l’aurez sans doute remarqué, il fait un peu froid. »
Des rires crispés répondirent à cette pathétique température d’humour. Elle n’avait jamais aimé parler en public.
« Je vous avais dit que la grotte était un sauna… Bon, la bonne nouvelle, c’est qu’en fait, vous ne perdez pas de chaleur. Je ne sais pas du tout comment l’expliquer, comme les trois quarts de ce qui se passe ici : vous avez aussi froid que si vous étiez plongés dans un bain de vide spatial, mais vous ne vous refroidissez pas.
— Dommage pour le blazer de Beladonis ! »
Le policier qui avait lancé ça arracha quelques rires aux autres, avant de se faire gentiment recadrer par son supérieur.
« T’inquiètes pas pour moi, Damien, je crains pas le froid. Par contre toi tu seras pas payé si tu travailles pas. »
Le sourire de Beladonis ne trompait personne : il n’y avait pas encore grand-chose à faire pour qui que ce soit et ça continuerait un moment. Seuls Stanley et Ophélia, qui s’étaient éloignés avec un sac de matériel sur le dos de Stanley, avait une tâche pour l’instant. En attendant, les autres revérifièrent le matériel. Pour certains, c'était un moyen pratique d'ignorer leur vertige qui se réveillait à la vue de ces plate-formes flottantes, sans haut ni bas fixes.
Le groupe avait atterri sur un îlot de forme carré, environ trois fois plus large que la grotte qu’ils venaient de quitter, et des bords duquel partaient trois chemins suspendus. Aurore ne put s’empêcher de remarquer que le monticule rocheux, au centre, avait une forme proche de celle de l’autel central de la Grotte Retour. Celui d’où, quelques instants plus tôt à peine, ils étaient entrés dans le Monde Distorsion par le portail que Giratina avait créé à sa demande.
Le Pokémon de l’Ombre n’avait prêté aucune attention aux humains, comme toujours. Sa Dresseuse s’estimait heureuse qu’il ait seulement daigné ouvrir le portail quand elle avait récité l’incantation que lui avait indiquée Cynthia ; depuis qu’elle depuis qu’elle l’avait capturé, trois ans plus tôt, il ne lui avait obéi en tout et pour tout que sept fois. D’ailleurs, que faisait-il ? Elle aurait dû le rappeler dans sa Ball, au lieu de seulement lui indiquer de la suivre.
Elle envisageait d’aller le chercher, quand il passa à son tour à travers le tunnel d’ombres. Soudain, l’îlot avait l’air étriqué. Si Giratina n’avait pas lévité dans ce monde, il n’y aurait pas eu assez de place pour tous les policiers, avec ses sept mètres de long et les six ailes (ou membres ?) qu’il ne repliait jamais.
Il se plaça en surplomb, arrachant quelques murmures anxieux aux agents des FPI les moins habitués au surnaturel ; puis soudain, il s’élança de quelques mètres, et passa par-dessus le bord de l’îlot pour lui faire face. Comme ce jour, trois ans plus tôt, où il avait défié Aurore…
Elle se rapprocha du bord. Sans trop savoir pourquoi ; peut-être simplement parce qu’elle voulait se rapprocher de lui au sens de le comprendre. Alors qu’il ne semblait jamais réagir à la communication.
Elle fut d’autant plus surprise quand il prit la parole — car seul un Pokémon pouvait projeter une voix dans une tête humaine, comme ça.
« J’ai dû agrandir un peu le passage. C’est pour ça, le retard.
— Je… bafouilla-t-elle. Je vois... J’avais fini par, enfin... Par croire que tu ne pouvais pas parler. Parler humain, je veux dire ; comprendre notre langue...
— Crois-le encore un moment. Je t’expliquerais ça quand les conditions me permettront à nouveau de parler. Vois ça comme de la météo.
— Quand tu… Ne me dis pas que tu ne vas pas répondre. »
Il ne répondit pas. Il avait repris cette attitude complètement détachée, consistant à flotter en l’air sans paraître prêter attention à rien. Et Aurore eut une fois de plus l’impression énervante de tout faire de travers. De ne pas avoir la moindre légitimité à tout ce qu’elle faisait, à être Maître de Sinnoh, à guider cette expédition, à rien. D’être trop jeune.
Drôle de vision, se dit-elle pour se détourner de ses pensées. Une gamine aux cheveux gris sombre plutôt que noirs, comme pour souligner ses responsabilités d’adulte ; en manteau rose, après réflexion peut-être moins approprié au Maître que les éternelles tenues noires de Cynthia… en train de contempler un Dragon Légendaire mutique de sept mètres de long, doté d’un masque d’or, de six appendices noirs comme la nuit, et d’un âge incalculable puisqu’il avait passé une partie de sa vie dans un monde dénué de temps (qu’il avait créé lui-même) en guise de punition pour une trahison que nul ne connaissait. Et elle oubliait probablement des détails. Notamment le fait que la gamine était censée être la Dresseuse du Dragon, sans grand succès.
Tout lui sembla soudain trop compliqué. Elle tenta de chasser cette impression, comme chaque fois ; elle avait ses Pokémon avec elle, et le soutien de son Conseil 4 ; elle pouvait gérer tout ça… Mais l’impression dérangeante persistait. Et cela lui arrivait de plus en plus souvent, ces derniers temps…
« Un coup de blues ?
— Euh— Beladonis ? hésita-t-elle en se retournant. Vous m’avez fait peur, je ne vous ai pas entendu approcher…
— T’es au courant que c’est moi qui suis censé te vouvoyer ?
— Je… Ça fait tellement bizarre.
— J’imagine. En tout cas je dois te remercier pour tes avertissements concernant le coin ; je vois pas du tout comment tu aurais pu mieux nous prévenir.
— Je rêve ou tu es en train d’essayer de me remonter le moral ? s’amusa-t-elle. D’ailleurs comment t’as deviné ?
— Oh, le flair de l’enquêteur.
— Psychologue, va. »
Trop jeune. Le vieux briscard, lui, excellait à prendre soin de ses troupes, que ce soient des agents des FPI ou une Maître de l’île sacrément trop jeune…
« Enfin bon, reprit-elle. Même moi, je trouve l’endroit bizarre.
— J’imagine que trois ans, c’est bien assez pour oublier tous les détails louches d’un endroit qui défie la pensée.
— Eh bien… Pas tellement comme ça, non. Je dirais plutôt, euh. »
Elle laissa une pause, le temps de mettre de l’ordre dans ses pensées, de mettre des mots sur ce que l’endroit lui inspirait. Elle en avait oublié la présence du Pokémon qui l’avait habité pendant si longtemps — mais ça, elle ne s’en rendrait compte que juste après avoir en quelque sorte insulté l’endroit.
« Il y a quelque chose de différent. Je ne saurais pas dire quoi ; la première fois que j’étais venue, je ne savais pas du tout à quoi m’attendre, mais je… C’était comme si on pouvait avoir confiance dans le lieu.
— Dans le lieu ? Pas en Cynthia ?
— C’est ça, moque-toi ! »
Un autre court silence, le temps de désigner vaguement les plates-formes volantes qui parsemaient le paysage par-delà l’îlot. Des blocs de roches possédant une face plate, orientés dans tous les sens, parfois vaguement décorés de rochers, des étranges plantes verticales du lieu ou d’un plan d’eau ; et reliés par des blocs flottants, plus petits. Le tout à moins d’une centaine de mètres de distance comme toujours ; la limite au-delà de laquelle on ne voyait plus rien. Rien que l’omniprésent vortex de tons bleus.
« Cette fois-ci, reprit Aurore, je n’arrive pas à me persuader qu’il y a un seul chemin et qu’on trouvera Hélio au bout. C’est plus comme si un esprit malveillant hantait le lieu et voulait nous y perdre… Oh mince ; je veux dire— c’est pas à toi que je pensais, Giratina ! »
Elle devinait ce qu’elle trouverait en se retournant vers le Pokémon Renégat — une absence totale de réaction — mais fut quand même déçue. À la fois d’être totalement incapable d’entrer en communication avec lui, et de l’avoir insulté par inadvertance à force de parler avant de réfléchir.
Beladonis pourrait faire ce qu’il voulait, si expérimenté soit-il, Aurore avait l’impression qu’elle en retournerait toujours à sa propre incompétence. À son âge trop jeune…
« Au fait, tenta encore Beladonis. Si ça s’écrit avec un G, pourquoi on prononce pas ‘‘Jiratina’’ ?
— Aucune idée, admit Aurore. J’ai toujours entendu Cynthia prononcer comme ça, et comme elle connaît un peu son sujet, je me contente de suivre.
— Haha, je m’incline ! »
Derrière eux, près du portail, Stanley et Ophélia revenaient déjà avec leur sac. Ils semblaient avoir un peu de mal à garder leur équilibre en sautant d’un des rochers à un autre, ce qui était le seul déplacement possible sur les passerelles du Monde Distorsion. Ils ne tardèrent pas à arriver à portée de voix.
« Rien par ici, chef ! lancèrent-ils. La zone est vide, même les plantes cheloues ne renvoient pas de signal ; mais le radar fonctionne normalement !
— Bon ! répondit Beladonis en s’approchant du groupe. On va pas tarder à commencer, alors. Pas de problèmes avec les six autres radars ?
— Non, chef ! lança Damien en levant la tête d’un des sacs de matériel.
— Alors on va y aller. Les volontaires pour rester ici sont toujours volontaires ?
— Oui, chef !
— Vous savez dire autre chose que ‘‘Oui, chef’’ ?
— Non, chef !
— Je prends ça pour un oui. »
Une bonne moitié des policiers présents affichait un sourire goguenard.
Le schéma d’exploration du Monde Distorsion était simple. Les agents partiraient par groupes de deux, se servant de petites billes d’acier pour marquer leur chemin aux embranchements ; et deux d’entre eux garderaient le portail pour que leur cible ne s’échappe pas par là. Sans oublier les indispensables talkie-walkie auxquels les billes servaient de répéteurs de signal.
Chaque groupe emportait deux semaines de vivres, et un radar capable de localiser toute forme de vie à quelques kilomètres la ronde. Le même radar que Stanley et Ophélia venaient de ramener au camp, après avoir vérifié étonnament vite que personne ne se cachait dans le coin. Des genres de Cherch'Objets adaptés aux personnes : du matériel classique des FPI, mais assez rare puisque les endroits vraiment déserts n’étaient pas très nombreux sur Terre.
Les douze agents, leur chef et Aurore cherchaient un homme qui errait dans ce monde depuis trois ans. Un homme connu dans tout Sinnoh, et même au-delà pour avoir tenté de détruire toute forme d’esprit autre que le sien, mais en avait été empêché par Giratina qui l’avait emprisonné ici en guise de punition. Un homme sous le coup d’un mandat d’arrêt international pour extorsion de fonds avec soupçons de nature sectaire, actes terroristes et tentative de génocide.
Un homme nommé Hélio.
Aurore frissonna. Pas tellement à cause du froid mortel ; depuis qu’elle était arrivée, elle avait bien assez claqué des dents, des genoux et de tout ce qui claquait pour avoir maintenant trop chaud. Elle se rappelait bien cette sensation horrible ; elle se sentait étouffer, mais ressentait encore les milliards d’aiguilles glaciales qui ne parvenaient pas à lui arracher la moindre chaleur.
Ce n’était pas à cause du froid qu’elle frissonnait. C’était en repensant à l’homme qu’elle avait combattu, trois ans plus tôt, dans ce monde aux règles inconstantes. Impossible de mettre des mots sur la pression qui s’était appliquée au combat ; pas quand son adversaire menaçait de créer un nouveau monde sur les ruines de l’ancien, et d’en devenir le dieu. Quand elle avait le devoir de gagner dans un monde dont elle ne connaissait pas les règles.
Et en y repensant le temps que les binômes s’assemblent et prennent un des trois chemins possibles, Aurore ne remarqua pas les trois fantômes issus de son passé, qui revenaient la hanter à travers le portail menant au monde normal. Ce fut Beladonis qui réagit le premier en entendant le tintement — toujours lui.
« Arrêtez-la ! beugla-t-il en direction du portail.
— Oh. »
Devant le cercle d’ombres bleutées se tenait une jeune femme aux cheveux rouges, portant un genre de combinaison spatiale doté d’une jupe. Le Commandant Mars, de la Team Galaxie.
Quelques balls libéraient déjà des Pokémon ; Mars libéra un Nostenfer et un Archéodong, qui se mirent en sécurité en hauteur et commencèrent à envoyer des salves d’Ondes Folies au petit bonheur de la chance. En quelques secondes, une foule de Pokémon se bousculaient sur le promontoire ; ce fut la scène que découvrit Jupiter en sortant à son tour du portail.
« Bon sang ! jura-t-elle. Archéodong, Nostenfer ! Onde-Folie !
— Les Nostenfer, redescendez ! commanda Mars. Jupiter, on se casse !
— Bonne idée ! »
Le Voltali d’Aurore atterrit au sol sans un bruit, dans un chaos qui commençait à se résorber comme les agents rappelaient leurs Pokémon confus. Il eut le temps de lancer une volée de poils électrifiés depuis sa crinière ; mais les Nostenfer, agiles et diablement rapides malgré les passagères qui s’accrochaient tant bien que mal à eux, parvinrent à esquiver la salve. Puis les Archéodong levèrent une Protection et un Mur Lumière, qui leur donnèrent le temps de rejoindre leurs Dresseuses en lévitant sans être inquiétés par d’autres attaques.
Les deux Commandantes Galaxie s’étaient bel et bien échappées, et ce constat se fit chez les Dresseurs au moment où retentissait un autre tintement.
Pluton émergea du portail en ronchonnant, aussi courbé que dans les souvenirs d’Aurore. Il se tut immédiatement en voyant la foule qui l’attendait, et sur le départ de laquelle il avait parié ; il remarqua ses acolytes qui s’enfuyaient à tire-d’aile ; et il fit volte-face pour se précipiter dans le portail.
« Voltali, Cage-Éclair ! Pas trop fort, ne l’abîme pas. »
La précision était superflue ; le Commandant sans Pokémon était déjà immobilisé par un dard électrique planté dans sa nuque, et il tombait lentement en arrière — dans les bras de deux agents de police qui le retinrent de justesse avant qu’il ne se casse quelque chose.
« Pluton, commenta Beladonis. Comme on se retrouve.
— Bonjour, Beladonis, articula le vieillard (lentement) malgré la paralysie.
— Drôle de situation que nous capturions le génie de la Team et pas ses deux exécutrices, hein ?
— Moquez-vous… Mais vous savez ce… ce qui s’est passé, la dernière fois. Au Mont Abrupt…
— Si vous n’aimiez pas votre cellule confortable, j’imagine qu’on peut vous en trouver une qui soit enterrée un peu plus profond.
— Ha... Ha… Ha… Ça ne suffira pas… et vous le savez…
— Mais oui, mais oui. Le génial Pluton, sauveur de la Team Galaxie… Au passage, j’imagine que vous n’appréciez pas trop ce que Saturne a fait de votre secte ?
— Lui… vous ne le jugez pas… Et après, c’est… c’est nous les terroristes… En voilà un qui a tout compris.
— Mis à part qu’il dirige la Galaxie Sarl au titre de travaux d’intérêt général, et ne touche pas un rond. Je crois savoir que vous êtes sensible à cette question-là ? »
Le vieil homme ne répondit pas ; ses mâchoires paralysées semblaient être arrivées au bout de leur endurance. Heureusement pour lui, la paralysie ne s’étendait pas aux poumons ou au cœur ; leur contrôle ne passait pas par la nuque.
Le temps que Beladonis ait fini de charrier le vieillard, ses agents avaient à peine fini de lui mettre ses menottes. Un autre aspect déroutant du Monde Distorsion.
« Vous avez remarqué ? signala Aurore. Le temps qu’à pris cette charmante discussion et celui qu’ont pris les menottes ? Le temps non plus ne tourne pas rond ici, méfiez-vous-en.
— Je… hésita Beladonis. Pas remarqué, non. Tu as plus précis que ne pas tourner rond ?
— Apparemment, la dernière fois, il n’y a eu aucun délai entre le moment où je suis entrée par le portail des Colonnes Lances et celui où j’ai émergé de la Source Adieu. Et c’est tout.
— Vous avez entendu ça, les gars ? Vous serez à la maison pour le dîner ! »
Un concert d’acclamations salua l’inspecteur. Aurore nota cette façon de transformer une situation déroutante en bonne nouvelle. On ne savait jamais, ça pouvait servir.
« C’est pas tout ça, reprit Beladonis, mais à part Pluton, les Commandants Galaxie était assez forts en combat. Avec ces deux-là dans la nature, il vaudrait peut-être mieux passer à des groupes de trois. Un pour garder l'entrée, les trois autres pour fouiller le coin. »
Les agents acquiescèrent ; et ne tardèrent pas à se disperser avec la méthode coutumière aux FPI. Aurore et Beladonis formaient le groupe central : Beladonis coordonnait les autres, et Aurore se tenait prête à intervenir rapidement n’importe où. Autrement dit la main sur la Poké Ball de son Togekiss ; à moins que Giratina n’accepte de les transporter tous les deux, et Pluton avec, mais elle ne basait aucun espoir là-dessus. D’ailleurs, il était sans doute temps de lui demander.
« Giratina, si je te demandais de nous faire visiter, tu accepterais ? »
Il resta aussi inerte qu’un rocher ; dans un premier temps. Puis il baissa la tête vers sa Dresseuse, plongeant son regard rougeâtre dans les yeux de la jeune fille.
« Eh bien, hésita Aurore. Je prends ça comme un oui, hein. »
Un instant plus tard, le dragon zigzaguait à grande vitesse entre les blocs de roche flottants, surveillant les FPI d’en haut — et de quelques autres angles improbables. Sur son dos, Beladonis alluma un radar et surveilla le cadran.
Aurore songea partir à la poursuite de Mars et Jupiter. Elles avaient également des mandats d’arrêt à leurs noms ; sur des charges moins lourdes, cependant. On soupçonnait Hélio d’avoir une certaine emprise mentale sur ses sous-fifres, et leur responsabilité faisait donc débat. D'où l'importance d'un procès dans les règles.
Elle abandonna bien vite l’idée. Les Nostenfer étaient rapides : les deux Commandantes auraient eu le temps de s’enfuir assez loin pour rendre leur traque semblable à celle d’une aiguille dans une botte de foin ; comme celle de Hélio. Si le temps en question était même mesurable…
Giratina resta donc à proximité des FPI qui quadrillaient le Monde Distorsion, îlot après îlot. La traque promettait d’être longue.