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Projet Triple 3 de Ramius



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» Auteur : Ramius - Voir le profil
» Créé le 04/07/2020 à 10:25
» Dernière mise à jour le 19/09/2020 à 16:51

» Mots-clés :   Organisation criminelle   Présence d'armes   Présence de personnages du jeu vidéo   Présence de Pokémon inventés   Terreur

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Chapitre 16 : Seul dans la forêt sombre
La nuit, noire comme l’encre dans l’ombre des arbres, s’étendait partout dans un silence oppressant.

Il y avait une pleine Lune, quelque part dans le ciel, trônant au milieu de sa cour d’étoiles ; mais sa lumière argentée tombait plus souvent sur des feuilles ou en haut des troncs. L’humus où courait Adèle restait aussi obscur qu’une flaque d’encre. Sans son flair, Auguste se serait perdu depuis longtemps ; et s’il avait dû marcher lui-même, il se serait certainement brisé les reins en trébuchant sur des racines.

C’était beau, une forêt de nuit. Il y avait des jeux d’ombres, des odeurs absentes de la journée ; en se déplaçant prudemment, on restait aussi assez silencieux pour entendre les facettes invisibles de la vie nocturne ; et avec un peu de chance, on pouvait entendre les chants mélodieux des prédateurs. Lougaroc, Noarfang… Pas le genre de Pokémon qu’on appréciait de croiser au détour d’un vallon enténébré, mais d’assez bons solistes tout de même, quand on pouvait avoir la certitude de ne pas être leur proie.

Les prédateurs chantaient des requiem pour leurs proies ; et ce qui dérangeait le plus Auguste, c’était que lui n’entendait rien. Quelques halètements d’Adèle, de temps en temps ; le bruit souple de ses pattes parcourant le sous-bois ; et à part cela, pas un bruit, pas un souffle de vie. La forêt était muette comme une tombe, et pas moins sinistre.

Le Champion ne savait pas trop ce que pistait son Arcanin ; à vrai dire, on ne savait pas grand-chose à propos des Spectres, ou de la façon dont le Flair permettait aux Pokémon Normal de les atteindre. Tout ce que savait le Champion, c’était qu’il pouvait faire confiance à son Pokémon pour retrouver Canaima. Et alors, ce serait à lui de jouer.

S’il servait à quelque chose. Si sa puissance anormale, ses téléportations et son comportement imprévisible ne le prenaient pas complètement au dépourvu. Il secoua la tête, chassant ces pensées.

Le Champion était déterminé à ne pas se laisser abattre par ce genre de ruminations inutiles. Dans le monastère, loin derrière lui, vingt-quatre personnes comptaient sur lui et sur ses Pokémon pour vaincre l’Abomination qu’il avait créé presque de ses propres mains, et qu’eux avaient échoué à abattre. Il ne pouvait pas les décevoir.

Certains comptaient plus que d’autres ; encore que son sens du devoir aurait pu le convaincre à s’engager dans cette entreprise périlleuse même pour la vingtaine de Sbires de classe trois arrivés… Seulement la veille ? Cette nuit avait duré une éternité ; et avait vu pas moins de quatre morts dans leurs rangs. Giovanni allait lui passer un savon assez gros pour laver la Tour Radio, se dit Auguste. Et il l’aurait bien mérité.

Il y avait Bianca, la vieille aide de labo ; pas vraiment plus vieille que lui-même, mais les gens comme elle se faisaient rares. Il n’y avait qu’une génération à avoir vécu la Deuxième en ayant une dizaine d’années ; personne d’autre ne pouvait comprendre. Ça faisait peut-être sacrément romantique, mais Auguste ne voulait pas imaginer de laisser Canaima en liberté à proximité de Bianca.

Il y avait aussi ce bon vieux casse-pieds de Raymond, qui n’avait presque pas besoin de balai tant il pouvait être acide ; Benjamin, trentenaire qui commençait à avoir du mal à porter son nom ; parmi les Sbires, cette sacrée teigne de Claire…

Et puis David. Le seul type de la base assez fou pour proposer à Auguste de l’accompagner ; le Champion y était sensible. Les deux scientifiques avaient pas mal de points communs, si on faisait abstraction de leur morale ; Auguste aurait été content de pouvoir compter sur l’appui de son cadet. Mais il avait distinctement perçu quelque chose de désagréable dans ses yeux ; une sorte d’impatience, d’envie de venir. Et puis il y avait ce croquis de la chimère, remarquablement bien exécuté : bien mieux que les quelques autres qu’Auguste avait vu dans ses rapports.

David développait une fascination malsaine pour Canaima. Le plus souvent, il semblait rester du côté de la répugnance ; mais de temps en temps, il se laissait aller à une admiration décalée, comme s’il avait une œuvre d’art sous les yeux. Très néfaste, de l’avis d’Auguste ; autant il serait inhumain d’oublier que les sujets de laboratoire souffraient aussi, et qu’il fallait faire attention à eux, et autant il était inacceptable d’oublier que celui-ci avait tué, et plus d’une fois. Même s'il avait créé la chimère, hors de question d'en être fier.

Le Champion lui-même ne parvenait à préserver cet équilibre que grâce à son arachnophobie ; il n’aurait jamais cru utiliser un jour l’expression grâce à dans la même phrase qu’ arachnophobie , mais c’était bien le cas. Lui aussi restait muet devant la complexité inattendue de la chimère, et ressentait une pointe de satisfaction à admirer sa puissance : avec un tel Pokémon à étudier, il parviendrait certainement à des avancées scientifiques importantes, bien assez pour terminer le projet CP. Et il savait bien à quel point CP était le projet préféré du Boss. Mais impossible d’admirer la chimère elle-même ; il ne pouvait en soutenir la vue qu’en se concentrant sur un travail précis.

Il grommela en se rendant compte que même en pensant aux Rockets sous ses ordres, son esprit avait réussi à en retourner à l’Abomination. En même temps, ce machin tordu avait une agence redoutable. Pas étonnant qu’elle se cache partout.

Plus ou moins au même moment, Adèle ralentit. Son Dresseur ne relâcha pas pour autant sa prise délicate autour de son cou, malgré toute l’envie qu’en avaient ses bras fatigués. Il connaissait assez bien l’Arcanin pour savoir qu’elle repartirait en bondissant, d’un moment à l’autre. Elle était occupée à flairer une piste dans l’humus.

Ce qui amena les pensées d’Auguste à une pensée incongrue ; Canaima avait-elle une odeur ? Lui-même ne l’avait jamais sentie ; mais en même temps, la seule fois qu’il s’était tenu vraiment proche d’elle, l’odeur métallique du sang et celle, aseptique, de son masque, cachaient tout effluve que le Pokémon aurait pu dégager. De toute façon, l’Arcanin avait un odorat très largement plus développé que celui de son maître. Ce dernier en revint une fois de plus au fait qu’on n’en savait pas tant sur les Spectres. Pas avec précision.

La meilleure chose à faire, maugréa-t-il intérieurement, était certainement de se préparer au combat. Autant adapter un peu ses stratégies au peu qu’il savait de son adversaire.

Le premier choix à faire concernait l’utilité de brûler la forêt. Bien sûr, Auguste avait son masque à gaz dans une poche de sa blouse ; laquelle, loin d’être une tenue de chimiste, disposait de quelques améliorations pour le protéger de la chaleur. Il pouvait se permettre d’offrir cet avantage à son équipe.

Les Pokémon Feu étaient bien plus à l’aise au milieu d’un incendie que n’importe où ailleurs, et que n’importe quel autre type bien sûr. L’évolution des espèces n’aurait pas permis l’apparition d’un type Feu sans l’immuniser au passage contre ses énormes dommages collatéraux : tous ses représentants pouvaient respirer sans problème dans une atmosphère saturée de fumée et de dioxyde de carbone. Aussi étonnant cela soit-il, ils étaient capables de photosynthèse forcée en se servant de la chaleur du feu ; un point commun inattendu avec les types Plantes.

Le Champion avait beaucoup étudié les types Feu à l’université ; depuis qu’il se coltinait Adèle, ça avait toujours été son type préféré. Et il y avait quelque chose de fascinant dans les études de fossiles, apprenant que les premiers Pokémon Feu étaient en fait des types Plante dotés du Talent Ignifu-Voile, qui s’étaient peu à peu habitués à des environnements volcaniques. Tout comme les études des champs en combat, et notamment le Champ Brûlant.

Tout cela, il l’avait appris dans les années apathiques suivant la Deuxième. Le monde entier sortait d’un rêve aux accents de cauchemar, et lui-même s’était coupé de sa famille ; rien d’étonnant à ce que son admiration pour les Pokémon se soit mise à prendre toute la place dans sa vie. C’étaient de bonnes années, tout de même.

Même si, pour être honnête, l’expérience qui lui avait le plus apporté étaient les vingt années passées dans la Team, aux côtés de Giovanni. Commander des hommes n’était pas une mince affaire ; il avait encore commis des erreurs cette nuit, se morigéna-t-il. Et la pire serait peut-être de ne pas se préparer contre Canaima.

Il passa rapidement en revue ses possibilités. Ses six Pokémon, en bons types Feu, étaient plutôt orientés sur l’offensive. Son Maganon et son Pyroli pouvaient prendre pas mal de coups ; Adèle aussi, quoique peut-être pas autant ; et pour le reste, sa Feunard, sa Dracaufeu et son Volcaropod étaient trop fragiles pour durer longtemps. Mais ils pouvaient faire de sacrés dégâts, tous. Restait à savoir comment les organiser.

Évidemment, Volcaropod n’aurait pas besoin de placer ses Pièges de Roc. Ce n’était utile que contre un Pokémon qui entrait sur le terrain : même en combat, il était assez facile de faire attention à la dérive tranquille de ces lames redoutables.

Le Champ Brûlant ferait un bon remplacement. En plus, inutile de compter sur Sécheresse et le Soleil : tant qu’il ne se serait pas levé, la lumière de la Lune serait insuffisante. Donc, sans doute brûler la forêt, malgré les risques accrus pour le Champion ; si Canaima trouvait refuge dans un brasier trop intense, l’humain ne pourrait pas la suivre. Il devrait s’en remettre à ses seuls Pokémon ; et même s’ils étaient excellents, il n’aimait pas trop les récits qu’il avait entendus à propos des Pokémon de Jorian.

Ce n’était pas seulement ce qu’ils disaient des combats, violents et confus. Il y avait aussi ce détail déconcertant, ces yeux crevés sur des Pokémon laissés en vie ; on aurait presque dit de la cruauté gratuite. Auguste ne pouvait s’empêcher de frissonner en y pensant ; vu la taille des chélicères de Canaima, ça devait être très désagréable.

Et puis il ne pouvait pas non plus s’empêcher de repenser la position dans laquelle il l’avait trouvée, près de trois heures plus tôt : penchée sur Jorian, immobile. C’était trop facile de s’imaginer ce qu’elle aurait pu chercher à faire. Le Champion devait le reconnaître, après une nuit pareille, il pouvait presque penser à Canaima comme une abomination sans faire d’effort pour se rappeler que ce surnom la désignait.

Surnom qui restait blessant. Auguste continuait de le prendre un peu plus personnellement qu’il n’aurait dû. Mais maintenant, il était prêt à admettre qu’il soit juste. Très juste ; mal pensé ou non, David avait eu un mot bien placé.

L’Abomination. Cette saleté arrivait à se faire haïr très efficacement, songea Auguste alors qu’Adèle le secouait en sautant par-dessus un rocher. Peut-être qu’elle se nourrissait de la peur qu’elle inspirait ? C’était un type Ténèbres, après tout, ce genre de comportement avait déjà été observé. Mais cette explication ne satisfaisait pas vraiment le Champion. Il avait l’impression de passer à côté de quelque chose.

Si on partait du principe que Canaima inspirait volontairement la peur pour s’en nourrir ensuite, pouvait-on comprendre un peu mieux son comportement ? Cela supposait qu’elle ait une intelligence développée : une conscience d’elle-même, la capacité non seulement à appréhender l’Autre mais en plus à se mettre à sa place et à prédire ses comportements, donc une anticipation… Ce n’était pas rassurant.

Et ce n’était pas non plus très satisfaisant. L’anticipation était censée s’acquérir par l’expérience, en un temps bien plus long qu’une semaine. Cela collait difficilement avec cette décision incompréhensible de rester au sous-sol quand les Sbires l’avaient enfin abandonné.

Peut-être s’était-elle trompée, avait-elle été prise au dépourvu ? C’était envisageable. Cela rappelait au Champion une autre espèce d’Araignée, qui chassait ses congénères sur leurs propres toiles. Elle était capable de construire des stratégies élaborées pour prendre sa proie par surprise, mais cela lui prenait des plombes à cause de son cerveau trop petit. Peut-être l’Abomination avait-elle préparé des tactiques à l’avance, et n’avait pas envisagé qu’on puisse la fuir ?

Il décida de ne pas s’attarder plus que ça dans cette ligne de pensées ; ça devenait carrément morbide. Et peu cohérent ; pouvait-on envisager un plan de bataille sans prévoir la fuite de l’adversaire ? Quoique.

Dans tous les cas, s’il voulait réfléchir, pour ne pas dire ressasser ses pensées dans la nuit, il préférait le faire ailleurs. Canaima pouvait-elle avoir un problème psychique ? Ce ne serait pas très inspiré de parler d’anomalie alors qu’elle était la seule de son espèce, et qu’elle se faisait déjà traiter d’abomination à tout bout de champ ; mais l’idée était là. Ce comportement imprévisible pouvait faire penser à un psychotique. Violence, aspect irrationnel… Ça pouvait passer. Et ça ne convainquait toujours pas le Champion.

Il pouvait soupçonner ses trois types, dont deux aux natures mal connues, d’avoir influé sur son psychisme. Fée, Spectre, Ténèbres… Il y avait une stabilité, mais elle était biologique. Le type d’un Pokémon pouvait-il influer sur son esprit — oui ; les types Plante étaient plus calmes que les types Combat ; mais à ce point ?

Et puis zut. Dans tous les cas, ça n’expliquerait pas l’apparence prodigieusement anormale de Canaima, qui était toujours censée n’être qu’un blob. Auguste n’allait pas la comprendre intégralement en quelques minutes. Il pouvait déjà s’estimer heureux s’il pouvait explorer un peu la théorie des types, avec ses recherches incomplètes. Chercher à comprendre ce Pokémon avant de le combattre avait l’air bien mal barré ; et en plus, ce n’était pas forcément une bonne idée. Il ne serait peut-être pas nécessaire de le comprendre pour le vaincre : la force brute pouvait toujours suffire. À six contre une, Auguste estimait avoir ses chances.

Adèle s’arrêta. Grogna, mécontente. La lumière semblait s’estomper, devant eux. Comme si un gouffre dévorait la présence argentée de la Lune. Auguste frissonna, et descendit de son échine pour s’approcher à pied.

Ce n’était pas une brume, comme ça l’aurait été dans le cas d’une Explonuit à grand rayon d’action. Cela ressemblait plutôt à une frontière nette ; le Champion y plongea une branche, prudemment, et la vit brutalement coupée. Il hésita ; tendit le bras, frôla les ténèbres du doigt ; ne sentit rien de particulier. C’était un peu plus froid, et il n’y avait rien d’autre à noter.

Pas une Explonuit ; elles avaient l’air tièdes-chaudes, légèrement visqueuses. Là, on aurait plutôt dit que l’énergie était absorbée par quelque chose ; avec une efficacité plus ou moins exponentielle, pour faire une frontière aussi nette — le Champion voyait sa main devenir floue seulement sur la largeur d’une phalange.

C’était plutôt une bonne nouvelle ; cela indiquait quelque chose de puissance modérée. Mais ça pouvait tout de même être très ennuyeux. Auguste dut fouiller un moment dans sa mémoire avant de trouver.

Il en avait déjà entendu parler ; on appelait cela le Ciel Sombre. Il ne l’avait jamais vu, mais il pouvait décliner ses effets en combat. C’était un genre de climat, qui perturbait la lumière un peu comme une Sécheresse ; une Sécheresse de type Ténèbres. Ou Spectre ; le Champion croyait se rappeler que dans la Région où on l’avait observé pour la première fois, quelques années plus tôt à peine, le Ciel Sombre était généré par des Pokémon Spectre puissants.

C’était un climat rare ; on ne savait même pas comment il fonctionnait exactement. Mais on l’avait un peu étudié. Il renforçait les attaques Spectre et Ténèbres, et affaiblissait les attaques Fée ; en revanche, il semblait ne pas avoir d’effet sur les attaques lumineuses, quel que soit leur type. Elles devenait éblouissantes, mais c’était compensé par l’absorption de la lumière par ce climat, qui limitait leurs dommages. Aiguisage, Rayon Lune, Cauchemar, Pression, Flash, et le duo Protection/Mur Lumière voyaient leurs effets dopés. Et puis la Sombre Ball s’activait, mais c’était anecdotique. Ça ne faisait pas grand-chose, mais ça pouvait tout de même aider cette satanée Abomination.

Finalement, Auguste serait bien obligé de se servir du Champ Brûlant. Il lui donnerait les mêmes avantages : des attaques Feu amplifiées contre les Pokémon non-lévitants, quelques Talents activés dans son équipe, des Feux-Follets sans perte de précision et un Brouillard plus efficace. Il n’utiliserait sans doute pas Brouillard.

Quant à la mise en place du Champ, il fallait espérer qu’il ne se mettrait pas à pleuvoir, et un simple Rebondifeu suffirait. Ça ne marchait qu’en forêt, mais Auguste trouvait ça bien plus simple que deux attaques d’Aires dont une que ses Pokémon auraient été bien en peine d’apprendre.

Il fit quelques pas, en prenant garde à ne pas se fouler une cheville sur les racines, totalement invisibles dans cette noirceur. Adèle renâcla, un peu comme l’aurait fait un Galopa, mais le suivit. Et tous deux se perdirent de vue aussitôt.

D’accord, maugréa Auguste en portant la main à sa poche droite. Adèle, s’il te plaît ? Rebondifeu.

Un jappement lui répondit, vite suivi d’un fugace trait orangé qui parcourut quelques mètres avant d’éclater sur un arbre. Des projections volèrent alentour, et en un instant cinq arbres portaient un petit départ de feu sur leurs troncs. Ils émettaient un peu de lumière ; on y voyait presque assez pour marcher. Auguste s’avança entre les arbres en ajustant son masque à gaz, suivi par Adèle.

Continue, éclaire-nous le chemin.

Elle s’exécuta avec joie, projetant de petits nids de lumière un peu partout. Le chemin dont parlait Auguste prit un vague air de haie d’honneur, avec des arbustes prenant feu un peu partout ; derrière eux, les premiers crépitaient déjà. Et ce chemin était assez simple : tout droit vers le cœur de la zone obscurcie.

Le Champion s’était presque attendu à tomber directement sur Canaima. La taille du Ciel Sombre, comme celle de tous les climats, dépendait de la puissance du Pokémon qui l’avait invoqué ; et ne toujours pas voir l’ombre d’une patte répugnante le faisait se tendre un peu plus à chaque nouveau tir d’Adèle. Il parvenait à supporter la vue d’un Pokémon Araignée, il avait ses astuces ; mais c’était pire de savoir qu’il y en avait un, sans le voir.

Pathétique, se dit-il. Auguste Damos, Champion du type Feu à Cramois’île, un lieu mondialement célèbre pour abriter un volcan susceptible d’entrer en éruption n’importe quand, pouvait marcher dans une forêt en train de prendre feu avec un Pokémon pyromane à côté de lui et un masque à gaz qui insufflait un air aux accents métalliques dans sa gorge ; mais qu’on lui dise qu’il y avait une saloperie à huit pattes dans le coin, et il perdait contenance ? Une flambée de colère lui traversa la tête en réaction ; cette Abomination, il allait lui infliger le combat le plus déloyal possible, et quand il en aurait fini, il n’y aurait plus rien à étudier.

Adèle dut sentir l’agacement de son maître ; elle ne savait pas pourquoi, mais ça lui allait bien. Quand le maître était énervé, il y avait de la bagarre en perspective, et elle adorait ça. Elle ne se doutait pas qu’en se décidant à engager l’Abomination à six contre une, il n’utiliserait son Arcanin qu’en dernier recours.

Elle ne fut pas la seule à le sentir. Un sifflement mécontent retentit, à quelques mètres devant eux ; puis des pas, fouaillant dans les buissons.

Adèle se fit un plaisir d’éclairer la zone en lançant quelques autres Rebondifeu ; puis lâcha un jappement surpris, comme Auguste la rappelait. À la place, il envoya son Volcaropod.

Canaima sortit du sous-bois, sa langue légèrement sortie comme pour goûter l’air où s’accumulait de la fumée. Volcaropod la toisa ostensiblement ; c’était ça, son adversaire ? Cette espèce d’Araignée rachitique, à peine de la taille d’un Galopa ? Il en avait maté de bien plus gros ; même un Wailord, une fois. Il éructa un drôle de cri, agressivement ; le message dut être assez clair.

L’escargot et la chimère se fusillèrent du regard. Le combat serait rude.


*****
Anecdotes pas si petites
Techniquement, le Champ Brûlant et le Ciel Sombre existent dans les jeux (pour le premier on dit peut-être Terrain, j’avoue que je traduis de l’anglais donc voilà). Mais j’utilise pas ceux-là, donc explications !
— Le Champ Brûlant est apparu avec la 5G (qui a introduit les premiers effets de champs) : c’était alors le résultat de la combinaison d’Aire d’Herbe et d’Aire de Feu, deux attaques tellement inutiles que le Champ est resté enterré dans les profondeurs du code...
Où il n’est pas tout seul (cette information n’a rien à faire ici, mais…)
Vous voyez le menu d’équipe, où on voit toutes les stats d’un Pokémon et son sprite ? (animé, on est toujours en 5G) Eh bien, essayez de faire remuer un peu le stylet sur le sprite. Tracez des ronds, par exemple. On a ignoré cette fonctionnalité pendant dix ans…
À l’époque, le Champ Brûlant se contentait d’infliger des dégâts aux adversaires n’ayant pas le type Feu… La version que j’utilise vient d’un fangame appelé Pokémon Reborn, qui reprend et développe ces effets de champs. Notamment, on peut créer un Champ Brûlant en lançant Rebondifeu en forêt, d’où le petit clin d’œil.
— Le Ciel Sombre, dans la licence, est en fait le Ciel Noir, le climat qui favorisait les Pokémon Obscurs apparus dans Colosseum et XD. (Jamais entendu parler de PoGo.) Pareil, j’utilise celui d’un fangame appelé Pokémon Insurgence, qui en fait un climat pour les types Spectre et Ténèbres. Il peut être placé par le Talent Noctem, ce qui entre en contradiction directe avec le prochain chapitre mais on n’a qu’à dire qu’il y a une attaque Ciel Sombre qui fonctionne comme Zénith ok ? (C’est le cas.) Et que Canaima peut l'apprendre.
Je n’irai pas jusqu’à mettre les liens, mais sachez que je recommande les deux fangames en question. Surtout si vous aimez le hardcore (pour Reborn, on me conseille (involontairement) la jolie formulation « surtout si vous aimez remplacer l'équilibrage par de la difficulté »).
Un petit mot sur le prochain chapitre pour finir ?
Je crois me souvenir d’un numéro du Journal qui conseillait de prendre en compte la dégradation de l’environnement dans un combat.