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Rubis & Saphir - The Origins de Feather17



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Informations

» Auteur : Feather17 - Voir le profil
» Créé le 30/06/2020 à 22:30
» Dernière mise à jour le 08/12/2020 à 17:03

» Mots-clés :   Action   Aventure   Drame   Hoenn   Présence de personnages du jeu vidéo

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066. 4x20 - Le jeune homme aux yeux bleus 2/2
Précédemment : Sofian Match part en voyage dans Hoenn à la collecte de badges afin de devenir champion d’arène, en compagnie de Flora Seko, qui rêve de devenir coordinatrice pokémon, et de Timmy Bronam, un jeune garçon malade originaire de Vergazon qui ment à ses parents en prenant de faux médicaments afin de poursuivre son voyage. Durant leur périple, ils se lient d’amitié avec Annick Furler, coordinatrice et amie d’enfance de Timmy. Ce-dernier n’a aucune souvenir d’elle malgré leur enfance commune à Vergazon. Leur relation s’approfondit tandis que Timmy lui avoue sa maladie incurable datant d’un incident lié à une attaque d’un pokémon lorsqu’il était petit. Ce traumatisme lui a laissé un rêve récurrent où il se voit mort au pied d’une colonne lumineuse. Le groupe devient ami avec le meilleur coordinateur de la région, Brice Belangelo, qui se rend à Vermilava afin de prendre soin de sa tante malade avec qui il n’avait plus eu de contact suite à des affaires familiales liées à un père biologique inconnu. Lors du sauvetage du Capitaine Poupe à Poivressel, ils rencontrent la championne de Vermilava, Adriane, à qui Sofian arrache le badge Chaleur, son quatrième. Il est prêt à affronter son père champion de Clémenti-Ville, Norman Match, mais ce-dernier a coupé les ponts depuis la fugue de son fils à Autéquia. S’ajoute à ces problèmes familiaux la présence de Sarah, sœur de Sofian et ancienne membre de la Team Magma, qui a décidé, grâce à l’aide de l’Admin Holmes, de quitter l’organisation criminelle suite au réveil du volcan du Mont Chimnée. Tandis que Nathalie, sa mère, la convainc de ne pas se dénoncer à la police, Sofian a plus de mal à lui pardonner son passé de criminelle. De leur côté, Jessie, James et Miaouss s’enfuient de la Team Magma et sont rattrapés par la Team Aqua avec qui ils passent un marché, à travers l’Admin Hercules : pour récupérer leur montgolfière, ils doivent leur amener Brice. Les trois membres de la Team Rocket retrouvent le coordinateur et amorcent leur mission. Mais un détective mystérieux poursuit son enquête sur les organisations criminelles tout en s’intéressant au passé de Brice. Flora et lui se rendent dans la montagne afin de chercher des plantes médicinales pour sa tante mais ne trouve qu’un Gloupti blessé qu’il capture. Ils sont épiés et surveillés par un Absol mystérieux. Une colonne d’énergie noire s’élève dans le Mont Chimnée et Timmy tombe dans un coma où il voit mourir Marielle, la tante de Brice. Suite à l’apparition de la colonne d’énergie, une tempête s’apprête à ravager Vermilava qui est évacuée. Sofian et Sarah se rendent au sommet du Sentier Sinuroc avec Adriane afin de récupérer un hélicoptère de la Team Magma qui permettra à Sarah de se repentir en sauvant les patients de Vermilava.

Pokémon #201e
3 mars 2001
À bien des égards, Hoenn était une région beaucoup plus agréable à visiter que celle qu’il avait quittée. Son premier aspect positif fut le climat tempéré qui l’accueillit lorsqu’il abandonna le paquebot dans le port d’une ville maritime nommée Poivressel. Ses premiers réflexes furent de visiter le marché riche en produits naturels divers, de se balader dans ses ruelles chaleureuses en mangeant des baies exotiques, et de se poser sur la plage afin de profiter d’un bain de soleil bien mérité.
Le froid de sa région natale ne lui manquait guère, et il était décidé à ne plus jamais y remettre un pied. Son avenir se trouvait ici, à Hoenn. Il lui fallait à présent retrouver sa famille en se rendant à Vermilava et il pourrait enfin couler des jours heureux, loin de l’hiver, loin de la prison de son orphelinat, et en compagnie de son fidèle ami Lippouti.
Brice frotta machinalement le pendentif en forme de montagnes enneigées accroché autour de son cou en regardant s’éloigner le paquebot qui emportait avec lui son passé.
Un cri strident le fit sortir de ses rêveries. Autour de lui, les vacanciers en maillot sur la plage s’étaient regroupés en un groupe paniqué, mettant le plus de distance entre eux et un étrange pokémon. Le pokémon était apparu de nulle part et restait debout sur ses quatre pattes sans bouger un seul muscle, sans même ciller. Il ressemblait à un grand félin au pelage blanc, muni d’une faux en guise de crinière.
— Maman, j’ai peur !
— Que quelqu’un empêche cet Absol de tout détruire !
— Ramasse tes affaires, on s’en va sur le champ !
La foule se dispersa de manière anarchique, semblant fuir le pokémon félin comme la peste. Bientôt, il ne resterait sur la plage que Brice et son Lippouti, tous deux perplexes face au mystérieux Absol.
— Pourquoi ces gens sont-ils si effrayés par ce pokémon ? s’étonna Brice.
Lippouti leva les épaules, tout aussi perdu que lui. L’Absol sauvage bougea enfin après de longue minute d’inactivité. Sans lâcher son regard de Brice, il quitta la plage très lentement, comme s’il attendait que Brice le suive. Le petit garçon amorça un mouvement prudent en suivant ses pas, et l’Absol poursuivit sa route, plus rapidement. Une fois qu’il eut vérifié que l’enfant le suivait bel et bien, l’Absol décrocha son regard et se mit à galoper en direction du port.
La course-poursuite se termina à la sortie du port, devant un immense bâtiment aux formes ondulées et modernes. Sa façade était surmontée d’une poutre en forme de vague, et ses baies vitrées invitaient les passants à découvrir des objets et outils technologiques liés à la recherche sous-marine.
— Un musée océanographique.
Brice repéra l’Absol sur le toit du bâtiment, au sommet de ses quatre étages, avant que le pokémon disparût. Quoi qu’il voulût lui montrer, cela se trouvait dans le musée. Malheureusement, la porte d’entrée resta fermée à cause des horaires d’ouverture. Brice contourna le bâtiment jusqu’à trouver une ruelle dans laquelle se trouvait un parking menant à l’accès des employés. Après avoir vérifié qu’il n’y avait personne aux alentours, il prit Lippouti dans ses bras et escalada la barrière de sécurité.
La porte d’accès du personnel était entrouverte, malgré l’absence de voitures dans le parking.
— Quelque chose ne tourne pas rond, commenta Brice.
Son Lippouti ouvrit la marche, prêt à défendre son ami. Les couloirs du musée océanographiques étaient déserts et plongés dans la pénombre. Il accéda à l’intérieur du musée par une porte de service et découvrit une salle au milieu de laquelle un gigantesque squelette de baleine était suspendu par le plafond.
— « Wailmer, le plus grand et le plus lourd pokémon marin découvert à ce jour », lut-il sur une inscription. Je n’aimerais pas me retrouver face à ses dents…
Brice s’interrompit. Il avait entendu du bruit depuis une salle voisine. Discrètement, il entrouvrit la porte et découvrit plusieurs silhouettes cachées sous un uniforme similaire : un short déchiré, une marinière et un bandana bleu sur lequel un logo indéchiffrable était représenté. Les quelques personnes étaient occupées à examiner chaque vitrine avec leurs lampes de poche.
— Si seulement on nous avait dit à quoi ressemblait un fossile, se plaignit l’une d’entre elles.
— Tais-toi et travaille ! ordonna un homme robuste.
L’attention de Brice fut attirée par deux autres silhouettes, celles d’un homme et d’une femme : tous deux étaient allongés de tout leur long au sol mais ne semblaient pas blessés. Les mains sur la tête, les deux adultes s’échangeaient des regards paniqués.
— Des otages ! murmura Brice à l’oreille de Lippouti.
Ce-dernier l’empêcha d’entrer dans la salle, ce qui était une sage décision. Ce n’était pas un enfant de huit ans qui allait sauver des otages dans ce qui ressemblait à un vol en bande organisée. Il fallait qu’il ressorte du musée et qu’il prévienne la police.
C’est alors que les deux membres du personnel retenus en otage croisèrent son regard dans l’entrebâillement de la porte. Les yeux verts de la dame reflétaient la terreur sous des cheveux noirs bouclés, tandis que l’homme aux prunelles brunes et aux cheveux grisonnants semblait encore plus inquiet par sa présence que par leur propre enlèvement.
Brice leur fit un signe de la tête, espérant qu’ils comprennent qu’il allait chercher de l’aide, et quitta les lieux.


***
Vermilava
10 ans plus tard…


Le soleil se leva lentement sur la petite cité recluse au centre d’une chaîne de montagne. Vermilava était en effervescence et l’activité ne s’était pas arrêtée de toute la nuit. Jamais dans l’histoire de Hoenn l’on avait connu moment de tension aussi chaotique. Les agents de police avaient évacué les quartiers les plus sensibles durant toute la nuit. Une alarme ne cessait de tonitruer dans les rues, signe d’un plan d’urgence d’évacuation. Alors que le quai de la gare se noircissait de monde, humains et pokémons s’amassant les uns contre les autres en attente des rares trains qui les évacueraient, le centre-ville était assiégé par des foules immenses qui quittaient leurs domiciles sans suivre les consignes. Des centaines de voitures faisaient la file à l’arrêt dans les rues étroites de la cité, les centres commerciaux avaient disparus sous d’énormes volets, certaines personnes s’étaient envolées avec qui des Hélédelle, qui des Roucoups, afin de quitter les lieux sans attendre. Seul le centre pokémon et son aile hospitalière pour humain n’avait pas été évacué, et déjà les vitres tremblaient sous la force du vent qui s’était levé avec violence sur Vermilava.
Au sommet de la petite montagne au nord-est, une adolescente se réveilla paisiblement dans un sac de couchage chaleureux. Une lumière dorée traversait la toile de sa tente et elle se languit de découvrir le lever du soleil aux côtés du beau garçon avec qui elle avait passé la nuit. C’est alors qu’elle se rendit compte qu’elle était seule dans la tente.
— Brice ?
Flora s’extirpa hors de son sac de couchage et sortit de la tente. Une bourrasque d’un vent froid lui fouetta les cheveux et elle dut s’y reprendre à plusieurs fois avant que sa vision s’habitue à la clarté matinale.
L’adolescent aux cheveux dorés était occupé à fourrer ses affaires dans son sac à dos. En la voyant débarquer dans le champ de fleurs mortes, il lui fit un signe de tête et ses yeux bleus glaciaux la fit craquer à nouveau.
— Range tes affaires, et partons le plus vite possible.
— Il y a un problème ?
Flora remarqua alors la silhouette qui se trouvait au loin derrière lui. Un grand félin au pelage blanc était dressé sur ses quatre pattes au sommet d’un petit rocher. L’Absol mystérieux n’avait pas bougé de toute la nuit et continuait à les fixer de son regard pénétrant.
— Cet Absol nous a surveillés toute la nuit ?
Brice ferma la tirette de son sac et se dirigea vers la tente qu’il entreprit de replier. Absol l’avait suivi du regard.
— On dirait qu’il en a après toi. Tu es certain qu’il ne va pas nous attaquer à un moment donné ?
— Non, je crois qu’il veut me faire passer un message, répondit Brice en accélérant le rythme.
— Un message ? Quel genre de message ?
Un coup de vent traversa le champ et des centaines de fleurs carbonisées s’envolèrent en poussière. Flora toussota et se protégea le visage des coups de vents à répétition dans la montagne.
— Quelque chose ne tourne pas rond, indiqua Brice. Le vent s’est levé hier soir et il n’a pas arrêté de monter en puissance depuis.
— Mais… Pourquoi à toi, spécifiquement ? De toutes les personnes à prévenir en cas de catastrophe naturelle, pourquoi cet Absol choisirait un adolescent de dix-huit ans ?
— Un adulte de dix-neuf ans, précisa Brice. Mon anniversaire était en début de mois.
Brice termina de ligoter la tente au-dessus de son sac à dos et ramassa sa gourde, de sorte qu’il ne restait plus rien de leur campement. Flora interpréta sa remarque comme une invitation à approfondir leurs connaissances sur l’un l’autre. Le savoir aussi âgé et mature la remplissait d’une chaleur agréable. Mais Brice avait déjà ouvert la marche sans l’attendre. Manifestement, il n’était pas aussi intéressé qu’elle.
— Et pour te répondre, lui dit-il alors qu’elle s’empressait de le rattraper, cet Absol veut me prévenir, moi, parce que nous nous connaissons.
Une série de questions venait d’exploser dans son esprit mais Flora préféra attendre avant de les poser. En effet, ils étaient à présent à quelques mètres de l’Absol qui se trouvait sur leur chemin, mais le pokémon ne frémit pas même d’une oreille. Il resta pétrifié sur place, le regard toujours fixé sur Brice, tandis que les deux adolescents quittaient le champ de fleurs fanées vers un chemin balisé dans la montagne.
— Tu veux dire que tu as déjà rencontré ce pokémon par le passé ? demanda Flora une fois l’Absol hors de vue.
— Ce jour-là, des gens étaient en danger et il m’a aidé à leur sauver la vie, raconta Brice. C’est la raison pour laquelle je pense qu’il essaie de me prévenir que d’autres personnes sont en danger aujourd’hui.
— Ta tante ?
Brice ne répondit pas. Elle avait été peut-être un peu trop brusque. Le coordinateur arrêta sa marche. Ils étaient arrivés au bâtiment du petit téléphérique devant lequel l’arène d’Adriane brillait de mille feux sous les rayons du soleil levant.
— Ce téléphérique est automatisé, expliqua Brice. Il suffit de badger ma carte de voyage pour descendre sur Vermilava.
— Attends une seconde !
Quelque chose avait attiré l’attention de Flora : le bruit du vent se glissant à travers un espace étroit, formant un sifflotement mélodique.
— Flora, on n’a pas le temps de…
La coordinatrice leva une main pour l’interrompre et rester concentrée. Enfin, elle trouva l’origine de ce sifflotement : une des fenêtres de l’arène avait été brisée et le vent pénétrait dans le bâtiment avec force, faisant danser les tentures de la salle sur laquelle donnait la fenêtre.
Flora s’approcha du bâtiment et observa les lieux. Il s’agissait d’une des salles du spa de l’arène, et la porte au fond de la pièce frappait contre le mur sur le rythme des coups de vent.
— Quelqu’un a pénétré dans cette arène avec effraction ! conclut Flora en amorçant un mouvement afin d’escalader la fenêtre.
Brice l’en empêcha.
— Je ne pense pas que ce soit une bonne idée.
— Brice, cette arène est remplie de pokéballs formant partie du stock de pokémons d’Adriane ! Je parie que c’est la Team Rocket qui espère lui voler ses pokémons !
— Qui que ce soit, il vaut mieux prévenir la police, raisonna Brice.
— Relaxe, je suis très bien capable de les arrêter et de les livrer à la police toute seule. Ce ne serait pas la première fois.
Brice hésita.
— Et si c’était pour cette raison que l’Absol essayait de nous prévenir d’un danger ? argumenta Flora.
— Je ne sais pas…
Soudain, Flora comprit l’hésitation de Brice.
— Tu penses à ta tante.
— Absol essaie peut-être de me prévenir que son état s’est empiré.
Flora observa la pokéball que Brice tenait en main : celle du Gloupti qu’il avait capturé la veille et qui pourrait venir en aide à sa tante fortement malade.
— Vas-y, dit-elle, va prendre soin d’elle. Je m’occupe de la Team Rocket.
— On ne va pas se séparer, ça pourrait être dangereux…
— Tout ira bien pour moi, insista Flora. Ta tante a besoin de toi, et ton Gloupti aussi. Vas-y. On se retrouve au centre pokémon tout à l’heure.
Brice acquiesça. Il la prit dans ses bras un court instant, et relâcha son étreinte, visiblement mal-à-l’aise. Flora évita son regard alors qu’elle sentait son visage s’empourprer.
Enfin, Brice disparut dans le téléphérique qui se mit en route, et Flora pénétra dans l’arène à travers la fenêtre.

*
Timmy se réveilla en sursaut et se cambra avec panique : sa gorge bloquée l’empêchait de respirer, et il sentait l’oxygène manquer à son cerveau. Tout à coup, Arcko apparut dans son champ de vision et lui fourra un respirateur sur le visage. Un jet d’air frais parfumé lui dégagea les voies respiratoires, et le jeune garçon mit un moment à reprendre son souffle. Magnéti flotta au-dessus de son lit pour vérifier son état tandis que Tarsal se positionna sur son torse afin d’utiliser ses capacités psychiques pour le calmer.
— Merci, les amis, soupira-t-il difficilement sous son masque.
Ses trois pokémons se serrèrent autour de lui et il les caressa machinalement. À son chevet, Annick dormait à poings fermés, enroulée dans un fauteuil aux aspects inconfortables.
— J’ai encore fait ce rêve, chuchota-t-il à ses pokémons.
Tarsal ressentit son émotion de détresse et lui envoya mentalement des sentiments d’apaisement, ce qui l’aida beaucoup à affronter ses peurs.
— Toujours la même scène : mon enterrement dans les montagnes, cette colonne d’énergie qui entre en moi, qui me contrôle…
Une larme de terreur coula sur sa joue. Ses pokémons se blottirent contre lui et il se sentit un peu mieux.
— Timmy !
Annick s’était réveillée. La jeune fille se jeta sur lui et l’étreignit si fort qu’il eut à nouveau du mal à respirer.
— Oh, je suis désolée ! s’excusa-t-elle en lui plaquant son respirateur sur la bouche. Je suis tellement contente de voir que tu vas mieux !
— On peut difficilement faire pire, répondit-il avec difficulté, non sans un sourire en coin.
Annick lui adressa un sourire attendri et sécha ses larmes.
— J’ai cru t’avoir perdu pour de bon quand tu as eu ta crise dans les sources chaudes, avoua Annick en s’asseyant auprès de lui.
— Annick… Qu’est-ce qu’il m’est arrivé ?
— Tu ne t’en souviens pas ?
— Je me souviens que l’on discutait dans le bassin et puis tout à coup, j’ai senti en moi comme un foudroiement et… et puis, c’est le trou noir, expliqua Timmy en omettant de mentionner le retour de ses rêves prémonitoires.
— Il y a eu cette espèce de colonne d’énergie noire qui est apparue dans la montagne et tu as instantanément perdu connaissance.
Une colonne d’énergie noire dans la montagne de Vermilava. La colonne lumineuse de ses rêves prémonitoires se dessina dans son esprit. Ses rêves étaient-ils donc la vision d’un futur proche ? Allait-il réellement bientôt mourir ?
Sa respiration s’accéléra, mais il cacha son angoisse derrière son respirateur.
Quelqu’un toqua à la porte et la mère de Sofian entra dans la chambre.
— J’ai fait aussi vite que j’ai pu dès que j’ai reçu ton message, dit-elle à Annick.
Nathalie Match déposa sur la table une petite boite de chocolat et vint caresser maternellement les cheveux du jeune garçon alité.
— Comment te sens-tu, Timmy ?
— Ça va mieux, mentit-il.
Nathalie Match s’apaisa, mais Annick avait détecté son mensonge.
— Madame Match, où sont Flora et Sofian ? demanda Timmy.
— Flora n’est toujours pas revenue de sa virée en montagne, répondit Annick.
— Elle n’est pas encore revenue ?! s’écria Nathalie Match, paniquée.
Annick et Timmy l’interrogèrent du regard.
— Vous n’êtes pas au courant ?
Nathalie Match alluma la télévision et la brancha sur une chaîne d’information en continu.
… se souviendront de cette veille de Noël, disait la journaliste en off tandis que défilaient à l’écran des images des files de voitures et de la foule amassée sur le quai de Vermilava. D’après les informations que nous venons de recevoir des autorités de Vermilava, seuls six mille habitants ont déjà été évacués, huit cents autres auraient quitté la ville grâce à leurs propres pokémons.
— Qu’est-ce qu’il se passe ? s’effara Timmy.
Annick resta bouche bée face aux images retransmises des premiers dégâts dus à la tempête de vent. On leur montra plusieurs vitres de maison brisées, des containers d’ordures renversés et quelques petits arbres arrachés près du Sentier Sinuroc.
Restent environs dix mille habitants qui attendent une solution d’ici la fin de la journée, dont une centaine confinée dans le centre pokémon et l’hôpital en attente d’un moyen de transport pouvant évacuer les patients les plus faibles. Le Conseil du Plan d’Urgence n’a pas encore tenu à nous informer de l’évolution de leurs mesures, tandis que les experts du centre météorologique de Cimetronelle ont confirmé une accélération du processus de formation de la tempête et qu’ils affirment une possibilité de nonante pourcents de chance pour la formation d’une tornade. Une telle catastrophe pourrait dévaster la moitié de la ville. D’après les calculs, la tornade toucherait sur son passage le centre-ville, ainsi que la banlieue résidentielle sud où…
— C’est là où vit la tante de Brice ! s’exclama Timmy. Il faut aller la sauver !
— Du calme !
Annick l’empêcha avec force de se relever.
— Timmy, les autorités s’occupent de tous les habitants, rassura Nathalie.
— Mais, je l’ai vue en danger…
— Ce n’était qu’un rêve, ajouta Annick.
— Qu’un rêve… répéta Timmy en se blottissant dans son lit.
— C’est pas vrai ! s’exclama à nouveau Nathalie.
Dans l’écran de télévision s’affichaient à présent les images du Mont Chimnée ravagé par les vents violents qui prenaient leur origine de cet endroit.
…du Mont Chimnée où les dégâts sont déjà nombreux. Nous rappelons aux habitants de Vermilava qu’il est mortel de s’approcher du volcan car les vents ont déjà atteint la vitesse de cent cinquante kilomètres par heure. Nous apprenons par ailleurs à l’instant que le bâtiment du téléphérique a été entièrement détruit par…
— Mes enfants ! s’horrifia Nathalie en s’effondrant sur un fauteuil. Sofian et Sarah… Mes bébés sont sur le Mont Chimnée en ce moment !
Timmy prit la main d’Annick dans la sienne. Ses rêves prémonitoires n’étaient finalement peut-être pas uniquement centrés sur sa propre mort. Aujourd’hui, tous les gens qu’il aimait allaient disparaître à jamais.

*
— Sofian !
— Vite, de l’aide !
— Sofian !!
— Je ne vais pas tenir longtemps !
— Sofian, réveille-toi !
Une douleur à la joue gauche l’extirpa de son sommeil. Sofian mit un certain temps à remettre son esprit en place. Un bruit de tôle et de craquement entourait l’habitacle tandis qu’il se sentait en diagonale par rapport au sol. Il essaya de se relever de son siège mais tomba contre le mur métallique sur sa droite.
— Qu’est-ce que… ?
— L’hélicoptère a failli se retourner ! Vite, il faut aider Adriane !
Sarah grimpa vers la porte de sortie tandis que Sofian se souvint enfin d’où il se trouvait. Ils avaient passé la nuit dans l’hélicoptère de la Team Magma car l’obscurité les avait empêchés de voler entre les montagnes.
Lorsque sa sœur ouvrit la porte coulissante de l’hélicoptère, une rafale de vent souffla dans l’appareil et Sofian se sentit collé au mur derrière lui. La tempête frappait plus tôt que prévu !
Il sortit difficilement de l’appareil, luttant contre le vent dans le sens opposé, et plissa les yeux pour éviter le nuage de poussière soulevé par la tempête.
— Addie !
Il retrouva la championne d’arène qui était occupée à bloquer la chute de l’hélicoptère grâce à son Camérupt.
— Il est assez puissant pour empêcher l’hélicoptère de tomber, mais pas assez pour contrer son poids et le remettre droit !
Sofian fit apparaître son Galifeu afin d’aider le Limagma de sa sœur et en deux coups de patte bien placés, l’hélicoptère retomba sur ses pieds avec fracas. Adriane ordonna à son Camérupt de rester contre le flanc de l’appareil afin d’éviter une nouvelle chute.
— On ferait mieux de démarrer tout de suite ! urgea Adriane. On dirait que la tempête est plus puissante que prévue !
Sofian ne perdit pas de temps à s’émerveiller devant le lever du soleil dans le Mont Chimnée et suivit les deux femmes de nouveau dans l’hélicoptère. Galifeu l’aida à avancer car un vent puissant balayait tout sur son passage. Un câble électrique fila à côté de son oreille tandis que des bris de verres lui martelaient les jambes.
Sofian grimpa en dernier dans l’hélicoptère, aidé de sa sœur et de Galifeu, tandis qu’Adriane était déjà installée sur le siège du pilote.
— ATTENTION !
Une porte volait à toute vitesse vers eux. Sarah referma la porte coulissante avec force et un grand « bang » fit trembler l’appareil sous le contact avec la porte. Les débris du panneau en bois passèrent devant la vitre de l’hélicoptère et se perdirent dans la montagne.
— M… merci.
Sofian resta paralysé par la peur. Il venait de frôler la mort, et c’était sa sœur qui lui avait sauvé la vie.
— Il en faudra plus pour venir à bout de la famille Match, dit cette-dernière en affichant un sourire discret.
Sans hésiter, Sofian serra sa sœur dans ses bras. La jeune femme aux cheveux roux fondit en larmes.
— Merci de m’avoir sauvé la vie.
— Non, merci à toi Sofian pour m’avoir ramenée à la vie.
Sofian sentit tout le poids de la rancœur s’évaporer hors de lui. Il avait retrouvé sa sœur. Quoi qu’il adviendrait, il savait que reviendraient les jours heureux.
— Je n’aime pas interrompre les moments attendrissants, mais je vous conseille de vous attacher à vos sièges, interpela Adriane. Décollage imminent !
Elle enclencha une manette alors que le frère et la sœur s’installaient en sécurité. Le bruit du moteur retentit tandis que les hélices s’enclenchaient. La championne d’arène ouvrit la vitre et fit disparaître son Camérupt dans sa pokéball. C’est alors qu’une rafale de vent frappa l’hélicoptère par la gauche et l’appareil se pencha dangereusement sur son flanc droit.
— Chaud devant ! s’exclama Adriane qui semblait prendre son pied.
Sarah prit la main de son frère par réflexe, et ce-dernier la laissa faire. Quitte à mourir, autant mourir dans les bras de sa sœur, pensa le dresseur.
Enfin, l’hélicoptère décolla du sol. Il se laissa porter par le vent dans un premier temps, et tournoya sur lui-même. Sofian réfréna une envie de vomir avant qu’Adriane n’arrive à stabiliser l’appareil. Alors, l’hélicoptère s’envola entre les montagnes et le volcan du Mont Chimnée disparut à l’horizon.
— Nom d’un Zigzaton…
À travers la vitre, ils aperçurent au loin, au milieu des montagnes, une gigantesque colonne de ténèbres en formation. La tempête de vent se transformait petit à petit en tornade destructrice.
— Prochain arrêt, le centre pokémon de Vermilava !

Pokémon #201v
23 juin 2001
À travers la fenêtre, Brice observa les montagnes imperturbables qui entouraient la ville au sein de leur protection naturelle. Il avait mis du temps pour rejoindre Vermilava, mais il y était finalement arrivé. Lippouti et lui n’étaient plus qu’à deux doigts de retrouver sa famille. Il s’agissait à présent de la jouer fine. Personne ne parierait sur la capacité d’un enfant de huit ans à manipuler un policier, mais lui se savait prêt à tout pour enfin couler des jours paisibles.
L’agent Jenny de Vermilava entra dans le bureau et s’installa à son siège en lui offrant une canette de soda.
— Merci d’avoir patienté, dit-elle en lui adressant un sourire rassurant. Ne t’en fais pas, nous allons la retrouver très vite, d’accord ?
Brice prit un faux air attristé et acquiesça.
— Tu as dit que tu as perdu ta maman de vue au supermarché, c’est correct ?
— Je l’ai cherchée dans tous les rayons, mais je ne l’ai pas trouvée, mentit Brice d’une voix faussement déchirée par la peur.
— C’est parce que tu n’as pas ce super ordinateur de la police, et son fichier extraordinaire ! dit-elle sur un ton décontracté.
Si seulement elle savait à quel point il était amusé par les efforts qu’elle entreprenait pour le réconforter. Brice s’empêcha de pouffer de rire.
— Comment s’appelle ta maman ?
— Marielle, répondit Brice en repensant à la lettre qu’il avait reçue et qui l’avait conduit jusqu’ici.
— Et ton nom de famille ?
Brice sursauta. Il n’avait pas pensé à cette question ! Qu’il avait pu être bête ! S’il donnait son nom de famille, ils allaient probablement voir qu’il était recherché dans sa région natale et on allait le remettre à l’orphelinat. D’un autre côté, il devait probablement y avoir des centaines de Marielle dans cette cité. Il n’avait pas le choix, il fallait qu’il sacrifie un de ses pions.
— Razzo, Marielle Razzo.
L’agent Jenny pianota à son clavier.
— Alors, j’ai une « Marie de la Rose », « Marie Razt » et une « Marielle Desrosiers ».
Elle fronça les sourcils.
— Comment écris-tu ton nom de famille ?
Brice épela son nom, de moins en moins optimiste.
— Non, aucune Razzo à Vermilava. Tu es sûr que c’est ainsi que l’on écrit ton nom ?
Évidemment, si sa tante était la sœur de sa mère et non celle de son père, jamais il ne la retrouverait. Ou alors, son nom de famille lui avait-il été choisi par pur hasard lorsqu’il avait été confié bébé à l’orphelinat ?
Il ne lui restait plus qu’un espoir.
— Vous n’avez jamais vu quelqu’un avec ce genre d’objet ? demanda-t-il en montrant son pendentif.
Jenny quitta l’écran de son ordinateur et examina le jeune garçon aux yeux bleus avec suspicion. Ses yeux se posèrent d’abord sur son pendentif, puis sur ses vêtements trop grands qu’il avait volé dans une boîte de collecte locale. La policière décrocha le combiné de son téléphone et demanda à ce qu’on lui passât un collègue en ligne.
— Tu sais m’envoyer le service 130 ?... Oui, tout de suite… Merci…
L’agent Jenny raccrocha le combiné et afficha un sourire moins rassurant. Brice se leva de son siège, les mains moites. Quelque chose clochait.
La porte s’ouvrit et un gros bonhomme entra dans le bureau avec un dossier dans les mains.
— Brice, je te présente mon ami qui va prendre en charge la suite, dit-elle en se voulant apaisante.
— Pourquoi ? Qu’est-ce qu’il se passe ?
— Viens avec moi, je vais t’expliquer, lui dit l’homme.
— Non, ça va, finalement, je pense me souvenir du chemin pour rentrer chez moi, rétorqua rapidement Brice.
— Tout va bien se passer, tu ne dois pas avoir peur. Je vais t’emmener dans un endroit où tu vas pouvoir te reposer et te faire plein d’amis.
— Pourquoi ? De quoi vous parlez ?
Lippouti s’était mis en position de défense et l’homme s’agenouilla auprès de lui.
— Tu n’es pas le premier que nous aidons, dit-il. Je t’assure que tu seras bien pris en charge, et que tu n’auras plus à te soucier de quoi que ce soit d’autre que de ton épanouissement. Tu vas pouvoir manger à ta faim, dormir autant que tu veux, faire plein de chouettes rencontres et peut-être trouver une famille gentille et pleine d’amour pour toi.
— Non… Non ! Vous ne comprenez pas ! Je ne veux pas ! Non !
— L’orphelinat des Joyeux Lombre est un endroit extraordinaire pour les petits enfants comme toi. Je te promets que tout se passera bien. Allez, viens.
L’homme lui tendit la main. Derrière lui, l’agent Jenny s’était levée pour l’empêcher de fuir le bureau. On l’avait démasqué et il était tombé dans le piège. Jamais il ne retrouverait sa famille.


***
Brice ouvrit la porte de la chambre à la volée et jeta son sac dans un coin de la pièce. Il se précipita vers le lit où se reposait sa tante. Les rides crispées sur le visage de sa vieille tante Marielle révélaient la douleur qui lui hantait le sommeil. Si seulement il avait pu ramener des plantes médicinales qui lui auraient permis d’alléger ses souffrances…
Brice fit apparaître son Gloupti mal en point et lui présenta le corps affaibli de sa tante.
— Gloupti, je t’en prie, peux-tu faire quelque chose pour elle ?
Le pokémon avança difficilement vers le visage de la vieille dame et lui frotta la feuille de son crâne sous le nez. Mais rien ne se produisit.
— Ce n’est pas grave.
Brice tapota la tête de son pokémon avec déception. Il ne pourrait rien pour sa tante.
Quelque chose craqua près du placard et Brice fit volte-face. Les murs tremblaient faiblement sous les vents violents qui s’abattaient sur Vermilava mais il était certain d’avoir entendu un bruit provenant de l’intérieur de la chambre.
— B… Brice… ?
— Tante Marielle !
Sa tante avait ouvert un œil difficilement. Il lui prit la main.
— Ne t’en fais pas tante Marielle, c’est moi, Brice.
D’un œil fébrile, elle découvrit le Gloupti blottit sur sa poitrine.
— Gloupti ? C’est bien toi ?
Mais sa vieille tante semblait délirer à cause de la douleur, car les mots qui suivirent dans son discours n’avaient aucun sens.
— Je suis là, tante Marielle, tout va bien.
— Une… tornade…
Elle lui indiqua le poste de télévision allumé en sourdine et Brice découvrit les images d’une dangereuse tornade en formation dans les montagnes du Mont Chimnée.
— C’est pas vrai…
Le coordinateur se leva et s’approcha de la télévision. Voilà donc la catastrophe naturelle qu’Absol avait prédit. Mais pourquoi n’avait-il pas essayé de le lui faire comprendre plus tôt ? Ou alors, était-ce justement grâce à lui qu’il était redescendu de la montagne auprès de sa tante plutôt que de rester à l’arène avec Flora ? Auquel cas, Absol l’avait bel et bien aidé.
— Tante Marielle, il faut absolument que je te transporte…
« BANG ! »
Brice sentit une douleur lui déchirer le crâne et il tomba à la renverse contre le lit de sa tante avant de finir sa course au pied d’une bibliothèque. Sous le choc, Gloupti fut projeté sous un meuble tandis qu’un tas de bibelots s’écrasait autour de son maître.
— Qu’est-ce que… ?
— Surtout, ne bouge pas !
Une femme aux longs cheveux roux le dominait de tout son corps, présentant face à lui une de ses pokéballs.
— Si tu ne veux pas que mon Seviper te plante ses crocs dans le cou, surtout pas un geste.
Un homme aux cheveux noirs et aux reflets bleus se pencha au-dessus du lit de tante Marielle.
— Cette femme a l’air très mal en point, annonça-t-il, inquiet.
— Pas mon problème ! Il est temps de passer notre coup de fil !
Un Miaouss courut sur ses deux pattes-arrières et saisit le Pokénav de Brice sur une table de nuit.
— Qui êtes-vous ? marmonna difficilement Brice dont la vue s’était embuée par des larmes de douleur.
Les deux adultes portaient tous deux un uniforme gris avec un immense « R » rouge tracé sur le torse.
— Encore quelqu’un qui ne connait pas la Team Rocket… Qui nous sommes n’a pas d’importance, c’est plutôt qui tu es qui nous importe. Tu es bien Brice Belangelo ?
Brice hésita. Sa notoriété en coordination pokémon l’avait-il mis en position de danger face à des personnes à la psychologie dérangée ?
— Ça ne répond pas ! indiqua le Miaouss.
La surprise d’entendre un Miaouss parler s’ajouta au chaos du moment qu’il vivait. Il devait absolument aider sa tante en détresse, mais comment éviter que ces criminels ne s’en prennent à lui.
Brice approcha sa main de la pokéball de son Lippouti, mais la Team Rocket l’entoura.
— N’y pense même pas ! menaça Jessie.
C’est alors que la vitre de la chambre se brisa et qu’un félin pénétra avec souplesse dans la pièce.
— C’est quoi ce machin ?
— Absol !
Il était venu l’aider !
L’Absol sauvage qui l’avait épié dans la montagne fit face aux trois criminels en plaçant la faux de sa crinière devant lui. Tout à coup, un coup de vent s’échappa de sa crinière et frappa les trois individus qui s’envolèrent dans le placard avec fracas. Brice se releva d’un coup et ferma la porte sur les trois silhouettes étourdies.
— Lippouti, lance ta « poudreuse » !
Il fit apparaître son Lippouti qui congela l’entièreté de la porte du placard de sorte qu’elle resterait figée, comme fusionnée avec le mur.
Une rafale de vent pénétra dans la chambre depuis la fenêtre et fit s’envoler tous les objets légers. Les rideaux se disloquèrent et s’écrasèrent contre le mur opposé, tandis qu’une chaise vola vers le lit de tante Marielle. Absol brisa la chaise d’un coup de tête et s’enfuit à travers la fenêtre vers le centre-ville de Vermilava.
— Ne t’en fais pas, tante Marielle, tout va bien se passer !
Brice enleva les freins de son lit et poussa le brancard hors de la chambre. Il fallait absolument qu’il l’amène à l’hôpital avant que la tornade ne ravage Vermilava.

*
Il faisait calme dans les couloirs du spa de l’arène de Vermilava. De temps à autres, une vitre tremblait faiblement à cause du vent violent qui s’était levé dans la montagne. Flora explorait chaque salle de l’arène depuis bientôt une heure quand elle trouva enfin le bureau de la championne d’arène.
Comme elle s’y était attendue, la porte était entrouverte et du bruit provenait depuis l’intérieur. Il y avait bel et bien des voleurs présents dans l’arène, et leur méfait allait leur coûter cher !
Elle libéra de leurs pokéballs son Flobio, son Charmillon et son Skitty, et leur donna des indications silencieuses. Enfin, elle prit une grande bouffée d’air chaud, comme pour se donner du courage, et ouvrit la porte à la volée.
Le bureau d’Adriane était immense : la première partie était composée d’un petit terrain d’entraînement tandis qu’au fond de la très longue pièce se trouvaient plusieurs meubles de travail et ordinateurs. Le long des murs, des dizaines d’étagères étaient remplies de pokéballs contenant des pokémons de type feu variés. Une partie d’entre ces étagères avaient été vidées de leur contenu, et un homme se trouvait au fond de la pièce. Il était occupé à remplir son sac à dos avec les pokéballs d’Adriane.
— Arrêtez ça tout de suite ! cria Flora.
Flobio envoya un jet d’eau puissant mais sa cible se pencha en sursaut et le jet d’eau frappa une étagère. Un lot de pokéballs roula au sol. Skitty courut vers l’intrus et lui mordilla la cheville afin de l’immobiliser juste assez pour que Charmillon lui envoyât une poudre jaune censée le paralyser. Mais l’individu se défendit et lança ses six pokéballs dans les airs. Il fut en un clin d’œil entouré d’un Électrode, un Massko, un Galégon, un Nirondelle, un Limagma et un Wailmer.
— On peut continuer à se battre jusqu’à ce que la tornade saccage tout, ou on peut baisser nos armes et collaborer ! proposa l’homme caché par ses pokémons.
— Collaborer avec un voleur ? répliqua Flora en faignant un rire jaune.
— Sache que mes pokémons peuvent écraser les tiens en quelques secondes à peine, menaça l’homme de sa voix métallique. Et je ne suis pas un voleur.
Flora en était persuadée, elle avait déjà vu ces pokémons quelque part. De plus, la voix de l’homme lui rappela quelqu’un. Elle se décala et put enfin apercevoir l’intru : il s’agissait d’un adolescent mince, vêtu d’un jeans slim et d’un sweatshirt gris. Son regard était déterminé et ses sourcils froncés lui donnaient un air sévère.
— Steve ?
Le pire ennemi de Sofian reconnut enfin Flora qui fit signe à ses pokémons de prendre du recul.
— On se connait ? demanda Steve avec méfiance.
— C’est une blague ? Je suis la meilleure amie de Sofian !
Steve fronça les sourcils.
— Sofian Match ! Ton rival !
— Oh…
Steve fit reculer ses pokémons et leva les yeux au ciel, avant de reprendre le vol des pokéballs d’Adriane.
— Eh, mais arrête ! Ce n’est pas parce qu’on se connait que je vais te laisser voler les pokémons de la championne !
— Je ne les vole pas, imbécile, je les sauve de la tornade.
— Quelle tornade ?
Steve souffla, exaspéré.
— Tu n’es vraiment pas au courant ? Tu n’as pas remarqué le climat à l’extérieur ?
Un coup de vent fit trembler les murs. C’était donc pour cela que l’Absol mystérieux les avait abordés, Brice et elle.
— Et tu comptes remplir ton sac à dos avec toutes ces pokéballs ?
Steve l’ignora.
— Je te fais remarquer qu’il y a deux bonnes centaines de pokéballs encore, et que ton sac est plein.
Steve s’arrêta et attendit.
— J’imagine que tu as quelque chose à proposer, sinon tu ne serais pas occupée à me faire perdre mon temps.
— Tu es incapable de te comporter d’une manière socialement acceptable ? s’emporta Flora.
Steve se tourna vers elle.
— Crache le morceau.
— Les ordinateurs. Je suppose qu’en tant que championne d’arène, Addie a un accès au système de PC d’Annette. Il suffit de contacter mon père et de lui envoyer les pokémons.
— Parce que ton père a un accès au système de PC ?
— Mon père est le Professeur Seko.
Steve leva à nouveau les yeux en l’air, ce qui eut le don d’agacer profondément Flora.
— Et tu attends que la tornade nous passe dessus avant de le contacter ? ajouta Steve.
Flora mordit sa langue et courut vers le bureau d’Adriane.
— Je ne sais pas ce qui me retient de t’en coller une. Probablement le fait que ce serait une perte d’énergie que de consacrer un peu de mon temps à toi.
— Ça, ou bien le fait que tu risquerais de t’en prendre une en représailles.
Flora préféra ne pas surenchérir et alluma le système de PC d’Adriane. La réponse à l’appel ne se fit pas attendre ; son père apparut de l’autre côté de l’écran, une expression d’inquiétude sur le visage.
— Flora ? Flora, tout va bien ? Je pensais que c’était la championne de Vermilava qui m’appelait !
— Tout va bien papa, je suis à son arène. Je t’expliquerai plus tard, on n’a pas le temps.
— Flora, ne reste pas là ! s’exclama le Professeur Seko, visiblement horrifié. Il y a une tornade qui est en approche ! Flora, tu dois évacuer Vermilava tout de suite !
— Je sais, mais on a une petite situation compliquée ici.
— On ? Qui ça on ? Tes amis Sofian et Timmy sont avec toi ? Où est Adriane ?
— Je ne sais pas, écoute-moi papa. Je suis ici avec Steve, un dresseur…
— Steve ? Steve Vencer, de Nénucrique ?
Steve se plaça devant la caméra et lui fit un signe de salutation dédaigneux, imitant un militaire irrespectueux.
— Vous vous connaissez ? s’étonna le Professeur Seko, comme désemparé par la nouvelle.
— Oui, enfin, j’aurais aimé ne jamais croiser la route de ce conna…
— Vous devez quitter immédiatement l’arène !
— Papa, écoute-moi.
Et Flora lui expliqua en quelques mots leur initiative.
— Je suis désolé, mais ce ne sera pas possible. Le laboratoire est en ce moment en communication avec le centre pokémon pour évacuer les pokémons en cours de soins. De là où je suis, je ne peux pas gérer ce problème.
Flora remarqua alors qu’en effet, au lieu de son bureau habituel se trouvait derrière lui un décor montagneux. Son père semblait marcher d’un pas rapide, sa veste blanche de scientifique volant derrière lui comme poussée par un vent violent.
— Papa, où es-tu, toi ? s’inquiéta Flora.
Son inquiétude s’approfondit en constatant que son visage était marqué par des griffes et des coups bleus.
— Papa, tout va bien ?
— Ne t’en fais pas pour moi, c’est juste un… incident. Flora, éc… moi bien… tu dois absol…ment qu…ter Vermil… !
— Papa ?
La communication commença à perdre du signal, faisant disparaitre de l’écran le Professeur Seko de manière anarchique.
— Papa, ça capte très mal !
— Ce n’est p… tornade insolite. Tu dois… de suite ! Prends ton … et quitte Ver… !
Et le visage terrorisé du Professeur Seko se gela à l’écran. La communication était rompue.

*
Un Leveinard accompagna un couple de Pifeuil blessés vers le système de PC où les attendaient leurs pokéballs tandis que l’infirmière Joëlle aidait une patiente à s’installer dans le hall du centre pokémon. L’endroit était rempli de patients dans tous les états, les uns assez vigoureux pour tenir debout dans leurs pyjamas quadrillés, les autres assis sur des fauteuils roulants, certains reliés à des baxters, d’autres à des machines qui leur permettaient de respirer.
— Votre attention, s’il-vous-plait !
L’agent Jenny était montée sur le pupitre de la réception, et Annick et Nathalie Match s’approchèrent.
— Comme convenu, nous allons vous évacuer à bord d’un hélicoptère médical, indiqua la policière. Je vais vous demander de garder votre calme. Tout est calculé pour qu’à l’arrivée de la tornade, plus personne ne soit présent dans cet hôpital. J’appelle le premier groupe de patients à se regrouper près de l’entrée.
Une dizaine de malades se dissocièrent de la foule.
— Est-ce que les dix-sept patients alités sont prêts à rejoindre les souterrains ? demanda l’agent Jenny en privé à l’infirmière Joëlle.
Annick tendit l’oreille.
— Tous, sauf Monsieur Bronam qui est en soin intensifs. J’attendais d’évaluer son état avant de prendre une décision, mais il est trop faible que pour pouvoir voyager en hélicoptère.
— Bien, j’aimerais que l’on commence à les confiner.
L’infirmière Joëlle approuva et quitta le hall.
Annick mit un certain temps à traiter l’information. Timmy n’allait pas être évacué et serait confiné dans les souterrains du centre pokémon le temps du passage de la tornade. Et si la tornade ravageait aussi les souterrains ? Elle ne pouvait se résigner à abandonner son meilleur ami en détresse. C’était décidé, elle resterait avec lui.
Elle se précipita vers le couloir des soins intensifs pour humains et entra dans la chambre de Timmy.
— Timmy, prépare-toi, on doit…
Mais elle s’interrompit face à son lit vide. Ses pokémons et son sac à dos avaient eux aussi disparu. Un coup de vent la déstabilisa et elle découvrit la fenêtre ouverte qui donnait sur les rues encombrées de Vermilava.
— Timmy ?!
Une poubelle vola à travers la fenêtre et Annick évita le projectile. Où était-il passé ? Et s’il avait pris son rêve au sérieux et qu’il était allé auprès de la tante de Brice dans l’espoir héroïque de lui sauver la vie ? C’était impossible, il ne pouvait pas être aussi stupide !
Un hélicoptère traversa le ciel et disparut à l’angle de la rue, mais le son de ses hélices affrontant le vent indiqua qu’il se posait juste à côté. Sofian était de retour !
Annick fendit la foule dans le hall du centre pokémon, bousculant un enfant, puis un Ningale, et se retrouva face aux membres de la famille Match enlacés dans les bras les uns des autres.
— Tu n’as pas encore été évacuée ? s’inquiéta Sarah face à sa mère.
— On a un problème ! lança Annick en les rejoignant.
— Annick ? Qu’est-ce que tu fais là ? Pourquoi tu n’es pas dans un train loin de cette ville ? Où sont Flora et Timmy ?
— C’est bien ça le problème : ni Flora ni Brice ne sont revenus de leur virée en montagne, et Timmy a disparu.
— Comment ça ?
— Je crois qu’il est parti chercher la tante de Brice !
— Ça n’a aucun sens, Annick. Qu’est-ce qu’il s’est passé ?
— Il a encore eu une crise qui…
— A L’AIDE !! AIDEZ-MOI !
Sofian fut bousculé par un adolescent qui poussait un brancard à travers la foule.
— Brice !
— Ma tante ! Vite, il faut l’aider !
— Brice, où est Flora ?
— Faites venir plus de patients dans l’hélicoptère ! ordonna l’agent Jenny. Il va falloir augmenter la capacité de chaque vol car la tornade a pris trop de vitesse !
Le chaos régnait dans le centre pokémon, tandis que de nouveaux patients quittaient l’hôpital pour entrer dans l’appareil volant.
— Non, attendez ! J’avais réservé des places dans cet hélicoptère ! intervint Nathalie.
— De quoi tu parles, maman ?
— Vous ne croyez tout de même pas que je vais laisser mes enfants sous une tornade ? Ils vous ont aidé à récupérer cet hélicoptère, ils gagnent une place lors du premier voyage !
— Mais maman… mes amis sont…
— Ils ont aussi leur ticket ! Je ne peux pas accepter de vous perdre une deuxième fois !
— Mais Flora… et Timmy ?
— Je suis certaine que Flora va réapparaître comme ton ami le coordinateur, et que les policiers vont retrouver ton ami Timmy. Mais je t’en prie Sofian, rentrons à Clémenti-Ville retrouver ton père.
— Je vais rester ici, annonça Annick. Je ne quitterai pas Vermilava sans Timmy. Et je vais voir avec Brice où se trouve Flora.
Sofian finit par accepter face aux larmes naissantes sur le visage de sa mère.
L’agent Jenny escorta la famille Match à l’extérieur du centre pokémon. Une rafale de vent manqua de les pousser avec brutalité alors qu’un panneau publicitaire se décrocha de la façade d’un bâtiment et s’envola contre une fontaine publique qui fut réduite en morceaux.
Sofian s’entassa dans l’appareil et on claqua la porte une fois sa sœur et sa mère à ses côtés.
— Direction Clémenti-Ville ! annonça Adriane.
Et l’hélicoptère s’envola.

Pokémon #201
3 décembre 2001
L’enfant apporta la dernière touche de beauté au gigantesque sapin de Noël qui avait été dressé dans le réfectoire. Les traditionnels orbes rouges et bleus que l’on déposait au centre du sapin brillait de tous leurs éclats, et il fut satisfait de son travail. Le voile de neige qu’avait créé Lippouti afin d’amplifier la magie de l’hiver était ce qui donnait tout son effet à la décoration qui fut applaudie par le concierge.
— Psst, Brice !
Il se retourna. Antoine lui faisait signe de le rejoindre, à l’abri des regards. Quand Antoine avait ce sourire, rien d’autre n’était plus important à ses yeux.
Antoine était la personne sur qui reposait toute sa confiance. Dès son arrivée à l’orphelinat des Joyeux Lombre, il avait été accueilli avec bienveillance par la petite bande d’enfants abandonnés du même âge. Mais Antoine avait été une rencontre particulière. Il ne s’était pas passé un seul jour durant ces six derniers mois sans que les deux garçons n’aient été trouvés ensemble.
— Enlève ce bonnet ridicule, tu vas avoir trop chaud ! lui somma Brice en le retrouvant dans un coin du réfectoire.
— Tu sais bien pourquoi je le porte.
— Ta cicatrice au front est ce qui est de plus beau chez toi, répliqua Brice en dévoilant son front lacéré d’une longue ligne horizontale qui rejoignait ses deux tempes. Elle représente qui tu es.
— Je ne t’ai pas appelé pour qu’on discute de ma beauté innée, s’amusa Antoine. Suis-moi, j’ai une surprise pour toi !
Antoine entraîna Brice dans les couloirs les plus poussiéreux de l’orphelinat. Alors qu’ils avaient croisé son Lippouti occupé à créer des statues de glace pour décorer les dortoirs, les chemins qu’ils empruntaient à présent étaient complètement vides. Ils arrivèrent enfin dans un grenier abandonné où ils n’avaient pas le droit de se trouver. Antoine ôta une bâche poussiéreuse et dévoila un vieux piano à queue.
— Bon anniversaire, Brice !
Brice resta cloué au sol face à l’instrument de musique dont il n’avait jamais osé rêver.
— Alors, sur l’échelle des punitions ?
— Ça vaut clairement la peine d’être une semaine en corvée patates.
Antoine le poussa à s’assoir sur un tabouret et il joua quelques notes sur l’air d’une chanson de Noël.
— Apprends-moi à jouer la chanson que tu fredonnes tout le temps !
Antoine lui prit la main droite et posa délicatement chaque doigt sur une touche blanche différente. Il déposa ensuite ses propres doigts moites d’excitation sur ceux de son ami et pressa les touches utiles à la mélodie qu’avait créée Antoine. Ils se laissèrent envouter par l’ambiance sentimentale qui venait de se créer entre eux.
— Un jour, je danserai sur cette mélodie sur scène.
— Et tu gagneras des trophées que tu devras me dédier.
Déconcentré, Brice joua une fausse note qui les firent sursauter. Les deux garçons éclatèrent de rire alors qu’Antoine posait sa tête sur l’épaule de son ami.
— Je savais que vous étiez encore occupés à faire des bêtises !
Et voilà la directrice qui, comme d’habitude, venait casser l’ambiance.
— Brice, comme c’est ton anniversaire, je te fais le cadeau de n’avoir rien vu. Mais toi, Antoine, tu vas m’attendre hors de mon bureau le temps que je termine mon rendez-vous ! Suivez-moi !
— Moi aussi ? s’étonna Brice.
— Oui, car j’ai un véritable cadeau d’anniversaire pour toi. Nous t’avons trouvé une famille.
Le cœur de Brice chuta dans sa poitrine.


***
Brice vérifia que le brancard de tante Marielle fût bien fixé et se pencha auprès d’elle afin de déposer un tendre baiser sur sa joue.
— Brice ?
Annick l’avait rejoint. Les souterrains du centre pokémon étaient déjà bien remplis de patients alités et d’infirmiers qui vérifiaient leur état.
— Vous avez trouvé les plantes pour aider ta tante ? demanda Annick délicatement.
Le silence de Brice répondit à sa question.
— Où est Flora ?
Brice lui raconta leur séparation devant l’arène d’Adriane.
— Elle n’est toujours pas rentrée ?
Cette fois-ci, ce fut Annick qui répondit par le silence.
— Et Timmy ? ajouta-t-elle.
— Quoi Timmy ?
— Il était persuadé que ta tante était en danger. Je pensais qu’il s’était enfui de sa chambre pour aller l’aider.
— On dirait que lui non plus n’a pas envie de laisser la mort s’occuper du moment où elle le frappera, répondit sinistrement Brice.
Il prit la main de sa tante inconsciente dans la sienne, tandis qu’Annick lui caressa tendrement le dos.
— Tante Marielle, je suis désolé de ne pas avoir pu t’aider. J’ai cru que mon Gloupti… Gloupti !
L’image de son pokémon volant à travers la pièce après l’attaque de la Team Rocket lui revint en mémoire. Brice s’effondra sur une chaise : il allait perdre deux êtres chers aujourd’hui.

*
Flora ferma le dernier sac de sport tandis que Steve ôtait la dernière pokéball des étagères.
— Et maintenant ?
Les dix sacs qu’ils avaient trouvés dans une armoire étaient pleins à craquer et devaient peser plus de cents kilogrammes au total.
— Voyons nos options : les porter jusqu’au centre pokémon pour les envoyer au laboratoire avec les pokémons de là-bas…
— Jamais on n’arrivera à porter tous ces sacs !
— …attendre que la ligne soit accessible entre cet ordinateur et celui du laboratoire…
— Et si la tornade arrive avant ?
— …ou bien enterrer ces pokéballs.
— Tu n’es pas sérieux ?!
Flora avait poussé un cri d’indignité.
— Tu vois une meilleure solution ?
— Meilleure que d’enterrer vivant des centaines de pokémons ? Oui, j’en vois pas mal !
— J’écoute.
Mais Flora fut incapable de trouver une idée nouvelle.
— Très bien. Trouve un maximum de pelles pour nous et nos pokémons, je me charge de trouver un endroit pour les enterrer.
Et Steve laissa la coordinatrice fulminer dans le bureau vidé de ses locataires.

*
Timmy ouvrit la porte d’entrée qui s’arracha de ses gonds en s’envolant dans la puissante rafale de vent. Il pénétra dans un salon ravagé par la tempête : un sapin de Noël était étalé de tout son long sur les restes d’une table, tandis que des cadres brisés jonchaient le sol aux côtés de lampes, de chaises, et de bibelots de décoration.
— Madame Marielle ?! appela Timmy.
Un coup de vent fit s’envoler son pyjama d’hôpital et il se précipita dans la pièce voisine. Les fenêtres avaient disparu, et une bibliothèque gisait au sol parmi des tas de livres dont les pages volaient au vent. Un sac à dos glissa sur le sol et il le rattrapa au vol. Outre une tente et du matériel de voyage, Timmy n’y trouva rien.
Un nouveau coup de vent fit s’envoler une photo d’une vieille dame en compagnie de Brice. Il était bel et bien dans la chambre de sa tante, mais elle était absente. Son lit avait disparu.
— Madame Marielle ?!
Un bruit retentit depuis le placard, comme si quelqu’un frappait contre depuis l’intérieur. Timmy essaya d’ouvrir la porte mais des morceaux de glace l’avait condamnée. L’aide de son Arcko, son Tarsal et son Magnéti ne changea rien ; la porte restait bloquée. Son regard fut attiré par le paysage apocalyptique à l’extérieur.
La nuit était tombée sur Vermilava alors que midi venait à peine de passer. De menaçant nuages noirs s’étaient formés, et une colonne ténébreuse approchait depuis les montagnes. La tornade n’était plus très loin et allait tout ravager sur son passage.
C’est alors qu’une explosion retentit derrière lui. Il eut à peine le temps de discerner un serpent noir géant qu’il fut projeté au sol par un coup de sa queue. Magnéti envoya par réflexe un éclair qui manqua sa cible. Les crocs du serpent s’abattirent sur lui tandis qu’une rafale de picots s’abattait sur Tarsal.
Timmy roula au sol parmi les débris de verre et sa tête cogna le pied de la bibliothèque détruite. Une petite boule verte gisait à ses côtés.
— Arcko !
Mais ce n’était pas son ami. Il s’agissait d’un Gloupti apparemment fort blessé. Son Arcko, quant à lui, subissait les attaques d’un Papinox enragé. Très vite, ses trois pokémons furent maîtrisés.
— Team Rocket ! s’écria Timmy en reconnaissant les trois criminels sortis du placard. Vous êtes complètement inconscients ? Ou plutôt stupides !
— Essaie de ne pas trop nous insulter, car tu n’es pas en position de contrôler ta survie si nous t’attaquons à nouveau ! menaça Jessie.
— Ma survie ? Et la vôtre ? On en parle ?!
— De quoi tu parles, sale gosse ?
— De ça !
Timmy leur pointa du doigt le paysage catastrophique à l’extérieur.
— Une tornade s’apprête à rayer Vermilava de la carte et tout ce que vous trouvez de mieux à faire, c’est de m’agresser ?!
Timmy sentit sa gorge se serrer à nouveau. Il s’agissait de ne pas perdre son calme s’il voulait avoir une chance d’avaler assez d’oxygène pour se sortir de cette situation.
Jessie, James et Miaouss semblaient découvrir la catastrophe naturelle.
— Raison de plus pour se dépêcher, dit James.
— Amène-nous à ton petit copain blondinet et on te laisse échapper à cette tornade, ordonna Jessie.
— De qui vous parlez ?
— De lui !
Miaouss lui montra une photo de Brice.
— Qu’est-ce que vous lui voulez ?
— On veut lui offrir son cadeau de Noël, lâcha Jessie avec sarcasme.
— Jamais il ne coopérera, se lamenta James.
— Vous croyez que ce gosse fera l’affaire ?
— Comment ça ?
— Peut-être que la Team Aqua sera tout aussi intéressée par lui…
— Pourquoi pas lui ramener sa vieille tante tant que vous y êtes ?
Timmy profita de la dispute entre les trois acolytes pour essayer de se relever. Mais vidé de son énergie et suffoquant à moitié, il était incapable de bouger.
— C’est ta dernière chance pour nous dire où se trouve ton copain.
— Sinon quoi ?
— On te ligote à ce radiateur et on te laisse dire bonjour à ton amie la tornade, révéla Jessie.
— Vous n’oseriez pas !
— Tu n’as aucune idée de ce dont la Team Rocket est capable, rétorqua Miaouss.
— Plutôt mourir !
Jessie haussa les épaules. James s’approcha de lui et le prit par le bras afin de l’amener au radiateur accroché au mur. Timmy n’eut pas la force de résister. Son ennemi sortit une corde de son sac à dos et la lui noua aux poignets. Puis, il noua l’autre extrémité au radiateur de sorte que Timmy ne puisse défaire ses liens.
— Non, ne me laissez pas ici !
— Trop tard !
— Qu’est-ce qu’on fait de ses pokémons ?
— On les abat. Fini de jouer les gentils. Il est temps que la Team Rocket redevienne ce qu’elle était au départ : la plus grande menace sur la planète.
Seviper prépara ses crocs et sa queue empoisonnée et s’apprêta à se jeter sur Arcko, Tarsal et Magnéti.
Tout à coup, un Kadabra se matérialisa dans la chambre et immobilisa les pokémons ennemis à l’aide de ses pouvoirs psychiques.
— Qu’est-ce que… ?!
— Ça suffit !
Un homme venait de faire son apparition. Son imper gris délavé flottait dans le vent, une mèche brune fouettait son visage sous son chapeau marron rapiécé, et ses yeux bleu électrique se posèrent sur chacun des membres de la Team Rocket, avant de croiser ceux de leur prisonnier.
C’est alors que Timmy le reconnut.
— Vous êtes… le détective de la Police Spéciale de Hoenn !

*
Un hélicoptère rouge à l’effigie de la Team Magma survola la ville, ce qui lui rappela les souvenirs cuisants de sa dernière confrontation avec ce groupe de terroristes. Il se souvenait très exactement du jour où il avait sauvé Clémenti-Ville de la menace de Max Magma. Ce même jour, il avait perdu sa fille qui avait rejoint ses troupes. Neuf ans plus tard, la Team Magma lui avait à nouveau volé un enfant lorsque Sofian avait décidé de fuguer à Autéquia pour se venger d’eux.
Aujourd’hui, Norman accueillit l’hélicoptère de la Team Magma avec soulagement, cela signifiait que les premiers patients de Vermilava étaient évacués. Quelle ironie, cependant.
L’hélicoptère s’ouvrit à la volée devant le centre pokémon de Clémenti-Ville et s’en échappèrent trois silhouettes familières : son épouse et ses deux enfants. Une vague d’amour l’envahit, très vite remplacée par une vague de colère.
Il l’aurait reconnue d’entre milles, avec sa longue chevelure rousse si unique dans la famille, son visage si fin, ses taches de rousseur si charmantes. Sarah n’avait pas changé en neuf ans, du moins physiquement. Car ses traits semblaient aussi plus marqués par la vie, comme si du haut de ses vingt-deux ans, elle avait vécu des choses assez traumatisantes que pour s’inscrire sur son visage.
Alors que l’hélicoptère se vidait de ses passagers, Norman s’extirpa des bras de son épouse et évalua ses enfants du regard. Tous deux fuyaient le sien. Sans un mot, il passa devant eux et entra dans l’hélicoptère s’entretenir avec la pilote.
— Il lui faut du temps, réconforta leur mère. Laissez-lui du temps.
Une petite boule rose sauta dans les bras de Sofian.
— Doudou ! reconnut-il en serrant son vieux Rondoudou contre lui.
Sarah essuya une larme et préféra rester silencieuse.
— Il va vous pardonner, c’est votre père et c’est un homme bon, assura Nathalie.
— Je vais me rendre à Vermilava avec Adriane pour l’aider en copilote.
Norman était ressorti de l’appareil.
— Non ! s’opposa Nathalie. Norman, je t’en prie, nous sommes enfin tous les quatre réunis. Reste en dehors de cette évacuation et retrouvons-nous en famille.
— Je suis champion d’arène depuis le jour où j’ai sauvé cette ville, rétorqua-t-il sèchement. Mon devoir est d’aider mes collègues en toute circonstance. Quant à notre famille…
Il dévisagea ses enfants avec mépris.
— …elle est brisée depuis très longtemps.
— Papa, je…
Mais Norman ignora sa fille et retourna dans l’hélicoptère. Les hélices se mirent à tourner de nouveau.
— Je suis désolé, dit Sofian en confiant son Rondoudou à Sarah.
— Sofian ? Non, n’y pense même pas !
— Mes amis sont toujours à Vermilava, je ne mérite pas d’être ici !
Et Sofian grimpa au dernier moment dans l’hélicoptère qui s’envola dans le ciel paisible de Clémenti-Ville.
— À force de désobéir à tes parents, tu vas finir par t’attirer des ennuis aux lourdes conséquences, lui indiqua Norman sans un regard.

Pokémon #201c
3 décembre 2001
— Brice, je te présente Monsieur et Madame Belangelo.
— Démétria, rectifia la femme aux cheveux bouclés en lui serrant la main de manière trop excitée.
— Eros, ajouta l’homme aux cheveux grisonnants en essuyant une larme d’émotion.
Brice se laissa conduire jusqu’à un siège où on l’assit face au couple qui rayonnait d’un bonheur émouvant. Il avait l’impression de les connaître, mais d’où ? Peut-être était-ce dû à ce petit quelque chose d’apaisant qui se dégageait de ces deux adultes, comme une espèce d’amour mutuel inébranlable qui ne demandait qu’à être partagé.
— Monsieur et Madame Belangelo vivent ici, à Lavandia, mais travaillent à Poivressel, présenta la directrice derrière ses lunettes rectangulaires et sa voix rêche. Ils vivent dans une petite villa reculée et tranquille, et sont prêts à t’apporter tout le bonheur du monde. Je peux t’assurer qu’ils seront de merveilleux parents pour toi.
— Vous voulez dire…
— Nous t’avons trouvé une famille, Brice.
Son cœur palpita. Il savait que derrière la porte se trouvait Antoine, la personne qui comptait le plus à ses yeux, et que pour rien au monde il ne voulait se séparer de lui. Mais d’un autre côté, vivre enfermé entre les murs de cet orphelinat lui rappelait à quel point sa vie n’avait été qu’une succession d’emprisonnements.
— Brice, ces personnes ont beaucoup donné pour notre orphelinat, argumenta la directrice. Ce sont de généreuses personnes qui n’attendent qu’une chose, c’est de te donner tout ce qu’ils ont pour que tu puisses t’épanouir. Je sais que tu détestes cet endroit. C’est pourquoi tu es celui à qui j’ai pensé en premier pour l’adoption. Ne me laisse pas choisir le dossier de ton copain Antoine plutôt que le tien.
Brice comprit alors.
— Vous voulez nous séparer, c’est ça ?! se révolta-t-il.
— Cette adoption, c’est le plus beau cadeau que la vie puisse te faire.
— Brice ?
C’était la jeune femme qui avait parlé.
— Je peux imaginer à quel point tu as peur, dit-elle la voix tremblante. Si tu le souhaites, nous pouvons être patients et nous voir une fois par semaine dans un premier temps. Nous partagerions des moments ensemble…
— … des activités pour apprendre à nous connaitre, ajouta l’homme. Qu’en dis-tu ?
L’amour dans les yeux de ce couple était sincère, ce qui fit chavirer le cœur de l’enfant. Il avait tellement recherché sa véritable famille qui l’avait abandonné qu’il n’avait pas imaginé qu’une famille pouvait être à sa recherche pour l’aimer à vie.
Machinalement, il toucha son pendentif afin de demander de l’aide à sa mère qui veillait sur lui depuis les cieux.
— C’est lui, Eros ! s’exclama la femme qui se jeta aux pieds de Brice.
— J’en étais sûr !
Le couple le prit dans ses bras et la pièce du puzzle reconstitua le tableau. Brice se souvint enfin d’eux : six mois plus tôt, il avait aidé à les sauver d’une prise d’otage à Poivressel. Il se laissa enlacer.
— Je vais vous laisser faire connaissance.
La directrice quitta le bureau. Dans l’entrebâillement de la porte, Brice croisa le regard mélancolique d’Antoine.


***
Sois prudent, Brice
— Et veille sur ta tante. Je suis fier de toi.

— Je vous aime, dit Brice en raccrochant.
Les visages de sa mère et de son père disparurent de l’écran de son Pokénav. Brice soupira et retourna au chevet de sa tante toujours inconsciente. Sa respiration était lente et saccadée, et la douleur se lisait toujours plus intensément sur son visage.
— Comment va-t-elle ? s’inquiéta Annick.
— Comme sur son lit de mort, répondit Brice de manière glauque.
— Eh ! Je sais à quoi tu penses, mais c’est injuste pour toi. Ce n’est pas ta faute, Brice.
— C’est moi qui ai été incapable de lui trouver des médicaments efficaces, se lamenta le coordinateur.
— Tu as fait tout ce que tu as pu avec tes faibles moyens. Je suis sûre qu’elle serait fière de toi si elle pouvait te le dire. Tu es un neveu idéal.
Annick le prit dans ses bras. L’infirmière Joëlle entra dans les souterrains avec un nouveau patient sur un brancard. Annick lui lança un millième regard interrogatif.
— Toujours aucune trace de ton ami Timmy, répondit encore une fois l’infirmière Joëlle tout aussi attristée qu’elle. En revanche, il y a quelqu’un pour toi.
Sofian apparut au bas des escaliers.
— Qu’est-ce que tu fais ici ?! s’horrifia Annick. Je pensais que tu étais en sécurité à Clémenti-Ville !
— Je ne suis nulle part en sécurité loin de Flora et Timmy. Des nouvelles d’eux ?
Annick hocha négativement de la tête.
— Bon, alors qu’est-ce qu’on attend pour aller les chercher ?
— Sofian, non !
Le dresseur avait remonté une marche de l’escalier mais la coordinatrice l’avait immobilisé en lui tenant le bras. Le sol s’était mis à trembler, les murs vibraient puissamment, puis le calme revint.
— Nous sommes dans des souterrains de défense militaire, et la tornade n’est toujours pas arrivée.
— Je ne peux pas rester ici à ne rien faire.
— Alors aidez-moi à transporter les patients et à organiser leur évacuation pour quand l’hélicoptère revient, proposa l’infirmière Joëlle.
Sofian et Annick acceptèrent.

*
La force additionnée du Flobio de Flora et du Galégon de Steve leur permirent de jeter les sacs dans les immenses trous qu’ils avaient creusés dans les jardins de l’arène. Le ciel s’était complètement obscurci et le vent frappait si fort qu’ils avaient été obligés de demander l’aide de leur pokémons pour tenir debout.
— Il en reste combien ?
— Encore un.
Steve retourna dans l’arène avec ses pokémons tandis que Flora et les siens s’occupèrent à entasser un maximum de terre et de rochers sur les sacs remplis de pokéballs afin d’éviter qu’il ne s’envole sous la tempête.
Flora se redressa un instant et essuyant une goutte de sueur sur son front. C’est alors qu’elle la vit : l’énorme colonne verticale de nuage et de vent, imposante, majestueuse dans la montagne. Elle était là, à peine à un kilomètre d’eux, et avançait d’une manière si rapide qu’ils n’auraient jamais le temps de redescendre sur Vermilava.
Un bruit de tôle froissée déchira le ciel tandis qu’une nacelle du téléphérique s’arracha des pylônes lointains et s’écrasa des centaines de mètres plus loin dans la montagne.
— STEVE !! hurla Flora.
La coordinatrice courut se réfugier à l’abri de l’arène et se précipita dans le bureau d’Adriane. Les pokémons du dresseur venaient de soulever le dernier sac.
— Laisse tomber, c’est trop tard ! cria Flora en fermant la porte derrière elle. La tornade est là !
Steve l’ignora et ordonna à ses pokémons de poursuivre.
— Tu m’as entendue ? La tornade est juste devant nous !
— Ça ne me fait pas peur.
Flora resta bouche bée. Les murs de l’arène vibrèrent violemment et quelque chose craqua au loin. Le sol trembla brusquement à son tour.
— Ce que tu viens d’entendre, ce sont les pylônes du téléphérique qui sont en train de lâcher les uns après les autres ! Tu ne vas tout de même pas sortir sous ce vent, toi et tes soixante kilos tout crachés !
— Moi, non, ce serait du suicide. Mes pokémons, en revanche, n’attendent que cela. C’est un excellent entraînement pour eux.
— Tu es un monstre ! hurla Flora alors que Steve disparaissait dans le couloir avec le dernier sac. Steve ! STEVE !!!
Mais le dresseur avait disparu. Les murs tremblèrent à nouveau.
— Si on survit à ça, je te jure que je te tue !
Et Flora se lança à sa poursuite afin de le ramener à l’abri.

*
— Vous êtes le détective qui s’occupait de l’attentat de la Team Magma à Autéquia ! s’exclama Jessie.
— Non ! C’est le type de la Team Magma qui a voulu nous aider à fuir, Holmes-quelque chose ! reconnut James.
— Pas du tout ! C’est le sbire Hercules de la Team Aqua ! s’horrifia Miaouss.
— Aucun de vous n’a tort, et pourtant vous vous trompez tous les trois.
Timmy se concentra sur la conversation pour éviter de perdre le contrôle de sa respiration. Qui qu’il fusse, pourvu qu’il l’aide à trouver un abri avant le passage de la tornade.
— Je suis Holmes, et d’autres fois Hercules, révéla le jeune homme aux yeux bleus. Et lorsque je ne suis ni l’un ni l’autre, alors c’est que je reprends mes fonctions de détective.
Timmy n’en croyait pas ses oreilles : tout ce temps, cet homme avait joué le rôle d’espion, pourvu de sa triple casquette. Hors d’elle, Jessie se lança les poings en avant sur lui mais son Kadabra l’immobilisa à son tour.
— Tu t’es bien joué de nous, espèce d’enflure ! hurla-t-elle avec hystérie. Foi de Team Rocket, j’aurai ta peau !
— Je n’en doute pas, répondit poliment le jeune détective de sa voix grave.
Il scanna ensuite la pièce de ses yeux bleu électrique.
— Alors ? Où est-il ?
— Brice ? Tu sais où tu peux te le mettre, ce gosse ? s’emporta James en se jetant sur lui avant d’être à son tour immobilisé.
— Je jure sur mes neuf vies que tu vas subir la colère de la Team Rocket ! cria Miaouss avant de subir le même sort que ses acolytes.
Une porte claqua à l’étage sous la pression du vent. Le détective s’agenouilla auprès de Timmy. Derrière lui, la colonne d’air venait d’apparaître au pied de la montagne et s’approchait dangereusement de Vermilava.
— Je suis venu discuter avec Brice Belangelo, lui dit-il calmement. Sais-tu où je peux le trouver ?
Sa respiration se saccada davantage à mesure que son rythme cardiaque augmentait.
— Pourquoi… vous ne cherchez pas… dans mon Pokénav… ? balbutia difficilement Timmy.
— Je suis désolé de t’avoir manipulé, s’excusa le détective avec sincérité.
Il lui ôta ses liens qui le retenaient au radiateur. Timmy tenta de se relever mais son corps flancha.
— Cet enfant est gravement malade, fit-il remarquer. L’un d’entre vous sait-il comment l’aider ?
— ALLEZ AU DIABLE, TOUS LES DEUX ! hurla Jessie hors d’elle.
Les pokémons de Timmy coururent auprès de leur maître qui rampait au sol, incapable de reprendre sa respiration. Du coin de l’œil, le détective repéra le Gloupti mal en point qui essayait tant bien que mal d’agiter sa feuille sous le nez de Timmy. Le détective s’agenouilla alors auprès d’Arcko.
— Je sais que tu as en toi un pouvoir guérisseur que tu ne soupçonnes même pas, lui dit-il. Mais en tant qu’Arcko, tu n’as aucun moyen de l’utiliser. C’est le moment, c’est ton moment. Si tu veux sauver ton maître, laisse-toi guider par ce Gloupti et fais-toi confiance.
Terrifié, Arcko acquiesça. Il ferma les yeux et se mit à briller d’une couleur blanche éclatante. La seconde suivante, il avait fait place à un gecko végétal somptueux. Gloupti indiqua au nouveau Massko les feuilles qu’il possédait sur ses avant-bras. Massko se les arracha sans demi-mesure et les fourra dans un bol qui trainait au sol. Ensuite, il taillada les feuilles à l’aide de la tranche de ses mains pour en faire une pâte molle. Puis, il se précipita sur le sac à dos de Timmy et fouilla son contenu. Il en retira un Super Bonbon qu’il transforma en fine pellicule avant de l’ajouter à sa mixture. Enfin, il fourra le tout dans la bouche de son maître et le força à avaler.
Les lèvres bleues, Timmy suffoqua un dernier instant, avant de s’effondrer définitivement.
De l’autre côté de la pièce, Jessie, James, Miaouss et leurs trois pokémons s’effondrèrent à leur tour, relâchés par l’emprise psychique du Kadabra. Le pokémon avait disparu, son maître aussi.

Pokémon #201u
22 août 2002
La voiture s’arrêta devant un petit bungalow chaleureux entouré de jardins derrière une clôture en bois. Avec les montagnes calmes en relief, le paysage paraissait idyllique, presque magique.
— Tu es sûr que tu veux y aller ? demanda sa mère au volant.
— Tu ne veux pas que l’on t’accompagne ? proposa son père.
— Non, je dois le faire seul.
Brice sortit du véhicule et pénétra dans l’enceinte de la demeure. Il sonna à la porte et attendit impatiemment. C’était le moment de vérité. Après tant d’années à se poser des questions, tant de mois de recherches, il avait enfin trouvé l’endroit où résidait la seule personne qui lui avait laissé un souvenir de sa famille biologique.
Une dame de la soixantaine d’année ouvrit la porte. Elle le reconnut immédiatement.
— Brice, soupira-t-elle.
Elle lui tomba dans les bras et le fit entrer.


***
Tante Marielle avait tellement vieilli en si peu de temps. Comment la maladie pouvait-elle enlever autant de vie dans une personne ?
Brice serra la main de sa tante dans la sienne et il sentit quelque chose de dure en son creux. C’est alors que tante Marielle ouvrit difficilement les yeux.
— Brice ?
— Tout va bien, nous sommes en sécurité.
— Je suis désolée, Brice, lui dit-elle en pleurant à chaudes larmes. Je suis désolée pour tout le mal que je t’ai fait.
— Shht, tout va bien.

Quelques étages plus haut, l’hélicoptère se posa à nouveau dans un de ses nombreux allers-retours sous la direction de Sofian. La force du vent était telle que l’engin dû s’y prendre à plusieurs reprises pour contrôler son atterrissage en douceur. La porte s’ouvrit et Sofian fit face à son père. Après un moment d’hésitation, Norman l’ignora et entra dans le centre pokémon où ils furent à l’abri du vent violent.
— Dernier voyage ! cria-t-il dans le hall encore remplis de patients.
— Quoi ?! s’exclamèrent en chœur l’agent Jenny et l’infirmière Joëlle.
— La tornade est trop proche de Vermilava, nous ne pourrons pas revenir après ! annonça Norman. Que les derniers patients montent à bord de l’hélicoptère !
— Et les autres ?
— Dans les souterrains !
Sofian envoya son Galifeu et sa Hélédelle escorter les derniers voyageurs vers l’hélicoptère et son Dynavolt, son Balignon et son Écrapince aider les patients à descendre se réfugier à l’abri.
— Toujours aucun signe de Flora ou de Timmy ? demanda Annick, plus paniquée que jamais.
Sofian fit un signe de tête négatif.
Tout à coup, la porte d’entrée vitrée se brisa et une rafale de vent s’engouffra dans le hall, faisant s’envoler tout l’équipement et les objets non-fixés au sol. Le lustre vacilla dangereusement tandis que l’ordinateur se fracassa contre un mur sous les cris apeurés d’un vieil homme.
— Sofian, dans l’hélicoptère, ordonna Norman avec autorité.
Sofian échangea un regard horrifié avec Annick.
— On ne peut plus rien pour eux, lui dit-elle.
— Allons-y, accepta Sofian.
— Non, je vais rester ici avec Brice. J’ai encore l’espoir que Timmy réapparaisse avant qu’on ne ferme les portes des souterrains.
Sofian contra la force du vent pour serrer Annick dans ses bras, fit disparaître ses pokémons dans ses pokéballs, puis suivi son père à l’extérieur. Ils durent combiner la force de plusieurs personnes pour refermer l’hélicoptère.
Norman boucla la ceinture de Sofian et ce-dernier essaya d’échanger un regard avec son père qui continuait à fuir son fils. L’hélicoptère s’envola en tremblant de tout son long, le centre pokémon disparut sous eux et ils volèrent au-dessus des rues désertes et sombres de Vermilava.

Annick traversa le hall ravagé du centre pokémon et descendit quatre à quatre les marches des souterrains. Les derniers patients s’installèrent au sol, s’amassant dans les rares endroits encore non-encombrés. L’agent Jenny fit alors son apparition.
— Le bâtiment est vide, on peut fermer !
— Non, attendez !
Annick se positionna entre elle et la porte coupe-feu. Des centaines d’yeux se posèrent sur elle.
— S’il-vous-plait, encore une petite minute.
— Je suis désolée, mais dans ce genre de situation, le nombre l’emporte sur l’unité.
L’agent Jenny la força à se pousser et referma la porte avec fracas, scellant le destin de toutes les personnes qui se trouvaient de l’autre côté.

*
— STEVE !! C’est de la folie !
Depuis un couloir de l’arène, Flora retrouva le dresseur de vue : il se trouvait derrière la vitre dans le jardin dont les plantes et les arbres vacillaient dangereusement sous la force de la tempête. Son Galegon terminait de poser les derniers rochers sur le trou où se trouvait le dernier sac de pokéballs.
— STEVE !
Flora lui montra la tornade qui s’était formée à quelques centaines de mètres d’eux. Une pelle vola à toute vitesse en direction de la colonne d’air. Plusieurs rochers s’arrachèrent du sol et disparurent à leur tour.
Steve fit rentrer son Galégon dans sa pokéball mais un coup de vent lui arracha la sphère des mains.
— NON !
Steve observa impuissant sa pokéball se perdre dans le ciel. Il fit un pas en avant, par réflexe.
— STENE, NON !
C’était trop tard, un coup de vent l’avait soulevé du sol et Steve avait disparu de son champ de vision. Flora hurla de détresse.

*
Timmy gisait inconscient au sol. Sous l’œil attentif de Massko, James vérifiait son pouls.
— Il respire !
— Super, et maintenant ? On a un espion qui nous l’a mise bien profond, une tornade qui s’approche et aucun endroit où se réfugier.
— Je ne veux pas perdre une de mes précieuses vie de Miaouss !
— Il doit bien y avoir des caves dans cette maison !
James prit l’initiative de quitter la chambre et appela après eux. Massko ramassa son maître dans ses bras et précéda Tarsal, Magnéti et Gloupti à la poursuite de James. Impuissants, Jessie et Miaouss les suivirent en évitant les débris.
Un des murs du salon s’était effondré, révélant une puissante tempête qui détruisait tout dans la maison. James ouvrit à la volée une porte qui quitta le sol et disparut dans les airs. Une cage d’escalier se révéla à eux.
Ils descendirent les marches en précipitation et se barricadèrent derrière une nouvelle porte, dans une espèce de minuscule cave à vin humide et moisie.
— Vous feriez mieux de rentrer dans vos pokéballs, indiqua-t-il aux pokémons de Timmy.
Il fouilla dans les poches du jeune garçon inconscient et, après un signe d’approbation de la part de Massko, Tarsal et Magnéti se dématérialisèrent. Massko avait tenu à rester auprès de son maître.
— On aurait pu tomber mieux, critiqua Jessie de mauvaise humeur en se pinçant le nez.
— En espérant que les murs tiennent ou que le sol du rez-de-chaussée ne s’effondre pas sur nous !

Pokémon #201e
22 août 2002
Les informations à la télévision présentaient un incident à Clémenti-Ville mettant en scène des criminels en uniformes rouges lorsque la dame âgée l’éteignit. Elle déposa un verre de lait devant Brice et lui proposa une boîte remplie de cookies.
— Je vois que tu l’as gardé depuis tout ce temps.
Elle lui indiqua le pendentif autour de son cou.
— Il s’agit du badge de l’arène de Frimapic, mais j’imagine que tu le sais déjà.
Brice sourit poliment.
— Je savais que tu hériterais de l’intelligence de ta maman. J’ai toujours vu dans ses yeux bleus une forme d’intelligence qui me dépassait. Tu as les mêmes yeux bleus qu’elle.
— Je suis venu pour des réponses, interrompit Brice avec sècheresse.
— Je comprends. Que veux-tu savoir, Brice ?
— Je veux savoir pourquoi je n’ai pas de parents. Je veux savoir pourquoi j’ai grandi dans un orphelinat où tout le monde me détestait au lieu de grandir dans les bras d’un père et d’une mère.
La dame soupira. Ses yeux s’activèrent d’un mouvement, comme si elle repassait le fil de sa vie dans ses rétines.
— Ta mère est décédée le jour de ta naissance. Elle m’a fait jurer de te protéger de ton père.
— Pourquoi ?
— Ton père… Mon frère était à l’époque un homme dangereux, enrôlé dans un groupe qui avait des activités criminelles. De ce que j’ai entendu dire ces derniers temps, ses méfaits se sont multipliés avec les années. Il représentait une menace pour toi.
— Qui est-il ?
— Je ne peux pas te le dire. Moins tu en sais sur lui, mieux tu te porteras. J’ai promis à ta mère de t’élever loin de lui, et je t’ai donc amené dans la région de Sinnoh, la région la plus éloignée de…
— Pour m’abandonner lâchement dans un orphelinat ! Et vous voulez que je vous appelle « tante Marielle » ?!
Brice avait craqué. La tristesse accumulée durant toutes ces années se déversait enfin face à la personne qui en était l’unique responsable.
— Je t’ai élevé pendant un moment, tu sais ? révéla Marielle. Seulement, tu étais trop petit pour t’en souvenir.
« À l’âge de deux ans, ton père nous a retrouvés. Lui, et son armée de miliciens. Il m’a sommée de lui rendre son fils. J’avais promis à ta mère de tout faire pour empêcher que tu ne sois enrôlé dans leur groupe. Alors, je t’ai caché.
« Ils m’ont passé à tabac. Mon propre frère m’a torturé sans aucune pitié.
Elle lui montra sa main gauche maigre et inerte.
— Mais j’ai tenu bon. Tu es resté caché assez longtemps pour qu’ils pensent que tu n’étais pas avec moi. Mais sachant que j’étais un fardeau pour toi, qu’un jour ton père reviendrait te traquer à nouveau, j’ai préféré te placer sous la protection d’un couple qui t’a adopté. Mais il a fini par te déposer à un orphelinat. Je ne t’ai pas abandonné, j’ai fait ce qu’il fallait pour te protéger.
Brice ne savait pas quoi répondre. Comment un enfant de neuf ans devait-il réagir face à un passé si lourd ?
— Ce pendentif… ?
— Il appartenait à ta maman. Elle me l’a confié en choisissant ton prénom. J’ai pensé que te le laisser t’apporterait du réconfort, où que tu sois.
Brice versa une larme discrète qu’il préféra cacher. Marielle fit mine de ne pas l’avoir vue en jetant un coup d’œil par la fenêtre.
— Tes parents ont l’air de t’aimer passionnément. Je suis heureuse que tu aies trouvé une vraie famille.
— Je ne comprends pas… Pourquoi êtes-vous ici, à Hoenn ?
— Comme je l’avais prévu, ton père est revenu me voir quelques années plus tard. J’ai bien failli y rester cette fois-là. Heureusement que j’avais mon fidèle Gloupti pour me protéger ce jour-là. Il doit être heureux à présent que je l’ai libéré dans la nature…
« J’avais compris qu’il reviendrait. Que mon propre frère reviendrait une troisième fois pour m’achever. J’ai laissé une lettre à l’arène de Frimapic, telle une bouteille à la mer. Je savais que tu chercherais des réponses en commençant par ton pendentif. Je savais qu’un jour, tu me retrouverais de cette manière.
Brice se leva d’un bond, furieux.
— Et vous êtes partie sans penser à venir me récupérer à l’orphelinat ? s’écria-t-il. Vous avez quitté Sinnoh sans me prendre avec vous ?
— J… j’ai laissé cette lettre à…
— À une inconnue ! Vous avez confié une lettre à une inconnue dans l’espoir que j’aie la présence d’esprit de me renseigner sur mon pendentif ! J’ai neuf ans ! J’en avais huit à l’époque ! Vous comptiez sur l’espoir qu’un enfant de huit ans vous retrouve ! Et vous vous attendiez à quoi ? Vous me parlez de mes parents adoptifs comme s’ils étaient des parents de substitution. Ce sont eux mes vrais parents ! Ce sont eux qui se sont occupés de moi !
— Brice… Je suis ta famille… ta tante…
— Vous vous attendiez à quoi ? Vous pensiez que je vous sauterais dans les bras une fois retrouvée et que nous filerions le parfait amour dans une petite famille parfaite dans votre petit bungalow parfait ? Vous m’avez abandonné et vous avez sauvé votre peau ! Vous me dégoûtez !
Et il lui jeta son pendentif à la figure.
— Brice… Brice, non ! Attends !
Mais Brice en avait fini avec elle. Il sortit de la maison en furie et entra dans la voiture de ses parents sans attendre que la vieille dame le rattrape.
Ses parents n’osèrent pas lui poser de question et la voiture démarra.
— Brice, non !! criait Marielle depuis son jardin.
En pantoufles au milieu de la rue, Marielle s’effondra en pleurs, serrant contre elle le pendentif de son neveu. Elle venait de le retrouver, et il avait décidé que ce serait leur dernière rencontre. Brice s’éloignait à jamais d’elle.
À travers la vitre de la voiture, Brice observa un drôle de pokémon au loin, au milieu d’un champ de campagne. Le félin aux poils blancs et à la crinière en forme de faux suivi son regard jusqu’à ce qu’il disparaisse de son champ de vision.
Brice quitta Vermilava et se jura de ne jamais y remettre les pieds.


***
Brice serra fort la main de tante Marielle contre lui.
— Je te suis reconnaissante pour tous les soins que tu m’as apportés, le remercia-t-elle avec difficulté, entre deux respirations lentes. Jamais je n’ai mérité une seule attention de ta part. Pas après t’avoir lâchement abandonné.
— J’étais jeune, tante Marielle, mes mots…
— Tes mots étaient vrais. J’étais âgée et terrorisée par la violence avec laquelle mon propre frère m’avait traitée. Et toi, à neuf ans, tu avais affronté plus de souffrances que moi en toute une vie. J’ai honte, Brice. Honte de t’avoir laissé derrière moi. Honte de ne pas avoir eu le courage de te protéger à l’aide de ma chair.
— Je t’ai déjà pardonnée, tante Marielle.
— S’il-te-plait, promets-mois une chose…
— Tu parles comme si tu allais…
— Promets-moi, l’interrompit tante Marielle, de trouver la force un jour de véritablement me pardonner. Je sais qu’au fond de toi, tu gardes cette blessure profonde.
— Tante Marielle…
— Promets-moi de ne jamais chercher à retrouver ton père. Tu es devenu un homme, grand, beau et fort. Reste-le, ta maman serait si fière de toi. Et je t’en supplie, ne l’a punis pas pour mes erreurs. Tiens, garde-le.
Elle lui fourra un objet métallique en main. Brice ouvrit sa paume : tante Marielle lui avait rendu son pendentif en forme de montagnes bleues enneigées.
— Je te le promets, tante Marielle.
Mais tante Marielle ne lui répondit pas. Elle avait déjà rendu son dernier souffle et semblait dormir paisiblement.
Brice fondit en larme, serrant fort contre lui son pendentif, le dernier souvenir de sa famille biologique. Annick le prit dans ses bras alors que les murs tremblèrent de toute la force de la tempête. La tornade était arrivée. Certains patients crièrent de peur à mesure que les tremblements s’intensifiaient. Les ampoules explosèrent. Les ténèbres les envahirent.

*
Les vitres du couloir explosèrent sous le choc. Flora se protégea le visage de ses bras et fit rentrer ses pokémons dans leurs sphères qu’elle fourra dans son sac à dos en faisant attention à son œuf.
Les murs tremblaient de toutes parts, un vieux hêtre était sur le point de se déraciner. La coordinatrice rebroussa chemin et retourna se réfugier dans le bureau vide d’Adriane. Le bruit du chaos à l’extérieur la terrorisa. Tout tremblait aussi violemment que si elle avait été au cœur du Mont Chimnée lors de son réveil. Les étagères se disloquèrent et se brisèrent au sol. Flora chuta sous la force du tremblement du bâtiment.
Soudain, quelque chose explosa à l’extérieur et se fracassa juste au-dessus d’elle. Le plafond se lézarda, se fissura de tout son long. Alors, il céda, emportant avec lui tout sur son passage.

*
Timmy semblait dormir paisiblement. James sortit de sa poche une pokéball et la présenta à Miaouss.
— Tu fais quoi, là ?
— Je pense que tu devrais rentrer dedans.
— Ça va pas bien dans ta tête d’humain ?! Jamais je ne rentrerai dans une pokéball !
— Miaouss, James a raison, appuya Jessie. La tornade va nous passer dessus d’un moment à l’autre. Qui sait si la maison tiendra. Quand on voit l’état du salon…
— Je ne rentrerai pas !
— Miaouss, cette pokéball te protégera, argumenta James. Quoi qu’il advienne. Que le bâtiment s’effondre ou que tu sois emporté par les vents, tu seras en sécurité dans la pokéball.
— Il ne faudrait pas que tu perdes une de tes précieuses vies de Miaouss, termina Jessie.
Miaouss ne pouvait pas se résigner à abandonner son indépendance. Il l’avait déjà testé une fois, ce qui avait résulté en un véritable abandon. Mais c’était soit son indépendance, soit sa vie.
— Vous me promettez de me sortir de là le plus vite possible ?
— Je te promets qu’on se retrouvera très vite pour jouer des mauvais tours.
Miaouss accepta. Après un dernier regard à ses deux acolytes, il se laissa aspirer par la lumière rouge qui le matérialisa au sein de la pokéball.
Le plafond trembla alors violemment. La tornade était là.

*
L’hélicoptère volait difficilement dans les airs chaotiques de Vermilava. Poussés de tous côtés, Sofian se sentit balloté aussi violemment qu’un jour de tempête en pleine mer. Sous leurs yeux, les vents emportaient tout sur leur passage : barrières, lampadaires, pavés, toitures, voitures,… Vermilava ressemblait à présent à un terrible champ de bataille.
Sofian posa la main sur la cuisse de son père. Norman s’était laissé faire.
— Je suis désolé pour tout ce que je t’ai fait subir.
Norman soupira.
— Il aura fallu une tornade pour que tu te rendes compte de tes erreurs, dit-il.
— Papa, s’il-te-plait…
— Non, écoute-moi. Je parle de moi. Il aura fallu une tornade pour que je me rende compte d’à quel point j’ai été dur avec toi. Depuis que vous êtes tout petits, je vous traite avec tant de fermeté que j’ai fini par croire que c’était mes enfants le problème. En réalité, lorsque tu as eu ton accident, j’ai eu tellement peur de te perdre que j’ai eu la plus bête des réactions. Je vous ai terrorisé pour que vous ayez peur de vivre. J’avais peur de vous perdre, et j’ai fini par me perdre. Par perdre ma famille. Tout est de ma faute, Sofian.
L’adolescent se blottit contre son père.
L’hélicoptère s’ébranla.
— Pourquoi on n’avance plus ? s’énerva une femme dans le plâtre, paniquée.
— J’ai bien peur que la force de la tornade soit telle qu’elle nous empêche d’avancer, avoua Adriane avec horreur.
Un vent de panique souleva les patients dans l’habitacle. La femme au plâtre ouvrit la porte à la volée.
— Qu’est-ce que vous faites ?
— Vous êtes folle ?
— Je refuse de me laisser emporter par cette tornade ! cria-t-elle par-dessus le bruit des hélices et de la tempête. Il y a un lac en-dessous de nous. Le poids de mon plâtre me permettra de…
Et son corps fut arraché hors de l’hélicoptère avant de disparaître dans la tornade qui se dressait face à eux.
Norman referma la porte.
— Personne ne sort de cet engin ! ordonna Adriane. C’est notre seule protection pour l’instant !
— Qu’est-ce que tu comptes faire ?
— Arrêter les moteurs. Et prier ; une fois n’est pas coutume.
Adriane releva tous les leviers et le moteur s’éteignit. Les hélices cessèrent de battre le vent. Il se passa un instant de répit pendant lequel Norman prit le visage de son fils entre ses mains.
— Si tu survis, dis à ta sœur…
Mais Sofian ne sut jamais la fin de sa phrase. L’hélicoptère fut secoué si âprement que les personnes debout furent projetées contre le plafond. Une des hélices s’arracha et brisa le pare-brise. Le sang de quelqu’un gicla dans l’habitacle. Un homme hurla à la mort. Le lac s’approchait à toute vitesse d’eux.
L’hélicoptère reçut un nouveau choc. La tôle se plia. Sofian se sentit soufflé hors de l’engin et sentit ses doigts glisser hors de ceux de son père.
Quelque chose de froid l’ensevelit. Le silence s’imposa.

Le vent s’était calmé et la lune avait repris position dans le ciel étoilé de Vermilava. La cité recluse au creux des montagnes, connue pour son climat et son effervescence estivale, n’existant à présent plus que par les souvenirs que ceux y ayant vécu chérissaient. Du centre-ville ne subsistait qu’un amoncèlement de débris en tout genre sur des kilomètres à la ronde.
Le seul véritable objet que l’on pouvait reconnaître, à force de longues minutes de jeu d’esprit, était un amas de métal rouge sang replié sur lui-même, rappelant vaguement la forme d’un hélicoptère militaire, bosselé, sans hélices, planté au sommet d’un monticules de bois et de briques : les restes de la maison de Marielle Razzo, décédée quelques heures plus tôt au centre pokémon de ce qui avait existé sous le nom de Vermilava.

Pokémon #201r
-- Fin de l’Arc I --